Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 19, paragraphe 3, sous b, du traité sur l’Union européenne et 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 février 2010), que dans le dessein de développer la vente de billets et de voyages sur internet, la Société nationale des chemins de fer (la SNCF) a conclu, en septembre 2001, plusieurs accords avec la société de droit américain Expedia Inc. (la société Expédia), spécialisée dans la vente de voyages sur internet, et créé avec elle une filiale commune dénommée la société GL Expedia ; que le site internet Voyages-SNCF.Com, jusqu’alors dédié à l’information, la réservation et la vente de billets de train sur internet, a hébergé l’activité de la société GL Expedia et s’est transformé pour offrir, outre ses prestations initiales, une activité d’agence de voyage en ligne ; qu’en 2004, la filiale commune a changé de dénomination devenant l’Agence de voyages SNCF.com (l’Agence VSC) ; qu’à la suite d’une plainte de sociétés concurrentes, le Conseil de la concurrence (le Conseil), devenu l’Autorité de la concurrence (l’Autorité), a décidé, notamment, que la SNCF et la société Expedia avaient mis en uvre des pratiques d’entente prohibées par les articles L. 420-1 du code de commerce et 81 CE (devenu 101 du TFUE) et leur a infligé des sanctions pécuniaires ;
Attendu que l’article 3-2 du règlement n° 1/2003 énonce que l’application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l’interdiction d’ententes susceptibles d’affecter le commerce entre États membres mais qui n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 du traité (devenu 101 du TFUE) ou qui satisfont aux conditions d’une exemption ;
Attendu que l’article L. 420-1 du code de commerce prohibe, en droit français, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions lorsqu’elles tendent à : 1° Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4° Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ;
Attendu que l’article L. 464-6-1 du même code, reprenant les dispositions de la communication du 22 décembre 2001 de la Commission européenne concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81 § 1, du traité instituant la Communauté européenne (de minimis) (JOCE C 368/13), dispose que l’Autorité de la concurrence peut décider qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure lorsque les pratiques mentionnées à l’article L. 420-1 ne visent pas des contrats passés en application du code des marchés publics et que la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l’accord ou à la pratique en cause ne dépasse pas, soit 10 % sur l’un des marchés affectés par l’accord ou la pratique lorsqu’il s’agit d’un accord ou d’une pratique entre des entreprises ou organismes qui sont des concurrents, existants ou potentiels, sur l’un des marchés en cause, soit 15 % sur l’un des marchés affectés par l’accord ou la pratique lorsqu’il s’agit d’un accord ou d’une pratique entre des entreprises ou organismes qui ne sont pas concurrents existants ou potentiels sur l’un des marchés en cause ;
Attendu que pour rejeter le moyen par lequel la société Expedia soutenait que ces dernières dispositions, ainsi que celles de la communication de minimis devaient être appliquées, le Conseil a relevé que les sociétés Expédia et SNCF étaient concurrentes sur le marché affecté des services en ligne d’agences de voyages de loisirs, qu’elles détenaient plus de 10 % des parts de ce marché et que les dispositions ainsi invoquées ne trouvaient pas à s’appliquer ;
Attendu que la société Expedia a, devant la cour d’appel, reproché au Conseil d’avoir écarté le caractère minime de la pratique d’entente alléguée en surestimant les parts de marché de L’Agence VSC sur le marché affecté ; que la cour d’appel n’a pas répondu directement à ce moyen mais énoncé, d’une part, qu’en tout état de cause, le Conseil a, au regard du libellé de l’article L. 464-6-1 du code de commerce, la possibilité de poursuivre les pratiques mises en uvre par des entreprises dont les parts de marché se trouvent en deçà des seuils fixés par ce texte et par la communication de minimis, d’autre part, que l’article 3.2 du Règlement 1/2003 n’interdit pas aux Autorités nationales de la concurrence de poursuivre des pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 § 1 du Traité et de l’article L. 420-1 du code de commerce, quand bien même les entreprises auteurs de ces pratiques rempliraient les critères susceptibles d’autoriser une exemption de poursuite ;
Attendu que la société Expédia critique cette motivation en faisant valoir, notamment, qu’il résulte de l’article 3.2 du Règlement 1/2003 que l’application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l’interdiction d’ententes susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres mais qui n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101 § 1 du traité ou qui satisfont aux conditions d’une exemption, et qu’en décidant qu’une Autorité nationale de concurrence pouvait librement décider de sanctionner une entente sur le double fondement du droit français et du droit communautaire, sans tenir compte des seuils de sensibilité existants en droit européen, ou encore lorsque les conditions d’une exemption sont réunies, la cour d’appel a violé les articles 101 du TFUE, 3-2 du règlement communautaire n° 1/2003, L. 420-1 et L. 464-4-6-1 du code de commerce ;
