Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 juillet 2018, 15-15.557, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 juillet 2018, 15-15.557, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le troisième moyen, pris en sa huitième branche :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2015), que M. F… contrôle et gère une société de bourse, F… & Co. Inc., et une société de gestion, F… Management Co. Inc. ; qu’à la suite d’une enquête, suivie d’une notification de griefs, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a, par décision du 25 juillet 2013, prononcé une sanction pécuniaire contre M. F… pour avoir, entre le 4 juin 2010 et le 24 août 2010, utilisé une information privilégiée relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par la société Electricité et eaux de Madagascar (la société EEM), de cinq hôtels situés au Vietnam, au groupe Thien Minh , en ayant acquis, directement ou indirectement, par l’intermédiaire des sociétés qu’il contrôle et pour son compte personnel, 118 604 actions de la société EEM ;

Attendu que M. F… fait grief à l’arrêt de rejeter son recours formé contre cette décision alors, selon le moyen, que les dispositions de droit interne transposant une directive doivent s’interpréter au regard des termes de cette directive, tels qu’ils sont eux-mêmes interprétés par les juridictions communautaires ; que l’article 1er de la directive 2003/124/CE de la commission, en date du 22 décembre 2003, portant modalités d’application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché, dont l’article 621-1 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers assure la transposition en droit interne, stipule qu’une information est réputée « à caractère précis » si elle fait mention d’un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu’il existera ou d’un évènement qui s’est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu’il se produira et si elle est suffisamment précise pour que l’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet évènement sur les cours des investissements financiers concernés ou d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés ; que la cour d’appel a, d’une part, considéré qu’à la date du 26 mai 2010, l’acheteur et le vendeur avaient convenu de se rencontrer afin de reprendre la négociation sur la base d’un prix supérieur à 40 millions de dollars, et, d’autre part, constaté que le groupe vietnamien avait déposé une demande de financement auprès de l’IFC, ainsi que cela ressortait des communiqués publiés par ce dernier le 12 mai 2010 ; qu’en retenant cependant qu’il existait, à la date du 26 mai 2010, une information précise, partant privilégiée, relative à « la conclusion prochaine d’un accord de cession de ces cinq hôtels (les hôtels de la chaîne Victoria) à un prix supérieur à la valeur nette comptable », quand les éléments ainsi relevés permettaient seulement d’envisager raisonnablement la reprise des négociations, la cour d’appel n’a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l’article 621-1 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, ensemble et par fausse application l’article L 621-15 du code monétaire et financier ;

Mais attendu que l’arrêt retient qu’à partir du 26 mai 2010 au plus tard, soit avant même l’arrivée effective à Paris, le 4 juin 2010, du représentant du groupe Thien Minh , la volonté d’acquisition manifestée par ce dernier paraissait suffisamment déterminée pour que la probabilité d’une conclusion prochaine, par la société EEM, de la vente de ses cinq hôtels vietnamiens pour un prix supérieur à 40 millions de dollars soit devenue très forte, malgré les aléas qui subsistaient encore ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel a pu déduire que la cession de ces hôtels était un événement susceptible de se produire, le projet, suffisamment défini, ayant des chances raisonnables d’aboutir ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier, deuxième et troisième moyens, ce dernier pris en ses première à septième branches, ni sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. F… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à l’Autorité des marchés financiers ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. F…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours formé par M. F… contre la décision de la commission des sanctions ayant prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d’un montant de 1 300 000 euros,

AUX MOTIFS QU’ en application de l’article L 621-15 III du code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, les sanctions applicables sont « c) pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L 621-9, auteur des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés » ;

1 – ALORS QUE par décision rendue le 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la Constitution les mots « s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou », figurant aux c) et d) du paragraphe II de l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, ainsi que les dispositions de l’article L 465-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie ; que les dispositions figurant aux c) et d) du paragraphe II de l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010, applicable aux faits de l’espèce, sont identiques à celles du même texte, dans sa version issue de la loi du 4 août 2008, déclarées inconstitutionnelles ; qu’il résulte dès lors de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 mars 2015 que ces dispositions de l’article L 621-15 du code monétaire et financier, telles qu’issues de l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010, sont elles-mêmes contraires à la Constitution, partant que l’arrêt ayant rejeté les recours formés à l’encontre de la décision de sanction prononcée sur leur fondement est dépourvu de toute base légale ;

