Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 mars 2017, 14-26.225 14-26.892 15-12.362, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 mars 2017, 14-26.225 14-26.892 15-12.362, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 14-26.225, n° V14-26.892 et n° X15-12.362 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 2 octobre 2014 et 18 décembre 2004), que les titres de la société NET2S étaient admis aux négociations sur le compartiment C d’Euronext ; que le 10 octobre 2007, la société NET2S a publié un communiqué faisant état d’une offre publique d’achat simplifiée (OPA) sur ses titres par la société British Telecom ; qu’après une enquête sur le marché du titre à compter du 1er mars 2007, menée en collaboration avec son homologue du Royaume Uni La Financial Service Athority (la FSA) dans le cadre de l’accord multilatéral portant sur la consultation, la coopération et l’échange d’informations, le président de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a notifié des griefs à M. [E] [F], Mme [Z], M. [Z], M. [G], M. [T] [F], la société Intouch Investments Limited (la société Intouch), représentée par ses deux associés gérants MM. [G] et [T] [F], et M. [U] ; que par décision du 28 septembre 2012, la commission des sanctions de l’AMF a retenu qu’entre le 3 mai et le 10 octobre 2007, M. [E] [F] avait transmis une information privilégiée à Mme [Z] et à M. [G], que ce dernier l’avait transmise à M. [U], et que MM. [G], [Z], Mme [Z], la société Intouch, M. [T] [F] et M. [U] avaient utilisé cette information, et a prononcé à leur encontre des sanctions pécuniaires ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° V 14-26.225 :

Attendu que M. [E] [F] fait grief à l’arrêt du 2 octobre 2014 de rejeter son recours en annulation de la décision pour non-respect des formes de convocation alors, selon le moyen :

1°/ que l’accord multilatéral de coopération conclu par l’AMF avec des autorités de régulation étrangères ne la dispense pas du respect des règles de convocation devant la commission des sanctions de l’AMF prescrites par l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ; qu’en estimant qu’il résultait d’un accord multilatéral signé par plusieurs autorités de régulation que la régularité des actes accomplis dans le cadre d’une demande d’assistance, par un homologue étranger, en vertu de cet accord, s’apprécie au regard des règles de procédure de l’Autorité saisie, en l’occurrence l’Autorité anglaise, de sorte que la circonstance que M. [E] [F] n’ait pas été convoqué selon les formes prévues par le code monétaire et financier était indifférente, la cour d’appel a violé l’article R. 621-39 III du code monétaire et financier, ensemble les articles L. 621-15 et L. 632- 7 du code monétaire et financier, et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l’article 9 d) de l’accord multilatéral de coopération signé par l’AMF stipule qu’ « à moins que les Autorités n’en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre du présent Accord seront rassemblées conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise, par les personnes qu’elle aura désignées … » ; qu’il s’évince clairement et précisément d’une telle stipulation que l’application des procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise ne concerne que le rassemblement des informations et documents demandés, c’est-à-dire le recensement des preuves, à l’exclusion de la convocation des prévenus devant l’autorité en charge du prononcé des sanctions ; qu’en estimant qu’il résultait de ce texte que la régularité de la convocation de M. [E] [F] devait s’apprécier au regard du droit anglais dont relevait l’Autorité requise, la cour d’appel a dénaturé l’accord multilatéral de coopération et a partant violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt constate, d’abord, que l’AMF s’est adressée le 18 juin 2012 à la FSA, signataire comme elle de l’accord multilatéral portant sur la consultation, la coopération et l’échange d’informations de l’Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières, afin qu’elle remette à M. [E] [F] la convocation pour la séance de la commission des sanctions prévue le 21 septembre 2012 ; qu’il relève, ensuite, que l’article 7 de l’accord, relatif à l’étendue de l’assistance, énonce que les autorités se fourniront mutuellement l’assistance la plus complète possible en vue de garantir le respect des lois et réglementations en vigueur dans leurs juridictions respectives ; qu’il relève, encore, que cet accord, conclu pour conduire des activités de surveillance, de contrôle et d’enquêtes à la demande d’autorités étrangères, prévoit en son article 9 d), relatif à l’exécution des demandes d’assistance, qu’à moins que les autorités n’en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre de cet accord seront rassemblés conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l’autorité requise, par les personnes qu’elle aura désignées ; qu’il relève, enfin, que la convocation de M. [F] à la séance du 21 septembre 2012 a fait l’objet d’une lettre remise par porteur à l’adresse de l’intéressé le 20 juin 2012 puis d’une lettre recommandée du 30 juillet 2012 remise contre reçu, ce dont la FSA a justifié par lettres des 5 juillet et 28 août 2012, et que le conseil de M. [F] a lui-même été avisé de la séance par lettre recommandée du 25 mai 2012 ; qu’en cet état, la cour d’appel, qui en a déduit, sans dénaturation, que la régularité des actes accomplis dans le cadre d’une demande d’assistance, par un homologue étranger, en vertu de l’accord multilatéral susvisé, devait être appréciée au regard des règles de procédure de l’autorité saisie de sorte que la circonstance que M. [E] [F] n’ait pas été convoqué selon les formes prévues à l’article L. 621-39 du code monétaire et financier, inapplicable aux actes effectués par la FSA, était indifférente et que les exigences du procès équitable tenant au principe de la contradiction et des droits de la défense avaient été respectés, a statué à bon droit ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° V 14-26.225, le deuxième moyen du pourvoi n° X 15-12.362, pris en ses deuxième et troisième branches, et le quatrième moyen du pourvoi n° V 14-26.892, partiellement rédigés en termes similaires, réunis :

