Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 septembre 2020, 19-14.826, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 septembre 2020, 19-14.826, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10299 F-D

Pourvoi n° G 19-14.826

Aide juridictionnelle totale en demande

au profit de Mme W….

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 20 février 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

Mme Q… W…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° G 19-14.826 contre l’arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d’appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. P… E…, domicilié […] ,

2°/ à la société […], société civile professionnelle, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme W…, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. E… et de la société […], et après débats en l’audience publique du 3 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme W… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme W… ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme W…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande de Mme W… d’indemnisation d’un préjudice dû à la négligence du notaire et d’un préjudice dû au manquement du notaire à son obligation de conseil distincte de la demande en indemnisation de son préjudice financier, d’avoir fixé à 20 % la proportion de responsabilité de Me E…, notaire, et à 80 % la responsabilité de Mme W… dans la réalisation de son propre préjudice, d’avoir fixé la valeur vénale des terres apportées à la SCI Bel-Air 2002 par Mme W… lors de la rédaction des statuts le 12 décembre 2005 à la somme de 15 000 €, d’avoir dit que cet apport en nature additionné à son apport numéraire ouvrait droit à Mme W… à 194 parts sur les 250 parts du capital social de la SCI représentant 77,60 % des parts sociales, en conséquence, d’avoir dit que du fait de la sous-évaluation des terres, Mme W… a vu ses attributions dans le SCI Bel-Air diminuées de 27, 61 % des parts sociales, d’avoir dit que le préjudice de Mme W… s’élève à 5 522 % de la valeur globale actuelle des parts sociales ;

AUX MOTIFS QUE, sur la responsabilité, par jugement mixte du 18 avril 2014, non frappé d’appel, le tribunal de grande instance de Carpentras a dit que :

– la responsabilité de Me E…, notaire et par suite de la SCP […] à laquelle il appartient, est engagée comme rédacteur de l’acte authentique portant statut de la SCI Bel-Air en date du 12 décembre 2005, le manquement du notaire à son devoir de conseil étant caractérisé par sa carence à attirer l’attention de Mme Q… W… sur la portée et les effets d’une sous-évaluation de son apport en nature à la SCI Bel-Air, sous-évaluation qu’il ne pouvait ignorer au regard des éléments tant intrinsèques qu’extrinsèques dont il disposait ;

– Q… W… a elle-même, pour partie, contribué à son propre préjudice, ayant délibérément laissé s’établir une équation selon laquelle les cinq parcelles qu’elle apportait au capital social équivalaient à seulement 1000 € alors que deux d’entre elles avaient été acquises pour 42 500 Fr ; Qu’il a donc retenu la responsabilité tant de Mme Q… W… que celle de Me E… sans que le tribunal ait statué sur la part de responsabilité de chacun ; Que le jugement déféré a fixé cette proportion à moitié ; Que la cour quant à elle estime que si effectivement le notaire a couvert par l’acte authentique du 12 décembre 2005 une fiction d’égalité d’apport entre les deux principaux associés G… N… et Mme Q… W…, son épouse, puisque tous deux sont censés avoir effectué un apport identique de 5400 €, l’époux exclusivement en numéraire et l’épouse en numéraire à hauteur de 4400 € et en apport en nature par ses cinq parcelles valorisées à 1000 € alors que deux d’entre elles ont été acquises moins de cinq ans plus tôt pour la somme de 42 500 F soit 6 479,08 € et qu’il ne rapporte pas la preuve qu’il a expliqué à Mme W…, non professionnelle du droit, qu’en cas de partage, et malgré la valeur réelle de son apport en nature, elle aurait les mêmes droits que son époux, il n’en demeure pas moins que la valeur des parts a été décidée à l’unanimité par les associés de la SCI Bel-Air en l’absence de tout litige entre les époux et que cette apparence d’égalité a été voulue par Mme Q… W…, non ignorante de la valeur des parcelles dont elle avait fait précédemment l’acquisition, présente lors de la signature des statuts sans qu’il puisse être affirmé de manière péremptoire que même renseignée sur les conséquences juridiques et financières et à même d’apprécier l’exacte portée de cette évaluation de son apport en nature, elle serait revenue sur sa volonté de consentir à la signature de l’acte inégalitaire depuis lors litigieux ; Que la proportion de responsabilité du notaire, lequel n’est pas dispensé de son devoir de conseil même en cas de faute de sa cliente, sera donc fixée à 20 % et celle de madame W… à 80 % ; que sur le préjudice (

