Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu’ayant exactement retenu que suivant les dispositions de l’article 566 du code de procédure civile, les parties pouvaient expliciter leurs prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en étaient l’accessoire, la conséquence ou le complément, constaté que tel était le cas alors que M. X… entendait reprendre possession de l’ensemble des terres mentionnées dans le contrat de mise à disposition, observation étant faite que M. X… avait demandé au premier juge » de dire et juger que le groupement agricole d’exploitation en commun des Cerisiers (GAEC), aux droits duquel se trouve l’exploitation agricole à responsabilité limitée des Cerisiers (EARL) et les époux Y… étaient sans droit ni titre sur les parcelles lui appartenant, ainsi que sur toutes les parcelles mises à disposition « , la cour d’appel a pu en déduire que la demande en restitution des 116 ha 12 a 35 ca était recevable ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu’ayant constaté que la convention de mise à disposition, signée par les époux Y…, Mme A… et M. X… faisait mention tant des terres dont ce dernier était locataire 4 ha 30 a 60 ca et 125 ha 63 a 30 ca, avec détail des parcelles en annexe, que de celles dont il était propriétaire 46 ha 90 a 40 ca, que relativement aux parcelles d’une superficie de 125 ha 63 a 30 ca mentionnées dans la convention au titre d’une colocation entre les époux Y… et M. X… il avait été définitivement jugé que les époux Y… et Mme A… ne pouvaient reconnaître à leur bénéfice un bail rural sur aucune des terres, objet du litige, qui avaient fait l’objet de la convention de mise à disposition par M. X…, que la convention stipulait qu’il était convenu qu’elle était le corollaire de l’adhésion de chaque propriétaire au GAEC et qu’elle s’appliquera aussi longtemps qu’ils seront au groupement et, qu’en ce qui concerne les associés preneurs, la présente autorisation d’exploiter donnée au GAEC par » lesdits soussignés » commence ce jour et cessera de plein droit soit à l’expiration des baux soit en cas de retrait de l’un deux pour les biens qu’ils ont convenu de mettre à la disposition du groupement, la cour d’appel qui a retenu souverainement qu’il résultait de l’économie du contrat que les parties avaient entendu lier la qualité de cocontractant à celle d’associé du groupement, la perte de celle-ci qu’elle qu’en fût la cause entraînant la perte de celle-là et par conséquent la fin de la mise à disposition, a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que M. X… et les consorts B… étaient bien fondés à demander la restitution des terres d’une superficie de 116 ha 12 a 40 ca ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu’ayant relevé que le GAEC avait unilatéralement décidé, en violation de l’article 1134 du code civil, de poursuivre l’exploitation des terres qui auraient dû être restituées à M. X… immédiatement après son exclusion, qu’il ne démontrait pas lui avoir remis les terres dont il était propriétaire avant le 26 avril 2002, que ce dernier avait atteint l’âge de 65 ans en 2001, la cour d’appel qui a procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement apprécié le préjudice subi par M. X… dont elle a justifié l’existence par l’évaluation qu’elle en a faite, sans être tenue d’en préciser les divers éléments ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’Earl des Cerisiers et les consorts Y… D… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour l’entreprise Earl des Cerisiers et autres
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné la restitution à Monsieur X… et aux consorts B… par l’EARL DES CERISIERS des parcelles d’une superficie de 116 ha 12 a 40 ca situées sur les communes de DEMANGE-AUX-EAUX, BOUEE SURBARBOURE et REFFROY.
AUX MOTIFS QUE, sur l’irrecevabilité de la demande de restitution de 116 ha 12 a 35 ca, qu’il suffit de rappeler que suivant les dispositions de l’article 566 du Code de procédure civile, les parties peuvent aussi expliciter leurs prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément ; que tel est spécialement le cas alors que M. X… entend reprendre possession de l’ensemble des terres mentionnées dans le contrat de mise à disposition, observation étant faite que M. X… avait demandé au premier juge de dire et juger que le GAEC DES CERISIERS et les époux Y… étaient sans droit ni titre sur les parcelles lui appartenant, ainsi que sur toutes les parcelles mises à disposition ;
ALORS QUE les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ; qu’en outre, les écritures doivent déterminer l’objet précis du litige ; qu’en l’espèce, dans ses écritures de première instance M. X… s’était borné à demander au juge de dire et juger que le GAEC des CERISIERS et les époux Y… étaient sans droit ni titre sur les parcelles appartenant à M. Emile X… et sur toutes autres parcelles mises à disposition ;
que les premiers juges statuant sur la demande avaient condamné le GAEC DES CERISIERS solidairement avec M. et Mme Y… et Mme A… à libérer les parcelles de terres et prés pour une superficie de 46 ha 90 a 40 ca cadastrées commune de REFFROY, et avait débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; que par son jugement du 10 octobre 2002, statuant sur la demande en rectification ou omission de statuer, le Tribunal de grande instance avait retenu que le caractère imprécis de la demande concernant « les autres parcelles » ne permettait pas au Tribunal de déterminer la nature exacte des terres dont il était demandé la restitution ; qu’ainsi il résultait des écritures de procédure et des jugements que la demande initiale soumise au premier juge ne comprenait pas la demande de restitution des parcelles de 116 ha 12 a 35 ca figurant dans les conclusions d’appel ; qu’ainsi, cette demande était nécessairement nouvelle en cause d’appel ; que dès lors, en déclarant la demande recevable, la Cour d’appel a violé les articles 4, 5 et 564 et 566 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné la restitution à Monsieur X… et aux consorts B… par l’EARL DES CERISIERS des parcelles situées sur le territoires des communes de DEMANGE-AUX-EAUX, BOUEE-SUR-BARBOURE, REFFROY, pour une superficie de d’une superficie de 116 ha 12 a 35 ca ;
