Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 mars 2021, 18-25.755, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 mars 2021, 18-25.755, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 4 mars 2021

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 183 F-D

Pourvoi n° S 18-25.755

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021

La société Paris Pierre Levallois 1, société civile immobilière, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° S 18-25.755 contre l’arrêt rendu le 24 septembre 2018 par la cour d’appel de Versailles (4e chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Novalex, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Paris Pierre Levallois 1, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Novalex, après débats en l’audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 24 septembre 2018), la société civile immobilière Paris Pierre Levallois 1 (la SCI) a, en sa qualité de maître de l’ouvrage, entrepris la construction d’un immeuble.

2. En cours de chantier, le 3 août 2011, la SCI a résilié le marché « gros oeuvre et terrassement » conclu avec la société Novalex, en application de l’article 22.1.2.1 de la norme Afnor NF P 03 001 qui prévoit que « le marché pourra être résilié de plein droit sans accomplissement d’aucune formalité judiciaire aux torts de l’entrepreneur : – après mise en demeure en cas d’abandon de chantier ou en cas de sous-traitance en infraction avec les dispositions des paragraphes 4.4 et 20.6 ; – sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux. »

3. La SCI a assigné la société Novalex en réparation de ses préjudices et en établissement des comptes entre les parties. La société Novalex a formé des demandes reconventionnelles.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l’arrêt de dire que la résiliation intervenue le 3 août 2011 est prononcée aux torts respectifs des parties, alors « que, dans ses conclusions d’appel, la société Novalex se bornait à soutenir que les prétendus manquements de la S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 justifiaient qu’elle-même ait suspendu l’exécution de ses propres obligations ; qu’elle ne soutenait pas qu’ils auraient justifié le prononcé de la résolution judiciaire du marché aux torts partagés des parties ; que le litige ne portait donc que sur le bien-fondé des motifs de résiliation invoqués par le maître d’ouvrage à l’appui de sa lettre de résiliation unilatérale ; que, par suite, dès lors que l’un au moins de ces motifs, à savoir la violation des dispositions relatives à la sous-traitance, a été retenu par la cour d’appel, le litige ne portait pas sur une éventuelle imputabilité de la résiliation aux torts, même partagés, de la S.C.I. ; que la résiliation unilatérale du marché prononcée par la S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 n’étant évidemment motivée ni par la prétendue volonté du maître d’ouvrage d’échapper à son obligation d’avoir à fournir la garantie de paiement de l’article 1799-1 du code civil, ni par l’existence d’une dette du maître de l’ouvrage à l’égard de la société Novalex, l’argumentation de celle-ci tenant au refus de fournir la garantie de paiement et à l’existence d’une dette du maître de l’ouvrage à son égard était étrangère au litige portant sur le bien-fondé des motifs de la résiliation unilatérale ; qu’en déduisant néanmoins de ces deux prétendus manquements du maître de l’ouvrage non seulement que l’entrepreneur avait légitimement suspendu l’exécution du marché, mais encore que la résiliation devait être prononcée aux torts respectifs des parties, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 4 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

