Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 décembre 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1179 F-D
Pourvoi n° M 20-10.831
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2021
La société [8], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée société [5], a formé le pourvoi n° M 20-10.831 contre l’arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d’appel d’Amiens (2e chambre de la protection sociale), dans le litige l’opposant à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [8], anciennement dénommée [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle, et l’avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 21 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Amiens, 22 novembre 2019), la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle (la CARSAT) ayant imputé au compte employeur de la société [5], devenue [8] (la société), les incidences financières des maladies professionnelles déclarées par M. [E] le 22 avril 2014, et par M. [Y] le 17 octobre 2016, la société a saisi la juridiction de la tarification d’un recours.
Examen des moyens
Sur le second moyen
2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l’arrêt de confirmer que les incidences financières de la maladie déclarée le 22 avril 2014 par M. [E] seront maintenues à son compte employeur, alors :
« 1°/ que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu’il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l’activité d’un salarié au sein d’un établissement déterminé, quelle que soit l’entreprise exploitant cet établissement, peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement ; qu’au cas présent, la société [5] faisait valoir qu’elle exploitait uniquement un établissement situé [Adresse 2] dont l’activité était la fabrication de rails et de poutrelles métalliques et que cette activité avait été exploitée antérieurement par les sociétés [16], filiale de la société [18], [7] et [17] ; qu’elle faisait valoir que cette activité de fabrication de rails et de poutrelles métalliques avait été transférée par la société [18] à la société [16] en 1994 et qu’elle était distincte d’autres activités industrielles également exploitées par la société [18], aux droits de laquelle viennent les sociétés [15] puis [4], au sein d’un autre établissement situé [Adresse 1] ; qu’elle exposait que M. [E] n’avait jamais fait partie des effectifs de l’établissement de fabrication de poutrelles métalliques et de rails situé [Adresse 2], de sorte que les coûts moyens afférents à la maladie professionnelle de cet assuré ne pouvaient être imputés au compte employeur de cet établissement ; que, pour débouter la société [5] de son recours, la cour d’appel s’est bornée à relever que M. [E] avait été salarié de la société [18] « sur le site d’Hayange » ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il n’existait pas plusieurs sites exploités par la société [18] et si M. [E] avait travaillé au sein de l’établissement de fabrication de poutrelles métalliques et de rails situé [Adresse 2] exploité par la société [5], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu’il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l’activité d’un salarié au sein d’un établissement déterminé, quelle que soit l’entreprise exploitant cet établissement, peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement ; qu’il incombe à la CARSAT, qui prétend imputer les coûts moyens relatifs à une maladie professionnelle sur le compte employeur d’un établissement, de rapporter la preuve que la victime a bien exercé une activité professionnelle au sein de cet établissement ; que la société [5] exposante faisait valoir que M. [E] n’avait jamais fait partie des effectifs de l’établissement qu’elle exploitait [Adresse 2] ayant pour activité la fabrication de poutrelles métalliques et de rails, de sorte que les coûts moyens afférents à la maladie professionnelle de cet assuré ne pouvaient être imputés au compte employeur de cet établissement ; que la CARSAT ne faisait état d’aucun élément, ni ne produisait aucune pièce de nature à établir que M. [E] aurait travaillé au sein de cet établissement ; qu’en déboutant néanmoins, la société [5] de son recours au motif qu’elle ne produisait pas d’élément visant à contester sa qualité de successeur de la société [18], cependant qu’il incombait à la CARSAT de rapporter la preuve que M. [E] avait bien travaillé au sein de l’établissement exploité par la société [5], la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315, devenu 1353, du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 246-6-6 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l’article D. 242-6-1 du code de la sécurité sociale :
