Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Pau, 29 novembre 2013 et 10 décembre 2014) que la SCI X… Océan (la SCI), locataire de deux coffres dans un établissement bancaire dont elle ne retrouvait ni les clés ni les contrats de location, a fait procéder à leur ouverture forcée ; que Mme Y…, ayant droit d’un associé de celle-ci, l’a assignée devant un tribunal de grande instance aux fins de remise sous astreinte des trente lingots et cent quarante-sept pièces d’or renfermés dans ces coffres ; que la société a relevé appel du jugement ayant accueilli cette demande ; que, par le premier des arrêts attaqués, la cour d’appel, statuant sur le déféré d’une ordonnance du conseiller de la mise en état, a déclaré irrecevables les conclusions de Mme Y…soulevant l’irrecevabilité de l’appel et l’absence de conformité des conclusions de l’appelante à l’article 954 du code de procédure civile ; que, par le second arrêt, la cour d’appel a rejeté les demandes de Mme Y…;
Sur le premier moyen :
Délibéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après débats à l’audience publique du 10 février 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Pimoulle, conseiller rapporteur, M. Liénard, conseiller doyen, Mme Parchemal, greffier de chambre ;
Attendu que Mme Y…fait grief à l’arrêt du 29 novembre 2013 de déclarer irrecevables, par application de l’article 909 du code de procédure civile, les conclusions d’intimée remises au greffe de la cour d’appel le 14 juin 2013 et de déclarer irrecevables, par application de l’article 909 du code de procédure civile, les demandes de Mme Y…tendant à voir déclarer l’appel irrecevable comme non soutenu et à voir enjoindre à l’appelante de mettre ses écritures en conformité avec les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que l’intimé qui a conclu après l’expiration du délai qui lui est imparti par l’article 909 du code de procédure civile est néanmoins recevable à saisir le conseiller de la mise en état d’une demande tendant à voir constater l’irrecevabilité de l’appel ainsi que d’une demande tendant à voir ordonner la mise en conformité des écritures de l’appelant par rapport aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 909, 914, 16 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article 909 du code de procédure civile que l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ; que ce texte s’applique indistinctement à toutes les conclusions qui déterminent l’objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l’instance ; que l’irrecevabilité des conclusions déposées après l’expiration du délai par l’intimé ne le prive pas de son droit d’accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif et n’est pas une sanction contraire aux exigences de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu qu’ayant relevé que la SCI avait notifié et remis ses conclusions au greffe par la voie électronique le 12 avril 2013, que Mme Y…avait notifié et remis ses conclusions au greffe par la voie électronique le 14 juin 2013, c’est à bon droit que la cour d’appel a déclaré ces dernières irrecevables ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y…aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société X… Océan la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué du 29 novembre 2013 d’avoir déclaré irrecevables par application de l’article 909 du Code de procédure civile, les conclusions d’intimée remises au greffe de la Cour le 14 juin 2013 et d’avoir déclaré irrecevables par application de l’article 909 du Code de procédure civile, les demandes de Mme A…tendant à voir déclarer l’appel irrecevable comme non soutenu et à voir enjoindre l’appelante de mettre ses écritures en conformité avec les dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sauf à priver d’efficacité la sanction édictée par l’article 909 du Code de procédure civile et/ ou à créer un déséquilibre injustifié en termes de proportionnalité relative des sanctions du non-respect des délais impératifs pour conclure, il y a lieu de considérer qu’un intimé principal qui n’a pas régulièrement conclu (au fond ou dans le cadre d’un incident de nature à mettre fin à l’instance) dans le délai imposé par l’article 909 du Code de procédure civile n’est pas recevable à conclure postérieurement contre l’appelant principal, tant en la forme que sur le fond pour toute autre cause ; qu’il ne peut à cet égard être considéré qu’il serait ainsi porté atteinte au principe de loyauté des débats dès lors que la mise en oeuvre des sanctions prévues par les articles 908 à 910 du Code de procédure civile n’est qu’une application du principe général posé par l’article 2 du Code de procédure civile qui dispose que les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent et qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis ; qu’il convient dès lors de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les conclusions d’intimée déposées le 14 juin 2013 et, demeurant la fin de non-recevoir soulevée par la SCI X… Océan dans le cadre de la présente instance sur déféré, la réformant partiellement, de déclarer irrecevables les demandes de Mme A…tendant à voir déclarer l’appel irrecevable et subsidiairement de voir enjoindre l’appelante de mettre ses écritures en conformité avec les dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE l’intimé qui a conclu après l’expiration du délai qui lui est imparti par l’article 909 du Code de procédure civile est néanmoins recevable à saisir le conseiller de la mise en état d’une demande tendant à voir constater l’irrecevabilité de l’appel ainsi que d’une demande tendant à voir ordonner la mise en conformité des écritures de l’appelant par rapport aux dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé les articles 909, 914, 16 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué du 10 décembre 2014 d’avoir débouté Mme A…des fins de sa demande en restitution des lingots et pièces d’or entreposés dans les coffres 7 et 17 objets des contrats de location conclus au nom de la SCI X… Océan et d’avoir débouté Mme A…de sa requête en rectification d’erreur matérielle dépourvue d’objet et d’intérêt ;
AUX MOTIFS QUE le moyen tiré de l’article 1122 du Code civil ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du Code de procédure civile mais une défense au fond dont l’appréciation suppose que soit caractérisée au préalable l’existence de la volonté de dépossession irrévocable de feu M. X… ; que la présomption résultant de la possession édictée par l’article 2276 du Code civil implique pour le demandeur en revendication qui prétend que les meubles ont été remis à titre précaire au défendeur, la charge de justifier de la précarité de la possession, à défaut de quoi le défendeur doit être considéré comme ayant un titre pour les conserver, sans être obligé de prouver l’existence de l’acte translatif – à titre onéreux ou gratuit – qu’il invoque comme cause de sa possession ; que par ailleurs on déduit des dispositions de l’article 2256 du Code civil (on est toujours présumé posséder pour soi et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre) qu’il appartient au demandeur en revendication de démontrer quele possesseur prétendu n’est qu’un simple détenteur de la chose en établissant :
– soit l’existence d’un contrat par lequel le possesseur a reconnu le droit d’autrui sur la chose et emportant obligation de restitution,
– soit un comportement exclusif de la volonté de posséder à titre de propriétaire,
tous éléments devant être appréciés à la date d’entrée en possession, en l’espèce à la date de la signature des contrats de location de coffre-fort au nom de la SCI X… Océan, aucune partie ne soutenant et aucun élément n’établissant que les biens litigieux ont été déposés dans lesdits coffres postérieurement ; qu’or aucun élément objectif et incontestable du dossier n’établit :
– d’une part que la possession de la SCI X… Océan est la résultante d’un contrat conclu avec M. X… (dépôt, prêt ou autre) emportant obligation de restitution au profit de celui-ci,
– d’autre part que le comportement de la SCI X… est exclusif de la volonté de posséder à titre de propriétaire,
– étant considéré que la circonstance que M. X… a conservé les titres de location des coffres forts et les clefs de ceux-ci demeure équivoque puisqu’il était fondé à les détenir en sa qualité de gérant de la SCI et que l’absence de régularisation du transfert de propriété des biens litigieux par l’établissement d’un acte d’apport en nature constitue une irrégularité purement interne à la gestion de la société ; que par ailleurs la possession de la SCI X… présente les caractéristiques requises par l’article 2261 du Code civil pour son efficacité dès lors :
– qu’il n’est justifié de la survenance d’un quelconque acte interruptif entre la date de signature des contrats de coffre-fort et la date de la revendication par Mme A…,
– que la possession a été paisible et publique en ce que l’existence des objets litigieux était connue des auteurs de l’intimée,
– que son caractère non équivoque et à titre de propriétaire a été reconnu ci-dessus ;
qu’il convient dès lors, réformant la décision entreprise de débouter Mme A…des fins de son assignation introductive d’instance tendant à la restitution des lingots et pièces d’ord entreposés dans les coffres 7 et 17 et de dire n’y avoir lieu à statuer sur la requête en rectification d’erreur matérielle dépourvue d’objet et d’intérêt en suite de la réformation totale du jugement déféré ;
1°- ALORS QUE la cassation de l’arrêt du 29 novembre 2013 en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de Mme A…tendant à voir déclarer l’appel de la société X… Océan irrecevable et à défaut à voir ordonner la mise en conformité des conclusions de cette dernière, entrainera l’annulation par voie de conséquence par application de l’article 625 du Code de procédure civile, de l’arrêt du 10 décembre 2014 qui a statué sur l’appel de la société X… Océan et réformé le jugement déféré ;
2°- ALORS QUE la présomption de propriété selon laquelle en fait de meuble possession vaut titre suppose une possession effective matérielle du meuble à la date de la revendication ; qu’en faisant application de cette présomption en faveur de la société X… Océan, quand cette dernière admettait dans ses conclusions d’appel (notamment p. 5 et 16) qu’elle n’avait pas accès aux coffres forts litigieux dans lesquels les lingots et pièces étaient déposés puisque c’est Mme X… qui détenait les seules clefs d’accès à ces coffres, qu’elle avait été d’ailleurs été contrainte de solliciter leur ouverture forcée et que son gérant ignorait tout du contenu des coffres litigieux avant leur ouverture, ce dont il résulte que si elle avait la qualité juridique de locataire des coffres forts litigieux, elle n’avait pas pour autant la possession matérielle de leur contenu, la Cour d’appel a violé l’article 2276 du Code civil ;
3°- ALORS QUE la présomption de propriété selon laquelle en fait de meuble possession vaut titre suppose une possession non équivoque à la date de l’action en revendication ; que la possession concurrente d’un tiers détenteur des titres de propriété est exclusive de l’application de cette présomption ; qu’en statuant comme elle l’a fait, quand il résultait des propres aveux de la société X… que c’est Mme X… dont le jugement avait constaté qu’elle était détentrice des titres de propriété des lingots, qui détenait la seule clef d’accès aux coffres forts litigieux sur lesquels elle bénéficiait d’une procuration ce dont il résulte que la prétendue possession de la société X… à la supposer caractérisée était en tout état de cause équivoque, la Cour d’appel a violé les articles 2261 et 2276 du Code civil.
ECLI:FR:CCASS:2016:C100826