Attendu que la communication de la Commission européenne du 22 décembre 2001, dite de minimis rappelle au point 1er que l’article 81 § 1, du traité interdit les accords entre entreprises qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun et que « la Cour de justice des Communautés européennes a établi que cette disposition n’était pas applicable aussi longtemps que l’incidence de l’accord sur les échanges intracommunautaires ou sur la concurrence n’était pas sensible » ; que quantifiant, au moyen de seuils de parts de marché, ce qui ne constitue pas une restriction sensible de la concurrence au sens de l’article 81 § 1, la Commission énonce, au point 4, qu’elle « n’engagera pas de procédure sur demande ou d’office dans les cas qui sont couverts par la présente communication » et que « lorsque des entreprises estiment de bonne foi qu’un accord est couvert par la présente communication, la Commission n’infligera pas d’amende » ; qu’elle énonce au point 7 pour l’application de ce principe, qu’elle considère que les accords entre entreprises qui affectent le commerce entre États membres ne restreignent pas sensiblement la concurrence au sens de l’article 81 § 1, du traité, si la part de marché cumulée détenue par les parties à l’accord ne dépasse 10 % sur aucun des marchés en cause affectés par ledit accord, lorsque l’accord est passé entre des entreprises qui sont des concurrents existants ou potentiels sur l’un quelconque de ces marchés (accords entre concurrents), ou si la part de marché détenue par chacune des parties à l’accord ne dépasse 15 % sur aucun des marchés en cause affectés par l’accord, lorsque l’accord est passé entre des entreprises qui ne sont des concurrents existants ou potentiels sur aucun de ces marchés (accords entre non concurrents) ; qu’elle précise néanmoins, au point 4, que « bien que dépourvue de force contraignante à leur égard, la présente communication entend aussi donner des indications aux juridictions et autorités des États membres pour l’application de l’article 81 du traité » et, au point 6, qu’elle « ne préjuge pas l’interprétation de l’article 81 du traité qui pourrait être donnée par la Cour de justice ou le Tribunal de première instance des Communautés européennes » ;
Attendu que l’énoncé selon lequel la Cour de justice des Communautés européennes a établi que cette disposition n’était pas applicable aussi longtemps que l’incidence de l’accord sur les échanges intracommunautaires ou sur la concurrence n’était pas sensible semble contredit par la jurisprudence de la Cour selon laquelle « il découle du texte même de l’article 81 § 1, CE que les accords entre entreprises sont interdits, indépendamment de tout effet, lorsqu’ils ont un objet anticoncurrentiel » (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 99 ; du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, point 491, du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04 P, Rec. p. I-8725, point 136, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C-407/04 P, Rec. p. I-829, point 84 et TPI 8 juillet 2004, JFE Engineering. corp. et a. c/ Commission, T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, points 380 et 381) ; que cette apparente contradiction introduit une interrogation sur le point de savoir si, en présence de la mise en uvre d’une entente ayant un objet anticoncurrentiel par des entreprises ne dépassant pas les seuils de parts de marché(s) concerné(s) par l’accord, définis au point 7 de la communication, la Commission poursuivrait néanmoins ces entreprises ; que la réponse à cette interrogation est importante en l’espèce, puisque le Conseil de la concurrence a retenu, sans être contesté, que la pratique avait eu un objet anticoncurrentiel ;
Attendu, en outre, que l’affirmation expresse de ce que les accords mis en uvre par des entreprises ne dépassant pas les seuils de parts de marché(s) concerné(s) par l’accord, définis par le point 7, n’ont pas d’effet sensible au sens de l’article 81 § 1, et l’énoncé selon lequel la Commission ne poursuivra pas les entreprises qui concluraient de tels accords, suivis de l’affirmation selon laquelle la Communication est dépourvue de force contraignante à l’égard des juridictions et autorités des États membres pour l’application de l’article 81 du traité et ne préjuge pas l’interprétation de ce texte qui pourrait être donnée par la Cour de justice ou le Tribunal de première instance des Communautés européennes, introduit un doute pour les autorités de concurrence et les juridictions nationales sur le point de savoir si les seuils de part de marché institués par cette communication constituent, ou non, une présomption irréfragable d’absence d’effet sensible sur la concurrence au sens de l’article 81 § 1 ; que ce doute est renforcé par le constat que si la communication énonce, au point 2, que le dépassement des seuils ne signifie pas que la pratique a un effet sensible sur la concurrence elle ne précise nullement, à l’inverse, que des pratiques mises en uvre par des entreprises dont la part du ou des marchés affectés par celles-ci serait inférieure aux seuils définis au point 7, pourraient, dans certains cas d’espèce, produire un effet sensible sur la concurrence au sens de l’article 81 § 1 ; que ce doute est encore accru par le constat que le point 11 de la communication, énonce des cas d’infractions dans lesquels les seuils de part de marché sont indifférents et pour lesquels la communication ne s’applique pas ;