Attendu que M. [E] [F], M. [Z], Mme [Z], la société Intouch Investments Limited et MM. [G], [T] [F] et [U] font grief à l’arrêt du 2 octobre 2014, rectifié par arrêt du 18 décembre 2014, de rejeter leurs recours en annulation formé contre la décision de la commission des sanctions alors, selon le moyen :

1°/ qu’une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés et qu’une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés ; qu’un projet d’offre public ne constitue une information privilégiée que lorsqu’en dépit de son caractère aléatoire, il présente des chances raisonnables d’aboutir dans un délai proche ; qu’en se bornant à relever que l’opération avait, au minimum, des chances « raisonnables » d’aboutir, sans rechercher si une telle réalisation était susceptible d’avoir lieu dans un délai proche, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 621-1 du Règlement général de l’AMF, ensemble l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ;

2°/ que M. [E] [F] faisait valoir dans ses conclusions d’appel que la commission des sanctions de l’AMF n’avait pas pris en considération les spécificités liées au mode de fonctionnement de British Telecom dans la date à laquelle le projet d’acquisition avait des chances d’aboutir, en ce que tant l’accord de confidentialité que la validation du comité d’investissement sont des préalables nécessaires et indispensables à tout engagement de discussion par la société British Telecom ; qu’en se bornant à affirmer que si, comme l’indiquent les requérants, NET2S n’avait pas l’intention de vendre début avril 2007, sa position a évolué, ce que dénote la conclusion d’un accord de confidentialité entre les parties le 20 avril 2007, accord qui manifeste nécessairement l’existence d’un projet commun – d’ailleurs immédiatement suivi d’une réunion le 23 avril- et qui permet de retenir que l’opération avait, au minimum, des chances « raisonnables » d’aboutir, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu’une information n’est réputée précise que si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés ; que la notion de précision, en matière d’offre publique d’achat d’une société dont les fondateurs détiennent un bloc de contrôle, suppose un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir ; qu’en ce qu’elle s’est fondée, pour dire qu’au 3 mai 2007 il existait un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir, partant qu’à cette date l’information relative « à la préparation de l’offre publique d’achat de British Telecom sur les actions de la société NET2S » était précise au sens de l’article L. 621-1, alinéa 2, du règlement général de l’AMF, sur le constat qu’à cette date une note de présentation du 30 avril 2007 avait été soumise au comité d’investissement de British Telecom, comportant un résumé des éléments financiers relatifs au projet, décrivant les caractéristiques et l’activité de NET2S et les conditions d’un rapprochement, qui l’avait validé et qu’une offre indicative et non engageante avait été présentée à NET2S, quand ces éléments visaient exclusivement l’intention de la société British Telecom, la cour d’appel a statué par des motifs insuffisants à caractériser l’existence d’un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir et privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 622-1 du règlement général de l’AMF et L. 621-15 du code monétaire et financier ;

