Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2017), que M. Y…, Mme Z…, M. A… et Mme A… (les associés), associés de la société Études transformation et stockage (la société Sétec), ont conclu un contrat sous conditions suspensives de cession de la totalité des actions composant le capital social de la société Sétec, à la société Commerce 2020, représentée par la société Antinéa capital Sarl & Partners, société en commandite par actions de droit luxembourgeois représentée par la société Antinéa capital Sarl (les sociétés Antinéa), associé commandité, représenté par M. X… et M. C…, lui-même représenté par M. X… ; que les associés de la société Sétec ont été autorisés par le président d’un tribunal de commerce à pratiquer diverses saisies conservatoires pour sûreté et conservation d’une créance évaluée à 7 025 000 euros, correspondant au prix des parts sociales cédées, au préjudice de la société Commerce 2020, des sociétés Antinéa et de M. X… ; qu’après avoir pratiqué les mesures conservatoires, ils ont saisi un tribunal de commerce de diverses demandes de condamnation, pour un montant total de 2 305 340 euros, à l’encontre de M. X…, de la société Commerce 2020 et des sociétés Antinéa, lesquels ont sollicité du président du tribunal de commerce la rétractation des ordonnances, puis interjeté appel de l’ordonnance rejetant pour partie cette demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X…, la société Commerce 2020 et les sociétés Antinéa font grief à l’arrêt de déclarer les requêtes des associés de la société Sétec recevables, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu’en déclarant recevables les requêtes des associés de la société Sétec, sans répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés Commerce 2020, Antinéa et M. X… faisaient valoir que l’absence de communication de certaines pièces invoquées, alors même que ces pièces souffraient d’un défaut d’indication précise, portait atteinte au principe de la contradiction, en violation des articles 494 et 16 du code de procédure civile, la cour d’appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que tout jugement doit être motivé et que les motifs dubitatifs constituent un défaut de motifs ; que les sociétés Commerce 2020, Antinéa et M. X… faisaient valoir que l’absence de communication de certaines pièces invoquées portait atteinte au principe de la contradiction, en violation des articles 494 et 16 du code de procédure civile ; qu’en déclarant recevables les requêtes des associés de la société Sétec, aux motifs dubitatifs que « la requête rectificative présentée le 4 avril 2016 vise en pièce annexée une « note complémentaire » qui, à l’évidence ne peut concerner que l’identité des tiers saisis entre les mains desquels les mesures sont à exécuter, les autres pièces concernant celles afférentes à la requête du 7 mars 2016″, la cour d’appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que seule est exigée, par l’article 494 du code de procédure civile, l’indication précise des pièces invoquées à l’appui de cette requête, à l’exclusion de leur communication entre les parties ; qu’en l’absence d’incident au sens de l’article 133 de ce code, les conclusions se bornant à alléguer un défaut de communication de pièces sont inopérantes ; que, dès lors, la cour d’appel n’avait pas à répondre aux conclusions de la société Commerce 2020, des sociétés Antinéa et de M. X… se prévalant de l’absence de communication de certaines des pièces invoquées à l’appui de la requête des associés de la société Sétec à fin d’être autorisé à pratiquer des mesures conservatoires ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, sixième et septième branches :
Attendu que M. X…, la société Commerce 2020 et les sociétés Antinéa font grief à l’arrêt de les débouter de leurs demandes et de les condamner aux frais irrépétibles et dépens, alors, selon le moyen :
1°/ que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire de la créance ayant permis la mesure conservatoire ; que la caducité de la mesure conservatoire doit être prononcée dès lors que la créance revendiquée pour l’obtention du titre exécutoire est inférieure au montant pour lequel la mesure conservatoire a été prise, le créancier ne cherchant pas à obtenir de titre exécutoire pour sa prétendue créance dans sa totalité ; qu’en refusant de prononcer la caducité des saisies conservatoires pratiquées pour paiement de la somme de 7 025 000 euros bien qu’elle ait constaté que la créance revendiquée pour laquelle un titre exécutoire était recherché n’était que de 2 305 340 euros, la cour d’appel a violé les articles L. 511-1 et L. 511-4 et l’article R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution ;