6. La cour d’appel a prononcé la résiliation intervenue le 3 août 2011 aux torts respectifs des parties.

7. En statuant ainsi, alors que le litige ne portait que sur le bien-fondé des motifs invoqués par le maître d’ouvrage à l’appui de la résiliation unilatérale, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La SCI fait grief à l’arrêt de limiter à la somme de 3 167,03 euros la condamnation de la société Novalex au paiement de dommages et intérêts, alors « que, dans ses conclusions d’appel, la S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 rappelait le caractère forfaitaire du marché, résultant tant de l’ordre de service n° 1 que des articles 1.3, 3.3.1.1. et 3.3.1.3. du CCTP et que de l’acte d’engagement du 15 octobre 2010, et les règles juridiques applicables aux travaux modificatifs ou supplémentaires dans le cadre d’un marché à forfait ; qu’elle soulignait, d’une part, que les éléments qui avaient pu perturber le chantier et entraîner une perte de rendement pour la société Novalex, perte de rendement retenue par l’expert à hauteur de 20 %, n’étaient pas imputables à la volonté du maître de l’ouvrage, mais résultaient exclusivement de la nature du sous-sol et de la présence de réseaux et d’un débord de fondations d’un immeuble voisin, d’autre part, que le maître de l’ouvrage n’avait jamais signé aucun ordre de service ni accepté aucune augmentation de prix ; que, sans répondre à ces conclusions pertinentes, la cour d’appel a « fixé à la somme de 43 352 euros H.T. la valeur des travaux supplémentaires conformément aux conclusions de l’expert judiciaire (qui avait) retenu la somme de 43 352 euros H.T. au titre de l’immobilisation du personnel et des travaux supplémentaires non prévus au marché forfaitaire signé par les parties » puis retenu que « Au total, il était dû à la société Novalex au titre des travaux réalisés : 642 219 euros H.T. (593 720 euros H.T. + 43 352 euros H.T. + 5 147 euros H.T.). S’agissant de travaux à régler, cette somme doit être soumise à la T.V.A. de 19,6 % applicable au jour du marché. Le montant T.T.C. s’élève donc à la somme de 768 093,92 euros T.T.C. » ; qu’elle a ainsi méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

10. Pour condamner la SCI à payer à la société Novalex la somme de 43 352 euros hors taxes, l’arrêt retient que l’expert a retenu cette somme au titre de l’immobilisation du personnel et des travaux supplémentaires non prévus au marché forfaitaire signé par les parties.

11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI, qui soutenait, d’une part, que ce supplément de coût résultait exclusivement de la nature du sous-sol et de la présence de réseaux et d’un débord de fondations d’un immeuble voisin, d’autre part, que le maître de l’ouvrage n’avait signé aucun ordre de service ni accepté aucune augmentation de prix, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la résiliation intervenue le 3 août 2011 est prononcée aux torts respectifs des parties et en ce qu’il limite à la somme de 3 167,03 euros TTC la condamnation de la société Novalex, l’arrêt rendu le 24 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Novalex aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Novalex et la condamne à payer à la société civile immobilière Paris Pierre Levallois 1 la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Paris Pierre Levallois 1

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé les jugements déférés en qu’ils avaient constaté la résiliation du contrat aux torts de la société NOVALEX et condamné la société NOVALEX à payer à la S.C.I. PARIS PIERRE LEVALLOIS 1 la somme de 147 556,87 euros T.T.C. à titre de dommages et intérêts et d’avoir, statuant à nouveau, dit que la résiliation intervenue le 3 août 2011 est prononcée aux torts respectifs des parties et condamné la société NOVALEX à payer à la société PARIS PIERRE LEVALLOIS 1 la somme de 3 167,03 euros T.T.C. seulement à titre de dommages et intérêts,

Aux motifs que « Le litige entre les parties porte sur les conditions de résiliation d’un contrat de construction portant sur le lot gros oeuvre et terrassement d’un immeuble en construction à Levallois-Perret.

La société Paris Pierre Levallois 1 (ci-après désignée sous le signe PPL), maître d’ouvrage de l’opération, a confié à la société Novalex les travaux de gros oeuvre et de terrassement selon acte d’engagement et ordre de service n° 1 du 15 octobre 2011 et marché signé le 24 décembre 2010.

Les travaux se sont déroulés dans des conditions difficiles du fait de l’existence d’une nappe phréatique laissant remonter de l’eau au niveau du 3ème sous-sol de la construction nécessitant le pompage des fouilles.

Parallèlement à ces difficultés d’exécution, la société Novalex a sollicité à plusieurs reprises du maître de l’ouvrage, entre le mois de décembre 2010 et le mois de juillet 2011, la garantie de paiement prévue par l’article 1799-1 du Code civil ;

Le maître de l’ouvrage a résilié le contrat par courrier du 3 août 2011 invoquant deux motifs : le travail sur le chantier de la société Etandex en tant que sous-traitant non agréé en juin 2011 et une absence de fourniture au contrôleur de sécurité des documents relatifs à l’installation de la grue sur le chantier.