4. Selon ce texte, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement.
5. Pour rejeter le recours de la société en ce qu’il visait le retrait de son compte employeur des conséquences financières de la maladie de M. [E], l’arrêt retient, d’une part, que celui-ci a été salarié pendant trente-six ans de la société [18] sur le site d'[Localité 10], que cette société a été renommée, depuis lors, [15], entité gérant le passif d’Unimetal et, d’autre part, qu’en 1994, la société [18] est devenue [16] à [Localité 10], puis [7], Tata Steel France puis [5]. Il ajoute qu’il n’y a pas de rupture de risque, de sorte que la société [5] doit être considérée en terme de tarification comme le repreneur de l’établissement d'[Localité 10] de la société [18], les cotisations dues par la société doivent être calculées en fonction des risques survenus aux anciennes sociétés, même si ceux-ci n’ont pas été repris par le nouvel exploitant.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il existait plusieurs sites exploités par la société [18] et si M. [E] avait travaillé au sein de l’établissement de fabrication de poutrelles métalliques et de rails situé [Adresse 2], seul établissement exploité par la société [5], devenue [8], la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il confirme que les conséquences financières de la maladie déclarée le 22 avril 2014 par M. [E] seront maintenues sur le compte employeur de la société [5], devenue [8], l’arrêt rendu le 22 novembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ;
Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens, autrement composée ;
Condamne la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle et la condamne à payer à la société [8] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [8], anciennement dénommée société [5]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
(sur l’imputation des coûts relatifs à la maladie de M. [E])
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé que les incidences financières de la maladie déclarée le 22 avril 2014 par M. [E] seront maintenues sur le compte employeur de la société [5] en sa qualité de repreneur de l’établissement d’Hayange de la société [18] devenue [16] et d’avoir rejeté le recours de la société [5] ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d’inscription au compte spécial de la maladie professionnelle du 14 avril 2016 de Monsieur [E]. En l’espèce, la société [5] sollicite le retrait de son compte employeur des conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [E] le 22 avril 2014 au motif que ce dernier n’a jamais travaillé pour la société [5] en tant que salarié. En l’espèce, Monsieur [E] a déclaré une maladie professionnelle relative à une pathologie relevant du tableau 30 bis le 22 avril 2014. Monsieur [E] a été salarié du 21 juillet 1960 au 24 juillet 1996, soit pendant 36 ans de la société [18] sur le site d'[Localité 10]. La cour a toutefois considéré dans le cadre du présent litige que la société [5] n’apporte pas d’éléments visant à contester la qualité de successeur de la tarification. En effet, il appartenait à la société [5] de prouver qu’elle n’a pas effectué de reprises successives et donc qu’elle n’a pas repris la sinistralité de la société [16] au sens de l’article D.242-6-17 du code de sécurité sociale. Ainsi la société [5] ne peut valablement soutenir ne pas être le dernier employeur ayant exposé au risque lorsque l’exposition au risque au sein de la société [18] est établie. En effet, la société [18] avait un établissement à [Localité 10]. Cette société a été renommée depuis [15] entité gérant le passif d’UNIMETAL. En 1994, la société [18] est devenu [16] à [Localité 10], puis [7], [17] et enfin [5]. La cour considère qu’il n’a pas de rupture de risque, de sorte que la société [5] doit être considéré en termes de tarification comme le repreneur de l’établissement d'[Localité 10] de la société [18], les cotisations dues par la société [18] doivent être calculées en fonction des risques survenus aux salariés des anciennes sociétés, même si ceux-ci n’ont pas été repris par le nouvel exploitant. Dès lors, c’est à bon droit que la CARSAT a maintenu les incidences de la maladie professionnelle de Monsieur [E] sur le compte employeur de la société [5] » ;
