Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° N 14-20. 514 et P 14-20. 515 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 3 juin 2014, RG n° 13/ 01781 et n° 13/ 06409), que la société Deca France & Co, ayant pour actionnaires les sociétés Gremald et Bagmac, M. X… et Mme Y…, a, sur les conseils de la société Grant Thornton Corporate Finances confié une opération de restructuration à des sociétés, aux droits desquelles vient la société CM-CIC Investissement, impliquant plusieurs opérations, notamment l’acquisition d’un groupe de sociétés, la constitution d’une nouvelle société pour laquelle M. Z… a été désigné commissaire aux apports et la société Ernst & Young commissaire aux comptes, et le refinancement de sa dette par la banque populaire atlantique (la BPA), dont la société BPCE Sadir est l’organe central ; que, par ordonnance de référé du 21 février 2013 rendue sur l’assignation de la société Deca et de ses actionnaires, un président d’un tribunal de grande instance a mis hors de cause la BPCE et accueilli la demande d’expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° N 14-20. 514 :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de rejeter la demande d’expertise formée par la société Deca France & Co, M. X…, Mme Y…, la société Bagmac et la société Gremald, alors, selon le moyen :
1°/ que l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le fondement juridique d’une action future, par hypothèse incertaine, soit d’ores et déjà déterminé par celui qui demande la mesure d’instruction ; qu’en retenant néanmoins que la mesure d’instruction sollicitée ne pouvait avoir pour objet de vérifier si une situation donnée pourrait donner lieu à une action dont le ou les fondements juridiques possibles restaient à déterminer, la cour d’appel, qui a ajouté au texte susvisé une condition qu’il ne prévoit pas, a violé ce dernier ;
2°/ que l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas de celui qui demande la mesure d’instruction la démonstration du bien-fondé d’une action future, ni donc celle de ses chances de succès ; qu’en retenant néanmoins que la mesure d’instruction sollicitée ne pouvait tendre qu’à l’établissement ou à la conservation de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ayant des chances de succès, la cour d’appel, qui a de nouveau ajouté au texte susvisé une condition qu’il ne prévoit pas, a violé ce dernier ;
3°/ que l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le défendeur à l’instance en référé soit le défendeur au futur procès potentiel ; qu’il n’est donc pas nécessaire que le demandeur en référé démontre l’existence d’un procès potentiel au principal à l’égard de chacun des défendeurs à l’instance en référé ; qu’en retenant au contraire la nécessité de ce que la mesure d’instruction sollicitée en référé ait trait à des faits imputables à chacun des défendeurs à l’instance en référé et susceptibles de fonder à son encontre un procès au principal, la cour d’appel a de nouveau violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu’ayant retenu l’existence de différentes opérations autonomes économiquement et juridiquement et écarté l’analyse globale de la situation ayant conduit le premier juge à admettre une mission d’expertise extrêmement large et générale, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a rejeté la demande d’expertise formée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° N 14-20. 514 :
Attendu qu’il est fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, qui ne suppose pas la démonstration du bien-fondé d’une action future, telle une action en responsabilité, n’exige donc pas de celui qui sollicite la mesure d’instruction qu’il invoque des circonstances justifiant la responsabilité de la personne visée ; qu’en se fondant néanmoins, pour retenir la prétendue absence de motif légitime d’ordonner l’expertise demandée par la société Deca France & Co et ses actionnaires, sur la considération que ces derniers n’auraient pas invoqué de circonstances justifiant la responsabilité de la BPA, visée par la demande, la cour d’appel a exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal et, méconnaissant son office, elle a violé le texte susvisé ;
