Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
CIV. 2
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 juillet 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 620 F-D
Pourvoi n° P 18-14.712
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme N… .
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 juillet 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUILLET 2020
M. V… A…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° P 18-14.712 contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige l’opposant à Mme J… N… , domiciliée […] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A…, de la SCP Lesourd, avocat de Mme N… , et l’avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2017), un arrêt du 22 mai 2014 a prononcé le divorce de Mme N… et de M. A… qui s’étaient mariés sous le régime de la séparation des biens. Des difficultés se sont élevées à l’occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. M. A… fait grief à l’arrêt de dire que Mme J… N… obtiendra restitution des meubles visés à ses pièces 13, 17, 18, 19 et à 20 et de faire partiellement droit à sa demande de restitution des meubles et objets et de rejeter le surplus de sa demande, alors « que les conclusions d’appel formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels elles se fondent avec indication des pièces invoquées ; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif sur lequel la cour statue ; qu’en l’espèce, dans le dispositif de ses conclusions d’appel, M. A… a demandé à la cour « d’ordonner à Mme J… N… de lui restituer les meubles meublants et objets mobiliers qui lui appartiennent en propre et ci-dessus énumérés, sous astreinte de 200 euros par jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir » ; que la cour d’appel était tenue de statuer sur cette prétention dont elle était régulièrement saisie ; qu’en jugeant le contraire, au motif erroné que la liste des meubles dont la restitution était sollicitée figurant dans le corps des conclusions n’était pas reprise in extenso dans le dispositif, la cour d’appel a violé par fausse application l’article 954 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. »
Réponse de la Cour
4. Selon l’article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
5. Ayant constaté que la liste des meubles meublants et objets mobiliers dont la restitution était sollicitée par M. A… ne figurait pas dans le dispositif de ses conclusions qui seul la saisissait, la cour d’appel a, sans méconnaître l’article 6 § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et statuant dans la limite de ce que Mme N… reconnaissait comme appartenant personnellement à son ex-époux, fait une exacte application de l’article 954 du code de procédure civile.
6. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
Sur le deuxième moyen délibéré par la première chambre civile de la Cour de cassation sur l’avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, et après débats à l’audience publique du 19 novembre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Vigneau, rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Berthomier, greffier de chambre
Enoncé du moyen
7. M. A… fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à Mme N… la somme de 41 786,18 euros en remboursement du prêt portant sur ses indemnités de licenciement, alors « que la preuve du contrat de prêt, dont la charge pèse sur celui qui agit en restitution de la somme prêtée, ne peut être apportée que par écrit lorsque son montant dépasse 1 500 euros et, ni l’absence d’intention libérale de ce dernier, ni la remise de fonds ne sont susceptibles d’établir l’obligation de restitution de ladite somme ; qu’en déduisant l’obligation de restitution de M. A… de ce qu’il avait reçu un chèque de 274. 099, 39 francs de Mme N… et de ce qu’il ne démontrait pas l’intention libérale de cette dernière, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1341 du code civil dans leur version applicable à l’espèce. »
Réponse de la Cour
8. N’ayant pas soutenu devant les juges du fond que la preuve du prêt devait être rapportée par écrit, M. A… n’est pas recevable à se prévaloir pour la première fois devant la Cour de cassation de la violation de l’article 1341 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 dont les dispositions ne sont pas d’ordre public.
9. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
Sur le troisième moyen délibéré par la première chambre civile dans les mêmes conditions que le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. M. A… fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à Mme N… la somme de 48 699,84 euros en remboursement des causes de la reconnaissance de dettes du 21 février 1990, alors « que le juge aux affaires familiales, compétent pour connaître des dettes entre époux lors de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux, ne peut connaître d’une dette née antérieurement au mariage, relevant du droit commun ; qu’en s’estimant compétente pour statuer sur la demande de remboursement du prêt accordé par Mme N… à M. A… en 1990, soit quatre ans avant leur mariage, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
11. Le juge aux affaires familiales connaît de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins. La liquidation à laquelle il est procédé en cas de divorce englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, y compris les créances nées avant le mariage. Il appartient à l’époux qui se prétend créancier de l’autre de faire valoir sa créance selon les règles applicables à la liquidation de leur régime matrimonial lors de l’établissement des comptes s’y rapportant.