2°/ que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire de la créance ayant permis la mesure conservatoire ; que la caducité de la mesure conservatoire doit être prononcée dès lors que la créance revendiquée pour l’obtention du titre exécutoire est largement inférieure au montant pour lequel la mesure conservatoire a été prise, cette mesure portant alors une atteinte disproportionnée au droit de propriété du débiteur saisi ; qu’en refusant de prononcer la caducité des saisies conservatoires pratiquées pour paiement de la somme de 7 025 000 euros bien qu’elle ait constaté que la créance revendiquée pour laquelle un titre exécutoire était recherché n’était que de 2 305 340 euros, la cour d’appel a violé les articles L. 511-1 et L. 511-4 et l’article R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution ensemble l’article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu’en l’absence de titre exécutoire, il appartient au juge qui autorise la saisie conservatoire de caractériser l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe ; qu’en vertu du principe d’autonomie des sociétés, une société mère n’est pas tenue des engagements contractuels pris par sa filiale, sauf s’il est caractérisé que la société mère s’est immiscée dans la gestion de sa filiale et que cette immixtion était de nature à créer pour le cocontractant une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que la société était aussi son cocontractant, ou s’il est démontré que la filiale est fictive ; qu’en engageant la responsabilité des sociétés Antinéa, sans caractériser leur immixtion dans la société Commerce 2020 ni même l’apparence de fictivité de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 (ancien) et 1842 du code civil ensemble l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
4°/ qu’en l’absence de titre exécutoire, il appartient au juge qui autorise la saisie conservatoire de caractériser l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe ; que le dirigeant d’une société n’est pas tenu, du seul fait de sa qualité de dirigeant, des engagements pris par cette société, sauf s’il est caractérisé qu’il s’est personnellement engagé pour le compte de la société ou qu’il a commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales ; qu’en engageant la responsabilité de M. X…, sans caractériser un engagement personnel ou l’apparence d’une faute détachable de celui-ci, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 (ancien) du code civil ensemble l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
Mais attendu, d’une part, que la saisie conservatoire rend indisponible les biens qui en sont l’objet sans toutefois en attribuer la propriété au saisissant et que, lorsque le saisissant engage ou poursuit une procédure en vue d’obtenir un titre exécutoire constatant une créance s’élevant à un montant moindre que celui pour lequel il a été autorisé sur requête à pratiquer la saisie, cette mesure peut faire l’objet, à la demande du saisi, d’une mainlevée partielle ou d’une substitution à la mesure initialement prise de toute mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties ; que c’est dès lors sans violer l’article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la cour d’appel a débouté la société Commerce 2020, les sociétés Antinéa et M. X… de leur demande tendant à ce que soient déclarées caduques les saisies conservatoires ;
Que, d’autre part, ayant constaté, par des motifs non critiqués, que la créance invoquée par les associés de la société Sétec à l’appui de leur requête à fin d’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire et celle que ceux-ci ont par la suite invoqué à l’appui de l’assignation de la société Commerce 2020, des sociétés Antinéa et de M. X… étaient fondées sur une cause factuelle unique, à savoir la non-réalisation du contrat de cession, c’est par une exacte application des articles L. 511-1, L. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution que la cour d’appel a débouté ces derniers de leur demande tendant à la caducité des mesures conservatoires pratiquées ;
Qu’enfin, la cour d’appel ayant retenu que le principe d’une créance indemnitaire causée par la non-réalisation de la cession, même sous conditions suspensives, existait lors de la présentation de la requête et demeurait au jour où elle statuait, que ce principe de créance, dont seule l’apparence était requise, concernait autant la société Commerce 2020 que les personnes physiques et morales qui participent à sa gestion, et donc à la prise des décisions, les sixième et septième branches, sous le couvert d’un manque de base légale, ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la cour d’appel d’une apparence de créance fondée en son principe contre les sociétés Antinéa et M. X… ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu, qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième, quatrième et cinquième branches du second moyen annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X…, la société Commerce 2020 et les sociétés Antinéa capital SARL et Partners et Antinéa capital aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ; les condamne à payer à M. Y…, Mme Z…, M. A… et Mme A… la somme globale de 4 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour M. X… et les sociétés Commerce 2020, Antinéa capital SARL & Partners et Antinéa capital.