4°/ qu’une information n’est réputée précise que si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et permettant d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés ; que la notion de précision, en matière d’offre publique d’achat d’une société dont les fondateurs détiennent un bloc de contrôle, suppose un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir ; que dans leurs conclusions devant la cour d’appel, les personnes sanctionnées faisaient valoir qu’en matière d’offre publique d’achat, il convenait de distinguer, quant au caractère suffisamment défini du projet, selon que le projet nécessitait ou non l’accord des actionnaires principaux de la société cible ; qu’ils indiquaient encore, qu’en l’espèce, quel que soit l’état d’avancement du projet de la société British Telecom, aucune offre publique d’achat n’était possible sans l’accord préalable des fondateurs de la société NET2S qui détenait un bloc de contrôle de la société, de sorte qu’en l’absence, au 3 mai 2007 d’un tel accord, fut-il de principe, il n’était pas raisonnablement possible de penser que l’opération de marché allait aboutir ; qu’en se bornant, pour rejeter le recours des personnes sanctionnées, à affirmer qu’ « en matière d’offre publique, dont l’influence sensible sur le cours de bourse n’est guère discutable, le fait de savoir qu’un tel projet se prépare caractérise l’existence de l’information, même si un aléa subsiste sur le lancement de l’offre », sans répondre au moyen tiré de la distinction entre les offres publiques hostiles et celles nécessitant l’accord des actionnaires principaux de la société cible, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt constate, d’abord, qu’après une réunion tenue le 23 avril 2007, une note de présentation du 30 avril 2007 a été soumise au comité d’investissement de la société British Telecom, qui comportait un résumé des éléments financiers relatifs au projet, décrivait les caractéristiques et l’activité de la société NET2S, et les conditions d’un rapprochement, et qu’un cabinet d’avocat a été missionné par cette dernière fin avril 2007, l’offre lui étant finalement présentée le 3 mai suivant ; qu’il relève, encore, que le projet proposé au comité d’investissement de la société British Telecom comprenait notamment un recensement minutieux des activités de la société NET2S, des évaluations financières multicritères très détaillées, l’indication des synergies possibles entre les deux sociétés, des conditions juridiques d’un rapprochement et des enjeux pour la société British Telecom ainsi que la recommandation d’un premier prix indicatif à soumettre à la société NET2S, qui offrait une prime de 33 % par rapport à la valeur de marché de la société à l’époque, et de 40 % par rapport à la moyenne des cours constatés le mois précédent ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel a pu déduire qu’il existait, dès le 3 mai 2007, une information précise relative au projet d’offre publique de la société British Telecom, même si un aléa subsistait quant à la date et à la réalisation effective du lancement de l’offre, dès lors que ce projet était, à cette date, suffisamment défini pour avoir des chances raisonnables d’aboutir ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi n° 14-26.225, pris en sa première branche :

Attendu que M. [E] [F] fait grief à l’arrêt du 2 octobre 2014 de rejeter son recours alors, selon le moyen, que le devoir d’abstention pesant sur l’initié ne présente pas un caractère absolu ; qu’en refusant de tenir compte de circonstances atténuantes pour modérer la peine infligée à M. [E] [F], aux motifs qu’il devait être condamné au maximum du montant forfaitaire encouru au regard de son obligation d’abstention absolue, la cour d’appel a violé l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ;