12. La cour d’appel a, dès lors, décidé à bon droit que Mme N… était recevable à former, à l’occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, une demande tendant à obtenir le paiement d’une créance née entre eux avant le mariage.
13. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. A… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. A… et le condamne à payer à la SCP Lesourd la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. A…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR dit que J… N… obtiendra restitution des meubles visés à ses pièces 13, 17 à 20 et DE N’AVOIR que partiellement fait droit à la demande de restitution des meubles et objets formée par M. A… et rejeté le surplus de sa demande;
AUX MOTIFS QU’ « Sur la restitution des meubles
Considérant que M. A… demande à la cour « d’ordonner à Mme J… N… de lui restituer les meubles meublants et objets mobiliers qui lui appartiennent en propre et ci-dessus énumérés, sous astreinte de 200 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la cour d’appel s’en réservant la liquidation » ;
Considérant que M. A… produit deux procès-verbaux de constat d’huissier établis les 18 et 30 septembre 1989 dans son ancien domicile […] et dans sa résidence secondaire de […] ;
Considérant que l’appelant souligne que la vie commune avec Mme N… a commencé en 1990 de sorte qu’étant postérieure à l’établissement de ces procès-verbaux, sa propriété exclusive sur les meubles et objets inventoriés est indiscutable ;
Considérant que l’intimée réplique que les revendications de l’appelant sont pour la plupart mal fondées ; qu’un inventaire de l’ensemble des meubles et objets mobiliers a été dressé le 19 mars 1991 par un commissaire-priseur, Maître M… C… et que M. A… a fait établir le même jour un inventaire de ses meubles personnels pris sur l’inventaire général ; qu’ainsi à l’exception de la liste du 19 mars 1991, les autres meubles lui appartiennent ;
Qu’elle précise que M. A… lui-même a dressé une liste sur son papier à en-tête des meubles lui appartenant et qu’ainsi concernant les tableaux, seuls deux d’entre eux appartiennent en propre à M. A… à savoir :
T… Y… (1833-1900), école russe : « Entrée de domaine sous la neige », huile sur toile 60 X 48,5 cm, signé au centre, daté de 1973,
Ecole française vers 1900 : « Paysage fluvial », huile sur panneau 22 X 27,5 ;
Que s’agissant du mobilier, elle indique que les deux premiers meubles revendiqués appartiennent à M. A…, à savoir :
Meuble de rangement en chêne mouluré et sculpté ouvrant à un abattant sur le dessus et deux petites portes en façade, deux autres portes étant simulées, important décor sculpté : en façade quatre arcatures perlées, demi-roses et deux angelots, frisés de pilastre, rosaces de quatre-feuilles ; sur les côtés, fenestrages et plumes stylisées. Meuble composite en partie gothique, 91 X 170 X 51 cm,
Commode, en bois naturel ouvrant à deux petites portes et trois tiroirs sur deux rangs, architecture en panneaux, fortes moulures, pieds droits travail rustique du 19ème siècle, 98 X 122 X 52 cm ;
Que de même, s’agissant des bibelots, deux appartiennent à M. A… :
Pot à onguent en étain uni à anse marqué OLC, hauteur 21 cm
Fontaine et son bassin en étain à décor de couronne et blason, ancien travail rustique
il convient de souligner que la liste des meubles meublants et objets mobiliers dont la restitution est sollicitée par M. A… ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour, de sorte qu’il convient de faire droit à sa demande de restitution dans la limite de ce que Mme N… reconnaît comme appartenant personnellement à son ex-époux, soit :
1. T… Y… (1833-1900), école russe : « Entrée de domaine sous la neige », huile sur toile 60 x 48,5 cm, signé au centre, daté de 1873,