Saisi par la société PPL, le Tribunal de grande instance de Nanterre a, par jugement du 8 mars 2016, rectifié sur le montant de la condamnation de la société Novalex par jugement du 28 juin 2016 :

– constaté la résiliation du marché de travaux liant la S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 et la société Novalex sur le fondement des dispositions de l’article 22.1.2.1. de la norme NF P 03 001,

– condamné la société Novalex à payer à la S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 la somme de 147 556,87 euros T.T.C. à titre de dommages et intérêts,

– débouté la S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 de sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité pour excédent des frais financiers exposés au tire de la garantie de paiement,

– ordonné à la société Novalex de donner mainlevée du cautionnement bancaire consenti à son profit par la Caisse d’Epargne Ile de France le 30 septembre 2011,

– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

– dit que les intérêts dus au moins pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts, à compter de la date de signification de l’assignation,

– débouté la société Novalex de ses demandes en paiement, en principal, frais irrépétibles et dépens,

– condamné la société Novalex à payer à la S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné la société Novalex aux dépens, y compris les frais d’expertise,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.

Sur la résiliation du contrat :

A titre liminaire, il doit être observé que le jugement du 8 mars 2016 a constaté dans ses motifs la résiliation du contrat liant les parties aux torts de la société Novalex, mais qu’il a omis de reprendre cette mention dans son dispositif. La société Novalex contestant dans ses conclusions devant la cour d’appel les manquements retenus à son encontre par les premiers juges et sollicitant que la cour constate la responsabilité de la société Paris Pierre Levallois 1 dans la rupture unilatérale du marché, la cour est saisie des différents manquements ayant conduit à la résiliation.

La société Novalex sollicite d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que la résiliation du marché opérée par la société Paris Pierre Levallois était justifiée par ses manquements, de constater que la résiliation unilatérale du marché prononcée par la société Paris Pierre Levallois 1 lui est imputable et que, parallèlement, la suspension des travaux qu’elle a prononcé sur le fondement des dispositions de l’article 1799-1 du Code civil était fondée.

Elle conteste les manquements retenus par le tribunal, et soutient que la société Paris Pierre Levallois 1 avait préalablement à la résiliation manqué à deux de ses obligations, ce qui l’avait contrainte à suspendre les travaux le 1er août 2011 :

– en omettant de lui fournir une garantie de paiement malgré son obligation légale et qu’elle y a été contrainte ultérieurement par décision de justice (sic),

– en omettant de lui régler les états de situation et en prélevant indûment des pénalités.

Le maître d’ouvrage sollicite la confirmation de la résiliation du contrat aux torts de la société Novalex et conteste les manquements allégués par cette dernière.

L’article 1184 du Code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige, prévoit que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des parties ne satisfera point à son engagement ».

La résiliation du contrat est prononcée aux torts de la partie qui a manqué à ses obligations.

Il convient de reprendre chacun des griefs et moyens des parties évoqués pour justifier la résiliation du contrat afin de savoir si la société Novalex était fondée à suspendre ses travaux à compter du 1er août 2011 et si la société Paris Pierre Levallois 1 était fondée à résilier le contrat le 3 août 2011.

– Sur les manquements du maître de l’ouvrage allégués par Novalex :

La société Novalex fait grief au maître d’ouvrage d’avoir manqué à son obligation de fournir la garantie de paiement du montant de son marché, et d’avoir omis de payer partiellement la situation 7 à hauteur de 86 809,61 euros, en totalité la situation 8 de 118 743,96 euros T.T.C. et la situation 9.

L’absence de fourniture de garantie de paiement du montant du marché :

Le marché du 15 octobre 2010 portant sur la réalisation de travaux de gros oeuvre et terrassement s’élève à la somme de 1 130 000 euros H.T. soit 1 351 480 euros T.T.C.