Attendu que la réponse à la question ainsi posée est fondamentale pour permettre aux autorités de concurrence et juridictions nationales de ne pas se trouver en infraction avec l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, précité ;
PAR CES MOTIFS :
RENVOIE à la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de répondre à la question suivante :
L’article 101 § 1, du TFUE et l’article 3-2, du règlement n° 1/2003 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une pratique d’accords, de décisions d’associations d’entreprises, ou de concertation qui est susceptible d’affecter le commerce entre États membres, mais qui n’atteint pas les seuils fixés par la Commission européenne dans sa communication du 22 décembre 2001 concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté européenne (de minimis) (JOCE C 368/13), soit poursuivie et sanctionnée par une Autorité nationale de concurrence sur le double fondement de l’article 101 § 1, du TFUE et du droit national de la concurrence ?
Sursoit à statuer sur le pourvoi jusqu’à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne ;
Dit que le présent dossier sera rappelé à l’audience de formation de section du 13 décembre 2011 ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Expedia Inc.
PREMIER MOYEN DE CASSATION (notification des griefs)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours de la société Expédia contre la décision n° 09-D-06 rendu e le 5 février 2009 par le Conseil de la concurrence et d’avoir, en conséquence, rejeté toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur la régularité de la décision au regard de la notification de griefs, la société Expedia, sanctionnée uniquement au titre d’une entente anticoncurrentielle avec la S.NC.F « reproche au Conseil de s’être fondé sur des griefs non contenus dans la notification de griefs, et de ce fait d’avoir méconnu les garanties fondamentales de la procédure et en particulier le principe de la contradiction; qu’elle estime que cela doit conduire la cour à annuler les articles 2 et 5 de la décision peu important que les pratiques retenues aient été dénoncées au stade du rapport et que les parties s’en soient expliquées à ce stade tardif ; que le respect des principes fondamentaux de la procédure, inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et rappelés à l’article L 463-1 du Code de commerce, impose que la notification des griefs visée par l’article L.463-2 du même code informe précisément les entreprises poursuivies des pratiques reprochées; qu’ainsi elle doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, fussent-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par l’Autorité de concurrence et de se défendre; que le Conseil ne saurait, en l’absence d’une notification de griefs complémentaire, sanctionner une pratique qui n’a pas été visée dans la notification des griefs, même si elle a été dénoncée ensuite dans le rapport et que les parties s’en sont expliquées devant lui; qu’à l’inverse le principe de la contradiction et les droits de la défense sont respectés lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans les notifications de griefs et ne retient que des faits sur lesquels ils ont eu l’occasion de s’expliquer ; qu’en l’espèce, la société Expedia soutient qu’ont été retenues contre elle deux pratiques non contenues dans la notification de griefs, à savoir: 1° l’utilisation du site voyages-sncf.com pour faire profiter L’Agence VSC du passage de la clientèle de la S.N.C.F., 2° le fait même de la mise à disposition de la mar que voyages-sncf.corn et de l’image de marque de la S.N.C.F. y associée; que le grief unique notifié à la société Expedia est résumé au terme d’un document de 75 pages, comme constitutif d’une « entente verticale consistant en un accord de distribution exclusive accordant des avantages au groupe Expedia au détriment de ses concurrents depuis 2001 ; que le corps de la notification de griefs (spécialement pages 54 à 59) apporte des précisions sur la matérialité de l’entente reprochée, d’abord en rappelant les différents accords de partenariat conclus entre les deux entreprises, puis en énumérant certains avantages spécifiques qui en découlent pour la filiale commune au détriment de la concurrence; que ce document évoque ensuite la modification des accords en 2004 pour permettre à la société Expedia de créer un autre site d’agence de voyages en ligne, mais