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR déclaré les requêtes de Monsieur Alexandre Y…, Madame Martine Z…, Monsieur Philippe A… et Madame Christine A… recevables ;
AUX MOTIFS QUE : « aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement ; que l’article R. 511-1 prévoit que la demande d’autorisation visée à l’article L. 511-1 est formée par requête : qu’il résulte de l’article 494 du code de procédure civile que la requête doit comporter l’indication précise de pièces invoquées ; que la requête présentée le 7 mars 2016 liste les pièces annexées à la requête, et notamment en pièce numérotée 13 des »emails adressés par ACP à Alexandre Y… relatifs aux échanges entre ACP et les établissements bancaires » ; que le défaut d’indication de la date de ces échanges n’est pas attentatoire au respect du principe de la contradiction qui est assuré par l’identification précise des pièces qui ont été produites au juge des requêtes et qui émanent de la partie saisie ; que la requête rectificative présentée le 4 avril 2016 vise en pièces annexée une »note complémentaire » qui, à l’évidence ne peut concerner que l’identité des tiers saisis entre les mains desquels les mesures sont à exécuter, les autres pièces concernant celles afférentes à la requête du 7 mars 2016 » ;
ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTÉS, QUE : « s’il existe une imprécision sur les pièces fournies et leur numérotation, cette imprécision est relative et ne s’oppose pas à leur compréhension du fait que les Demandeurs ont pu y répondre dans leurs écritures ; qu’en conséquence, cette imprécision ne porte pas grief aux Demandeurs et n’a pas occulté le débat contradictoire » ;
ALORS QUE 1°) tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu’en déclarant recevables les requêtes de Monsieur Alexandre Y…, Madame Martine Z…, Monsieur Philippe A… et Madame Christine A…, sans répondre aux conclusions par lesquelles Commerce 2020, Antinéa Capital Sarl & Partners SCA, Antinéa Capital Sarl et Monsieur Louis X… faisaient valoir que l’absence de communication de certaines pièces invoquées, alors même que ces pièces souffraient d’un défaut d’indication précise, portait atteinte au principe de la contradiction, en violation des articles 494 et 16 du code de procédure civile (conclusions d’appel, pp. 31-32, §§ 66 à 71), la Cour d’appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE 2°) tout jugement doit être motivé et que les motifs dubitatifs constituent un défaut de motifs ; que Commerce 2020, Antinéa Capital Sarl & Partners SCA, Antinéa Capital Sarl et Monsieur Louis X… faisaient valoir que l’absence de communication de certaines pièces invoquées portait atteinte au principe de la contradiction, en violation des articles 494 et 16 du code de procédure civile (conclusions d’appel, pp. 31-32, §§ 66 à 71) ; qu’en déclarant recevables les requêtes de Monsieur Alexandre Y…, Madame Martine Z…, Monsieur Philippe A… et Madame Christine A…, aux motifs dubitatifs que « la requête rectificative présentée le 4 avril 2016 vise en pièces annexée une »note complémentaire » qui, à l’évidence ne peut concerner que l’identité des tiers saisis entre les mains desquels les mesures sont à exécuter, les autres pièces concernant celles afférentes à la requête du 7 mars 2016 », la Cour d’appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Commerce 2020, Antinéa Capital Sarl & Partners SCA, Antinéa Capital Sarl et Louis X… de leurs demandes et de les AVOIR condamnés aux frais irrépétibles et dépens ;
AUX MOTIFS QUE : « il résulte des articles L. 511-4 et R. 511-7 que le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire ; qu’aux termes de leur requête présentée le 7 mars 2016, les associés cédants ont exposé que M. X… a voulu acquérir leurs actions par l’intermédiaire de personnes morales, en l’espèce, un fond d’investissements luxembourgeois, Antinéa Capital Sarl & Partners – ACP – et un »véhicule français » créé par ACP pour les seuls besoins de l’opération, la SAS Commerce 2020 ; qu’aux termes du contrat du 25 septembre 2015, M. X… s’est ainsi engagé à acquérir 100 % des actions Sétes pour un prix de 7.025.000 euros au moyen de fonds propres et de financement bancaire, alors qu’il n’en disposait d’aucun ; que c’est grâce à