Le 16 décembre 2010, la société Novalex offrait à la société PPL la caution de la société Atradius à hauteur de 30 000 euros au titre de la garantie de parfait achèvement. Le lendemain, 17 décembre 2010, elle réclamait à la société PPL la caution bancaire d’un montant équivalant à celui du marché en garantie du paiement de ses prestations conformément à l’article 1799-1 du Code civil.

Aux termes de cet article, le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé de construction doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat. Ce seuil a été fixé à 12 000 euros par décret n° 99-658 du 30 juillet 1999. Le marché portant sur une somme supérieure à ce montant et la société PPL ne justifiant pas avoir eu recours à un crédit pour financer la totalité de l’opération, la garantie devait prendre la forme d’un cautionnement solidaire. Le 3ème alinéa de cet article prévoit que « tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans l’effet à l’issue d’un délai de quinze jours ».

Un courrier d’avocat a été adressé le 16 mars 2011 au nom de la société Novalex au maître d’ouvrage pour lui demander de fournir la garantie de paiement de l’article 1799-1 du Code civil et annonçant à défaut de fourniture de ladite garantie, la possible suspension des travaux à l’expiration d’un délai de 15 jours. Ce courrier mettait également le maître d’ouvrage en demeure de régler la somme de 5 549 euros. Le conseil de la société Novalex adressait un nouveau courrier de relance le 5 avril 2011. N’ayant pas obtenu satisfaction après sa demande de caution bancaire, la société Novalex renouvelait sa demande les 18 avril et 13 mai 2011. Malgré ces différents courriers, la société PPL n’adressait jamais cette retenue de garantie.

La société PPL ne fournit aucune explication dans ses conclusions pour justifier l’absence de fourniture de cette garantie réclamée à maintes reprises.

Il est rappelé que le maître d’ouvrage a été condamné par ordonnance de référé du 21 septembre 2011 à offrir une caution bancaire du montant du marché à la société Novalex.

Ce manquement de la société PPL est donc établi.

L’absence de paiement par la société PPL des états de situation échus :

La société Novalex soutient que la résiliation doit être également prononcée aux torts de la société Paris Pierre Levallois 1 puisqu’elle a opéré des retenues injustifiées sur ses situations à compter du mois d’avril 2011 et a refusé le paiement des états de situation 7, 8 et 9, ce qui l’a amenée à suspendre l’exécution des travaux à compter du 1er août 2011.

Le maître d’ouvrage ne s’explique pas précisément dans ses conclusions sur les retenues effectuées sur ces situations 4, 5 et 6 et sur son refus de payer les situations 7, 8, 9. Il énumère de façon détaillée ses demandes de réparation liées à la résiliation du marché, mais ne justifie pas des retenues qu’il a effectuées sur les paiements qu’il devait effectuer entre le mois de mars et le mois de juillet 2011.

Il apparaît à la lecture des pièces que le maître d’ouvrage a déduit sur l’état de situation d’avril 2011 des pénalités et une fraction correspondant à une retenue de garantie de 5 % du montant des travaux effectués : si un retard avait bien été constaté, le montant des pénalités de retard justifiées a été évalué à 52 708 euros par l’expert alors que le maître d’ouvrage avait retenu 67 574 euros, montant plafonné des pénalités de retard ;

Il retenait également la somme de 15 234,80 euros puis 20 278 euros dans l’état de situation 7, soit 5 % du montant des travaux réalisés à titre de garantie de parfait achèvement sur la créance de la société Novalex au titre de la situation 4 alors que la société Novalex avait fourni une garantie de 30 000 euros offerte par Atradius dès le mois de décembre 2010 qui était suffisante à ce stade pour garantir le parfait achèvement des travaux réalisés.

Ces retenues ne se justifiaient donc pas en totalité.

Il est également rappelé que le maître de l’ouvrage a été condamné le 21 septembre 2011, par ordonnance de référé, à verser à la société Novalex la somme de 155 553,57 euros au titre des états de situation 7 et 8.