2°/ qu’en tout état de cause, l’obligation de conseil d’un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur n’est pas exclue par la seule circonstance que ce dernier a soumis un dossier soigneusement élaboré, a été entouré de professionnels de compétence notoire et s’est présenté comme particulièrement expérimenté dans la réalisation des opérations financées ; qu’en se fondant néanmoins, pour exclure l’existence d’une obligation de conseil de la BPA, établissement de crédit, à l’égard de la société Deca France, emprunteur, sur la circonstance que cette société avait été entourée de professionnels de compétence notoire et s’était présentée comme particulièrement expérimentée dans la réalisation des opérations financées, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que la conformité du crédit aux conditions du marché n’était pas critiquée, que ni le commissaire aux comptes, ni le commissaire aux apports, ni la BPA, ni la Caisse d’épargne n’étaient intervenus dans la négociation du contrat financé, et qu’il n’était invoqué aucune circonstance particulière susceptible d’engager la responsabilité de la BPA, laquelle ne peut résulter du seul grief avancé, tenant à une décision d’octroi du crédit dans un délai anormalement bref, la cour d’appel a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, souverainement écarté l’existence d’un motif légitime ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° N 14-20. 514 :
Attendu qu’il est fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, qui ne suppose pas la démonstration du bien-fondé d’une action future, telle une action en responsabilité contre un commissaire aux apports, n’exige donc pas du demandeur à la mesure d’instruction d’établir les obligations de ce professionnel ni la teneur des manquements de celui-ci auxdites obligations ; qu’en se fondant néanmoins, pour retenir la prétendue absence de motif légitime d’ordonner l’expertise demandée par la société Deca France & Co et ses actionnaires, sur la considération que la détermination des obligations juridiques incombant au commissaire aux apports relevait du seul pouvoir du juge du principal et excédait la compétence d’un expert et que « seules les conséquences d’une éventuelle faute préalablement établie pouva ie nt le cas échéant ¿ justifier » une expertise, la cour d’appel a exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal et, méconnaissant son office, elle a violé le texte susvisé ;
2°/ que la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas non plus du demandeur à la mesure d’instruction d’expliquer en quoi une éventuelle erreur dudit commissaire aux apports aurait pu lui porter préjudice ; qu’en se fondant néanmoins, pour retenir la prétendue absence de motif légitime d’ordonner l’expertise demandée par la société Deca France & Co et ses actionnaires, sur la considération que ces derniers n’auraient pas expliqué en quoi une éventuelle erreur dudit commissaire aux apports aurait pu leur porter préjudice et, en particulier, en quoi une évaluation moins élevée des actions reçues aurait pu avoir une incidence favorable sur la rentabilité et la trésorerie de cette société, la cour d’appel a de plus fort exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal et violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que le commissaire aux apports avait validé en mai 2008 la valeur des actions fixée par un protocole d’accord entre les demandeurs le 8 février 2008 et, d’autre part, qu’aucun préjudice ne pouvait résulter de l’évolution de la valeur vénale de ces actions, acquises en 2006, circonstance indépendante de l’évaluation du commissaire aux apports, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, souverainement décidé que la mesure d’instruction était inutile ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa dernière branche, du pourvoi n° N 14-20. 514 :
Attendu qu’il est fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, qu’en se fondant, pour exclure l’utilité de la mesure d’investigation sollicitée à l’égard du commissaire aux comptes, sur la considération de ce que les conditions et la teneur de l’intervention de celui-ci étaient d’ores et déjà établies, quand il lui appartenait de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par les dernières écritures d’appel des demandeurs en référé, si une mesure d’investigation pouvait contribuer à établir une faute du commissaire aux comptes dans l’exercice de sa mission, appréciation qui ne pouvait pas se réduire à une simple constatation des termes de ladite mission, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l’article 145 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que l’intervention du commissaire aux comptes était postérieure à la constitution de la société Newco dans laquelle il n’avait joué aucun rôle puisque sa mission consistait à émettre un avis sur la sincérité des comptes présentés à l’assemblée générale du 9 juin 2008 et, d’autre part, que l’attestation du 23 juillet 2009 du commissaire aux comptes était dépourvue de tout lien de causalité possible avec les opérations réalisées un an plus tôt, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, sans avoir à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, souverainement décidé que la mesure d’instruction était inutile ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° N 14-20. 514 :
Attendu qu’il est fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, qui ne suppose pas la démonstration du bien-fondé d’une action future, telle une action en responsabilité contre un établissement de crédit, n’exige donc pas de celui qui sollicite la mesure d’instruction qu’il invoque des circonstances justifiant la responsabilité dudit établissement de crédit ; qu’en se fondant néanmoins, pour retenir la prétendue absence de motif légitime d’ordonner l’expertise demandée par la société Deca France & Co et ses actionnaires, sur la considération que ces derniers n’auraient pas été fondés à reprocher à la BPA un renchérissement du coût du crédit et sur le caractère prétendument inopérant de griefs pris du montant excessif du prêt, de la rapidité de l’octroi du crédit, de la syndication limitée de la dette, du caractère onéreux du contrat de couverture de taux, de l’absence de détection de la surévaluation par l’emprunteur de ses actifs et de l’absence de financement de l’acquisition de certaines sociétés, la cour d’appel a exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal et, méconnaissant son office, elle a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu’ayant relevé que la matérialité des faits concernant les conditions d’octroi du crédit était déjà établie de manière non contestée par des pièces communiquées, la cour d’appel a souverainement décidé que la mesure d’instruction était inutile ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi n° N 14-20. 514 :
Attendu qu’il est fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, qui ne suppose pas la démonstration du bien-fondé d’une action future, telle une action en responsabilité contre un établissement de crédit, n’exige donc pas de celui qui sollicite la mesure d’instruction qu’il démontre la faute dudit établissement de crédit ; qu’en se fondant néanmoins, pour retenir la prétendue absence de motif légitime d’ordonner l’expertise demandée par madame Y…, sur la considération que cette dernière ne démontrerait pas le caractère fautif de l’octroi du prêt litigieux par la Caisse d’épargne, la cour d’appel a exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal et, méconnaissant son office, elle a violé le texte susvisé ;
Mais attendu qu’ayant relevé que ni les conditions de négociation, ni les stipulations du prêt litigieux ne faisaient l’objet de grief particulier de sorte qu’aucune mission pertinente pour la solution d’un litige potentiel ne pouvait être dévolue à l’expert, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, souverainement décidé que la demande d’expertise ne se fondait pas sur un motif légitime ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° P 14-20. 515 :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de mettre hors de cause la BPCE alors, selon le moyen :
1°/ que l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas de celui qui demande la mesure d’instruction la démonstration du bien-fondé d’une action future ; qu’en se fondant néanmoins, pour retenir la prétendue absence de motif légitime d’ordonner l’expertise demandée à l’égard de la BPCE par la société Deca France & Co et ses actionnaires, sur la considération que ces derniers ne justifiaient pas d’un droit à l’obtention d’un contrat ou au renouvellement d’un contrat parvenu à son terme, la cour d’appel a exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal et, méconnaissant son office, elle a violé le texte susvisé ;
