Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 novembre 2009, 08-14.604, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 novembre 2009, 08-14.604, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2008), que les consorts X…, propriétaires d’un appartement soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, ont notifié, le 26 décembre 2005, à Mme Y…, occupante de bonne foi de ce local, une proposition de bail de huit ans en application de l’article 28 de la loi du 23 décembre 1986 ; que Mme Y… ayant, le 24 février 2006, refusé cette proposition en se prévalant de la faiblesse de ses ressources, les consorts X… l’ont assignée aux fins de faire dire que le bail de huit ans prendrait effet le 1er juillet 2006 ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :

Attendu que la cour d’appel n’ayant pas dit que le logement occupé par Mme Y… ne pouvait être classé en sous-catégorie II-B ou II-C, le moyen est sans portée ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l’article 29 de la loi du 23 décembre 1986 et l’article 1er du décret du 12 juin 1987, ensemble l’article 15-III de la loi du 6 juillet 1989 ;

Attendu que les dispositions de l’article 28 ne sont pas opposables au locataire ou occupant de bonne foi dont les ressources, cumulées avec celles des autres occupants du logement, sont inférieures à un seuil fixé par décret ; que les ressources mentionnées à l’article 29 sont celles perçues par le locataire ou occupant de bonne foi et les autres occupants du logement pendant l’année civile précédant celle au cours de laquelle est formulée la proposition de contrat prévue par l’article 28 ;

Attendu que pour rejeter la demande des consorts X… l’arrêt retient que les ressources cumulées nettes de Mme Y… et de sa fille vivant avec elle ne dépassent pas le seuil fixé par le décret du 12 juin 2007 au cours de l’année de référence, que si les revenus cumulés des occupantes du logement au titre de l’année 2004 excèdent de quelques centaines d’euros le seuil de ressources fixé par décret, en revanche, les revenus cumulés de l’année 2005, sont inférieurs au seuil de ressources fixé au titre de la même année, qu’en vertu de l’article 15-III de la loi du 6 juillet 1989, le montant des ressources est apprécié à la date de notification de l’acte, soit en l’espèce au 25 décembre, que cette date se situant à quelques jours de l’année 2006, Mme Y… est en droit d’exiger en application stricte du texte, un calcul « de quantième à quantième » de sorte que l’année de référence est bien l’année 2005 au cours de laquelle ses ressources cumulées avec celles de sa fille ont été inférieures au seuil légal ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’année de référence était l’année civile précédant celle au cours de laquelle avait été formulée la proposition de bail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a débouté Mme Y… de sa demande en dommages intérêts pour procédure abusive, l’arrêt rendu le 27 mars 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y… à payer aux consorts X… la somme de 2 500 euros et rejette sa propre demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Georges, avocat aux Conseils pour les consorts X….

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR, réformant le jugement entrepris, constaté que les conditions d’application du bail de huit ans proposé à Mme Y… en application de l’article 28 de la loi du 23 décembre 1986 n’étaient pas réunies, et, en conséquence, débouté les consorts X… de l’ensemble de leurs demandes et condamné ceux-ci in solidum à rembourser les augmentations des indemnités d’occupation dont Mme Y… s’est acquittée depuis le mois de juillet 2006 en exécution du jugement réformé, augmentées des intérêts au taux légal à compter de chaque échéance payée,