Un second manquement contractuel de la société PPL à l’égard de la société Novalex sera donc retenu.

Ces deux manquements justifiaient la suspension des travaux annoncée par courrier du 28 juillet 2011 à compter du 1er août suivant.

Sur les manquements de la société Novalex allégués par la société PPL :

La S.C.I. Paris Pierre Levallois 1 a résilié le contrat sur le fondement de l’article 22.1.2.1. de la norme NF P 03 001 auquel le cahier des clauses administratives particulières du marché signé renvoie. Cette disposition prévoit : « Le marché pourra être résilié de plein droit sans accomplissement d’aucune formalité judiciaire aux torts de l’entrepreneur :

– après mise en demeure en cas d’abandon de chantier ou en cas de sous-traitance en infraction avec les dispositions des paragraphes 4.4. et 20.6 ;

– sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux ».

L’article 4.4.1. de la norme susvisée oblige l’entrepreneur à faire accepter son sous-traitant et à faire agréer ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage.

L’infraction aux règles de la sous-traitance par la société Novalex en juin 2011 :

Le maître d’ouvrage sollicite la confirmation du jugement du 8 mars 2016 en ce qu’il a retenu un manquement de la société Novalex pour avoir fait intervenir sur le chantier mi-juin 2011 deux employés de la société Etandex, son sous-traitant, sans l’avoir fait agréer. Il précise avoir mis en demeure la société Novalex par courrier recommandé adressé le 8 juillet 2011 de faire agréer son sous-traitant en lui adressant le contrat mais n’avoir pas eu de réponse.

La société Novalex fait valoir que la société Etandex n’est pas intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitante en juin 2011, qu’elle n’a fourni que le matériel de cuvelage qui a été posé par la société Novalex et qu’elle ne devait intervenir en qualité de sous-traitante sur le chantier qu’en octobre 2011. Elle présente un courrier de la société Etandex confirmant l’indisponibilité de ses équipes pour l’intervention du mois de juin et indiquant avoir mis à disposition du matériel qui a été posé par la société Novalex et du personnel pour superviser l’installation.

L’article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance impose à l’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants de faire accepter et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché.

Les premiers juges ont relevé à juste titre que la société Novalex avait commandé le 3 juin 2011 à la société Etandex des travaux de cuvelage de l’opération de construction pour la somme de 25 000 euros H.T., que la société Etandex avait informé le maître d’ouvrage le 8 juin 2011 de l’existence de ce contrat de sous-traitance afin d’obtenir son agrément, et que deux de ses salariés sont intervenus sur le site les 10 et 11 juin 2011 pendant deux demi-journées pour superviser la pose d’un cuvelage d’ascenseur alors qu’elle n’était pas encore acceptée, ni agréée.

L’intervention de la société Etandex pour la pose de la cuvette d’ascenseur prévue en juin 2011 était visée dans le courrier d’acceptation de l’offre de la société Etandex et entrait donc dans le champ de la prestation prévue par le contrat de sous-traitance (pièce 24 PPL). D’autre part, il importe peu, comme l’ont relevé les premiers juges, de savoir si la prestation ne portait en juin 2011 que sur une assistance intellectuelle (supervision des travaux) comme le soutient la société Novalex, ou sur une prestation physique comme le soutient la société PPL puisque l’agrément d’un sous-traitant est nécessaire tant pour une prestation physique qu’intellectuelle.

Il appartenait à la société Novalex de faire accepter et agréer son sous-traitant par le maître d’ouvrage avant le début de sa prestation, a fortiori après en avoir été mise en demeure par le maître de l’ouvrage par courrier du 8 juillet 2011. Dès lors que des salariés de la société Etandex étaient présents sur le chantier et ont dispensé une prestation, même purement intellectuelle, à la demande de la société Novalex, sans que le contrat de sous-traitance ait été accepté et les conditions de paiement agréées par le maître de l’ouvrage, la société Novalex a commis un manquement contractuel qui justifiait la résiliation du contrat après l’expiration du délai de 15 jours suivant la mise en demeure du 8 juillet 2011. La résiliation intervenue le 3 août 2011 est donc justifiée et régulière.

