Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 juillet 2009, 08-17.536, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 juillet 2009, 08-17.536, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu que la société XL, M. X…, M. Y… et la société Grande armée investissement (GAI) ont conclu un pacte d’actionnaires comportant une clause compromissoire donnant aux arbitres les pouvoirs d’amiables compositeurs ; que, des difficultés étant survenues, la procédure d’arbitrage a été mise en oeuvre, la société GAI contestant la compétence des arbitres ; qu’une sentence du 29 mars 2007 a, notamment, déclaré le tribunal compétent pour statuer sauf sur un point, dit que la société GAI n’avait pas respecté les suites que l’équité donne au pacte d’actionnaires, sur le fondement des articles 1134 et 1135 du code civil, et condamné cette société au paiement de dommages intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (Lyon, 10 juin 2008) d’avoir déclaré le tribunal arbitral compétent alors, selon le moyen, que « le pacte d’actionnaires signé le 21 mars 2006 n’attribuait compétence à la juridiction arbitrale que pour trancher tout différend entre les parties portant sur l’interprétation ou l’exécution du pacte ou sa résiliation et qu’en fondant la compétence du tribunal sur l’appréciation de la bonne foi de la société GAI, qui n’avait pas été mise en cause par les demandeurs, et en s’abstenant de préciser celle des dispositions exactes de ce pacte qui aurait suscité une difficulté d’interprétation ou d’exécution, la cour d’appel de Lyon a entaché son arrêt d’une insuffisance de motifs et méconnu l’article 455 du code de procédure civile » ;

Mais attendu que l’arrêt retient d’abord que le litige se rapportait à l’interprétation des termes de l’accord et aux obligations en découlant pour chacune des parties, puis que le tribunal arbitral ne devait pas s’en tenir à la stricte lettre du pacte pour l’interpréter à la lumière des principes régissant la matière contractuelle, et devait déterminer, au delà des dispositions expresses de l’acte, les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature et rechercher si la convention avait été exécutée de bonne foi, conformément aux articles 1134 et 1135 du code civil ; que la cour d’appel en a justement déduit par une décision motivée que le tribunal arbitral était compétent pour statuer sur le litige qui concernait l’interprétation et l’exécution du pacte, au regard notamment des suites que lui donnait l’équité ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir rejeté le recours en annulation alors, selon le moyen, que :

1°/ il appartient aux arbitres de soumettre au débat contradictoire les éléments de fait et de droit susceptibles de fonder leur décision ; que si certains éléments de fait avaient été débattus entre la société GAI et ses adversaires, il est constant que le concept d’espérance légitime – autrement dénommé légitime expectative – n’a donné lieu à aucun débat entre les parties à l’instance arbitrale, cette notion n’étant ni invoquée par les demandeurs, ni a fortiori contestée par la société GAI; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les articles 14 à 17 du code de procédure civile et l’article 1484 4° dudit code ;

2°/ la société GAI faisait valoir devant la Cour l’impossibilité dans laquelle elle avait été placée de faire valoir ses propres espérances légitimes, qui auraient été de nature à équilibrer l’appréciation portée sur la légitime expectative des demandeurs (conclusions récapitulatives n°28 à 34) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen pertinent, la Cour a entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et ainsi méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ statuant en amiable compositeur, le tribunal arbitral était tenu de juger en vue de l’équité ; qu’en prenant en considération les seules espérances légitimes des demandeurs et en les analysant par une motivation développée, sans rechercher si la société GAI avait pu nourrir de son côté d’autres espérances légitimes vis-à-vis de MM. X… et Y…, la cour d’appel de Lyon a violé l’article 1484 3° du code de procédure civile ;

Mais attendu d’abord que l’arrêt retient que le tribunal arbitral a relevé une série d’éléments de fait résultant de preuves documentaires et testimoniales, soumis à la discussion contradictoire des parties ; que la cour d’appel en a justement déduit que, en retenant un moyen tiré de l’application des articles 1134 et 1135 du code civil, au vu des griefs invoqués par les demandeurs et des éléments discutés par les parties, les arbitres n’avaient pas violé le principe de la contradiction ;

Et attendu ensuite que, sous couvert du grief infondé de défaut de réponse à conclusions, la société GAI tente de remettre en cause le bien fondé de la décision des arbitres dont le contrôle, une fois vérifiée la réalité de la référence à l’équité dans la limite de ses pouvoirs, échappe au juge de l’annulation ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Grande armée investissement aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Grande armée investissement à payer aux défendeurs la somme de 4 000 euros ; rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Grande armée investissement

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré le Tribunal arbitral compétent pour statuer sur le litige opposant la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT et Messieurs X… et autres ;

AUX MOTIFS QUE le litige se rapportait à l’interprétation des termes de l’accord et aux obligations en découlant pour chacune des parties ; que certes, le Tribunal arbitral a relevé dans sa sentence que « le pacte ne contient aucune disposition expresse au terme de laquelle la défenderesse aurait pu s’engager envers les demandeurs à mettre en œuvre un véritable rapprochement des activités, du personnel ou des moyens de financement de chacun des deux groupes » et qu’il est impossible d’associer un seul des manquements invoqués par les demandeurs à une disposition ou un engagement spécifique contenu dans le pacte » ; que cependant, comme le soulignent à juste titre la société XL, M. Z… et M. Y…, le Tribunal arbitral ne devait pas s’en tenir à la stricte lettre du pacte, mais rechercher la volonté des parties et l’esprit du pacte pour l’interpréter à la lumière des principes régissant la matière contractuelle, et devait déterminer, au-delà des dispositions expresses de l’acte, les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature et rechercher si la convention avait été exécutée de bonne foi, conformément aux articles 1134 et 1135 du Code civil ; que dès lors, le Tribunal arbitral était compétent pour statuer sur le litige qui concernait l’interprétation et l’exécution du pacte, au regard notamment des suites que lui donne l’équité, ainsi que les arbitres l’ont retenu dans leur déclaration de responsabilité de la société GRANDE ARMÉE INVESTISSEMENT ;