2 – ALORS, en tout état de cause, QU’aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les dispositions de l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 et de l’article L 465-1 du même code, en ce qu’elles n’excluent pas le cumul, pour les mêmes faits, de poursuites devant la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers et devant le juge judiciaire, sont contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et, notamment, au principe de nécessité des délits et des peines ; que la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, par le Conseil constitutionnel, à venir en application de l’article 61-1 de la Constitution entraînera, par voie de conséquence, l’annulation de l’arrêt attaqué ;

3 – ALORS QUE nul ne peut encourir une double poursuite pénale pour des fait qui sont identiques ou qui sont en substance les mêmes ; que l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, prévoit la poursuite et la sanction, de nature pénale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, par l’Autorité des marchés financiers, de l’utilisation et de la transmission d’une information privilégiée quand ces mêmes faits peuvent également, aux termes de l’article L 465-1 du même code, être poursuivis et sanctionnés pénalement par les autorités judiciaires ; qu’en rejetant néanmoins le recours en annulation formé par les personnes à l’encontre desquelles une sanction a été prononcée par l’Autorité des marchés financiers, la cour d’appel a encore violé l’article 4 du Protocole n°7 à la Convention européenne des droits de l’homme et le principe ne bis in idem qu’il garantit ;

4 – ALORS QUE nul ne peut encourir une double poursuite pénale pour des fait qui sont identiques ou qui sont en substance les mêmes ; que l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, prévoit la poursuite et la sanction, de nature pénale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, par l’Autorité des marchés financiers, de l’utilisation et de la transmission d’une information privilégiée quand ces mêmes faits peuvent également, aux termes de l’article L 465-1 du même code, être poursuivis et sanctionnés pénalement par les autorités judiciaires ; qu’en rejetant néanmoins le recours en annulation formé par les personnes à l’encontre desquelles une sanction a été prononcée par l’Autorité des marchés financiers, la cour d’appel a également violé l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours formé par M. F… contre la décision de la commission des sanctions ayant prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d’un montant de 1 300 000 euros,

AUX MOTIFS QUE en ce qui concerne le caractère privilégié de l’information et la date, selon les notifications de griefs, l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam à un prix supérieur à leur valeur nette comptable, aurait revêtu les caractères d’une information privilégiée « au plus tard le 4 juin 2010 », puisqu’elle aurait été :

– « précise, car après une période d’interruption des négociations d’un mois, le groupe Thien Minh a, mi-mai 2010, proposé à EEM la reprise des négociations sur la base d’une nouvelle offre réévaluée et donc susceptible d’être acceptée par EEM. En effet le 4 juin 2010, le représentant de Thien Minh a rencontré à Paris les dirigeants EEM pour leur faire une nouvelle offre d’achat de cinq hôtels vietnamiens pour un montant de 45 millions de dollars (soit près de 35 millions d’euros) et il était possible de tirer de ces informations une conclusion sur l’évolution à la hausse du cours du titre EEM ;

– non publique car c’est le 24 août 2010 à 16h56 qu’a été diffusé le communiqué de presse EEM annonçant au public la cession des cinq hôtels vietnamiens. Aucun article paru dans la presse écrite ou sur un quelconque site internet n’a fait mention avant cette date et de façon suffisamment précise de la reprise de cette négociation et de son évolution favorable. Le caractère confidentiel de cette information n’a pas été altéré par une quelconque diffusion dans la presse écrite ni par la parution, sur le site internet d’International Finance Corporation, de deux articles insuffisamment précis et, en tout état de cause, peu aisément accessibles ;

– susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours de l’action EEM puisque les hôtels représentaient, au 31 décembre 2009, 20 % des immobilisations nettes EEM avec une valeur nette comptable de 16,13 M euros à l’actif dans les comptes sociaux EEM et 13,7 % des capitaux investis du groupe et a contribué à hauteur de 1,8 million d’euros au résultat net du groupe. A cet égard, le 25 août 2010, le cours du titre a réagi très positivement à l’annonce de la cession des hôtels vietnamiens en progressant en séance de 15 % (16 euros) par rapport au dernier cours de la veille (13,89 euros) » ;

que M. Guy F… conteste également la qualification de l’information privilégiée retenue par la commission des sanctions qui, en dénaturant la définition même d’une telle information faute de démonstration de l’existence d’une offre chiffrée, a retenu à tort la date du 26 mai 2010, alors qu’à cette date le prix de vente des hôtels n’était pas connu ; qu’il soutient qu’en l’absence d’éléments du dossier propres à corroborer les accusations de M. A… et de M. B… en ce qui concerne la transmission de l’information privilégiée, la commission des sanctions devait retenir le caractère privilégié de l’information lors de la rencontre de New York le 26 mai 2010 alors, qu’à cette date, ni les modalités, ni le prix de cession au groupe Thien Minh , par EEM, des cinq hôtels situés au Vietnam n’avaient été arrêtés entre les parties et, qu’à cette fin, la commission des sanctions s’est fondée sur des conjectures non étayées et, en particulier, sur le fait :

– que rien n’empêchait M. Frédéric B… de fixer la réunion depuis New York et donc postérieurement au 26 mai 2010,

– que, quand bien même la réunion aurait été fixée avant cette date, cette circonstance ne préjugeait en rien des intentions du groupe Thien Minh ni ne permettait de conclure que les négociations allaient reprendre sur la base d’un prix réévalué, supérieur à la valeur nette comptable des hôtels,

– que, ni M. A…, ni M. B…, n’ont d’ailleurs déclaré avoir fourni la moindre information à M. F… lors de leur voyage à New York s’agissant d’une offre de prix pour les hôtels vietnamiens de EEM et pour cause, ce prix n’étant pas connu à cette date,

– qu’en tout état de cause, la simple programmation d’une réunion, même faite avant la rencontre à New York, ne permettait pas de supposer que les négociations avec Thien Minh allaient reprendre sur la base d’une offre propre à satisfaire EEM et encore moins que celles-ci allaient aboutir ou même avaient des chances raisonnables d’aboutir dans un contexte marqué, dans le passé, par l’échec d’une série des négociations et, plus récemment, selon les déclarations de M. C… lui même, par une interruption des discussions avant le 4 juin 2010 ;

Qu’il affirme que l’information n’est devenue privilégiée, au plus tôt, que le 6 août 2010, date de signature de l’offre de prix, dès lors :

– que le projet de cession des hôtels Vitoria et les pourparlers avec le groupe Thien Minh étaient des informations publiques à la date du 12 mai 2010, ainsi que l’attestent notamment les articles parus sur le site Internet de l’IFC,

– que le projet de cession des hôtels Victoria à Thien Minh n’est devenu suffisamment défini pour avoir des chances raisonnables d’aboutir que le 6 août 2010 et, qu’avant cette date, les parties conduisaient seulement, comme par le passé, des négociations ainsi que l’attestent, en tant que de besoin, l’absence de lettre d’intention de Thien Minh pour un prix réévalué ainsi que l’absence de protocole d’accord ou de preuve d’une offre, même orale,

– que si une réunion s’est tenue le 4 juin 2010, rien ne permet d’établir, en l’absence de document ou de correspondance, qu’une offre de prix a alors été faite par Thien Minh ;