ses déclarations mensongères que Louis X… a réussi à les empêcher de vendre leurs participations pendant presqu’un an, leur faisant croire, même après la levée des conditions suspensives, qu’il était sur le point d’obtenir le financement nécessaire ; qu’ils disposaient donc d’une créance fondée en son principe à raison du refus de réaliser la cession pour un défaut de financement qui n’a pas été érigé en condition suspensive, soit au titre de l’exécution forcée, soit à titre indemnitaire à l’encontre de la SAS Commerce 2020, coquille vide créée pour les seuls besoins de la cause, d’ACP, associée unique de Commerce 2020, qui a signé la lettre d’intention en mai 2015, Antinéa Capital Sarl, qui en qualité d’associé commandité d’ACP est responsable des dettes de cette dernière, et M. Louis X…, gérant d’Antinéa Capital qui a négocié l’opération puis décidé de la faire réaliser par des sociétés qu’il dirige et détient ; que ce montage et les déclarations mensongères de M. X… constituent des circonstances menaçant le recouvrement de leur créance ; que la créance revendiquée par les cédants aux termes de leur requête présentée le 7 mars 2016 consistait ainsi en la perte du prix de cession de 7 025 000 euros en raison d’inexécutions contractuelles fautives à l’encontre de leur cocontractante, Commerce 2020, et de faute à l’encontre des autres protagonistes ; qu’il est établi par les débats contradictoires que le 22 avril 2016, les actionnaires requérants ont mandaté le cabinet Raphaël Financial Advisory en vue de la vente de leurs parts sociales, et, suite à une lettre d’intention du mois de juin 2016, cédé leurs actions en septembre 2016 ; que, par acte du 6 mai 2016, ils ont assigné M. Louis X…, la SAS Commerce 2020, Antinéa Capital Sarl & Partners SCA, Antinéa Capital Sarl devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes : 70 000 Euros HT à Alexandre Y… au titre du remboursement des dépenses et frais engagés dans le cadre de l’opération visée au contrat de cession ; 50 000 euros à Alexandre Y… au titre du préjudice moral qu’il a subi ; 25 992 euros, outre 48,71 euros, à Martine Z… au titre du remboursement des dépenses et frais engagés dans le cadre de l’opération visée au contrat de cession ; 50 000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi ; 1 800 euros aux époux A… au titre du remboursement des dépenses et frais engagés dans le cadre de l’opération visée au contrat de cession ; 702 500 euros aux cédants en réparation du préjudice découlant de l’immobilisation de leurs actions, répartis au prorata de leurs participations ; 1 405 000 euros aux cédants en réparation du préjudice découlant de la perte de chance de percevoir le prix de cession, répartis au prorata de leurs participations ; que l’assignation tend également à obtenir la condamnation des saisis à payer à Sétes les sommes de : 25 707,66 euros TTC au titre des dépenses et frais engagés dans le cadre de l’opération visée au contrat de cession ; 200 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’affectation, en pure perte, de ses ressources à une opération qui a échoué, et de la désorganisation et de la déstabilisation de son entreprise du fait de ses échecs ; que la créance revendiquée aux termes de l’assignation consiste en l’indemnisation de l’immobilisation des actions, d’une perte de chance et du préjudice moral des associés ; que nonobstant la différence d’objet des créances invoquées entre la requête et l’assignation, il n’en demeure pas moins qu’elles sont également de nature indemnitaire et se fondent sur une cause factuelle unique, à savoir la non-réalisation du contrat de cession ; que de ce fait, outre que la condition de mise en oeuvre de la procédure destinée à l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai imparti a bien été remplie, le principe d’une créance indemnitaire causée par la non-réalisation de la cession, même sous condition suspensive, existait lors de la présentation de la requête et demeure au jour où la cour statue ; que ce principe de créance, dont seule l’apparence est requise, concerne autant la société Commerce 2020 que les personnes physiques et morales qui participent à sa gestion, et donc à la prise des décisions ; que les circonstances invoquées à l’appui de la requête, relatives au fait que la SAS Commerce 2020 a été créée pour l’acquisition, et que son associée unique – ACP -, a pour associé commandité une société de droit luxembourgeois, suffisaient à justifier la menace dans le recouvrement de leur créance invoquée par les requérants » ;
ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTÉS, QUE : « le contrat de cession signé entre les Vendeurs et SA Commerce 2020 le 25 septembre 2015 dont les conditions suspensives ont été réalisées comme le montrent les pièces produites au débat prévoyait dans ce cas une date de réalisation « au plus tard le 30 novembre 2015 », qu’à cette date Commerce 2020 n’a pas réglé le montant prévu de 7.025.000 euros ; que l’article 4.1 du Contrat de cession relatif aux conditions suspensives prévoit que « les obligations de l’Acquéreur au titre de l’article 3.2 visé ci-dessus sont subordonnées à la réalisation (ou à la renonciation par l’Acquéreur), au plus tard à la Date de Réalisation, de chacun de des conditions suspensives suivantes » dont en IV « Absence de Changement Défavorable Significatif entre la date des présentes et la Date de Réalisation » ; que les acquéreurs évoquent les attentats du 13 novembre 2015 comme événement pouvant entrer dans la définition de l’article ci-dessus mais qu’il n’est pas apporté la preuve que les attentats du 13 novembre puissent rentrer dans la catégorie susvisée sachant que les ventes de Sétes sont restées stables et même en légère progression en novembre 2015 ; qu’en conséquence le paiement de la cession n’ayant pas été honoré à la date de réalisation nous dirons qu’il existe bien une créance fondée dans son principe au sens de l’article L. 511-1 du CPC d’exécution de 7.025.000 euros entre les Vendeurs et les Acquéreurs, quel que soit le mode de recouvrement que les Vendeurs engageront envers le débiteur ; que le contrat a été signé par Monsieur X… pour le compte de Commerce 2020, que les pièces versées au débat montrent que Commerce 2020 et Monsieur X… ont organisé leur insolvabilité dans les différentes filiales faisant planer une menace sur le recouvrement de la créance ; que les différentes sociétés ayant fait l’objet d’une saisie sont toutes sous l’autorité de Monsieur X… qui doit être considéré comme le principal débiteur ; que la non mise en demeure du débiteur n’obère pas la réalité de la créance, celle-ci étant contractuelle et que la saisie conservatoire n’a pas pour objectif de recouvrer la créance mais seulement de conserver une chance de la recouvrer dans un procès au fond » ;
ALORS QUE 1°) si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire de la créance ayant permis la mesure conservatoire ; que la caducité de la mesure conservatoire doit être prononcée dès lors que la créance revendiquée pour l’obtention du titre exécutoire est inférieure au montant pour lequel la mesure conservatoire a été prise, le créancier ne cherchant pas à obtenir de titre exécutoire pour sa prétendue créance dans sa totalité ; qu’en refusant de prononcer la caducité des saisies conservatoires pratiquées pour paiement de la somme de 7.025.000 euros bien qu’elle ait constaté que la créance revendiquée pour laquelle un titre exécutoire était recherché n’était que de 2.305.340 euros, la Cour d’appel a violé les articles L. 511-1 et 4 et l’article R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution ;
ALORS QUE 2°) si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire de la créance ayant permis la mesure conservatoire ; que la caducité de la mesure conservatoire doit être prononcée dès lors que la créance revendiquée pour l’obtention du titre exécutoire est largement inférieure au montant pour lequel la mesure conservatoire a été prise, cette mesure portant alors une atteinte disproportionnée au droit de propriété du débiteur saisi ; qu’en refusant de prononcer la caducité des saisies conservatoires pratiquées pour paiement de la somme de 7.025.000 euros bien qu’elle ait constaté que la créance revendiquée pour laquelle un titre exécutoire était recherché n’était que de 2.305.340 euros, la Cour d’appel a violé les articles L. 511-1 et 4 et l’article R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution ensemble l’article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme.