2°/ qu’en se fondant sur la considération que la BPCE n’était ni responsable, ni garante de la BPA, la cour d’appel, qui a de plus fort exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal, a derechef violé l’article 145 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que la BPCE, qui n’était pas partie aux opérations de restructuration et de financement critiquées, n’était pas l’autorité de tutelle de la BPA dont elle n’était ni responsable ni garante et, d’autre part, que le déréférencement et la résiliation de contrats de nettoyage ne trouvaient leur cause dans aucun contrat en cours avec la BPCE, la cour d’appel a souverainement décidé qu’aucun motif légitime ne justifiait l’expertise sollicitée à l’égard de la BPCE ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et quatrième branches du troisième moyen, et sur la seconde branche du quatrième moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société DECA France & Co, la société Gremald, la société Bagmac, Mme Y…et M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits aux pourvois n° N 14-20. 514 et P 14-20. 515 par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils pour les sociétés Deca France & Co, Gremald et Bagmac, Mme Y… et M. X…
Pourvoi n° N 14-20. 514 :
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR rejeté la demande d’expertise formée par la société Deca France & Co, monsieur Bruno X…, madame Béatrice Y…, la société Bagmac et la société Gremald ;
AUX MOTIFS QUE selon les conclusions de l’audit établi le 25 juin 2010 par le cabinet Accuracy, les difficultés rencontrées par le groupe Deca France en 2009 procédaient d’une baisse de son chiffre d’affaires de 8 % attribuée à une concurrence accrue dans un environnement économique défavorable, laquelle avait affecté sa performance financière et suscité des tensions de trésorerie compte tenu du poids de sa dette, ces difficultés étant aggravées par d’importants litiges notamment prud’homaux ; que la baisse constatée était d’autant plus préjudiciable que les budgets prévisionnels de la société étaient fondés sur une augmentation de l’ordre de 5 % de son chiffre d’affaires, sur la base d’une extrapolation présentée comme prudente ; que, néanmoins, les demandeurs à l’expertise estimaient que les difficultés affectant leur groupe pourraient être en relation avec les décisions qu’ils avaient prises au premier semestre de l’année 2008, avant la survenance de la crise financière et économique, et demandaient en conséquence qu’un expert soit désigné pour analyser l’action respective des défendeurs, intervenus ponctuellement à l’occasion de l’exécution de certaines des dites opérations, à charge pour lui de déceler des fautes ou des erreurs éventuelles « dans le montage de l’opération financière et son déroulement » et de donner des éléments sur les préjudices également éventuels qui pourraient en être la conséquence ; que les mesures susceptibles d’être ordonnées sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne pouvaient avoir pour objet de faire vérifier si l’analyse d’une situation donnée, prise dans sa globalité, pourrait révéler d’éventuelles fautes pouvant être mises en relation avec des préjudices tout aussi éventuels et nourrir ainsi une action judiciaire dont le ou les fondements possibles restaient à déterminer ; qu’elles ne pouvaient tendre qu’à l’établissement ou à la conservation de la preuve de faits précisément déterminés dont l’imputation à chacun des défendeurs appelés à la procédure devait être vraisemblable et dont pourrait dépendre, à l’égard de chacun d’eux, la solution d’un litige ayant des chances de succès, conditions que ne remplissait pas la mission extrêmement large et générale fixée par le premier juge à la suite de l’amalgame opéré par les demandeurs à l’expertise entre différentes opérations autonomes économiquement et juridiquement, réalisées par eux en 2008, qui n’avaient en commun que leur proximité dans le temps ; qu’il ressortait en effet des pièces produites que dans la continuité de leur stratégie de croissance externe antérieure, les demandeurs à l’expertise avaient réalisé les opérations suivantes dont ils demandaient indirectement à l’expert d’évaluer les conséquences sur la compétitivité de leur groupe :- constitution suivant protocole du 8 février 2008 d’une nouvelle société holding, la société Deca France & Co, finalisée dès le mois de mai 2008 ;- acquisition au premier semestre de l’année 2008 de plusieurs sociétés dont l’analyse n’était pas sollicitée, seule l’acquisition du groupe K Propreté au prix de 10 550 000 euros devant faire l’objet de l’expertise au motif qu’elle avait été financée partiellement par un crédit de 6. 