Que, cependant, c’est par des motifs pertinents, que la cour fait siens, que la commission des sanctions a constaté que l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord de cession, par EEM, de cinq hôtels situés au Vietnam au groupe Thien Minh revêtait, au moins à partir du 26 mai 2010, et jusqu’à la date du 24 août 2010 où elle a été rendue publique, les caractéristiques d’une information privilégiée ; Considérant qu’alors qu’il a été rappelé qu’est précise, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, une information qui fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou est susceptible de se produire et dont il est possible de tirer une conclusion quant à l’effet qui peut en résulter sur le cours de l’instrument financier concerné, tel peut être le cas de l’information sur un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir, même s’il existe des aléas quant à la réalisation effective de ce projet ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent M. Guy F… et M. Frédéric B…, le critère de précision ne requiert nullement que les modalités définitives du projet en cause en l’espèce aient été arrêtées, ni même que le prix ait été fixé pas plus que la signature de document écrit ; que, dans ce cadre ainsi défini, c’est par des appréciations pertinentes que la commission des sanctions a retenu que l’information en cause était, dès le 26 mai 2010, « précise », au sens du deuxième alinéa de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ; qu’en effet, la chronologie des négociations reconstituée par la commission des sanctions à partir des éléments fournis le 18 janvier 2011 par EEM (cotes D1319 à D1323) et de l’historique établi par M. Frédéric B…, lui-même personnellement en charge de ces négociations (cote D1321 et suivantes), ainsi que les éléments relatifs au prix suffisent à établir que, contrairement à ce qui est soutenu, le projet de procéder à la cession de la sous-holding EEM Victoria (HK) Ltd possédant les actifs hôteliers vietnamiens EEM n’était pas simplement hypothétique et que les négociations n’étaient pas restées incertaines jusqu’en janvier 2011 ;que la Décision a, en effet, exactement constaté qu’il ressortait du dossier qu’alors que ce projet a été arrêté au cours de l’été 2009, que le groupe Thien Minh s’est déclaré intéressé en septembre 2009 et a signé, le 12 octobre 2009, une lettre d’intention aux termes de laquelle il se proposait d’acquérir les cinq hôtels vietnamiens pour un prix global de 40 millions de dollars et que des travaux de due diligences, comprenant l’organisation d’une data room au Vietnam, ont été conduits entre novembre 2009 et janvier 2010 ; qu’à la fin du mois de février 2010, le vendeur a indiqué à l’acheteur que l’exclusivité qui lui avait été consentie depuis le 12 octobre 2009 avait pris fin ; qu’après un mois et demi de silence, le groupe Thien Minh a demandé à EEM, le 14 avril 2010, de procéder à la clôture de la transaction et que, le vendeur ayant indiqué que les négociations étaient rompues, un échange de correspondances a eu lieu pendant un peu moins d’un mois, chacun restant sur sa position ; qu’entre mi-mai et la fin du mois, le groupe Thien Minh a demandé à rouvrir les négociations sans qu’il y ait lieu de procéder à d’autres diligences, ce qu’ EEM a accepté, à la condition de revoir à la hausse les bases financières, la valorisation des hôtels s’étant accrue du fait de l’amélioration de leur rentabilité ; que les deux parties ont alors convenu de se rencontrer, ce qui a été le cas le 4 juin 2010, date à laquelle un représentant du groupe Thien Minh s’est rendu à Paris et y a rencontré les dirigeants EEM, auxquels il a indiqué être prêt à porter à 45 millions de dollars son offre initiale d’acquisition de 100% des titres EEM Victoria (HK) Ltd ; que la commission des sanctions était fondée à tirer des éléments qui précèdent les conclusions suivantes et, en particulier, qu’au cours de la deuxième quinzaine de mai 2010 :

– le groupe Thien Minh a pris l’initiative, sans manifester aucune exigence complémentaire, de reprendre les négociations,

– qu’en ce qui concerne le prix, EEM a subordonné son acceptation à la fixation d’un prix supérieur aux 40 millions de dollars initialement proposés par l’acquéreur,

– que l’acheteur et le vendeur ont convenu de se rencontrer afin de reprendre la négociation sur ces bases ;

que la commission a relevé par ailleurs d’autres éléments venant conforter son analyse sur la détermination de l’acquéreur :