1. ALORS QUE le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu’il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l’activité d’un salarié au sein d’un établissement déterminé, quelle que soit l’entreprise exploitant cet établissement, peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement ; qu’au cas présent, la société [5] faisait valoir qu’elle exploitait uniquement un établissement situé [Adresse 2] dont l’activité était la fabrication de rails et de poutrelles métalliques et que cette activité avait été exploitée antérieurement par les sociétés [16], filiale de la société [18], [7] et [17] ; qu’elle faisait valoir que cette activité de fabrication de rails et de poutrelles métalliques avait été transférée par la société [18] à la société [16] en 1994 et qu’elle était distincte d’autres activités industrielles également exploitées par la société [18], aux droits de laquelle viennent les sociétés [15] puis [4], au sein d’un autre établissement situé [Adresse 1] ; qu’elle exposait que M. [E] n’avait jamais fait partie des effectifs de l’établissement de fabrication de poutrelles métalliques et de rails situé [Adresse 2], de sorte que les coûts moyens afférents à la maladie professionnelle de cet assuré ne pouvaient être imputés au compte employeur de cet établissement ; que, pour débouter la société [5] de son recours, la cour d’appel s’est bornée à relever que M. [E] avait été salarié de la société [18] « sur le site d’Hayange » ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il n’existait pas plusieurs sites exploités par la société [18] et si M. [E] avait travaillé au sein de l’établissement de fabrication de poutrelles métalliques et de rails situé [Adresse 2] exploité par la société [5], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS QUE le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement ; qu’il en résulte que seuls les coûts relatifs aux sinistres imputables à l’activité d’un salarié au sein d’un établissement déterminé, quelle que soit l’entreprise exploitant cet établissement, peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur du risque propre à cet établissement ; qu’il incombe à la CARSAT, qui prétend imputer les coûts moyens relatifs à une maladie professionnelle sur le compte employeur d’un établissement, de rapporter la preuve que la victime a bien exercé une activité professionnelle au sein de cet établissement ; que la société [5] exposante faisait valoir que M. [E] n’avait jamais fait partie des effectifs de l’établissement qu’elle exploitait [Adresse 2] ayant pour activité la fabrication de poutrelles métalliques et de rails, de sorte que les coûts moyens afférents à la maladie professionnelle de cet assuré ne pouvaient être imputés au compte employeur de cet établissement ; que la CARSAT d’Alsace Moselle ne faisait état d’aucun élément, ni ne produisait aucune pièce de nature à établir que M. [E] aurait travaillé au sein de cet établissement ; qu’en déboutant néanmoins, la société [5] de son recours au motif qu’elle ne produisait pas d’élément visant à contester sa qualité de successeur de la société [18], cependant qu’il incombait à la CARSAT de rapporter la preuve que M. [E] avait bien travaillé au sein de l’établissement exploité par la société [5], la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315, devenu 1353, du code civil, D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 246-6-6 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION
(sur l’imputation des coûts relatifs à la maladie de M. [Y])
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les conditions de l’article 2 4° de l’arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas remplies pour M. [Y], d’avoir dit que la société [5] n’apporte pas la preuve de l’exposition de M. [Y] au risque de sa maladie professionnelle déclarée le 17 octobre 2016 au sein d’autres entreprises, d’avoir confirmé que les incidences financières de la maladie déclarée le 17 octobre 2016 par M. [Y] seront maintenues sur le compte employeur de la société [5] en sa qualité de repreneur de l’établissement d’Hayange de la société [18] devenue [16] et d’avoir rejeté le recours de la société [5] ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d’inscription au compte spécial de la maladie professionnelle du 14 avril 2016 de Monsieur [Y]. Aux termes des articles D.242-6-5 l’article D.242-6-7 du code de la sécurité sociale fixant les règles de tarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles prévoient que les dépenses engagées par les caisses d’assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixés par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais inscrites à un compte spécial. L’article 2 alinéa 4 de l’arrêté du 16 octobre 1995 dispose que: «sont inscrites au compte spécial conformément aux dispositions de l’article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes: 4) la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d’entreprises différentes sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie». Les articles susvisés imposent à l’employeur de démontrer que le salarié qui a été exposé au risque chez des employeurs précédents sans qu’il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non exposition au risque de la maladie dans son