Mais attendu qu’ayant pris en compte la gravité de la violation, par un initié, de son obligation absolue d’abstention, et de la gravité particulière des manquements retenus, en ce qu’ils ont été commis au profit de deux autres personnes, Mme [P] [Z] et M. [G], et ont été à l’origine de tous les autres manquements commis dans le cas d’espèce , la cour d’appel a estimé que la sanction pécuniaire concernant M. [E] [F] devait être fixée au maximum du montant forfaitaire encouru ; que le moyen, qui, sous le couvert d’un grief non fondé de violation de la loi, ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine de la sanction, ne peut être accueilli ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen et le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° V 14-26.225, ni sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi n° V 14-26.892, ni sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, et les troisième à sixième moyens du pourvoi n° X 15-12.362, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. [E] [F], M. [Z], Mme [Z], la société Intouch Investments Limited et MM. [G], [T] [F] et [U] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et condamne M. [E] [F] à payer la somme de 3 000 euros à l’Autorité des marchés financiers, M. [Z] et Mme [Z] à payer la somme globale de 3 000 euros à l’Autorité des marchés financiers et la société Intouch Investments Limited et MM. [G], [T] [F] et [U] à payer la somme globale de 3 000 euros à l’Autorité des marchés financiers ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. [E] [F], demandeur au pourvoi n° V 14-26.225.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande de Monsieur [E] [F] tendant à la nullité de la décision prononcée à son encontre pour non-respect des formes de convocation et d’avoir en conséquence rejeté le recours en annulation formé à l’encontre la décision de la commission des sanctions qui a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d’1,5 million d’euros ;

Aux motifs que « selon l’article R 621-39 III du code monétaire et financier, la personne mise en cause est convoquée devant la commission des sanctions ou la section par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, remise en main propre contre récépissé ou acte d’huissier, dans un délai qui ne peut être inférieur à 30 jours francs ;

Considérant qu’au soutien de sa demande de nullité de la Décision, M. [E] [F], qui rappelle qu’il n’était ni présent, ni représenté à la séance de la Commission des sanctions du 21 septembre 2012, fait valoir qu’en l’absence de modalités particulières prévues pour la convocation des résidents étrangers, par les dispositions précitées, les principes de procédure pénale s’appliquent, compte tenu de la nature quasi-pénale des sanctions prononcées par l’AMF, et du droit à un procès équitable garanti par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH);

que par voie de conséquence, il aurait dû être convoqué selon les formes prévues aux articles 551 et 552 du. code de procédure pénale, par la voie du Parquet ou par toute autre forme prévue par un accord bilatéral ;

Mais considérant que si la procédure de sanction devant l’AMF doit répondre aux exigences du procès équitable garanti par l’article 6-1 de la CEDH de manière que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et l’impartialité de la décision, elle n’est pas soumise aux règles du code de procédure pénale ;

Considérant qu’en l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que M. [E] [F], qui réside au Royaume Uni, a été destinataire de la part de l’AMF de plusieurs correspondances, dont une lettre du 31 mai 2012, « non réclamée », et une lettre recommandée internationale du 14 juin 2012, dont la preuve de la remise à M. [E] [F] n’est pas rapportée ;

que c’est dans ces circonstances que l’AMF s’est adressée le 18 juin 2012 à son homologue britannique, la FSA, signataire comme elle, de l’accord multilatéral portant sur la consultation la coopération et l’échange d’informations de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs mobilières (OICV), afin qu’elle remette à M. [E] [F] la convocation pour la séance de la Commission des sanctions prévue le 21 septembre 2012 ; qu’en effet à l’article 7 de l’accord, relatif à l’étendue de l’assistance, il est énoncé a) « […] les Autorités se fourniront mutuellement l’assistance la plus complète possible en vue de garantir le respect des lois et réglementations en vigueur dans leurs juridictions respectives » ;