– en particulier, que M. Frédéric B… avait prévu de se déplacer à New-York du 26 mai au 3 juin 2010 et que son retour à Paris était donc initialement fixé la veille de la rencontre qui a eu lieu, le 4 juin 2010, avec le représentant du groupe Thien Minh , constatation dont elle était fondée à déduire que la date de la venue, dans les bureaux EEM, de ce représentant a été fixée, au plus tard, le 26 mai 2010 ;

– que le 12 mai 2010, l’une des cinq institutions de la Banque Mondiale, la Société Financière Internationale (International Finance Corporation, ci-après :

« IFC »), spécialisée dans le financement de prêts et services de conseil destinés à stimuler l’investissement privé dans les pays en développement, a fait état, dans deux articles publiés sur son site Internet, de « son projet d’apporter un soutien au groupe Thien Minh pour le développement de ses activités au Vietnam au travers de la potentielle acquisition des actifs d’un groupe hôtelier étranger » ; qu’ainsi, IFC avait été saisie d’une demande de financement par le groupe Thien Minh ;

que la commission des sanctions a exactement déduit de la réunion de ces éléments objectifs et concordants que l’information était, dès le 26 mai 2010, « précise », au sens du deuxième alinéa de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dès lors :

– qu’à partir du 26 mai 2010 au plus tard, soit avant même l’arrivée effective à Paris, le 4 juin 2010, du représentant du groupe Thien Minh , la volonté d’acquisition manifestée par ce dernier paraissait suffisamment déterminée pour que la probabilité d’une conclusion prochaine, par EEM, de la vente de ses cinq hôtels vietnamiens pour un prix supérieur à 40 millions de dollars soit devenue très forte, malgré les aléas qui subsistaient encore ;

– que la cession de ces hôtels était donc un événement susceptible de se produire, le projet, suffisamment défini, ayant des chances raisonnables d’aboutir ;

– que l’accord probable entre les deux parties sur la vente d’hôtels qui représentaient 20 % des immobilisations nettes EEM et contribuaient, à hauteur de 1,8 million d’euros, au résultat du groupe permettait d’anticiper une cession dont il était possible de tirer une conclusion sur le cours des instruments financiers EEM ;

(

) ;

Que, sur le caractère non public de l’information, il est rappelé que c’est le 24 août 2010 à 16h56 que EEM a publié un communiqué au terme duquel elle informait, en ces termes le marché de l’aboutissement des négociations et de la conclusion d’un accord de cession portant sur 100 % de la société EEM Victoria Limited, avec la société Thien Minh ;(

) ;

qu’il est vrai que, ainsi que cela vient d’être rappelé pour caractériser la détermination de l’acquéreur qui avait saisi l’IFC d’une demande de financement, cette institution a, en effet, fait état, le 12 mai 2010, dans deux articles publiés sur son site Internet, de « son projet d’apporter un soutien au groupe Thien Minh pour le développement de ses activités au Vietnam au travers de la potentielle acquisition des actifs d’un groupe hôtelier étranger » ;

que, cependant, la Décision retient à juste titre que le premier article avait essentiellement pour objet, après avoir présenté l’opération de manière allusive, d’en examiner le coût et l’impact sur la région, tandis que le second était plus particulièrement consacré à ses conséquences sur l’emploi et l’environnement ; que n’y étaient indiqués, ni l’identité de la société cédante, ni le prix et les modalités de la cession envisagée (parts d’une société), ni l’état d’avancement des négociations, ni leurs chances d’aboutir ; qu’il était d’ailleurs ajouté que rien ne permettait de présumer de ce que serait la décision du Conseil de l’IFC appelé à se prononcer sur le financement envisagé ; qu’enfin, cette communication était essentiellement destinée au public du lieu où se trouvait le groupe Thien Minh ; que la commission a exactement déduit de ces éléments que, contrairement à ce qui est soutenu, ces articles ne peuvent avoir eu pour effet de rendre publique, au sens du deuxième alinéa de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, l’information sur le projet de vente EEM, dès lors que les articles ne donnaient aucune indication sur les conditions de la vente et sur l’identité, la nationalité ou le siège de la société cédante ; que le moyen sera écarté ;

que, sur les griefs d’utilisation et de transmission de l’information privilégiée reproches, respectivement à M. Guy F…, ainsi qu’à MM. Frédéric B… et Marc A…, il est reproché :