), le premier juge a rappelé qu’en application de l’article 1382 ancien du code civil devenu 1240 du code civil, les dommages et intérêts alloués à la victime doivent réparer intégralement le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ; Que, tout comme devant le tribunal, Mme W… sollicite l’indemnisation d’un préjudice moral et d’un préjudice lié à la négligence ou au manquement à l’obligation de conseil du notaire ainsi que la réparation de son préjudice financier de 274 256 € correspondant à la valeur des parts sociales dont elle a été privée par référence à la valeur actuelle des parcelles apportées, la part sociale étant évaluée à la somme de 2633 € sur la base d’une valeur économique actuelle de la SCI fixée à la somme de 289 595 euros ; Que c’est à bon droit que le premier juge a précisé qu’il n’y avait pas lieu à distinction entre le préjudice dû à la négligence du notaire, le préjudice dû au manquement du notaire à son obligation de conseil et le préjudice financier puisque le préjudice financier n’est que la résultante de la négligence du notaire et de son manquement à son obligation de conseil ; Que le rejet de sa demande d’indemnisation au titre de ces deux postes de préjudice ne peut donc qu’être être confirmé ; Qu’en ce qui concerne le préjudice financier, il correspond à 20 % de la valeur des parts sociales dont elle a été privée du fait même de la sous-évaluation de son apport en nature dans la SCI Bel-Air ; Que l’expert judiciaire S… a conformément à la mission qui lui avait été confiée, procédé à l’évaluation des parcelles de terre de Mme W… au moment de l’apport à la SCI. Elle a développé deux évaluations : la première, arrondie à la somme de 15 000 €, fondée sur une valeur vénale moyenne des terres agricoles labourables, libres à la vente, destinées à conserver au moment de la création de la SCI leur vocation agricole et sur le prix d’achat des parcelles en 2001 par Mme W… à sa soeur, et la seconde, arrondie à la somme de 119 100 €, fondée sur une valeur de terrain à bâtir avec un faible COS de 0,05 aux alentours ; Que le tribunal a retenu la première évaluation. Mme W… lui en fait reproche, les parcelles de terres constituant les apports en nature étant des terrains à bâtir dès lors que depuis 1994 il était projeté d’y construire une unité touristique ; Que l’expert judiciaire indique clairement que les parcelles […] et […] étaient des parcelles agricoles, les parcelles […] et […] supportaient des cerisiers et n’avaient qu’une partie constructible, en bande, avec une importante zone non aedificandi, enfin la parcelle […] était entièrement boisée et inconstructible ; Que Mme S… n’a pas appliqué automatiquement la valeur vénale moyenne des terres agricoles mais également pris en considération la situation des lieux, leur accessibilité ainsi que la valeur des terres environnantes au regard de leur propre situation ; Qu’en conséquence, tout comme le premier juge, la cour retiendra une valeur vénale des terres apportées à la SCI Bel-Air fixée à la somme de 15 000 € ; Que cet apport en nature additionné à son apport numéraire ouvrait droit à Mme W… à 194 parts sur les 250 parts du capital social de la SCI représentant 77,60 % des parts sociales. ; Qu’elle s’est vu attribuer 54 parts sur 110 soit 49,09 % des parts sociales ; Que du fait de la sous-évaluation des terres, elle a vu ses attributions dans le SCI Bel-Air diminuées de 27, 61 % des parts sociales ; Que compte tenu de la limitation de son droit à indemnisation, le préjudice de Mme W… s’élève à 20 % soit 1/5 des 27,61 % de la valeur des parts sociales = 5 522 % de la valeur globale actuelle des parts sociales ;

ALORS QU’en fixant à 20 % pour le notaire et 80 % pour l’exposante les parts de responsabilité pour la raison que Mme W… avait voulu l’apparence d’égalité des apports et qu’il n’était pas établi qu’elle n’aurait pas signé les statuts si elle avait été informée des conséquences résultant de la sous-valorisation de son apport, quand il lui appartenait de déterminer la probabilité que Mme W… consente à cette sous-valorisation si elle avait été dûment conseillée par Me E… et informé par ce dernier des conséquences en résultant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2020:C110299


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