ALORS QUE 3°) en l’absence de titre exécutoire, il appartient au juge qui autorise la saisie conservatoire de caractériser l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe ; que le contrat de cession du 25 septembre 2015 prévoyait comme condition suspensive l’absence de changement défavorable significatif entre la date de signature du contrat et la date de réalisation de la cession ; que cette condition, qui faisait notamment référence à des évènements tels que les attentats survenus en janvier 2015, impliquait qu’aucun événement ni aucune circonstance, quel qu’en soit le caractère, n’affecte significativement et de façon défavorable les activités de la société Sétes ; qu’en affirmant, pour considérer qu’il existait une créance fondée dans son principe de 7.025.000 euros entre les vendeurs et les exposants, que les conditions suspensives prévues au contrat de cession avaient été levées, sans rechercher, comme l’y invitaient pourtant les exposants, si un changement défavorable de circonstances, faisant obstacle à la levée des conditions suspensives, ne résultait pas des attentats survenus le 13 novembre 2015 et de la baisse de chiffre d’affaire qui s’en est suivie, la Cour d’appel a manqué de base légale au regard de l’article 1134 (ancien) du Code civil (articles 1103 et 1104 nouveaux) ensemble l’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution ;
ALORS QUE 4°) les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en affirmant que les conditions suspensives prévues au contrat de cession avaient été levées, sans examiner les données relatives au chiffre d’affaire de la société Sétes au mois de novembre 2015, à la suite des attentats, ce dont il ressortait que l’une des conditions suspensives ne pouvait être levée, la Cour d’appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE 5°) les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en affirmant que Monsieur X… avait effectué des déclarations mensongères en prétendant disposer de fonds propres et d’un financement bancaire, tout en s’abstenant d’examiner les échanges versés aux débats par les exposants, dont il ressortait que les vendeurs savaient que les négociations bancaires étaient en cours – ayant eux-mêmes participé à des réunions concernant le financement – de sorte qu’ils ne pouvaient prétendre ignorer que le financement de l’opération n’était pas finalisé, la Cour d’appel a de nouveau méconnu les exigences des articles 455 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE 6°) en l’absence de titre exécutoire, il appartient au juge qui autorise la saisie conservatoire de caractériser l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe ; qu’en vertu du principe d’autonomie des sociétés, une société mère n’est pas tenue des engagements contractuels pris par sa filiale, sauf s’il est caractérisé que la société mère s’est immiscée dans la gestion de sa filiale et que cette immixtion était de nature à créer pour le cocontractant une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que la société était aussi son cocontractant, ou s’il est démontré que la filiale est fictive ; qu’en engageant la responsabilité des sociétés ACP et Antinéa Capital, sans caractériser leur immixtion dans la société Commerce 2020 ni même l’apparence de fictivité de cette dernière, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 (ancien) et 1842 du Code civil ensemble l’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution ;
ALORS QUE 7°) en l’absence de titre exécutoire, il appartient au juge qui autorise la saisie conservatoire de caractériser l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe ; que le dirigeant d’une société n’est pas tenu, du seul fait de sa qualité de dirigeant, des engagements pris par cette société, sauf s’il est caractérisé qu’il s’est personnellement engagé pour le compte de la société ou qu’il a commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales ; qu’en engageant la responsabilité de Monsieur X…, sans caractériser un engagement personnel ou l’apparence d’une faute détachable de celui-ci, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 (ancien) du Code civil ensemble l’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
ECLI:FR:CCASS:2018:C200532