Considérant que cet accord, conclu pour « conduire des activités de surveillance, de contrôle et d’enquêtes à la demande d’autorités étrangères », prévoit en son article 9 d) relatif à l’exécution des demandes d’assistance, qu’ « à moins que les Autorités n’en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre du présent Accord seront rassemblés conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise, par les personnes qu’elle aura désignées… »;

Qu’il en résulte que la régularité des actes accomplis dans le cadre d’une demande d’assistance, par un homologue étranger, en vertu de cet accord, s’apprécie au regard des règles de procédure de l’Autorité saisie ;

Que dès lors, la circonstance que M. [E] [F] n’ait pas été convoqué selon les formes prévues à l’article L. 621-39 du code monétaire et financier, est indifférente, cette disposition n’étant pas applicable aux actes effectués par la FSA ;

Considérant également que c’est à tort que M. [E] [F] soutient qu’à supposer que le droit anglais soit applicable, il appartient à l’AMF de démontrer que la procédure anglaise a été respectée, alors même qu’il n’a allégué aucune irrégularité précise au regard de ce droit ;

Considérant enfin que les exigences du procès équitable tenant au respect du contradictoire et des droits de la défense ont été respectés ; Considérant qu’il suffit en effet de constater que par courrier du 5 juillet 2012, la FSA a confirmé à l’AMF que la convocation avait bien été remise par porteur à l’adresse de M. [E] [F], qu’elle y a joint un justificatif du coursier précisant que le pli avait été délivré le 20 juin 2012 ; que le requérant, qui ne conteste pas l’exactitude de l’adresse mentionnée, ne saurait tirer argument du seul fait que la signature apposée sur l’accusé de réception n’est pas celle de M. [E] [F], mais celle du dénommé « A.PIANI », alors que par ailleurs, l’AMF justifie avoir communiqué, par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mai 2012, la date de la séance de la Commission des sanctions à Maître Elisabeth Maisondieu Camus, conseil du requérant, qui lui avait fait parvenir antérieurement, pour le compte de M. [E] [F], des observations en réponse à la notification de griefs, et une demande d’actes complémentaires ;

qu’en outre par lettre du 30 juillet 2012, la composition de la formation de la Commission des sanctions appelée à délibérer a été notifiée au mis en cause et que lui a été rappelée la faculté de demander la récusation de l’un ou plusieurs de ses membres ; que la date et l’heure de la séance de la Commission des sanctions étaient mentionnées dans cette lettre; que ce courrier a été transmis le 10 août 2012 à la FSA qui a procédé à sa notification par lettre recommandée à M. [E] [F] ; que par courrier du 28 août 2012, la FSA a confirmé que la lettre avait été acheminée et remise contre reçu » ;

Alors d’une part que l’accord multilatéral de coopération conclu par l’AMF avec des autorités de régulation étrangères ne la dispense pas du respect des règles de convocation devant la commission des sanctions de l’AMF prescrites par l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ; qu’en estimant qu’il résultait d’un accord multilatéral signé par plusieurs autorités de régulation que la régularité des actes accomplis dans le cadre d’une demande d’assistance, par un homologue étranger, en vertu de cet accord, s’apprécie au regard des règles de procédure de l’Autorité saisie, en l’occurrence l’Autorité anglaise, de sorte que la circonstance que l’exposant n’ait pas été convoqué selon les formes prévues par le code monétaire et financier était indifférente, la Cour d’appel a violé l’article R. 621-39 III du code monétaire et financier, ensemble les articles L. 621-15 et L. 632-7 du code monétaire et financier, et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Alors d’autre part que l’article 9 d) de l’accord multilatéral de coopération signé par l’AMF stipule qu’« à moins que les Autorités n’en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre du présent Accord seront rassemblées conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise, par les personnes qu’elle aura désignées … » ; qu’il s’évince clairement et précisément d’une telle stipulation que l’application des procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise ne concerne que le rassemblement des informations et documents demandés, c’est-à-dire le recensement des preuves, à l’exclusion de la convocation des prévenus devant l’autorité en charge du prononcé des sanctions ; qu’en estimant qu’il résultait de ce texte que la régularité de la convocation de M. [E] [F] devait s’apprécier au regard du droit anglais dont relevait l’Autorité requise, la Cour d’appel a dénaturé l’accord multilatéral de coopération et a partant violé l’article 1134 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande de Monsieur [E] [F] tendant à la nullité de la procédure d’enquête et des actes subséquents et d’avoir en conséquence rejeté le recours en annulation formé à l’encontre de la décision de la commission des sanctions qui a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire d’1,5 million d’euros ;