L’insuffisance de clôture du chantier :

Le jugement du 8 mars 2016 a considéré que la société Novalex n’avait pas satisfait à ses obligations concernant la clôture du chantier.

La société Novalex fait valoir qu’un huissier de justice a constaté le 4 août 2011 l’existence de barrières démontrant que le chantier était clos et que l’expert a constaté la clôture. Elle estime que le jugement a renversé la charge de la preuve.

Le maître d’ouvrage sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Ce grief ne pouvant constituer un manquement présentant une gravité suffisante au sens de la norme NF P 03 001 visée par le courrier de résiliation pour la justifier, il n’y a pas lieu de l’examiner.

Les manquements concernant l’installation de la grue :

Les premiers juges ont retenu un manquement de la société Novalex pour ne pas avoir adressé les documents relatifs à la grue installée sur le chantier malgré les rappels du coordonnateur SPS, documents qui devaient être consultables sur le chantier, alors que le 3ème sous-sol où se situait le socle de la grue était inondé ainsi qu’il a été constaté par huissier de justice le 4 août 2011.

La société Novalex critique le jugement qui a retenu ce manquement faisant valoir que la grue a été installée en avril 2011, qu’elle a fourni les documents justifiant de l’installation de la grue à la société Aretec, maître d’oeuvre qui a cessé ses fonctions en mars 2011, ainsi qu’au contrôleur sécurité Qualiconsult et que le danger présenté par la grue n’était aucunement avéré avant la résiliation puisque l’expert n’a constaté ce danger que plusieurs mois après la résiliation du contrat. L’entreprise affirme qu’il n’existait que 60 cm d’eau au niveau du dernier sous-sol, niveau auquel était installé le socle de la grue, et qu’elle n’avait reçu aucune observation du coordonnateur SPS ni de la maîtrise d’oeuvre.

Le maître d’ouvrage sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu ce manquement. Il indique que la grue n’était pas suffisamment lestée et présentait un danger en raison de l’immersion de sa base, que le constat d’huissier du 4 août 2011 établit que le 3ème sous-sol était inondé sur une hauteur de 7 marches et que l’expert a constaté le risque de basculement en décembre 2011. Il soutient qu’il était bien fondé à prononcer la résiliation du marché pour tromperie sur la qualité d’exécution des travaux puisque le coordonnateur de sécurité a adressé 4 demandes qui sont restées sans réponse car la société Novalex savait que les conditions d’installation de la grue n’étaient ni conforme aux règles de sécurité, ni conformes au marché.

S’agissant de l’installation dangereuse de la grue, le maître d’ouvrage ne cite aucune disposition des normes de sécurité dans ses conclusions que la société Novalex n’aurait pas respectées. Il apparaît à la lecture des pièces du dossier que la grue louée par la société Novalex à la société Hexagone a été installée le 30 avril 2011. La société Novalex présente un « rapport de vérification des équipements de travail » du cabinet Kupic et Debergh daté du 2 mai 2011 qui après avoir examiné la grue affirme que l’installation ne présente aucune anomalie ou défectuosité des conditions d’installation. Il n’est pas fait de reproche sur les conditions d’installation de la grue à la société Novalex dans les comptes rendus de chantier.

Les conditions postérieures à la résiliation du contrat, celles de l’expert en octobre 2011 ou du cabinet Dekra en décembre 2011, ne permettent pas d’établir les conditions dangereuses d’installation de la grue entre avril et juillet 2011, pendant les travaux réalisés par Novalex.

S’agissant de l’absence d’envoi des documents relatifs à l’installation de la grue, le maître d’ouvrage affirme que la société Qualiconsult a adressé 4 demandes de documents à la société Novalex. Il présente :

– une demande du coordonnateur de sécurité Qualiconsult le 10 avril 2011 adressant une liste des points à respecter pour le montage de la grue.