AUX MOTIFS QUE le fait que le GAEC ait payé les fermages ne saurait invalider la valeur probante des éléments indiqués, alors que la convention de mise à disposition stipule expressément que le GAEC remboursera ou avancera le montant des fermages et indique que les preneurs restent seuls titulaires des baux à eux consentis ; qu’en ce qui concerne les 125 ha 63 a mentionnés dans la convention au titre d’une colocation entre les époux Y… et M. X… il a été définitivement jugé que les époux Y… et Mme A… ne pouvaient reconnaître à leur bénéfice un bail rural sur aucune des terres, objet du litige, qui ont fait l’objet de la convention de mise à disposition par M. Emile X… ; que la convention de mise à disposition n’a légalement pu entraîner aucune cessation du bail, hors agrément du bailleur par M. X… au GAEC ou à 3 associés ; que c’est donc à tort que l’EARL soutient, en l’état de ses productions, qu’elle bénéficie de baux verbaux consentis par les indivisaires B… ; qu’il s’évince encore des éléments et de l’économie générale du contrat, même si la convention ne contient aucune stipulation explicite sur les effets de l’exclusion d’un associé, que les parties ont entendu lier la qualité de cocontractant à celle d’associé du groupement, la perte de celle-ci qu’elle qu’en soit la cause entraînant la perte de celle-là et par conséquent la fin de la mise à disposition ; que les causes de l’exclusion de M. X… du GAEC sont sans incidence sur ce mécanisme ; que M. X… et les consorts B… sont bien fondés à demander la restitution des terres d’une superficie de 116 ha 12 a 40 ca ;
ALORS, D’UNE PART, QUE si l’associé d’un GAEC peut mettre à disposition du Groupement les biens qu’il exploite dans le cadre d’un bail, encore faut-il qu’il justifie de sa qualité de preneur ; que dès lors en statuant comme elle l’a fait sans caractériser la qualité de preneur de M. X… sur les parcelles en cause, l’autorisant à les reprendre à la suite de son exclusion du GAEC, en raison de la cessation corollaire de la convention de mise à disposition, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 323-14 du Code rural et 1134 du Code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE si le départ d’un associé peut entraîner la reprise par lui de ses apports en nature, il n’entraîne pas, de ce seul fait, la cessation de la convention de mise à disposition des terres au profit du Groupement consentie par celui-ci ; que dès lors, en statuant comme elle l’a fait, cependant que l’assemblée générale extraordinaire du GAEC DES CERISIERS en date du 13 novembre 1998 avait décidé que le Groupement poursuivrait l’exploitation des parcelles mises à disposition par M. et Mme Y… appartenant aux indivisions B… pour 125 ha 63 a, la Cour d’appel a procédé d’une violation des articles L. 323-14, R. 323-38 du code rural et 1134 du Code civil.
ALORS DE TROISIEME PART, QU’en toute hypothèse, en statuant encore comme elle l’a fait, sans rechercher, comme elle y avait été invitée par les intimés dans leurs conclusions, si la mise à disposition des terres en litige, au profit du GAEC DES CERISIERS, moyennant le paiement des fermages n’était pas de nature à caractériser l’existence d’un bail verbal direct, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 411-1 du Code rural et 455 du CPC.
ALORS EN OUTRE, qu’en se fondant sur un relevé parcellaire de la MSA du 17 avril 1996, qui n’avait pas été soumis à la discussion contradictoire des parties, la Cour d’Appel a procédé d’une violation de l’article 16 du C. P. C.
ALORS ENFIN qu’en se déterminant comme elle l’a fait sans analyser, même de manière succincte, les attestations versées aux débats par les consorts B… et sans même s’expliquer sur la portée de ces attestations, cependant que nul ne peut se constituer un titre à soi même, la Cour d’Appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 4, 5, et 455 du CP et 1353 du Code Civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné l’EARL DES CERISIERS à payer à Monsieur X… la somme de 100 000 euros, à titre de dommages-intérêts.
AUX MOTIFS, en ce qui concerne le préjudice invoqué par M. X…, QU’il est constant que celui-ci a été privé des terres litigieuses postérieurement au 13 novembre 1998, date de son exclusion du GAEC, qui a, abusivement et unilatéralement décidé de modifier la convention et de continuer l’exploitation des terres mises à disposition par l’associé, en tant que preneur ou que propriétaire ; que le préjudice est donc certain sans que la Cour ait à se livrer à une étude divinatoire sur les capacités matérielles ou administratrices de M. X… à exploiter ces terres ou à prendre en considération les causes d’exclusion de M. X… du GAEC ; qu’eu égard aux documents produits et en tenant compte du fait que M. X… a atteint l’âge de 65 ans en 2001, le préjudice subi par l’appelant sera exactement évalué à 100. 000 euros ;
ALORS, D’UNE PART, QU’en statuant de la sorte, sans s’expliquer ni sur la faute commise par le GAEC des CERISIERS, ni sur le préjudice résultant et effectivement subi par M. X…, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1147 du Code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART, QU’en statuant encore comme elle l’a fait sans même caractériser les droits et la qualité de M. X… sur les parcelles reprises et délaissées par le GAEC, cependant qu’il avait été constaté que ces parcelles appartenaient aux consorts B… et que M. X… ne disposait d’aucun titre de jouissance l’autorisant à les mettre en valeur, la Cour d’appel n’a pas de ce chef également justifié sa décision ;
ALORS, ENFIN, QU’en allouant une somme forfaitaire de 100 000 euros à M. X…, à la charge de l’EARL des CERISIERS sans même s’expliquer sur cette somme, la Cour d’appel a procédé d’une violation de l’article 1147 du Code civil.