2. école française vers 1900 : « Paysage fluvial », huile sur panneau 22 X 27,5 cm,
3. Meuble de rangement en chêne mouluré et sculpté ouvrant à un abattant sur le dessus et deux petites portes en façade, deux autres portes étant simulées, important décor sculpté : en façade quatre arcatures perlées, demi-roses et deux angelots, frises de pilastre, rosaces de quatre-feuilles ; sur les côtés, fenestrages et plumes stylisées. Meuble composite en partie gothique, 91 x 170 x 51 cm,
4. Commode en bois naturel ouvrant à deux petites portes et trois tiroirs sur deux rangs, architecture en panneaux, fortes moulures, pieds droits travail rustique du 19ème siècle, 98 x122 x 52 cm,
5. Pot à onguent en étain uni à anse marqué OLC, hauteur 21 cm,
6. Fontaine et son bassin en étain à décor de couronne et blason, ancien travail rustique, et ce, sans astreinte dès lors que l’intimée ne s’oppose nullement à cette restitution »
1°/ ALORS QUE les conclusions d’appel formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels elles se fondent avec indication des pièces invoquées ; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif sur lequel la cour statue ; qu’en l’espèce, dans le dispositif de ses conclusions d’appel, M. A… a demandé à la cour « d’ordonner à Mme J… N… de lui restituer les meubles meublants et objets mobiliers qui lui appartiennent en propre et ci-dessus énumérés, sous astreinte de 200 euros par jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir » (conclusions, p. 31, dernier §) ; que la cour d’appel était tenue de statuer sur cette prétention dont elle était régulièrement saisie ; qu’en jugeant le contraire, au motif erroné que la liste des meubles dont la restitution était sollicitée figurant dans le corps des conclusions n’était pas reprise in extenso dans le dispositif, la cour d’appel a commis un déni de justice en violation des articles 4, 5 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE les conclusions d’appel formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels elles se fondent avec indication des pièces invoquées ; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif sur lequel la cour statue ; qu’en l’espèce, dans le dispositif de ses conclusions d’appel, M. A… a demandé à la cour « d’ordonner à Mme J… N… de lui restituer les meubles meublants et objets mobiliers qui lui appartiennent en propre et ci-dessus énumérés, sous astreinte de 200 euros par jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir » (conclusions, p. 31, dernier §) ; que la cour d’appel était tenue de statuer sur cette prétention dont elle était régulièrement saisie ; qu’en jugeant le contraire, au motif erroné que la liste des meubles dont la restitution était sollicitée figurant dans le corps des conclusions n’était pas reprise in extenso dans le dispositif, la cour d’appel a violé par fausse application l’article 954 du code de procédure civile, ensemble l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR condamné M. A… à payer à Mme N… la somme de 41.786,18 € en remboursement du prêt portant sur ses indemnités de licenciement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « l’appelant ne conteste pas la remise par l’intimée de la somme de 41 786 € provenant de l’indemnité de licenciement allouée à cette dernière, mais conteste une obligation de restitution au titre d’un prêt dès lors que l’intimée avait un intérêt au remboursement de la dette auquel cette somme a servi, le logement de la famille étant exposé à une saisie en l’absence de paiement de cette dette ;
Considérant que l’intimée réplique que l’argent prêté par elle était destiné aux levées des hypothèques prises sur les biens relevant du régime matrimonial du précédent mariage de M. A… (P… et l’appartement de la […] ) au profit de la Banque SNVB ;