– un compte rendu d’intervention de la société Qualiconsult daté du 9 mai 2011 7 sollicitant la notice d’instruction du fabricant, le rapport de la dernière vérification périodique, le carnet de maintenance à jour, l’étude de fondation, l’examen d’adéquation et le rapport définitif suite à la vérification de remise en service de la grue.

– un compte rendu d’intervention du 15 juin 2011 sollicitant les mêmes pièces.

La société Novalex justifie pour sa part avoir adressé le 28 janvier 2011, avant l’installation de la grue, à la société Qualiconsult, coordonnateur sécurité, le plan d’installation de la grue à tour, la fiche technique et les charges, les rapports de vérification des fondations et d’adéquation au vent ainsi que l’autorisation de montage, précisant avoir mis ces documents à disposition sur site. Le courrier a été adressé par lettre simple et par télécopie à un numéro qui correspond à celui de la société Qualiconsult figurant sur les comptes rendus de chantier. L’avis de réception de la télécopie mentionne la réception de 16 pages. Le 20 juin 2011, la société Novalex adresse de nouveau ces documents à la société Qualiconsult. Elle fournit l’avis de réception de la télécopie mentionnant l’envoi de 25 pages. Un courrier identique est adressé de nouveau le 22 juillet 2011. L’avis de réception mentionne l’envoi de 25 pages.

Le maître d’ouvrage conteste toute valeur probante aux avis de réception de télécopie relevant des incohérences dans la suite des numéros de télécopies envoyées mais il faut relever que le P.V. de chantier n° 16 du 18 juillet 2011, qui précède la résiliation du contrat, n’indique aucune observation quant à l’installation de la grue, ni l’absence de transmission des documents prétendument réclamés par la société Qualiconsult.

Ce manquement ne sera donc pas retenu.

Il résulte de ce qui précède, d’une part, que le maître de l’ouvrage a manqué à ses obligations vis-à-vis de la société Novalex en omettant de fournir la garantie de paiement de l’article 1799-1 du Code civil à compter du mois de décembre 2011 et en ne réglant que partiellement les situations de travaux en avril, mai, juin 2011 et en retenant de manière abusive une partie des paiements à effectuer ; d’autre part, que la société Novalex a manqué à ses obligations vis-à-vis du maître de l’ouvrage en n’adressant pas le contrat de la société Etandex aux fins d’acceptation et d’agrément des conditions de paiement en juin 2011.

Le jugement sera infirmé afin de dire que la résiliation est intervenue aux torts respectifs des deux parties » ;

1°) Alors que la résiliation de plein droit, intervenue antérieurement à la saisine des juges, fait nécessairement obstacle, lorsqu’elle est jugée bien fondée, au prononcé ultérieur de la résiliation judiciaire ; que la Cour d’appel, qui a constaté le bien-fondé de la résiliation du marché prononcée le 3 août 2011 par la S.C.I. PARIS PIERRE LEVALLOIS 1 sur le fondement de l’article 22.1.2.1. de la norme NF P 03 001 à laquelle renvoie le cahier des clauses administratives particulières du marché signé par les parties, ne pouvait dès lors prononcer la résiliation judiciaire du marché aux torts réciproques des parties ; d’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé par fausse application les dispositions de l’article 1184 du Code civil.

2°) Alors que, en tout état de cause, dans ses conclusions d’appel, la société NOVALEX se bornait à soutenir que les prétendus manquements de la S.C.I. PARIS PIERRE LEVALLOIS 1 justifiaient qu’elle-même ait suspendu l’exécution de ses propres obligations ; qu’elle ne soutenait pas qu’ils auraient justifié le prononcé de la résolution judiciaire du marché aux torts partagés des parties ; que le litige ne portait donc que sur le bien-fondé des motifs de résiliation invoqués par le maître d’ouvrage à l’appui de sa lettre de résiliation unilatérale ; que par suite, dès lors que l’un au moins de ces motifs, à savoir la vi


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