AUX MOTIFS QUE c’est à tort que le premier juge, après avoir rappelé que, pour que l’offre d’un bail de huit ans soit recevable, il faut que le logement soit classé en catégorie II B ou II C et que les ressources de l’occupante, cumulées avec celles des autres occupants des lieux, soient inférieures (sic) à un seuil fixé par décret, a estimé que ces deux conditions étaient réunies ; que Mme Y… est parvenue à retrouver des devis acceptés du 28 février 1969 et du 1er mars 1969, d’un montant respectif de 20.000 F et 600 F, démontrant qu’elle a fait réaliser à ses frais des travaux de chauffage central, électricité et réfection de la cuisine et de la salle de bains améliorant substantiellement le confort du logement qui se trouvait dans un très mauvais état d’entretien et doté d’équipements très rudimentaires lors de l’entrée dans les lieux comme le révèle un constat d’huissier du 4 mars 1969, ces travaux ayant largement contribué au coefficient d’entretien de 2,35 attribué par le décompte de surface corrigée du 1er juillet 1997 dont se prévaut le bailleur pour rapporter la preuve du classement en catégorie II ; qu’en tout cas, il résulte des productions que, contrairement à la lecture qu’en a faite le premier juge, les ressources cumulées nettes de Mme Y… et de sa fille Sophie vivant avec elle ne dépassaient pas le seuil fixé par le décret du 12 juin 2007 (sic) au cours de l’année de référence ; qu’il doit être rappelé que, si les revenus cumulés des occupantes du logement au titre de l’année 2004 excèdent de quelques centaines d’euros le seuil de ressources fixé par le décret précité (revenus cumulés de 33.412 pour un seuil de 32.376 ), en revanche, les revenus cumulés de l’année 2005, d’un montant de 32.752 , sont inférieurs au seuil de ressources de 33.218 fixé au titre de la même année ; qu’en vertu de l’article 15-III, troisième alinéa, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le montant des ressources est apprécié à la date de notification de l’acte, soit en l’espèce au 25 décembre 2005 ; que, cette date se situant à quelques jours de l’année 2006, Mme Y… est en droit d’exiger, en application stricte du texte, un calcul « de quantième à quantième », de sorte que l’année de référence est bien l’année 2005 au cours de laquelle, au vu des chiffres cités plus haut, ses ressources cumulées avec celles de sa fille Sophie ont été inférieures au seuil légal (arrêt attaqué, pp. 3-4) ;

1) ALORS QUE, aux termes du 1°, b), de l’annexe I du décret n° 48-1881 du 10 décembre 1948, modifié par le décret n° 64-625 du 27 juin 1964, les locaux comportant un cabinet de toilette ou une salle de douches ou une salle de bains et un W.-C. intérieur indépendant ou non de cette annexe, et dont le coefficient d’entretien est supérieur à 1,3, ne peuvent être classés dans une catégorie inférieure à la catégorie II ; que le coefficient d’entretien du local au sens des dispositions précitées est défini par l’article 12 du décret n° 48-1766 du 22 novembre 1948, modifié, fixant les conditions de détermination de la surface corrigée des locaux d’habitation ou à usage professionnel ; que ce coefficient est, aux termes de ce texte, destiné à tenir compte de l’état d’entretien du corps de bâtiment où se trouve situé le local, et, aux termes de l’article 20 du même décret, ses modalités de calcul sont déterminées par l’annexe III dudit décret au regard de l’état du gros oeuvre, des couvertures et terrasses, du ravalement, des menuiseries extérieures, des parties communes, de l’entretien courant des locaux et parties communes et de la présence d’un ascenseur, la notice de ladite annexe précisant que le coefficient d’entretien applicable à un local considéré est la somme des coefficients partiels applicables aux éléments précités ; que le coefficient d’entretien au sens des dispositions précitées ne se rapporte pas aux éléments d’équipement intérieurs du local loué ; qu’ainsi, en énonçant que les travaux de chauffage central, électricité et réfection de la cuisine et de la salle de bains, réalisés par Mme Y… à ses frais, avaient amélioré « substantiellement le conforts du logement qui se trouvait dans un très mauvais état d’entretien et doté d’équipements très rudimentaires lors de l’entrée dans les lieux » et « largement contribué au coefficient d’entretien de 2,35 attribué par le décompte de surface corrigée du 1er juillet 1997 », la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2) ALORS QUE, aux termes du 1°, b), de l’annexe I du décret n° 48-1881 du 10 décembre 1948, modifié par le décret n° 64-625 du 27 juin 1964, les locaux comportant un cabinet de toilette ou une salle de douches ou une salle de bains et un W.-C. intérieur indépendant ou non de cette annexe, et dont le coefficient d’entretien est supérieur à 1,3, ne peuvent être classés dans une catégorie inférieure à la catégorie II ; qu’en l’espèce, les consorts X…, invoquant cette disposition, avaient fait valoir, dans leurs conclusions en cause d’appel (p. 10), que le local loué à Mme Y… ne pouvait faire l’objet que d’un classement en catégorie II puisqu’il comprenait bien une salle d’eau et un WC intérieur et que le coefficient d’entretien de l’immeuble était de 2,35, et donc supérieur à 1,30 ; qu’en se bornant à énoncer, pour considérer que le logement loué à Mme Y… ne pouvait cependant être classé en catégorie II, que Mme Y… démontrait avoir fait réaliser à ses frais des travaux « améliorant substantiellement le confort du logement qui se trouvait dans un très mauvais état d’entretien et doté d’équipements très rudimentaires lors de l’entrée dans les lieux », « ces travaux ayant largement contribué au coefficient d’entretien de 2,35 attribué par le décompte de surface corrigée du 1er juillet 1997 dont se prévaut le bailleur », la cour d’appel, en s’abstenant d’examiner la question de savoir si le coefficient d’entretien, même si sa fixation à 2,35 n’était pas retenue, n’en restait pas moins supérieur à 1,3, situation excluant, en vertu du texte susvisé, un classement dans une catégorie inférieure à la catégorie II, n’a, en toute hypothèse, pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