entreprise. En effet, cette exposition est présumée dans le cadre de la présente procédure puisque dès lors que l’employeur n’a pas contestée la prise en charge de la maladie au titre des accidents du travail/ maladies professionnelles devant le contentieux général, le salarié est considéré avoir été exposé au risque de la maladie professionnelle au sein de l’entreprise. Des articles précités, il ressort que l’imputation au compte spécial est subordonnée à deux conditions cumulatives: la victime de la maladie professionnelle doit avoir été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d’entreprise différentes, il n’est pas possible de déterminer l’entreprise dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie. La société [5] demande à ce que les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [Y] du 14 avril 2016, soient inscrites au compte spécial en application des dispositions de l’article 2-4° de l’arrêté du 16 octobre 1995 précitées. Il appartient à la société qui sollicite l’inscription au compte spécial de prouver que les deux conditions fixées à l’article sus-visé sont réunies: En l’espèce, Monsieur [Y] a été reconnu atteint d’une maladie professionnelle relevant du tableau n°30 bis. La société [5] a contesté la maladie professionnelle de Monsieur [Y] du 14 avril 2016 devant les juridictions du contentieux général (pièce n°1 1) mais ne sollicite pas de sursis à statuer auprès de la présente cour et ne présente aucun jugement définitif à cet égard. La cour est donc compétente pour régler les différends relatifs à la fixation du taux de cotisation et en l’espèce pour apprécier si c’est à bon droit que la caisse régionale d’assurance maladie de Alsace Moselle a imputé au compte employeur de la société [5] les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [Y]. Ainsi, la CARSAT est tenue de prendre en compte les dépenses communiquées par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) et ce sans se faire juge du bien-fondé de ces dernières. En revanche, il appartiendra à la CARSAT de tenir compte des décisions de justice sans se faire juge de leur bien fondé. Ainsi elle sera tenue, quelle que soit leur date, d’appliquer les décisions de justice qui interviennent postérieurement à leur notification d’un taux. Dès lors l’argumentation de la société, selon laquelle le fait de saisir la juridiction du contentieux général modifient les règles de preuves, est inopérante. En effet, la société [5] produira une décision définitive concernant la maladie professionnelle du 14 avril 2016 de Monsieur [Y], et la CARSAT d’Alsace Moselle procédera à ce recalcul. Pour solliciter l’inscription au compte spécial de la maladie professionnelle de Monsieur [Y], la société [5] indique que le salarié aurait été exposé au risque de sa maladie chez ses précédents employeurs entre le 21 février 1971 et le 31 août 1987, à savoir la société [18], les sites de [9] et [Localité 12] et qu’il est dès lors impossible de déterminer l’établissement dans lequel la maladie professionnelle de Monsieur [Y] a été contractée. La société [5] se fonde sur la déclaration de maladie professionnelle et sur les déclarations du salarié telles qu’elles ressortent de l’enquête administrative de la CPAM. Le moyen tiré de l’exercice d’une activité similaire chez des précédents employeurs ne saurait suffire. En l’espèce, les seules pièces versées aux débats sont la déclaration de maladie et les déclarations reportées sur le rapport d’enquête de la CPAM, ne permet pas d’apporter la preuve d’une exposition au sein d’employeurs précédents, ni de démontrer que les conditions de travail auxquelles il était réellement soumis étaient susceptibles de l’exposer au risque de la maladie en cause. La caisse verse au débat les pièces suivantes: -la commission de recours amiable qui mentionne que Docteur [R] [Z] a écrit le 6 janvier 2017 à la caisse primaire d’assurance maladie afin de lui communiquer la reconstitution de carrière de M. [Y]: -de 1971 à 1994: mécanicien d’usinage, service outils de fabrication , UNIMETAL (usine de [N]/ [Localité 12]) -de 1994 à 2005: mécanicien d’usinage, services outils fabrication [16] -de 2005 à 2009: mécanicien d’usinage, services outils fabrication [7]. Selon les déclarations de l’intéressé, repris dans l’enquête administrative, sa reconstitution de carrière est différente: -de 1971 à 1979: [6] ? [11], usine de [Localité 14]. -de 1979 à 1985: Hauts fourneaux, COCKERILL OUGREE ? LA PROVIDENCE, usine de [Localité 14] -de 1985 à 1987: polyvalent dans les usines de [Localité 14] [Localité 12] [Localité 13] -de 1989 à 2009: [18] puis CORAIL RAIL puis TATA STEEL. La société requérante verse au débat les pièces suivantes: -traité d’apport partiel d’actif de la société [18] à la société [16] -décision de