500. 000 euros consenti le 20 juin 2008 par la BPA ;- refinancement par la BPA de sa dette financière à moyen terme (la dette senior) à hauteur de 23 millions d’euros par contrat de prêt du 17 juillet 2008 ; que, contrairement à la présentation effectuée devant le premier juge, ces opérations ne constituaient pas un tout indivisible mais demeuraient autonomes, répondaient à des objectifs distincts et n’avaient pas impliqué l’ensemble des défendeurs à la procédure, ceux-ci étant intervenus, de manière circonscrite et indépendante les uns des autres, dans l’une ou l’autre de ces opérations ; qu’ainsi à titre d’illustration du caractère divisible des opérations aujourd’hui critiquées, serait rappelé le mail adressé le 30 mai 2008 par le conseil de la société Deca France (pièce 46) : « Quand Jean-Christophe dit » le remboursement anticipé de la dette bancaire (si jamais la situation le nécessite) est un préalable au déroulé de l’Opération « , la réponse est non » ; qu’ainsi encore, le 11 juin 2008, le représentant des demandeurs précisait : « Je te précise que c’est bien DECA FRANCE l’emprunteur sur l’acquisition du groupe K. Par contre concernant le refinancement il faudrait le faire au niveau de DECA FRANCE & CO » ; qu’il convenait dès lors d’examiner successivement l’ensemble de ces opérations présentées comme litigieuses pour vérifier si une expertise la concernant est justifiée (arrêt, pp. 4-5) ;
ALORS, D’UNE PART, QUE l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le fondement juridique d’une action future, par hypothèse incertaine, soit d’ores et déjà déterminé par celui qui demande la mesure d’instruction ; qu’en retenant néanmoins que la mesure d’instruction sollicitée ne pouvait avoir pour objet de vérifier si une situation donnée pourrait donner lieu une action dont le ou les fondements juridiques possibles restaient à déterminer, la cour d’appel, qui a ajouté au texte susvisé une condition qu’il ne prévoit pas, a violé ce dernier ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas de celui qui demande la mesure d’instruction la démonstration du bien-fondé d’une action future, ni donc celle de ses chances de succès ; qu’en retenant néanmoins que la mesure d’instruction sollicitée ne pouvait tendre qu’à l’établissement ou à la conservation de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ayant des chances de succès, la cour d’appel, qui a de nouveau ajouté au texte susvisé une condition qu’il ne prévoit pas, a violé ce dernier ;
ALORS, ENFIN, QUE l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le défendeur à l’instance en référé soit le défendeur au futur procès potentiel ; qu’il n’est donc pas nécessaire que le demandeur en référé démontre l’existence d’un procès potentiel au principal à l’égard de chacun des défendeurs à l’instance en référé ; qu’en retenant au contraire la nécessité de ce que la mesure d’instruction sollicitée en référé ait trait à des faits imputables à chacun des défendeurs à l’instance en référé et susceptibles de fonder à son encontre un procès au principal, la cour d’appel a de nouveau violé le texte susvisé ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR rejeté la demande d’expertise formée par la société Deca France & Co, monsieur Bruno X…, madame Béatrice Y…, la société Bagmac et la société Gremald ;
AUX MOTIFS QUE sur l’acquisition du groupe K propreté, malgré la réalisation préalable d’un audit révélant clairement les faiblesses de cette entreprise, la société Deca France, forte de son expérience antérieure, avait acquis en 2008 le groupe K Propreté au prix de 10. 500. 000 ¿ pour le financement duquel elle avait sollicité de la BPA-en insistant sur la « deadline » expirant le 17 juin 2008 et la réactivité de la banque étant présentée comme un atout par rapport aux autres banquiers intéressés (pièce 63)- un prêt de 6. 500. 