Aux motifs que «sur la nullité de la procédure d’enquête et des actes subséquents

Considérant qu’il est constant que dans le cadre de l’accord multilatéral de l’OICV adopté en mai 2002, l’AMF a sollicité l’assistance de son homologue anglais pour accomplir des actes d’enquêtes ;

que M. [E] [F] invoque la nullité de la procédure d’enquête menée selon lui, de manière déloyale, en violation des dispositions de cet accord et de l’article 6 de la CEDH, et des droits de la défense ;

qu’il fait valoir plus précisément

– en ce qui concerne les demandes d’assistance du 29 octobre 2008 et du 20 janvier 2009 :

* que l’AMF a sollicité l’assistance de son homologue britannique le 29 octobre 2008, aux fins de recueillir les réponses de [E] [F] et de BT à un certain nombre de questions, sans toutefois que la demande de l’AMF ne comporte ni le but recherché, ni les textes applicables et sans mentionner qu’il convenait de préciser à M. [E] [F] dans quel cadre les questions lui étaient posées, leur nature non contraignante et le possible recours à un avocat ; qu’il n’était pas indiqué que M. [E] [F] pouvait être personnellement mis en cause ;

* qu’à la suite des réponses au questionnaire visé dans la demande d’assistance du 29 octobre 2008, l’AMF a sollicité le 20 janvier 2009, l’assistance de la FSA pour procéder à son audition sans rappeler les conditions de forme exigées par les articles L621-10 et R621-35 du règlement de l’AMF, et plus particulièrement, sans préciser qu’il avait la possibilité d’avoir recours à l’assistance d’un avocat et en violation de l’article 8 de l’accord précité, et de l’article 6-3 de la CEDH;

– en ce qui concerne la convocation à l’audition du 5 mars 2009 et l’audition elle-même :

qu’il n’a pas été convoqué selon les formes prescrites par la loi applicable en France (articles L. 621-11 et R.621-35 du règlement de l’AMF), pour son audition du 5 mars 2009, huit jours au moins avant cette date, par une lettre lui indiquant ses droits ; que le texte de loi applicable à l’infraction poursuivie n’était pas précisé, ni le fait qu’ait pu lui être reproché à titre personnel, un manquement boursier ;

que les convocations lui ont été adressées à son adresse professionnelle, sans mention « personnel et confidentiel », comme cela avait été sollicité dans la demande d’assistance du 29 octobre 2008 ;

que l’objet de l’entretien n’était pas précisé et que les conditions dans lesquelles l’audition a été conduite sont contraires au principe de loyauté ;

que dans l’ignorance de ce qu’il pouvait être personnellement mis en cause, il s’est présenté à l’audition du 5 mars 2009 avec le directeur juridique de BT et l’avocat de BT ;

que par voie de conséquence, il a été porté atteinte à ses droits puisqu’il n’a pas pu bénéficier d’une défense personnelle, et à la présomption d’innocence dès lors que son employeur a été informé du détail de l’enquête confidentielle menée en vue d’établir la transmission par lui d’une information privilégiée;