Considérant qu’il résulte « de la lettre de Me B… à M. A… du 19 octobre 2000 qu’il a bien reçu le chèque de 274 099,39 francs tiré sur le compte de Mme N… et que dès que la Carpa l’aura encaissé, il le transmettra au conseil de la SNVB « afin de procéder au règlement du principal restant dû sur le prêt consenti à la société Les Editions du Dôme et pour lequel vous vous étiez porté caution solidaire »;
Considérant que M. A… étant marié sous le régime de la séparation de biens, la dette qui a été réglée par la remise de cette somme était donc, en application de l’article 1536 du code civil, une dette personnelle de l’époux ;
Considérant que la menace de saisie du bien immobilier indivis alléguée par M. A… ne peut justifier la prise en charge par son conjoint d’une dette qui lui était personnelle, de sorte qu’en l’absence de démonstration d’une intention libérale de la part de l’épouse et de ce que la dette ainsi réglée pouvait être imputable en tout, ou en partie, à cette dernière, la demande de restitution de cette somme formée par Mme N… est fondée et qu’il convient d’y faire droit, le jugement étant confirmé de ce chef » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « J… N… sollicite le remboursement d’une indemnité de licenciement de 274.099,39 francs perçue en octobre 2000 (soit 41.786,18 euros en valeur actuelle), prêtée à V… A… sous la forme d’un chèque à l’ordre de la CARPA qui a servi à rembourser un créancier de ce dernier. Elle ajoute, répondant aux arguments du défendeur, que cette somme a servi à lever les hypothèques prises sur les biens personnels de V… A… à P… et à Paris par la banque SNVB, afin de liquider le régime matrimonial de V… A… avec sa précédente épouse.
Ce dernier ne conteste pas l’utilisation des fonds provenant de cette indemnité de licenciement. Il fait cependant valoir qu’il ne s’agit pas d’une créance entre époux, mais que cette somme a servi à rembourser un prêt qu’il a cautionné, consenti par la SNVB à la société « les éditions du Dôme » dont les deux époux sont les seuls actionnaires et la gérante J … N …, et qu’en l’absence de remboursement de ce prêt la SNVB aurait saisi le bien indivis sur lequel une hypothèque avait été prise. J… N… serait donc à l’origine, par sa mauvaise gestion de ladite société, de la liquidation qui a entraîné l’impossibilité de rembourser le prêt, et elle avait un intérêt personnel à prêter l’argent ayant servi au remboursement. En définitive, selon V… A…, la contribution de J… N… à l’apurement de cette dette ne constitue pas un prêt donnant lieu à une obligation de remboursement.
Il ressort d’un jugement du conseil des prud’hommes du 13 septembre 1999 que J… N… titulaire d’un contrat de travail au sein de la société « les éditions du Dôme » depuis le 2 janvier 1990, a été nommée gérante de cette société par assemblée générale du 30 septembre 1995. La société a fait l’objet d’un jugement de liquidation en date du 20 février 1997. Le mandataire liquidateur a notifié à J… N… son licenciement pour motif économique sans respecter la procédure. C’est dans ces conditions que le conseil des prud’hommes a fixé au passif de la liquidation de la société « les éditions du Dôme » une créance de salaires et d’indemnités de licenciement au profit de J… N… ; cette créance a donné lieu au versement de l’indemnité qui a été prêtée à V… A….
Il ressort de l’examen des pièces du dossier qu’il s’agit d’un prêt consenti personnellement par l’épouse au bénéfice de son mari, que ce prêt n’est pas contesté par V… A… et que ce dernier ne rapporte pas la preuve de son remboursement, son argumentaire relatif à l’usage des fonds prêtés et à l’utilité que J… N… était susceptible d’attendre de ce prêt ne pouvant tenir lieu de preuve du remboursement.