laissant néanmoins subsister les avantages consentis par la S.N.C.F. comme ceux résultant de ce que la filiale de la SNCF, la société GL Ecommerce, a conservé la distribution exclusive des billets de train en ligne pour le compte de la S.N.C.F. et s’est engagée «à réaliser la distribution en ligne au détail des billets de train ( ) pour son compte pour le marché français exclusivement via voyages-sncf.com ( ) tant que les parties demeureront associées »; qu’enfin en page 74 de la notification de griefs il est reproché aux accords conclus entre la S.N.C.F. et la société Expedia de constituer une pratique prohibée par l’article L 420-1 du Code de commerce comme ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel ; qu’il ressort clairement de la lecture de la notification de griefs que le grief d’entente repose sur les contrats conclus entre les sociétés du groupe S.N.C.F. et la société Expedia et que les pratiques spécialement dénoncées font partie de ce cadre contractuel ; qu’il ne peut pas en être fait abstraction pour apprécier si le Conseil s’est fondé sur des éléments non contenus dans la notification de griefs, comme tente de le faire la société Expedia en analysant isolément les uns des autres les avantages critiqués par la notification de griefs ; qu’ainsi sur le premier point, et contrairement à ce qu’affirme la société Expedia, dès la notification de griefs il était bien fait le reproche aux sociétés S.N.C.F. et Expedia de s’être entendues, au travers de leurs accords et des comportements dénoncés, pour faire profiter la société GL Expedia, ensuite dénommée L’Agence VSC, du passage de la clientèle de la SNCF sur le site Internet commun ; qu’en effet, sont bien rappelées les clauses des contrats prévoyant la mise en commun de la base de clientèle de la société VSC au profit des sociétés du groupe Expedia ; que de plus par exemple en page 58 de la notification de griefs il est soutenu qu’ il y a bien eu une politique commune d’envoi d’une newsletter sans distinction des produits ferroviaires ou non, et utilisation par la société GL Expedia du fichier clients de la SNCF ce qui a conféré au groupe Expedia un avantage par rapport à ses concurrents »; que les news Ietters communes, la mise à disposition de la société GL Expedia de la base de clientèle de la société VSC, l’engagement maintenu de la société GL E-COMMERCE de passer exclusivement par le site « voyages-sncf. com » pour ses ventes directes au détail des billets de trains, ne sont que différentes composantes du même avantage découlant de la réunion sur le même site des activités de la société VSC et de la filiale commune ; que s’agissant du second point relatif à la mise à disposition de la marque voyages-sncf.com et de l’image de marque de la S.N.C.F. y associée, peu importe que le Conseil de la concurrence, à la suite du rapporteur, ait retenu au titre des pratiques reprochées la mise à disposition et non plus sa gratuité, puisque ce faisant le Conseil n’ a pas reproché aux deux sociétés en cause des infractions nouvelles, et n’a pas retenu des faits autres que ceux sur lesquels elles se sont expliquées ; que la formulation des pratiques considérées comme anticoncurrentielles figurant dans la décision du Conseil de la concurrence d’une façon légèrement différente de celle de la notification de griefs est le résultat du débat contradictoire ouvert par celle-ci ; que cette formulation n’a pas modifié le champ des pratiques dénoncées par la notification de griefs et ne constitue pas une nouvelle accusation dans la mesure où elle s’appuie sur des stipulations contractuelles et des comportements déjà visés ; que par conséquent l’atteinte aux droits de la défense alléguée n’est pas établie ; que la demande d’annulation de la décision du Conseil de ce chef est mal fondée ;
1°) ALORS QUE toute entreprise mise en cause devant le Conseil de la concurrence doit être informée, dans le plus court délai et d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle afin qu’elle puisse se défendre utilement ; qu’une notification des griefs constitue un acte juridique d’une telle importance qu’elle doit répondre à des conditions de forme et de fond propres à garantir l’exercice effectif des droits de l’accusée ; que l’Autorité de la concurrence ne peut donc se fonder que sur les faits et les qualifications précisément analysés par une notification des griefs initiale ou complémentaire : qu’en refusant d’annuler la décision déférée après avoir admis que contrairement à la notification des griefs, le Conseil de la concurrence n’avait pas reproché à la société Expédia la gratuité de la mise à disposition de la marque voyage-sncf.com et de l’image de marque de la SNCF puisqu’il a reconnu au contraire que cette mise à disposition n’avait pas été gratuite, mais la mise à disposition elle-même de cette marque ou encore que la formulation des pratiques considérées comme anticoncurrentielles par le Conseil de la concurrence et reprochées à la société Expédia, était effectivement « légèrement différente » de celle de la notification des