– en ce qui concerne la saisie des documents :

que les demandes d’assistance adressées au FSA les 12 mars 2009 et 11 juin 2009, aux fins de visite dans les locaux professionnels et de visite domiciliaire ne sont pas conformes à ce qu’exige la loi française qui impose une autorisation judiciaire préalable (articles L621-10 et L621-12 du code monétaire et financier) ; qu’il invoque également l’atteinte à la vie privée qui est résultée de la saisie au Royaume-Uni, de ses documents à caractère personnel (agendas et courriers électroniques), en violation des règles prévues par le code monétaire et financier;

Mais considérant en premier lieu que les moyens de nullité fondés sur la violation des dispositions du code monétaire et financier ne peuvent être accueillis ;

qu’en effet, la régularité des actes critiqués (réponse aux questions, audition, recueil des documents et accès aux locaux professionnels), accomplis par la FSA dans le cadre de l’accord multilatéral de l’OICV, doit être appréciée, conformément à son article 9 d) déjà cité, au regard du droit anglais dont il n’est pas soutenu qu’il aurait été méconnu ; que par ailleurs, conformément au principe général de territorialité du droit international, les dispositions des articles L. 621-10 30 et R. 621-35 du code monétaire et financier n’ont pas vocation à s’appliquer à une autorité étrangère ;

Considérant en deuxième lieu, s’agissant des demandes d’assistance, que M [E] [F] invoque la violation des articles 7 a) et 8 de l’accord multilatéral de l’OICV ; que le premier de ces textes dispose que les Autorités se fourniront mutuellement l’assistance la plus complète possible en vue de garantir le respect des lois et réglementations en vigueur dans leurs juridictions respectives ;

que selon l’article 8, elles doivent être présentées par écrit et comporter en particulier une description des faits sur lesquels repose l’enquête faisant l’objet de la demande et les raisons pour lesquelles l’assistance est demandée ; qu’elles doivent préciser les lois et réglementations qui ont pu être enfreintes et qui concernent l’objet de la demande ;

Considérant que les demandes d’assistance critiquées faisaient suite à de précédents échanges, l’AMF précisant poursuivre son enquête sur les opérations concernant les actions de la société NET2S après le 1″ juin 2007 ; que tant aux termes de son courrier du 29 octobre 2008 que de celui du 20 janvier 2009, l’AMF après avoir relaté les faits, mentionnait l’objet de sa demande – vérifier si les transactions sur les titres NET2S ont été effectuées en violation de la législation relative à l’utilisation d’informations privilégiées – et les textes sur lesquels elle se fondait – les articles L. 621-1, L. 621-15, L. 465-1 et L. 465-3 du code monétaire et financier, ainsi que les articles 621-1 et suivants, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF- de sorte que contrairement à ce que soutient [E] [F], aucun doute n’était permis sur les manquements susceptibles d’être retenus et sur les motifs de l’assistance requise ;

Considérant également que M. [E] [F] prétend que l’AMF devait, dans sa demande d’assistance du 20 janvier 2009, demander à son homologue de le convoquer pour son audition, dans les formes prescrites par la loi applicable en France dès lors que l’article 8 de l’accord de 2002 précise que l’autorité requérante doit indiquer les précautions particulières qui doivent être prises par l’autorité requise dans l’exécution de l’assistance requise, les parties signataires s’étant en outre engagées à accomplir leur assistance en s’efforçant de respecter les lois et règlements de chaque autorité (article 7).

Mais considérant que contrairement à ce qui est soutenu, ces textes n’autorisaient pas l’AMF à imposer à la FSA de convoquer les intéressés selon le formalisme prévu par le code monétaire et financier, en méconnaissance du principe général de territorialité du droit international, et de l’article 9d de l’accord multilatéral du OICV rappelés plus haut ;

Considérant enfin que le reproche tiré de l’omission de certaines précisions complémentaires relatives aux droits de la personne entendue, n’est pas fondé en ce qu’aucun texte n’obligeait l’AMF à les faire figurer dans les demandes d’assistance adressées à son homologue britannique ;


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