Dans ces conditions V… A… sera condamné à payer à J… A… la somme de 41.786,18 euros en remboursement de ce prêt » ;
ALORS QUE la preuve du contrat de prêt, dont la charge pèse sur celui qui agit en restitution de la somme prêtée, ne peut être apportée que par écrit lorsque son montant dépasse 1 500 euros et, ni l’absence d’intention libérale de ce dernier, ni la remise de fonds ne sont susceptibles d’établir l’obligation de restitution de ladite somme ; qu’en déduisant l’obligation de restitution de M. A… de ce qu’il avait reçu un chèque de 274. 099, 39 F de Mme N… et de ce qu’il ne démontrait pas l’intention libérale de cette dernière, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1341 du code civil dans leur version applicable à l’espèce.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR condamné M. A… à payer à Mme N… la somme de 48.699,84 € en remboursement des causes de la reconnaissance de dettes du 21 février 1990 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU’ « avant leur mariage, les parties ont acquis en indivision le 5 février 1990 un bien immobilier situé […] ; que pour le financement de ce bien, Mme N… a prêté à M. A… la somme 319 450 francs (48 699.84 e), cette somme devant être remboursée au plus tard le 1″ décembre 1990 et étant productive d’un intérêt de 9,5 % ; que ce prêt a fait l’objet d’une reconnaissance de dettes enregistrée à la recette d’Odéon le 21 février 1990, bordereau 50/4;
Considérant que l’appelant soulève l’irrecevabilité de la demande de l’intimée de ce chef au motif que la créance de Mme N… date d’avant le mariage, conclut au mal-fondé de cette prétention car a remboursé Mme N… depuis longtemps, à l’immoralité de cette demande et à l’intention de nuire de Mme N… pour avoir attendu aussi longtemps pour réclamer sa créance ;
Considérant que Mme N… réplique que ni cette somme ni les intérêts n’ont été remboursés par M. A… malgré la mise en demeure du I S janvier 2013; que cette dette est certaine, liquide et exigible et que M. A… doit à ce jour 48 699,84 euros auxquels s’ajoutent les intérêts conventionnels au taux de 9,50 %, lesquels s’élevaient à 97.751,82 euros au 18 janvier 2013 ;
Considérant que l’appelant estime tout d’abord que le juge aux affaires familiales saisi d’une action en partage judiciaire à la suite d’un divorce n’était pas compétent pour se prononcer sur une demande de paiement dont le fait générateur est antérieur au mariage et que la prétention de Mme N… était donc irrecevable ;
Considérant, toutefois, que la liquidation des intérêts pécuniaires des époux peut comprendre toutes les créances et dettes qui les concernent, peu important que cette créance ait son origine antérieurement au mariage, de sorte que la demande de Mme N… est recevable ;
Considérant que M. A… expose qu’il a remboursé cette somme, le prêt relais d’une durée très limitée visé dans cette reconnaissance de dette ayant été consenti dans l’attente de la vente de l’immeuble situé […] dont il était propriétaire indivis avec sa première épouse ; que le délai de conservation des documents bancaires l’empêche d’apporter la preuve de ce remboursement mais que l’attestation de la Société générale, certes peu claire, constitue un commencement de preuve par écrit qui impose à Mme N… d’apporter la preuve contraire du non-remboursement par la production de ses relevés bancaires ;
Considérant que la Société Générale a établi une attestation en date du 9 juillet 1990 en ces termes , « Nous soussignés, Société Générale Agence de […], atteste avoir effectué un remboursement anticipé partiel après paiement de l’échéance du 5 juillet 90 de 400 000 francs par débit du compte de chèques de Mme N… numéro …, en amortissement personnel du prêt personnel immobilier de 1 250 000 francs qui lui a été consenti conjointement avec M. V… A… afin de financer partiellement l’acquisition d’une maison individuelle sise à […] » ;
Considérant que M. A… ne justifie pas de la date de la vente du bien dont il était propriétaire […] aux fins de corroborer ses dires selon lesquels la somme de 400 000 francs proviendrait de cette vente, étant observé au surplus que l’affectation de cette somme, si elle avait été prouvée, au remboursement d’un prêt dont les époux étaient solidairement tenus, ne vaudrait nullement remboursement complet à Mme N… ;
Considérant qu’au vu de la reconnaissance de dette de la somme de 319 450 francs avec intérêts à 9,5 % signée par M. A… le 5 février 1990 et en l’absence de preuve par ce dernier du remboursement de cette somme, preuve dont la charge lui incombe, la demande de l’intimée de ce chef est bien fondée et il convient d’y faire droit ;
Considérant que M.A… demande à la cour si le bienfondé de ces deux créances d’argent était admis, de dire et juger qu’elles ne peuvent pas donner lieu à une condamnation à paiement distincte des opérations de liquidation partage mais seulement être inscrites dans les comptes de cette liquidation pour la détermination des droits de la créancière dans le partage de la masse active nette ;
Considérant que le règlement des créances entre époux ne constitue pas une opération de partage, de sorte que le créancier est en droit d’obtenir condamnation du débiteur et qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de l’appelant d’inscription des créances de l’intimée dans les comptes de la liquidation ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « J… N… fait valoir que cette somme doit lui être remboursée avec les intérêts au taux conventionnel de 9,50 % par an et capitalisation des intérêts. Elle produit à l’appui de cette demande une reconnaissance de dette en date du 21 février 1990 (sa pièce 6). Elle indique qu’il s’agit d’un prêt consenti à V… A… pour régler le montant des frais d’acquisition du pavillon indivis.
V… A… fait valoir que cette dette est antérieure de plus de quatre ans à la célébration du mariage, qu’elle ne constitue pas une créance entre époux, qu’il s’agit d’une dette droit commun. De plus, selon, lui le tribunal saisi d’une action en partage judiciaire suite au divorce n’est pas compétent pour se prononcer sur une demande de paiement dont le fait générateur est antérieur au mariage. En tout état de cause V… A… considère que la somme a été remboursée.
Il ressort de la reconnaissance de dette que J… N… a prêté à V… A… le 21 février 1990 la somme de 319 450 francs, soit de 225 000 francs plus 94 450 francs de frais à l’acquisition du pavillon situé à […]. Cette somme devait être remboursée au plus tard le 1er décembre 1990 et devait être productive d’un intérêt de 9,50 %.
Il ressort de l’acte d’acquisition du pavillon situé à […] qu’il a été financé 1/ par J… N… à hauteur de
-319 200 francs provenant d’un prêt consenti à J… N… par la Société Générale
– 5800 francs au moyen de ses deniers personnels
2/ par V… A… à hauteur de
– 1 250 000 francs provenant d’un prêt consenti à V… A… et J… N… par la Société Générale
– 225 000 francs au moyen de ses deniers personnels.
La Société Générale a établi une attestation en date du 9 juillet 1990 ainsi libellée : « Nous soussignés, Société Générale Agence de […], atteste avoir effectué un remboursement anticipé partiel après paiement de l’échéance du 5 juillet 90 de 400 000 francs par débit du compte de chèques de Madame N… numéro 50375210, en amortissement personnel du prêt personnel immobilier de 1 250 000 francs qui lui a été consenti conjointement avec Monsieur V… A… afin de financer partiellement l’acquisition d’une maison individuelle sise à […] . ». V… A… considère que ce document est une preuve qu’il a remboursée le prêt consenti par J… N… , dès lors que cette dernière a bénéficié du remboursement anticipé partiel du prêt consenti par la Société Générale au couple.
11 se déduit de ces éléments que l’acte d’acquisition du bien indivis par les parties, qui alors n’étaient pas encore mariées, mentionne une répartition du financement de ce bien qui ne correspond pas la réalité, puisque la somme indiquée comme étant apportée sur ses deniers personnels par V… A… provient en réalité d’une somme d’argent que J… N… lui a prêtée.
La demande portant sur des fonds ayant servi au financement du bien indivis, le juge aux affaires familiales a compétence pour statuer dans le cadre de l’action en partage de la liquidation des intérêts patrimoniaux des ex-époux. » ;
ALORS QUE le juge aux affaires familiales, compétent pour connaitre des dettes entre époux lors de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux, ne peut connaitre d’une dette née antérieurement au mariage, relevant du droit commun ; qu’en s’estimant compétente pour statuer sur la demande de remboursement du prêt accordé par Mme N … à M. A… en 1990, soit quatre ans avant leur mariage, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire.
ECLI:FR:CCASS:2020:C200620