griefs, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article L 463-2 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE toute personne mise en cause devant le Conseil de la concurrence doit être informée d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle afin qu’elle puisse se défendre utilement ; qu’ainsi une autorité de concurrence ne respecte pas les droits de la défense d’une entreprise lorsqu’elle retient, à son encontre un grief fondé sur des éléments de fait, qui même s’ils étaient mentionnés à divers points de sa communication des griefs, étaient, pris dans leur ensemble, insuffisamment précis quant à leur portée et leur qualification, pour permettre à l’intéressée d’apprécier par avance la teneur exacte du grief retenu ; qu’en considérant que les droits de la défense avaient été respectés dans la mesure où le reproche fait par le Conseil de la concurrence à la société Expédia de s’être entendue avec la SNCF aux travers de leurs accords et des comportements dénoncés pour faire profiter l’agence VSC du passage de la clientèle de la SNCF sur le site internet commun était inclus dans le grief unique d’entente verticale résumé en 75 pages et reposait sur les contrats et des éléments de fait épars contenus dans la notification des griefs, la cour d’appel a violé l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article L 463-2 du Code de commerce ;
3°) ALORS QUE l’Autorité de la concurrence ne peut pas retenir des qualifications juridiques différentes de celles visées par une notification des griefs initiale ou complémentaire ; qu’en considérant que le Conseil de la concurrence avait pu valablement décider qu’il est établi que la SNCF et la société Expédia Inc ont enfreint les dispositions de l’article L 420-1 du Code de commerce et de l’article 81 du traité CE, après avoir constaté que la notification des griefs reprochait « aux accords conclus entre le SNCF et la société Expédia de constituer une pratique prohibée par l’article L 420-1 du Code de commerce comme ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel », ce dont il résultait que l’article 81 du traité CE qui n’avait pas été visé par la notification des griefs ne pouvait pas justifier la condamnation prononcée, la cour d’appel a violé de plus fort l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article L 463-2 du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (seuil de sensibilité en droit français et en droit communautaire)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours de la société Expédia contre la décision n° 09-D-06 rendu e le 5 février 2009 par le Conseil de la concurrence et d’avoir, en conséquence rejeté toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande d’annulation fondée sur le caractère minime des conséquences des pratiques reprochées, la société Expedia reproche ensuite au Conseil de la concurrence d’avoir écarté le caractère minime de la pratique d’entente alléguée, et cela au prix d’une surestimation des parts de marché de L’Agence VSC sur le marché des services d’agences de voyages de loisirs; que selon elle le Conseil n’aurait pas dû retenir la part de marché réalisée au moyen de l’ensemble du site « voyages-sncf.com », mais distinguer la part de chacun des deux opérateurs y intervenant d’une part la société VSC avec la vente de billets S.N.CF, (80% du volume d’affaires réalisé par le biais du site) et d’autre part L’Agence VSC qui seule offre des prestations d’agence de voyages; qu’elle demande à la Cour de constater que le Conseil a méconnu les dispositions de l’article L 464-5 §1 et de .l’article L 464-6-1 du Code de commerce et qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre ; qu’elle sollicite, en conséquence, l’annulation de la sanction ; que pour répondre à l’Autorité de la concurrence qui invoque le caractère facultatif de l’option de ne pas poursuivre les pratiques mineures, la société Expedia ajoute dans son mémoire en réplique que le Conseil de la concurrence qui a appliqué en l’espèce l’article 81 du Traité CE, devait nécessairement en vertu du Règlement 1/2003 appliquer la règle de minimis dès lors que les seuils visés dans la Communication de la Commission européenne du 22 décembre 2001 concernant les accords d’importance mineure identiques à ceux de l’article L 464-6-1, n’étaient pas atteints ; qu’elle soutient que « en deçà de ces seuils, les accords critiqués ne pouvaient pas en vertu de la Communication de minimis avoir pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 8.l.