3) ALORS QUE les consorts X… avaient fait valoir, par ailleurs, dans leurs conclusions devant la cour d’appel (pp. 11 et 12), que le loyer avait toujours été payé par Mme Y… sur la base d’une catégorie II B et que, lorsqu’ils lui avaient notifié le décompte de surface corrigée, elle s’était bornée à contester les équivalences superficielles, dont elle soutenait qu’elles devaient être ramenées à 16 m², et avait calculé le montant du loyer qu’elle acceptait de régler pour un montant de 448,03 , soit une surface corrigée de 181 m² en catégorie II B, de sorte qu’en réglant le loyer fixé sur ces bases, elle avait expressément accepté le décompte du prix du loyer calculé sur la base d’une catégorie II B, et qu’elle ne pouvait dès lors contester aujourd’hui cette catégorie sur la base de laquelle elle réglait depuis toujours son loyer ; qu’en délaissant ces conclusions, qui appelaient une réponse, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

4) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, en énonçant qu’en vertu de l’article 15-III, troisième alinéa, de la loi du 6 juillet 1989, le montant des ressources est apprécié à la date de notification de l’acte, et que, en l’occurrence, l’acte de notification à Mme Y… de la proposition d’un nouveau bail de huit ans ayant été faite en décembre 2005, « à quelques jours de l’année 2006 », Mme Y… était « en droit d’exiger, en application stricte du texte, un calcul « de quantième à quantième » » et qu’ainsi l’année de référence pour l’application du seuil de ressources fixé par le décret du 12 juin 1987 était l’année 2005, la cour d’appel a relevé d’office un moyen sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, violant ainsi l’article 16 du Code de procédure civile ;

5) ALORS QUE les ressources mentionnées à l’article 29 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dont le montant, lorsqu’il est inférieur au seuil fixé par le décret n° 87-387 du 12 juin 1987, rend inopposables au locataire les dispositions de l’article 28 de ladite loi, sont celles perçues pendant l’année civile précédant celle au cours de laquelle a été formulée la proposition de contrat prévue par l’article 28 de ladite loi ; qu’ainsi, en considérant, comme elle l’a fait, qu’il résultait de l’article 15-III, 3ème alinéa, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, que la proposition de contrat ayant été notifiée à Mme Y… « à quelques jours de l’année 2006 », l’année de référence à retenir était l’année 2005, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les articles 29 de la loi du 23 décembre 1986 et 1er du décret du 12 juin 1987, et, par fausse application, l’article 15-III, 3ème alinéa, de la loi du 6 juillet 1989 ;

6) ALORS QU’en toute hypothèse, en énonçant que pour l’année 2005, les revenus cumulés de Mme Y… et de sa fille Sophie vivant avec elle, soit 32.752 , étaient « inférieurs au seuil de ressources de 33.218 fixé au titre de la même année » par le décret du 12 juin 1987, quand ledit seuil, fixé en vertu de l’article 2 dudit décret et révisé conformément à l’article 3 du même décret, s’établissait en réalité, en ce qui concerne les revenus nets imposables de 2005, pour deux personnes, à 32.124,23 , la cour d’appel a, en tout état de cause, violé les articles 2 et 3 du décret du 12 juin 1987.


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