– à MM. Frédéric B… et Marc A… d’avoir transmis l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord concernant la cession des hôtels vietnamiens EEM au groupe Thien Minh à M. Guy F…,

– à M. Guy F… d’avoir, entre le 4 juin 2010 et le 23 août 2010, utilisé l’information privilégiée en acquérant, directement ou indirectement, 118 604 actions EEM ;

que les notifications de griefs relèvent, à l’encontre de M. Guy F… :

. la chronologie de ses interventions, commencées de façon soudaine et dans des proportions significatives le 28 mai 2010, à la suite de contacts professionnels et personnels avec MM. Marc A… et Frédéric B…, à l’occasion desquels ceux-ci lui auraient transmis l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord concernant la cession des hôtels vietnamiens EEM au groupe Thien Minh ,

. le volume de ses interventions, qui auraient représenté 32,5 % du volume des transactions négociées sur le titre EEM à Euronext Paris entre le 4 juin et le 24 août 2010,

. l’absence de pertinence des raisons invoquées pour expliquer ces interventions,

. l’impossibilité que le professionnel averti, habitué à intervenir sur des titres de sociétés présentant un fort potentiel de valorisation, qu’est M. Guy F… ait pu ignorer que la conclusion prochaine d’un accord de cession de la branche hôtelière EEM, non encore publique, constituait une information privilégiée ;

et à l’encontre de MM. Frédéric B… et Marc A… :

. le mandat donné par le premier au second de trouver un investisseur lui permettant de financer le rachat des part dans EEM de son associé, M. François C…,

. leur déplacement à New-York entre le 26 et le 30 mai 2010, alors que M. Guy F… s’y trouvait,

. leur réunion du 27 mai 2010 avec M. Guy F…, au cours de laquelle ils auraient donné à ce dernier l’information relative à la conclusion prochaine d’un accord concernant la cession des hôtels vietnamiens EEM au groupe Thien Minh ;

Qu’en ce qui concerne le manquement d’utilisation de l’information privilégiée reproché à M. Guy F…,

il est rappelé, à ce stade, que M. Guy F… a, du 28 mai 2010 au 24 août 2010, acquis 122 553 actions EEM ; qu’entre le 25 et le 30 août 2010, il a acheté 203 169 actions supplémentaires ; que, pour la période du 4 au 24 juin 2010, les opérations de M. Guy F… ont représenté plus de 50 % de celles constatées sur le titre EEM ; qu’au soutien de son recours, M. Guy F… conteste le manquement retenu à son encontre par la commission des sanctions en faisant valoir :

– que les déclarations de MM. Frédéric B… et Marc A… ne peuvent constituer des indices graves, précis et crédibles permettant de caractériser le manquement poursuivi, dès lors qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une querelle violente entre actionnaires et qu’à tout le moins elles devaient être corroborées par d’autres éléments matériels, ce qui, contrairement à ce qu’énonce la Décision, n’a pas été le cas ;

– que les raisons avancées pour justifier l’opération d’investissement sont, à rebours de ce qu’a estimé la commission des sanctions, parfaitement cohérentes et corroborées par les éléments du dossier, dès lors :

. que l’opération d’investissement en cause était conforme à ses habitudes d’investissement depuis 45 ans ;

. que, comme avant chaque opération de ce type, ses collaborateurs ont procédé à une analyse approfondie des éléments financiers disponibles et à des calculs d’hypothèses de vente des actifs de EEM ;

. que l’opération d’investissement massive et durable en cause est incohérente avec un profil d’initié ;

. que ses explications, tirées de la nécessité d’obtenir un certain délai pour analyser en détail la situation et obtenir le soutien de M. Frédéric B… pour l’opération, sont rationnelles ;

– que la concomitance entre le début de l’opération d’investissement et sa rencontre avec M. Marc A… ne peut être analysée comme un indice de détention de l’information privilégiée, dès lors que sa décision restait subordonnée à la confirmation par M. Marc A…, essentielle à ses yeux, du soutien de Frédéric B… dans ses projets d’investissements dans EEM ;

que le requérant fait enfin valoir que la chronologie des achats de titres EEM par sa société ainsi que les volumes en cause sont totalement indépendants des avancées des négociations pour la cession des hôtels Victoria ; que M. F… soutient, qu’à l’inverse, le volume et la chronologie des achats démontrent qu’ils étaient nécessairement effectués par une personne qui n’était pas tenue informée des négociations et qui n’a découvert la cession que le jour où l’information est devenue effectivement publique, comme n’importe quel autre investisseur, en précisant ainsi que le plus gros volume des ordres d’achat a été passé après l’annonce au public de la vente des hôtels ; que M. Guy F… précise que le fait que, pendant la période précédant cette annonce publique, ses ordres d’achat ont, en effet représenté une part importante des volumes des transactions sur le marché EEM, s’explique, dans un contexte caractérisé par la faible liquidité du marché du titre, par sa stratégie de montée au capital de cette société qui se traduisait nécessairement par une part significative des achats sur la période qu’il s’était fixé ;

que, sur la nature des relations ayant existé entre M. Guy F… et M. Frédéric B…, avant d’examiner les griefs reprochés à M. F… concernant le manquement d’utilisation de l’information privilégiée, la commission a utilement rappelé :

– qu’à la suite des acquisitions effectuées du 28 mai au 30 août 2010, M. Guy F… et le groupe F… détenaient ensemble 325 722 actions EEM, représentant 10,02 % du capital et 9,56 % des droits de vote ;

– qu’au cours de l’assemblée générale du 24 juin 2011, M. Guy F…, qui a été nommé membre du conseil d’administration, s’est abstenu de voter en faveur de M. Frédéric B… dont le mandat n’a, de ce fait, pas été renouvelé ;

– qu’à partir de cette date, M. Marc A…, ayant ainsi que son ami le sentiment d’avoir été « trahis », ont manifesté, à l’égard de M. Guy F…, une hostilité que les propos tenus lors de la séance de la commission par le premier et par le conseil du second ont largement confirmée ;

qu’au regard de ces circonstances particulières, la Décision de la commission des sanctions n’encourt aucune critique en ce que la commission a été conduite à ne retenir, au titre des indices susceptibles de caractériser le manquement reproché à M. Guy F…, les déclarations faites par MM. Frédéric B… et Marc A… après le 24 juin 2011 qu’autant que celles-ci sont corroborées par d’autres éléments du dossier ; que, dans un tel contexte et dans les limites qu’elle s’était fixée, c’est par des appréciations pertinentes, que la cour adopte, que la commission des sanctions a constaté, en se fondant sur un certain nombre d’indices, que les interventions sur le titre EEM faites du 28 mai au 24 août 2010 par M. Guy F… ne peuvent s’expliquer autrement que par la détention de l’information, reçue le 27 mai 2010, sur le projet de cession au groupe Thien Minh , par EEM et pour un montant supérieur à 40 millions de dollars, de ses cinq hôtels situés au Vietnam ; que celui-ci n’a pu ignorer, en sa qualité de professionnel de la finance, le caractère privilégié d’une telle information ; que la Décision a, à juste titre, retenu à l’encontre de M. Guy F…, mais pour la période du 4 juin au 24 août 2010 qui est seule visée par la notification de griefs, le manquement à l’obligation de s’abstenir d’opérer sur le titre que celui-ci a commis en acquérant, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de sociétés contrôlées, 118 604 actions EEM ; que la Commission s’est en effet référée en premier lieu, au fait qu’il n’est pas contesté qu’au début de l’année 2010, M. Frédéric B… a donné mandat à son ami, M. Marc A…, de rechercher un investisseur qui puisse lui permettre de financer le rachat des parts de son associé, M. François C..


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