ALORS QUE le pacte d’actionnaires signé le 21 mars 2006 n’attribuait compétence à la juridiction arbitrale que pour trancher tout différend entre les parties portant sur l’interprétation ou l’exécution du pacte ou sa résiliation ; qu’en fondant la compétence du tribunal sur l’appréciation de la bonne foi de la société GRANDE ARMÉE INVESTISSEMENT, qui n’avait pas été mise en cause par les demandeurs, et en s’abstenant de préciser celle des dispositions exactes de ce pacte qui aurait suscité une difficulté d’interprétation ou d’exécution, la Cour d’appel de LYON a entaché son arrêt d’une insuffisance de motifs et méconnu l’article 455 du Code de procédure civile ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours en annulation dirigé contre la sentence arbitrale du 29 mars 2007 ;

AUX MOTIFS QUE l’annulation de la sentence arbitrale sur le fondement de la violation de la contradiction implique qu’il soit démontré que les éléments d’information utilisés par les arbitres n’ont pas été soumis au débat contradictoire entre les parties ; qu’en se fondant sur la legitime expectative des demandeurs, le Tribunal arbitral a retenu une série d’éléments de fait résultant de preuves documentaires et testimoniales, visés aux paragraphes 151 et suivants de la sentence, et soumis à la discussion contradictoire des parties; qu’il en a tiré la conséquence que la legitime expectative des demandeurs, notamment quant à un rapprochement des entreprises, telles qu’elle pouvait être déduite de la phase précontractuelle et du début d’exécution du pacte, avait été déçue en raison d’un brusque revirement de la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT et de son président directeur général, M. A… ; qu’en procédant ainsi, les arbitres ont retenu un moyen tiré de l’application des articles 1134 et 1135 du Code civil au vu des griefs invoqués par les demandeurs et des éléments discutés par les parties, sans commettre de violation du principe de la contradiction ; que la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT fait grief aux arbitres d’avoir adopté une approche unilatérale ne reposant que sur la légitime expectative des demandeurs, et d’avoir commis un manquement à la mission d’amiable composition et au principe d’égalité de traitement ; Qu’il résulte cependant de la sentence que le Tribunal arbitral a examiné l’ensemble des demandes formées par les parties ; qu’il a en particulier considéré, au paragraphe 152 de la sentence, que M. X… et M. Y… n’avaient pas fait naître chez la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT des attentes qui allaient au-delà de son espoir de tirer un bénéfice de l’opération telle qu’elle avait été en mesure de l’évaluer ; qu’il a également, au paragraphe 160, rejeté la demande reconventionnelle en l’absence de preuve d’un comportement fautif des adversaires ni d’un préjudice ; er’il n’est pas démontré qu’il ait fait preuve de partialité lors de l’examen des griefs invoqués ou des éléments de preuve, ni qu’il se soit écarté de sa mission d’amiable compositeur ; g’il a notamment déclaré irrecevables les demandes de la société XL et s’est déclaré incompétent pour examiner la demande de M. X… relative à sa rémunération ; gu’il a alloué des indemnités distinctes à M. X… et à M. Y… ; que les éléments qui précèdent et l’examen de la sentence font apparaître qu’elle contient une motivation sur l’ensemble des griefs allégués par les parties, y compris sur les prétentions et moyens de la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT, et que les arbitres n’ont pas fait preuve de partialité dans l’appréciation de l’équité au regard de la situation de chacune des parties ; qu’en conséquence, la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT doit être déboutée de sa demande d’annulation de la sentence arbitrale ;

ALORS D’UNE PART QU’il appartient aux arbitres de soumettre au débat contradictoire les éléments de fait et de droit susceptibles de fonder leur décision ; que si certains éléments de fait avaient été débattus entre la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT et ses adversaires, il est constant que le concept d’espérance légitime – autrement dénommé légitime expectative – n’a donné lieu à aucun débat entre les parties à l’instance arbitrale, cette notion n’étant ni invoquée par les demandeurs, ni a fortiori contestée par la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé les articles 14 à 17 du Code de procédure civile et l’article 1484-4° dudit Code ;

ALORS D’AUTRE PART QUE la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT faisait valoir devant la Cour l’impossibilité dans laquelle elle avait été placée de faire valoir ses propres espérances légitimes, qui auraient été de nature à équilibrer l’appréciation portée sur la légitime expectative des demandeurs (conclusions récapitulatives n°28 à 34) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen pertinent, la Cour a entaché son arrêt d’un défaut de réponse à conclusions et ainsi méconnu les exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS ENFIN QUE statuant en amiable compositeur, le Tribunal arbitral était tenu de juger en vue de l’équité ; qu’en prenant en considération les seules espérances légitimes des demandeurs et en les analysant par une motivation développée, sans rechercher si la société GRANDE ARMEE INVESTISSEMENT avait pu nourrir de son côté d’autres espérances légitimes vis-à-vis de MM. X… et Y…, la Cour d’appel de LYON a violé l’article 1484-3° du Code de procédure civile.


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