l’actionnaire unique en date du 8 octobre 2014 ([15]) -arrêt cour de cassation, chambre civile 2, 20 septembre 2018 qui établie que la société [18] aux droits de laquelle sont venues successivement la société [15] et la société [4]. A titre liminaire, la Cour constate qu’à aucun moment, la requérante ne demande à être qualifiée d’établissement nouvellement créé en application des dispositions de l’article D.242-6-17 selon lequel « ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé celui issu d’un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel ». Selon l’article 9 du code de procédure civile: «Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention» Au vu de l’ensemble de ces éléments de fait, soumis à son appréciation souveraine, la Cour constate que la Société [5] n’apporte pas d’éléments visant à contester la qualité de successeur de la tarification. En effet, il appartenait à la société [5] de prouver qu’elle n’a pas effectué de reprises successives et donc qu’elle n’a pas repris la sinistralité de la société [16] au sens de l’article D.242-6-17 du code de sécurité sociale. L’article 2 4° de l’arrêté du 16 octobre 2015, ne saurait trouver à s’appliquer dès lors que, d’une part, la société [5] n’apporte pas la preuve que l’exposition de Monsieur [Y] au risque de sa maladie avant 1994 sur les sites de [Localité 12] et [9] et que, d’autre part, elle vient au droit de la société [16]. En conséquence, c’est à bon droit que la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail Alsace Moselle A notifié à la société demanderesse les incidences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [Y], au compte employeur de la société [5] » ;
1. ALORS QUE l’article 2,4° de l’arrêté du 16 octobre 1995, pris pour l’application de l’article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, dispose que sont inscrites au compte spécial les dépenses relatives à la maladie prise en charge lorsque « la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d’entreprises différentes sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie » ; qu’en l’absence de tout pouvoir d’instruction, le dernier employeur ne peut établir l’existence d’une exposition du salarié au risque chez différents employeurs qu’au regard des éléments recueillis par la CPAM au cours de l’instruction ayant conduit à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; que l’existence d’une exposition chez les précédents employeurs est établie lorsque les documents relatifs à l’exposition au risque sur lesquels la CPAM s’est appuyée pour reconnaître le caractère professionnel de la maladie font apparaître les déclarations du salarié relatives aux travaux effectués chez ces employeurs sont corroborées par d’autres éléments ; qu’au cas présent, il résulte du rapport d’enquête de la CPAM que M. [Y] avait déclaré avoir été exposé dans le cadre de ses fonctions de mécanicien d’entretien des machines, sur les sites de [Localité 12] et [N] de 1971 à 1985, en utilisant des cordelettes d’amiante pour faire des joints qu’il devait changer et recoller à l’aide d’une colle à base d’amiante et qu’il devait gratter et meuler pour retirer des joints en amiante abimés et installer d’autres joints ; qu’il résulte du même rapport que M. [Y] avait déclaré qu’à partir de 1990, il était devenu tourneur sur cylindre sans exposition à l’amiante ; qu’il résulte, enfin, de ce même rapport que les déclarations du salarié étaient corroborées par les indications de l’ingénieur conseil de la CARSAT, interrogé par l’agent enquêteur, qui exposait que M. [Y] avait subi « des expositions directes et d’intensité élevée aux poussières d’amiante de (1971) à 1989 » et que l’exposition postérieure, de 1989 à 1994, était une exposition d’ambiance et que, de 1994 au début des années 2000, une telle exposition d’ambiance était seulement probable ; qu’en estimant que la société [5] ne rapportait pas la preuve d’une exposition au risque chez ses précédents employeurs antérieurement à 1994, au motif que les déclarations du salarié figurant dans le rapport ne permettaient pas de rapporter la preuve d’une exposition, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces déclarations étaient corroborées par celles de l’ingénieur conseil de la CARSAT interrogé par l’agent enquêteur de la CPAM sur les conditions de travail du salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2,4° de l’arrêté du 16 octobre 1995 et de l’article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des documents produits aux débats ; qu’il résulte du rapport d’enquête de la CPAM que l’exposition au risque de M. [Y] au sein d’autres établissements d’entreprise différentes ne résultait pas des seules déclarations de ce dernier, qui déclarait que son exposition était antérieure à 1990, mais était confirmée par l’ingénieur conseil de la CARSAT, interrogé par l’agent enquêteur de la CPAM, qui « confirme que Monsieur [J] [Y] a subi des expositions directes et d’intensité élevée aux poussières d’amiante de {1971} à 1989 et qu’il a également subi une exposition d’ambiance aux poussières d’amiante de 1989 à 1994 qui a probablement perdurée de 1994 au début des années 2000 » ; qu’en jugeant, pour déclarer ce document non probant, qu’il ne reprenait que les déclarations du salarié, la cour d’appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de ce document déterminant, en violation du principe de l’interdiction faite au juge de dénaturer les documents produits aux débats ;
3. ALORS QUE les conditions d’application de l’article 2,4° de l’arrêté du 16 octobre 1995 sont nécessairement remplies lorsqu’il résulte des éléments recueillis par la CPAM au cours de l’enquête que l’exposition du salarié au sein d’autres établissements chez ses précédents employeurs était nécessaire à la prise en charge de la maladie au regard des conditions prévues par le tableau de maladies professionnelles en cause ; qu’au cas présent, il est constant que le caractère professionnel avait été reconnu sur le fondement du tableau n°30 bis qui suppose une exposition d’une durée minimale de dix ans dans le cadre de travaux, figurant dans une liste limitative, impliquant une exposition directe, et non simplement environnementale, au risque d’inhalation de poussière d’amiante ; qu’il résulte du rapport d’enquête de la CPAM régulièrement produit aux débats que M. [Y] avait déclaré avoir été exposé dans le cadre de ses fonctions de mécanicien d’entretien des machines, sur les sites de [Localité 12] et [N] de 1971 à 1985, en utilisant des cordelettes d’amiante pour faire des joints qu’il devait changer et recoller à l’aide d’une colle à base d’amiante et qu’il devait gratter et meuler pour retirer des joints en amiante abimés et installer d’autres joints ; qu’il résulte du même rapport que M. [Y] avait déclaré qu’à partir de 1990, il était devenu tourneur sur cylindre sans exposition à l’amiante ; qu’il résulte, enfin, du même rapport que les déclarations du salarié étaient corroborées par les indications de l’ingénieur conseil de la CARSAT, interrogé par l’agent enquêteur, qui exposait que M. [Y] avait subi « des expositions directes et d’intensité élevée aux poussières d’amiante de 1971 à 1989 » et que l’exposition postérieure, de 1989 à 1994, était une exposition d’ambiance et que, de 1994 au début des années 2000, une telle exposition d’ambiance était seulement probable ; qu’il résulte donc des éléments recueillis au cours de l’enquête que la condition d’exposition au risque du tableau n°30 bis, qu’il s’agisse de sa durée ou des travaux effectués, n’est pas justifiée au regard de la seule activité de M. [Y] postérieurement à 1989 et ne pouvait être justifiée qu’au regard des travaux effectués au sein d’autres établissements d’entreprises différentes entre 1971 et 1994 ; qu’en reprochant néanmoins à la société [5] de ne pas démontrer une exposition au risque chez ses précédents employeurs, la cour d’appel a violé le tableau de maladies professionnelles n°30 bis et les articles L. 461-1 et D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale et 2,4° de l’arrêté du 16 octobre 1995 ;
4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU’une CARSAT ne peut prétendre procéder à la tarification des coûts afférents à une maladie professionnelle auprès du dernier employeur du salarié qu’à la condition d’établir que la victime a effectivement été exposée au risque auprès de cet employeur ; qu’au cas présent, les éléments recueillis par la CPAM au cours de l’enquête font apparaître que l’exposition de M. [Y] au risque décrit par le tableau n°30 bis résulte de son activité professionnelle au sein d’autres établissements entre 1971 et 1989 ; qu’en déboutant la société [5] de sa demande de retrait des coûts afférents à la maladie au motif qu’elle ne rapportait pas la preuve de l’exposition au risque du salarié sur les sites de Longwy et [N] avant 1994, sans relever le moindre élément établissant une exposition au risque sur le site d’Hayange, seul exploité par la société [5], après 1989, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles D. 242-6-1, D. 242-6-4 et D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale ;
5. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le principe de l’égalité des armes, découlant du droit à un procès équitable implique que chaque partie ait une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que constitue une atteinte à ce principe, le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; qu’en exigeant de la société [5], qui ne dispose d’aucun pouvoir d’instruction, qu’elle