000 euros qui lui avait été accordé le 20 juin 2008, prêt remboursable en sept échéances annuelles à compter du 30 juin 2009 dont la conformité aux conditions du marché n’était pas critiquée ; que ni le commissaire aux comptes, ni le commissaire aux apports, ni la BPA, ni la Caisse d’épargne n’étaient intervenus dans la négociation de cette acquisition qui n’était que la suite d’une longue série d’opérations similaires ; que la BPA en avait financé partiellement la réalisation mais il n’était invoqué aucune circonstance particulière pertinente qui justifierait que sa responsabilité puisse être engagée à ce titre à l’égard de la société emprunteuse ; que cette responsabilité ne saurait en effet découler du seul grief avancé, à savoir qu’elle avait consenti le prêt dans les brefs délais impartis par son cocontractant ; que celui-ci lui soumettait un dossier soigneusement élaboré, était entouré de professionnels de compétence notoire et se présentait comme particulièrement expérimenté dans la réalisation d’opérations de cette nature, ce qui excluait qu’il ait pu investir le banquier d’une quelconque mission de conseil quant à la pertinence économique de l’acquisition qui ne relevait d’ailleurs pas de sa compétence et dans la réalisation de laquelle il n’avait pas à s’immiscer ; que l’expertise sollicitée, en ce qu’elle portait sur l’acquisition du groupe K Propreté, n’était dès lors fondée sur aucun motif légitime (arrêt, pp. 5-6) ;
ALORS, D’UNE PART, QUE la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, qui ne suppose pas la démonstration du bien-fondé d’une action future, telle une action en responsabilité, n’exige donc pas de celui qui sollicite la mesure d’instruction qu’il invoque des circonstances justifiant la responsabilité de la personne visée ; qu’en se fondant néanmoins, pour retenir la prétendue absence de motif légitime d’ordonner l’expertise demandée par la société Deca France & Co et ses actionnaires, sur la considération que ces derniers n’auraient pas invoqué de circonstances justifiant la responsabilité de la BPA, visée par la demande, la cour d’appel a exigé des demandeurs à la mesure d’instruction in futurum la démonstration du bien-fondé d’une éventuelle action au principal et, méconnaissant son office, elle a violé le texte susvisé ;
ALORS, D’AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l’obligation de conseil d’un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur n’est pas exclue par la seule circonstance que ce dernier a soumis un dossier soigneusement élaboré, a été entouré de professionnels de compétence notoire et s’est présenté comme particulièrement expérimenté dans la réalisation des opérations financées ; qu’en se fondant néanmoins, pour exclure l’existence d’une obligation de conseil de la BPA, établissement de crédit, à l’égard de la société Deca France, emprunteur, sur la circonstance que cette société avait été entourée de professionnels de compétence notoire et s’était présentée comme particulièrement expérimentée dans la réalisation des opérations financées, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR rejeté la demande d’expertise formée par la société Deca France & Co, monsieur Bruno X…, madame Béatrice Y…, la société Bagmac et la société Gremald ;
AUX MOTIFS QUE sur la constitution de la société Deca France & Co, en 2007, se disant conseillés par le cabinet GTCF et les actionnaires financiers, monsieur X… et madame Y… avaient étudié les modalités d’une augmentation de capital (après une première augmentation de capital de 5. 000. 000 euros et l’émission d’obligations pour 5. 000. 000 euros également en 2006), qui les avait conduits à opter pour la création d’une nouvelle holding, la société Deca France & Co, dite « Newco », conformément au protocole d’accord conclu par l’ensemble des actionnaires de la société Deca France le 8 février 2008 ; qu’aux termes de ce protocole :- madame Y…, se prévalant de la promesse de vente consentie par les actionnaires financiers le 16 février 2006, levait l’option d’achat de 1. 018 de leurs actions à leur valeur unitaire de 2006, soit 491, 35 euros (levée d’option dont le bénéfice avait été partagé entre les sociétés de monsieur X… et madame Y… par avenant à ce protocole) ;- les actionnaires s’engageaient à apporter à la nouvelle société l’intégralité de leurs actions, d’une valeur nominale de 100 euros, pour une valeur unitaire arrêtée conventionnellement à 1. 045, 37 euros, et ce au plus tard le jour de la signature des statuts ;- les actionnaires investisseurs financiers CIC Investissement et IPO s’engageaient en outre à souscrire au capital de la nouvelle société pour un montant total de 5. 088. 000 euros au prix arrêté pour la nouvelle action (confirmé par leurs écritures), ce qui avait été réalisé par l’acquisition des 4. 867 actions nouvelles émises au prix unitaire de 1. 045, 37 euros après approbation de l’augmentation de capital par l’AGE du 13 juin 2008 ;- la Newco devait acquérir 1. 057 des actions apportées directement ou indirectement par monsieur X… et madame Y… au prix unitaire de 1. 045, 37 euros, leur permettant ainsi de percevoir immédiatement une plus-value, le premier de 1. 000. 419 euros et la seconde de 104. 537 euros ;- la Newco émettait des obligations convertibles en actions pour une valeur de 5. 000. 000 euros, réservées aux actionnaires investisseurs financiers après remboursement anticipé de leurs 5. 088 obligations convertibles en actions et de leurs 5. 088 obligations remboursables en actions émises le 16 février 2006 pour un montant identique, le taux actuariel annuel des nouveaux titres (12 %) étant équivalent ou moindre (14 % pour les ORA émises en 2006), de sorte que le montant et le coût des quasi fonds propres restaient similaires ; qu’aucun des défendeurs à la demande d’expertise n’était intervenu dans la négociation, l’élaboration ou la conclusion de ce protocole intégralement exécuté par l’adoption des statuts de la Newco le 13 juin 2008 ; qu’il n’incombait pas au commissaire aux comptes de la nouvelle société d’entériner cette opération, son rapport du 28 mai 2008 ayant seulement pour objet d’émettre un avis sur la sincérité des comptes présentés à l’assemblée générale du 9 juin suivant appelée à statuer sur l’augmentation de capital et la suppression du droit préférentiel de souscription ; qu’il était au demeurant évident qu’à l’époque, les actuels actionnaires, convaincus de la valeur de leurs titres (cf. leur pièce 43) et ayant un intérêt direct à la valorisation préalablement convenue entre eux qui leur permettait de réaliser immédiatement des plus-values confortables tout en bénéficiant de nouveaux fonds propres sans perdre le contrôle de leur groupe, auraient été insensibles à une quelconque réticence de sa part alors qu’ils avaient obtenu l’accord des investisseurs professionnels à l’acquisition des nouveaux titres au prix critiqué ; que d’ailleurs dès avant ce rapport, madame Y… avait le 5 mai 2008, avec le cautionnement de monsieur X…, déjà souscrit le prêt destiné au financement de ses nouvelles actions ; qu’a fortiori, l’attestation émise le 23 juillet 2009 par le commissaire aux comptes était dépourvue de tout lien de causalité possible avec les opérations réalisées un an plus tôt ; qu’en tout état de cause, la détermination des obligations du commissaire aux comptes relevait du pouvoir exclusif du juge et ne pouvait être déléguée à un expert ; que de surcroît, les conditions et la teneur de son intervention étant d’ores et déjà établies, l’utilité d’une mesure d’investigation préalable à un litige que pourraient vouloir lui intenter les demandeurs pour n’avoir pas, le cas échéant, décelé le manque de sincérité des informations chiffrées qu’ils lui communiquaient, n’était pas établie ; que compte tenu de l’apport en nature des actions à la nouvelle société, la désignation d’un commissaire aux apports était nécessaire, ce qui avait donné lieu à l’ordonnance du 18 février 2008 désignant monsieur Z… à cette fin ; que les demandeurs à l’expertise lui reprochaient d’avoir validé, le 5 mai 2008, la valeur des actions qu’ils avaient eux-mêmes précédemment arrêtée conventionnellement, en toute connaissance de cause, dans le protocole du 8 février 2008 ; qu’en l’espèce, les titres pouvaient être évalués soit à leur valeur comptable (montant des capitaux propres/ nombre de titres de la société Deca France), soit à leur valeur de négociation (révélée par le protocole du 8 février 2008 aux termes duquel les actionnaires financiers s’engageaient à acquérir les nouvelles actions émises par la Newco) ; que la détermination des obligations juridiques incombant au commissaire aux apports quant à la méthode d’évaluation à retenir relevait uniquement du pouvoir du juge et excédait la compétence d’un expert de sorte que l’expertise sur ce point était inutile ou au moins prématurée, seules les conséquences d’une éventuelle faute préalablement établ