Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 décembre 2008, 07-19.122, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 décembre 2008, 07-19.122, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2007), que Mme X… a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du … notamment en annulation de la décision de l’assemblée générale du 19 janvier 2004 décidant de surseoir à statuer à toute décision concernant la création d’un ascenseur et au bénéfice d’une décision de l’assemblée générale du 6 février 1992 autorisant un ou plusieurs copropriétaires à installer cet ascenseur à leurs frais ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation de la décision du 19 janvier 2004, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu’il est en présence d’un acte imprécis, il incombe au juge d’en fixer le sens en usant de son pouvoir d’interprétation, et ce à peine de déni de justice ; qu’après avoir rappelé que la délibération du 6 février 1992 autorisait « un ou plusieurs copropriétaires » à effectuer à leurs frais les travaux d’installation d’un ascenseur affectant les parties communes et l’aspect extérieur de l’immeuble, les juges du fond ont refusé de reconnaître à Mme X… un droit acquis au motif que la délibération en cause n’était pas nominative ; que l’autorisation ayant été clairement donnée à « un ou plusieurs copropriétaires », il appartenait aux juges du fond, en usant au besoin de leur pouvoir d’interprétation, de dire si Mme X… relevait ou non des bénéficiaires de l’autorisation ; qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges du fond ont violé les articles 4 du code civil, 12 du code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que toute décision, quel qu’en soit l’objet, peut donner lieu à annulation, notamment en cas d’abus de droit ; qu’en cas d’autorisation donnée à un copropriétaire d’effectuer des travaux d’installation d’un ascenseur, le fait pour l’assemblée générale des copropriétaires de décider de surseoir à statuer sur l’aménagement de l’ascenseur et de faire ainsi obstacle, même temporairement, à l’aménagement de l’ascenseur, peut réaliser un abus de droit ; qu’en décidant le contraire, les juges du second degré ont violé les règles régissant l’abus de droit, ensemble l’article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

3°/ que, et en tout cas, dès lors que l’assemblée générale des copropriétaires a autorisé en son principe un copropriétaire à réaliser certains travaux, telle que l’installation d’un ascenseur, cette autorisation engage la copropriété comme ayant un caractère décisoire ; qu’en adoptant le motif des premiers juges selon lequel une telle décision ne peut créer de droits au profit d’un copropriétaire, les juges du fond ont en tout état de cause violé les articles 25 et 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la délibération du 6 février 1992 ne constituait qu’une simple autorisation de principe dévolue à « un ou plusieurs copropriétaires », en aucun cas d’une décision engageant la copropriété et créant des droits au bénéfice des copropriétaires ayant souhaité pouvoir construire cet ascenseur et en particulier au profit de Mme X…, et exactement relevé qu’un tel vote de l’assemblée générale du 19 janvier 2004 n’était nullement constitutif d’un abus de droit dès lors que l’assemblée générale s’était impartie un délai pour se prononcer, la cour d’appel a pu en déduire, sans violer la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que Mme X… ne pouvait s’en prévaloir au titre d’un droit acquis en sa faveur non susceptible d’être remis en cause ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que l’arrêt n’a pas dans son dispositif statué sur la demande de Mme X… d’effectuer personnellement les travaux d’installation d’ascenseur ; que l’omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue par l’article 463 du code de procédure civile, le moyen n’est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X… ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l’audience publique du dix sept décembre deux mille huit par M. Cachelot, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, conformément à l’article 452 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par Me Y…, avocat aux Conseils pour Mme X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION L’arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU’il a rejeté les demandes de Mme X…, et notamment la demande visant à l’annulation de la délibération du 19 janvier 2004 ;

AUX MOTIFS propres QUE «l’autorisation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires du 6 février 1992 «à un ou plusieurs copropriétaires d’effectuer à leurs frais les travaux d’installation d’un ascenseur affectant les parties communes et l’aspect extérieur de l’immeuble» n’étant pas nominative, Mme Ivana X… ne saurait s’en prévaloir au titre d’un droit acquis en sa faveur ne pouvant être remis en cause ; qu’au demeurant, l’assemblée générale des copropriétaires du 19 janvier 2004 – dont l’ordre du jour prévoyait en son point 21 la question suivante : «Création d’un ascenseur. Vote d’une grille de répartition pour les frais d’installation et d’entretien – Modificatif au règlement de copropriété (mandat au syndic) – Décision» – s’est contentée «de surseoir à toute décision concernant la question de la création d’un ascenseur, y compris la reconduction du vote de principe de l’assemblée du 6 février 1992. Les parties intéressées ont pris un délai de deux mois afin de recueillir l’avis d’experts ou d’avocats avant de se prononcer » ; que l’assemblée générale des copropriétaires n’a donc pas pris de décision susceptible d’annulation mais, en réponse à l’ordre du jour, a décidé de consulter dans un délai déterminé des hommes de l’art ou des juristes avant de se prononcer ; qu’un tel vote n’est nullement constitutif d’un abus de droit dès lors que l’assemblée générale s’est imparti un délai pour se prononcer (…) » (arrêt, p. 4, § 3, 4, et 6) ;

Et AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QUE «dans la seconde partie de la résolution, les copropriétaires décident de surseoir à toute décision concernant la question de la création d’un ascenseur ; qu’il importe peu que ce point ne figure pas à l’ordre du jour dans la mesure où il ne s’agit pas d’une véritable décision, mais seulement d’un ajournement sans valeur décisoire ; que, dans ces conditions, Mme X… n’est pas davantage fondée à en demander l’annulation ; que la demanderesse fait également valoir que l’assemblée des copropriétaires aurait commis un abus de droit en votant la décision de surseoir à statuer à toute décision concernant la création d’un ascenseur, y compris la reconduction du vote de principe de l’assemblée du 6 7 février 1992 ; que néanmoins, aux termes de l’assemblée du 6 février 1992, les copropriétaires ont décidé «d’autoriser un ou plusieurs copropriétaires d’effectuer à leurs frais les travaux d’installation d’un ascenseur affectant les parties communes et l’aspect extérieur de l’immeuble» ; qu’au vu de la résolution elle-même, il s’agit néanmoins d’une simple autorisation de principe dévolue à «un ou plusieurs copropriétaires» ; qu’il ne s’agit en aucun cas d’une décision engageant la copropriété et créant des droits au bénéfice des copropriétaires ayant souhaité pouvoir construire cet ascenseur et en particulier au profit de Mme X… ; que, dans ces conditions, il apparaît que l’assemblée du 19 janvier 2004 n’a commis aucun abus de droit en votant un sursis à statuer qui n’est au demeurant pas une réelle décision ; qu’il convient de rejeter la demande d’annulation de la deuxième partie de la résolution n° 21 du 19 janvier 2004 (…)» (jugement, p. 4, § 7 à 14) ;

ALORS QUE, premièrement, lorsqu’il est en présence d’un acte imprécis, il incombe au juge d’en fixer le sens en usant de son pouvoir d’interprétation, et ce à peine de déni de justice ; qu’après avoir rappelé que la délibération du 6 février 1992 autorisait «un ou plusieurs copropriétaires» à effectuer à leurs frais les travaux d’installation d’un ascenseur affectant les parties communes et l’aspect extérieur de l’immeuble, les juges du fond ont refusé de reconnaître à Mme X… un droit acquis au motif que la délibération en cause n’était pas nominative ; que l’autorisation ayant été clairement donnée à «un ou plusieurs copropriétaires», il appartenait aux juges du fond, en usant au besoin de leur pouvoir d’interprétation, de dire si Mme X… relevait ou non des bénéficiaires de l’autorisation ; qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges du fond ont violé les articles 4 du Code civil, 12 du Code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, deuxièmement, toute décision, quel qu’en soit l’objet, peut donner lieu à annulation, notamment en cas d’abus de droit ; qu’en cas d’autorisation donnée à un copropriétaire d’effectuer des travaux d’installation d’un ascenseur, le fait pour l’assemblée générale des copropriétaires de décider de surseoir à statuer sur l’aménagement de l’ascenseur et de faire ainsi obstacle, même temporairement, à l’aménagement de l’ascenseur, peut réaliser un abus de droit ; qu’en décidant le contraire, les juges du second degré ont violé les règles régissant l’abus de droit, ensemble l’article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Et ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, dès lors que l’assemblée générale des copropriétaires a autorisé en son principe un copropriétaire à réaliser certains travaux, tels que l’installation d’un ascenseur, cette autorisation engage la copropriété comme ayant un caractère décisoire ; qu’en adoptant le motif des premiers juges selon lequel une telle décision ne peut créer de droits au profit d’un copropriétaire, les juges du fond ont en tout état de cause violé les articles 25 et 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

SECOND MOYEN DE CASSATION L’arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU’il a rejeté la demande de Mme X… de se voir autoriser à effectuer personnellement les travaux d’installation d’un ascenseur ;

AUX MOTIFS QUE la demande de Madame Ivana X… de se voir autorisée par la Cour à exécuter elle-même les travaux d’installation d’un ascenseur est nouvelle et ne saurait prospérer ;

ALORS QUE, premièrement, les juges du fond devaient rechercher si la demande de Mme X… visant à être autorisée à réaliser elle-même les travaux ne tendaient pas aux mêmes fins que les demandes formulées en première instance visant à obtenir l’aménagement d’un ascenseur et si, dès lors, elle n’était pas recevable, bien que nouvelle ; que faute d’avoir effectué cette recherche, l’arrêt attaqué est dépourvu de base légale au regard de l’article 565 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, une demande formulée en cause d’appel est recevable dès lors qu’elle est la conséquence ou le complément de la demande formulée en première instance ; que les juges du fond devaient rechercher, avant de statuer comme ils l’ont fait, si la demande formulée par Mme X… et visant à être autorisée à réaliser personnellement les travaux d’installation de l’ascenseur n’était pas la conséquence ou le complément des demandes formulées en première instance concernant la réalisation d’un ascenseur pour le service de certains copropriétaires ; que faute de s’être prononcé sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 566 du Code de procédure civile.


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