Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mars 2011, 10-12.258, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mars 2011, 10-12.258, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l’article 1167 du code civil ;

Attendu que Mme Z… s’est portée caution de deux prêts consentis par la caisse régionale de crédit agricole Sud Rhône-Alpes (la caisse) à M. Y… d’un montant respectif de 100 000 francs et 80 000 francs ; qu’elle s’est engagée à faire apport à la SCI Aurel, constitué par acte notarié du 28 décembre 1990, de la nue propriété d’un immeuble lui appartenant ; qu’estimant l’apport susvisé effectué en fraude de ses droits, la caisse a assigné Mme Z… et la société Aurel en inopposabilité de celui-ci ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que les sept mille parts sociales reçues par Mme Z… en contrepartie de son apport en nature de la nue-propriété de la maison d’habitation ne sont pas facilement négociables, que leur saisie n’offre pas au créancier les garanties d’une saisie immobilière et que cet acte d’apport constitue un appauvrissement du patrimoine de la caution qui n’offre pas d’établir qu’à la date de l’assignation elle disposait d’un actif suffisant pour permettre de désintéresser la caisse ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’appauvrissement qu’elle constatait avait entraîné l’insolvabilité au moins apparente de la caution, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 décembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne la SCI Aurel et Mme Z…, épouse Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Aurel et Mme Z….

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré inopposable à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES l’apport en nature à la SCI AUREL fait par Christiane Z… le 28 décembre 1990 de la nue propriété du bien immobilier lui appartenant et sis à SAINT NAZAIRE LES EYMES et d’avoir ordonné la publication de la présente décision à la conservation des hypothèques ;

AUX MOTIFS QU’il est de principe que l’exercice de l’action paulienne n’est pas subordonné à la constitution de sûretés antérieurement à l’acte d’appauvrissement du débiteur ; le fait que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES n’ait été autorisée à prendre une inscription d’hypothèque provisoire que le 16 octobre 1991 ne lui interdit pas d’agir pour faire établir la fraude qui résulterait de l’acte d’apport réalisé par Christiane Z… à la SCI AUREL le 28 décembre 1990. Pour faire révoquer l’acte réalisé en fraude de ses droits le créancier doit établir l’appauvrissement du débiteur, c’est à dire que les biens appartenant encore à celui-ci ne sont pas de valeur suffisante pour lui permettre d’obtenir son paiement ; le créancier doit encore faire la preuve, autorisée par tous moyens, de la connaissance par le débiteur du préjudice qui lui est causé. En l’espèce, le démembrement de la propriété ne permet pas une réalisation aisée du bien, les sept mille parts sociales reçues par Christiane Z… en contrepartie de son apport en nature de la nue-propriété de la maison d’habitation sise à SAINT NAZAIRE LES EYMES, Isère, ne sont pas facilement négociables et leur saisie n’offre pas au créancier les garanties d’une saisie immobilière ; dans ces conditions, l’acte d’apport constitue un facteur de diminution de la valeur du gage de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES. Par ailleurs, s’il est constant qu’il appartient au créancier de faire la preuve de l’insolvabilité apparente du débiteur, c’est à ce dernier de prouver qu’il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement ; en l’état Christiane Z… n’offre pas d’établir qu’au 11 juillet 2006 date de l’assignation qui lui a été délivrée, elle disposait d’un actif suffisant pour permettre à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES d’obtenir son paiement. Quant à la preuve de la connaissance par Christiane Z… du préjudice causé à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES, elle résulte de ce que, après que des négociations aient été engagées en avril et mai 1990 par l’intermédiaire de Me A…, notaire, pour parvenir à une consolidation globale des concours, à trois reprises, les 14 juin, 2 août et 30 octobre 1990, elle n’a pas réclamé les courriers recommandés adressés par la banque, deux pour l’aviser des mises en demeure faites au personnellement. En conséquence, les conditions de l’action paulienne sont réunies et la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE SUD RHONE ALPES est fondée à demander que l’apport fait en fraude de ses droits le 28 décembre 1990 lui soit déclaré inopposable.

1) ALORS QUE le créancier, qui n’est pas investi de droits particuliers sur certains biens de son débiteur ne peut faire déclarer inopposable l’acte fait par ce dernier en fraude de ses droits que s’il établit au jour de l’acte litigieux l’apparente insolvabilité de son débiteur ; qu’en déclarant inopposable à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE-ALPES l’apport en nature de la nue-propriété d’un immeuble sis à SAINT NAZAIRE LES EYMES à la SCI AUREL fait par Mme Christiane Z…, sans constater que cet acte avait eu pour effet d’entraîner l’insolvabilité de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1167 du code civil ;

2) ALORS QUE Mme Christiane Z… faisait valoir dans ses conclusions reprenant les motifs du jugement entrepris qu’à la date de la création de la SCI AUREL, elle disposait en additionnant la valeur représentative de son usufruit et le montant total de ses parts, d’éléments d’actifs qui lui permettaient encore de répondre largement de ses engagements contractés en faveur du CREDIT AGRICOLE (conclusions de Mme Z… et de la SCI AUREL signifiées le 28 septembre 2009, p 7 § 2) ; qu’en faisant droit à l’action paulienne engagée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE – ALPES sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE de surcroît, pour faire déclarer inopposable un acte fait par son débiteur le créancier demandeur à l’action paulienne doit caractériser la conscience qu’avait son débiteur en appauvrissant son patrimoine de causer un préjudice à son créancier ; qu’en déclarant inopposable à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE ALPES l’apport en nature de la nue propriété d’un immeuble sis à SAINT NAZAIRE LES EYMES à la SCI AUREL par Mme Christiane Z… le 28 décembre 1990, sans constater la conscience qu’avait cette dernière à cette date de causer un préjudice à son créancier, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l’article 1167 du code civil.


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