§l du Traité, en l’absence de restriction sensible de la concurrence et que l’application du droit français ne pouvait dès lors pas entraîner l’interdiction de tels accords (mémoire en réplique page 3) ; que l’article L 464-6-1 du code l de commerce en vigueur au jour de la Décision critiquée disposait: « Le Conseil de concurrence peut également décider … qu’il n’y a pas de poursuivre la procédure lorsque les pratiques mentionnées à l’article L.420-1 ne visent pas des contrats passés en application du code des marchés publics et que la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l’accord ou à la pratique en cause ne dépasse pas 10% sur l’un des marchés affectés par l’accord ou la pratique lorsqu’il s’agit d’un accord ou d’une pratique entre des entreprises ou des organismes qui sont des concurrents, existants ou potentiels, sur l’un des marchés en cause …. « ; que l’emploi du verbe « peut » montre que la décision de ne pas poursuivre prise en application de l’article L.464-6-1 du Code de commerce, lorsque la part de marché cumulée détenue par les entreprises partie à l’accord ne dépasse pas un certain seuil, n’est qu’une faculté pour l’Autorité de la concurrence, et auparavant le Conseil de la concurrence, qui peut décider de poursuivre même si les critères permettant une exemption sont réunis ; que cet article L.464-6-1 a introduit dans le Code de commerce les mêmes seuils et critères que ceux figurant à l’article 7 de la Communication du 22 décembre 2001 précitée et à défaut desquels la Commission « considère que les accords entre entreprises qui affectent le commerce entre Etatsmembres ne restreignent pas sensiblement la concurrence au sens de l’article 81 §1 du Traité » ; que la Commission s’est engagée à ne pas poursuivre de tels accords, tout en précisant que sa communication « est dépourvue de force contraignante à l’égard des juridictions et autorités des Etats-membres » (article 4), lesquels demeurent donc libres de poursuivre même des pratiques se situant en deçà des seuils figurant dans la communication ; Considérant que, contrairement à ce que tente de faire croire la société Expedia, si l’article 3.2 du Règlement 112003 dispose que « L’application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l’interdiction d’accords …. qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats-membres mais qui n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 § 1 du traité », cela n’interdit pas aux autorités nationales de la concurrence de poursuivre des pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81 § 1 du Traité et de L.420-1 du Code de commerce, quand bien même les entreprises auteurs de ces pratiques rempliraient les critères susceptibles d’autoriser une exemption de poursuite en application de l’article L.464-6-1 du Code de commerce ; qu’en l’espèce le Conseil de la concurrence était donc libre de poursuivre des pratiques reprochées à deux opérateurs puissants et ayant perduré plusieurs années, sans avoir à se justifier par rapport aux parts de marchés détenues par les entreprises parties à l’accord ; que par conséquent et sans qu’il y ait lieu de rechercher comment doit être calculée la part de marché à prendre en considération, le moyen de nullité tiré de la non application de la règle de minimis doit être rejeté ;
1°) ALORS QUE les garanties constitutionnelles de légalité des délits et des peines, d’égalité devant la loi et la justice, de liberté contractuelle et de liberté d’entreprendre s’opposent à ce que les auteurs de deux infractions identiques de faible importance répondant aux mêmes critères légaux, puissent tantôt être condamnés, tantôt bénéficier d’une exonération totale de responsabilité sans que le juge ait à en justifier ; qu’ainsi, l’article L 464-6-1 du Code de commerce conférant, dans sa version ancienne comme dans sa rédaction actuelle à l’Autorité de la concurrence le pouvoir discrétionnaire de réprimer une entente d’importance mineure ou au contraire de faire bénéficier ses auteurs du seuil de sensibilité prévu par ce texte en dessous duquel la pratique anticoncurrentielle n’est pas caractérisée, est contraire aux articles 34 de la Constitution 4, 6 et 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, l’arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard des textes susvisés ;
2°) ALORS QUE même en l’absence de disposition imposant formellement un seuil de sensibilité pour l’application de l’article L 420-1 du Code de commerce, il appartient aux juridictions saisies de vérifier, dans chaque cas d’espèce, si l’effet potentiel ou avéré des pratiques incriminées est de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné ; qu’en décidant au contraire que l’Autorité de la concurrence peut poursuivre toute entente sans avoir à tenir compte d’un seuil de sensibilité en dessous duquel la pratique anticoncurrentielle n’est pourtant jamais établie, la cour d’appel a violé les articles L 420-1 et L 464-6-1 du Code de commerce :
3°) ALORS QUE les dispositions de l’article L 420-1 du Code de commerce doivent être interprétées en se référant à l’interprétation donnée en droit communautaire à l’article 101 du traité ce qui exclut toute interdiction d’un accord n’ayant qu’une portée limitée dans le marché pertinent considéré et ne pouvant porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence ; qu’en considérant au contraire que l’Autorité française de la concurrence n’était pas liée par la définition communautaire du seuil de sensibilité, reprise en droit français à l’article L 464-6-1 du Code de commerce, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
4°) ALORS QUE l’application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîne