Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte aux époux X… du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. Y… ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° W 08-10. 171, ci-après annexé :
Attendu qu’ayant relevé que la société Hostellerie du Château de la Tour fondait en droit sa demande en indemnisation du préjudice résultant de la perte d’exploitation et de la baisse du chiffre d’affaires pendant les travaux sur le fait que la cession du fonds de commerce serait » purement fictive et dénuée de cause et d’objet « , le droit au bail n’ayant pas été consenti par les époux X…, la cour d’appel, qui a retenu que le fonds de commerce avait été vendu à un prix donné pour les éléments corporels et incorporels existants et effectivement exploités immédiatement dans les lieux par la volonté de la société civile immobilière Hélène, nouveau propriétaire des murs, a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche sur l’existence d’un préjudice résultant d’une perte d’exploitation que ses constatations rendaient inopérante, qu’il n’existait aucun fondement à une action indemnitaire et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° W 08-10. 171, ci-après annexé :
Attendu qu’ayant souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que M. Y… n’avait pas connaissance de l’existence du procès-verbal de la commission de sécurité du 25 novembre 1999 autorisant la poursuite de l’exploitation de l’hôtel en proposant certaines prescriptions immédiates, ni du rapport de la société Koné, qu’à défaut de communication spontanée de la part des époux X…, vendeurs, il ne disposait pas de moyen propre de se procurer ces avis, et qu’il n’avait de raison d’en soupçonner ou d’en vérifier l’existence, la cour d’appel a pu en déduire l’absence de faute du notaire rédacteur de l’acte de vente ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi n° P 07-21. 867 et sur le premier moyen du pourvoi n° W 08-10. 171 qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hostellerie du Château de la Tour et la SCI Hélène, ensemble, à payer à M. Y… la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° P 07-21. 867 par Me Hémery, avocat aux Conseils pour M. et Mme X…,
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir constaté le comportement dolosif des époux X… lors de la signature par eux des actes de vente des murs et du fonds de commerce leur appartenant le 7 septembre 2001, dans des conditions de nature à engager leur responsabilité et de les avoir condamnés solidairement à payer la somme de 50 000 euros à la SCI HELENE à titre de dommages-intérêts outre les intérêts légaux à compter du 12 décembre 2006.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « 1° – Attendu que Maître Y…, notaire à MANDELIEU, a authentifié par deux actes en date du 7 septembre 2001 la vente par les époux X…, alors âgés de 80 et 76 ans et désireux de prendre leur retraite :
– d’un immeuble à usage d’hôtel sis à CANNES … pour le prix de 1. 981. 837, 22 euros à la SCI HELENE,
– d’un fonds de commerce relatif à l’hôtel restaurant exploité en nom personnel par Ginette X… dans l’immeuble … à la SARL HOSTELLERIE CHATEAU DE LA TOUR pour le prix de 533. 571, 56 euros ;
Attendu qu’immédiatement après les acquisitions, un bail commercial a été formalisé par la SCI HELENE à la SARL HOSTELLERIE CHATEAU DE LA TOUR, le 1er décembre 2001, étant observé que ces deux sociétés avaient les mêmes dirigeants et actionnaires, notamment les époux A… ;
Attendu qu’après avoir effectué des travaux de rénovation et de transformation destinés notamment à permettre le passage de l’hôtel de la catégorie 2 ETOILES à la catégorie 3 ETOILES, les sociétés ont revendu leur affaire avec « une considérable plus value » qu’elles ne contestent pas ;
Attendu que les époux X… ont dissimulé à la SCI HELENE, responsable de l’état foncier des murs de l’hôtel, l’existence et le contenu de l’avis de la Commission de Sécurité du 25 novembre 1999, ainsi que l’étude de sécurité KONE du 21 avril 1997, et qu’une simple visite des lieux, même faite par un professionnel, si elle pouvait révéler l’état de vétusté des locaux et installations, ne pouvait suffire à faire deviner à l’acquéreur les obligations réglementaires pesant sur les époux X… antérieurement à la vente du 7 septembre 2001 et dont ces derniers étaient parfaitement conscients ;
Attendu que si la SCI HELENE avait eu connaissance des restrictions imposées par l’administration communale à l’exploitation de l’hôtel conforme à la destination des lieux, celle-ci aurait contracté à des conditions différentes compte tenu de l’équilibre financier entre son investissement et le bénéfice escompté par l’établissement d’un bail commercial, au profit de l’exploitant de l’hôtel ; de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a admis le bien-fondé de l’action en responsabilité délictuelle initiée par la SCI HELENE pour obtenir de la part des époux X… réparation du préjudice qu’elle a subi ;
Attendu en revanche que ce préjudice ne peut être que strictement limité aux conséquences directes des injonctions et non-conformités spécifiées dans le procès-verbal de visite périodique et le rapport KONE ;
Attendu que l’installation d’un système de désenfumage de l’escalier central, le recoupement des circulations des étages par les parois et blocs-portes adéquats et le changement d’ouverture de toutes les portes de désengagement, ainsi que les postes visés en page 13 des conclusions des époux X…, y compris la remise en sécurité de la machinerie d’ascenseur, aboutissent à un total que la Cour chiffre à la somme globale de 50 000 euros » (arrêt p. 3, 4 et 5).
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Dès lors en ne révélant pas aux acquéreurs le contenu de ces avis dont ils avaient nécessairement connaissance, les époux X…, professionnels de l’hôtellerie, ont manifestement manqué à leur obligation d’information qui pesait sur eux en leur qualité de vendeur et réalisé une réticence dolosive du contenu des informations dont ils disposaient dans des conditions de nature à vicier en partie le consentement à l’acquisition de la Société Civile Immobilière HELENE et de la SARL HOSTELLERIE DE LA TOUR, alors que celles-ci démontrent par la production des avenants aux compromis que la détermination du prix de vente du fonds de commerce a donné lieu à discussion et pourparlers ;
Il est probable que dans ces conditions, la révélation de l’existence de ces deux documents aurait nécessairement conduit à une nouvelle détermination du prix de cession, dans des conditions de nature à démontrer que ce dol a été déterminant de la volonté contractuelle des acquéreurs » (jugement p. 6).
1° ALORS QUE le dol doit revêtir un caractère déterminant sur le consentement de l’acquéreur ; qu’en ayant énoncé que la dissimulation des travaux recommandés par la Commission de sécurité et par la Société KONE pour l’ascenseur avait été déterminante pour l’engagement des acquéreurs tout en ayant évalué le montant de ces travaux à la somme de 50. 000 euros et relevé que le prix de vente de l’immeuble avait été fixé à la somme de 1. 900. 000 euros d’où il résultait que ce montant représentait un pourcentage extrêmement faible de ce prix, à savoir moins de 3 %, la Cour d’Appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l’article 1116 du Code Civil.
2° ALORS QUE le dol commande d’être apprécié au regard de la finalité de l’opération poursuivie par l’acquéreur ; qu’est dans ces conditions sans conséquence la dissimulation prétendue d’éléments faisant état de la vétusté de certains équipements et de la nécessité d’y remédier, lorsqu’il résulte des constatations de l’arrêt que l’acquéreur entend réaliser une opération de remise en état complète de l’hôtel pour le changer de catégorie 2 en 3 étoiles avec revente du bien dans un bref délai pour réaliser une considérable plus-value ; qu’en ayant décidé du contraire pour condamner les époux X…, la Cour d’Appel a violé l’article 1116 du Code Civil.
Moyens produits au pourvoi n° W 08-10. 171 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Hostellerie du Château de la Tour et la SCI Hélène,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué, qui constate par confirmation du jugement le comportement dolosif des époux X… lors de la signature des actes de vente des murs et du fonds de commerce et leur responsabilité, d’avoir, infirmant de ce chef le jugement, limité leur condamnation au paiement d’une somme de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Aux motifs que l’avis de la commission de sécurité autorisait la poursuite de l’exploitation de l’hôtel en proposant les prescriptions immédiates suivantes : installation d’un système de désenfumage de l’escalier central, recoupement des circulations des étages par des parois et de blocs-portes pare-flammes de degré ½ heures munies de ferme-portes, l’ouverture dans le sens de la sortie de toutes les portes intérieures ou extérieures utilisées pour le dégagement, fournir l’attestation après travaux d’électricité précisant la conformité aux normes actuelles demandée depuis 1987 ; que l’étude de sécurité Koné du 21 avril 1997 préconisait par ailleurs certains travaux de mise aux normes pour protéger les intervenants assurant la maintenance technique sur la machinerie de l’ascenseur ; que l’expert judiciaire B… a conclu que les non-conformités évoquées dans le rapport Galtier et les rapports annexes de Koné et du contrôleur technique de l’APAVE ont été vérifiées, que sur les questions électriques, la vétusté des installations ne les faisait plus répondre aux directives de la norme C 15-100 « le conseil technique des époux X… a bien voulu en convenir » ; que le montant des travaux de reprise visés par la mission après contrôle des factures s’élèverait à 412. 307, 61 euros, l’expert ayant relevé la difficulté de distinguer ce qui relève des travaux d’embellissement et ce qui relève des travaux de mise aux normes ; que les époux X… ont dissimulé à la SCI Hélène l’existence et le contenu de l’avis de la commission de sécurité et l’étude de sécurité Koné et une simple visite des lieux même par un professionnel, si elle pouvait révéler l’état de vétusté des locaux et installations, ne pouvait suffire à faire deviner à l’acquéreur les obligations réglementaires pesant sur les époux X… antérieurement à la vente du 7 septembre 2001 et dont ces derniers étaient parfaitement conscients ; que si la SCI Hélène avait eu connaissance des restrictions imposées par l’administration communale à l’exploitation de l’hôtel conforme à la destination des lieux, celle-ci aurait contracté à des conditions différentes compte tenu de l’équilibre financier entre son investissement et le bénéfice escompté par l’établissement d’un bail commercial au profit de l’exploitant de l’hôtel ; que c’est à juste titre que le premier juge a admis le bien-fondé de l’action en responsabilité délictuelle initiée par la SCI Hélène pour obtenir la réparation du préjudice subi ; qu’en revanche, le préjudice ne peut être que strictement limité aux conséquences directes des injonctions et non-conformités spécifiées dans le procès-verbal de visite périodique et le rapport Koné ; que l’installation d’un système de désenfumage de l’escalier central, le recoupement des circulations des étages par des parois et blocs-portes adéquats et le changement d’ouverture de toutes les portes de désengagement, ainsi que les postes visés en page 13 des conclusions des époux X…, y compris la remise en sécurité de la machinerie d’ascenseur, aboutissent à un total que la Cour chiffre à la somme globale de 50. 000 euros ; qu’en revanche, tout le reste des travaux de mise en conformité, tel qu’énuméré par l’expert B…, concerne des travaux de rénovation et de transformation des lieux en vue de leur adaptation à une autre destination, de sorte qu’ils ne sont pas imputables aux vendeurs ; qu’en particulier l’installation électrique existant au moment de la vente se trouvait correspondre aux normes en vigueur au moment de l’acquisition par les époux X… de l’hôtel en 1980, encore visiblement en place au moment de la vente de 2001, ce que confirme le contenu du procès-verbal de la commission de sécurité du 25 novembre 1999 qui relève : électricité, fournir une attestation établie par l’entreprise ayant effectué les travaux d’électricité précisant la conformité aux normes actuelles (demandée depuis 1987) ; que ce défaut de justification n’a pas entraîné en soi de préjudice spécifique à la SCI Hélène puisque celle-ci ayant décidé de rénover entièrement l’immeuble à usage d’hôtel, était tenue de mettre l’installation électrique existante au demeurant apparente et connue des acquéreurs aux normes en vigueur depuis 2001, alors qu’il n’est pas démontré que l’état électrique de l’hôtel réalisé dans les années 1980-1987 devait être modifié pour permettre la poursuite à l’identique de l’exploitation de l’hôtel selon l’ancienne gestion ; qu’en tout état de cause, en décidant d’acquérir pour transformer l’hôtel, la SCI Hélène était contrainte de supporter le coût important des nouvelles exigences réglementaires en matière d’électricité, ce qui est uniquement la conséquence de son choix de promotion de l’hôtel avec un nouveau parti pris architectural, choix dont les époux X… ne sont nullement comptables ;
Alors, d’une part, que les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que le juge ne peut limiter la réparation du préjudice en raison de l’embellissement qui pourrait résulter de la remise en état des lieux ; qu’en se fondant pour écarter l’évaluation par l’expert du coût des travaux rendus nécessaires par les non-conformités dissimulées à l’acquéreur, sur la circonstance que cette évaluation ne distingue pas les travaux de remise aux normes et les travaux d’embellissement, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
Alors, d’autre part, qu’en se bornant à constater le caractère apparent de l’installation électrique, sans rechercher si la SCI Hélène qui n’a pas été informée des exigences de justification de la conformité de l’installation électrique aux normes actuelles émises avant la vente par la commission de sécurité, était en mesure de se convaincre par elle-même de la non-conformité de cette installation aux normes actuelles et après avoir admis au contraire que si la visite des lieux, même par un professionnel, pouvait révéler l’état de vétusté des installations, elle ne pouvait suffire à faire deviner à l’acquéreur les obligations réglementaires pesant sur les époux X…, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du Code civil ;
Alors, en troisième lieu, qu’en énonçant qu’il ne serait pas prouvé que l’installation électrique devait être modifiée pour permettre la poursuite à l’identique de l’exploitation de l’hôtel, après avoir elle-même constaté que la commission de sécurité n’avait proposé la poursuite de l’exploitation immédiate qu’après avoir demandé la justification par les époux X… de la conformité de l’électricité aux normes actuelles et que l’expert avait relevé que la vétusté des installations électriques ne les faisait plus répondre aux directives de la norme C 15-100, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l’article 1382 du Code civil qu’elle a encore violé ;
Alors, enfin, qu’en statuant comme elle l’a fait, sans aucun motif de nature à justifier son refus de réparer le préjudice subi au titre de la non-conformité de la cuisine et de la piscine et de limiter l’indemnisation aux seules conséquences directes des injonctions et non-conformités spécifiées dans le procès-verbal de visite périodique et le rapport Koné, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la SARL Hostellerie du Château de la Tour de sa demande en indemnisation de son préjudice du chef de la perte d’exploitation ;
Aux motifs que le fonds de commerce ayant été vendu à un prix donné pour les éléments corporels et incorporels existants et effectivement exploités immédiatement dans les lieux par la volonté de la SCI Hélène nouveau propriétaire des murs, il n’existe aucun motif d’annulation de l’acte de cession ni de fondement à une action indemnitaire ; que le jugement sera confirmé par substitution de motifs ;
Alors qu’en statuant comme elle l’a fait par substitution de motifs, sans s’expliquer dès lors qu’elle y était invitée, sur la perte d’exploitation résultant pour le propriétaire du fonds de commerce, de la fermeture de l’hôtel pendant la durée des travaux de mise en conformité, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la SCI Hélène et la société Hostellerie du Château de la Tour de leurs prétentions à l’encontre de Maître Y…, notaire ;
Aux motifs que Maître Y… n’avait pas connaissance de l’existence du procès-verbal de la commission de sécurité du 25 novembre 1999 ni du rapport Koné du 21 avril 1997 ni de raison d’en soupçonner ou d’en vérifier l’existence ;
Alors qu’en sa qualité de rédacteur de l’acte, le notaire est tenu de s’assurer de l’efficacité de celui-ci et à ce titre, de vérifier la situation de l’immeuble au regard des exigences administratives et en cas de difficulté, d’en informer les parties ; qu’en considérant que le notaire n’avait pas l’obligation de vérifier la situation de l’hôtel au regard des exigences administratives de sécurité, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil.