Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 septembre 2009, 08-13.530, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 24 septembre 2009, 08-13.530, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, tel qu’il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu que par actes des 10 août 1987 et 20 mai 1988 intitulés « contrat Vergers Pommes à cidre », M. X… s’est engagé envers la société Cidrerie du Calvados La Fermière (la CCLF) à planter des vergers de pommes à cidre et à livrer à la CCLF l’intégralité des fruits récoltés moyennant un prix calculé sur la base du prix minimum interprofessionnel garanti fixé par l’Association nationale interprofessionnelle de l’économie cidricole (l’ANIEC) ; que le 1er mars 1990, la CCLF a signé un contrat prévoyant les mêmes obligations avec la SCEA Les Vergers de La Motte (la SCEA), société constituée par M. X… ; que le prix applicable ayant été calculé selon une méthode différente à la suite de la dissolution de l’ANIEC, un litige s’est élevé entre les parties ; que la SCEA a assigné la CCLF afin de voir requalifier les trois conventions précitées en contrats d’intégration; que la cour d’appel a rejeté cette demande ;

Attendu que l’arrêt attaqué constate, par motifs propres et adoptés, que la fourniture de plants proposée par la CCLF était facultative pour ses cocontractants, qu’il n’a pas été établi que la culture en cause ait fait l’objet d’un suivi technique autre que ponctuel de la part de cette société, que la SCEA avait la possibilité d’exploiter d’autres terres que les vergers considérés et que les parties n’étaient par conséquent pas liées par une clause d’exclusivité tout en relevant que le prix des pommes n’était pas fixé unilatéralement par la CCLF ; que les juges du fond ont exactement déduit de ces constatations, sans encourir les griefs des deux premières branches du moyen, l’absence d’obligations réciproques entre les parties de fournitures de produits ou de services au sens de l’article L. 326-1 du code rural ; que la cour d’appel ayant en outre répondu par motifs adoptés aux conclusions prétendument délaissées, le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Vergers de La Motte aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la société Les Vergers de La Motte

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE de sa demande de requalification des trois contrats en date des 10 août 1987, 20 mai 1988 et 1er mars 1990 en contrat d’intégration, dit qu’il n’y avait lieu à application des règles de droit commun en matière de restitution et constaté le solde de tout compte entre les parties par l’effet de la compensation, et débouté la SCEA de sa demande d’engagement de la responsabilité délictuelle de la société CCLF.

AUX MOTIFS PROPRES QU’aux termes de l’article 326-1 du Code rural sont réputés contrats d’intégration tous contrats, accords ou conventions conclus entre un producteur agricole ou un groupe de producteurs et une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales comportant obligations réciproques de fournitures de produits ou de services ; que le prix n’a pas été fixé unilatéralement par CCLF puisqu’il dépendait du prix minimum recommandé par l’organisme interprofessionnel ou du prix moyen des cinq dernières années augmenté de 25%, prix qui n’était pas désavantageux pour le producteur puisqu’à la suite de surproduction CCLF a proposé un plan prévoyant de nouveaux contrats moins rentables que la SCEA Les vergers de la Motte n’a pas accepté ; que CCLF a alors continué à acheter sa production au prix antérieur ; qu’il n’est pas exact de dire que CCLF contrôle toute la chaîne de production des pommes à cidre puisque le conseil de la concurrence, par décision du 16 mai 2007, a constaté qu’il existe d’autres débouchés en France et à l’export et en a conclu qu’ « il ne peut être affirmé que la SCEA est en situation de dépendance économique vis-à-vis d’Agrial » (CCLF) ; que la SCEA Les vergers de la Motte n’apporte aucun élément permettant d’établir que la culture faisait l’objet d’un suivi technique autre que ponctuel de CCLF ; que le retard à l’enlèvement de la récolte en 1994 constitue une faute contractuelle mais n’est pas le signe d’un contrat d’intégration ; que la clause prévoyant la possibilité de rupture anticipée du contrat moyennant un arrachage du verger pourrait être considérée comme un signe de dépendance économique ; qu’il y a lieu cependant de constater qu’elle est léonine et que CCLF n’aurait eu aucun moyen de la faire appliquer, étant observé qu’il n’est pas prétendu que la Cidrerie ait jamais demandé à un producteur l’arrachage de son verger,

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’aux termes de l’article L 326-l du Code Rural, sont réputés contrats d’intégration tous contrats, accords ou conventions conclus entre un producteur et une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales comportant obligation réciproque de fournitures de produits ou de services ; que l’article L 326-3 du Code Rural dispose par ailleurs que les contrats de fournitures de produits ou de services nécessaires à la production agricole conclus entre un producteur agricole ou un groupe de producteurs et une ou plusieurs entreprises industrielles ou commerciales ne sont pas réputés contrats d’intégration s’ils ne comportent d’autre obligation pour le ou les producteurs agricoles que le paiement d’un prix mentionné au contrat ; qu’en l’espèce, la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE a conclu trois contrats de livraison de pommes à cidre avec la CCLF les 10 août 1987, 20 mai 1988 et V mars 1990 ; qu’il résulte de ces contrats que la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE était tenue de planter un verger d’une surface contractuellement définie, sur laquelle elle s’était engagée à réserver la totalité du sol à la production de pommes à cidre, à assurer la protection des pommiers contre les risques de déprédation du verger, à prodiguer les soins culturaux nécessaires à l’entretien des arbres plantés, et à l’issue de la période de production, à livrer la totalité des fruits qui en étaient issus ; qu’en contrepartie de ces engagements, la CCLF était tenue de se porter acquéreur de la totalité de la récolte dans la limite des tonnages estimés lors de la déclaration de récolte ; qu’il est indiqué en outre qu’un suivi technique, à titre gratuit, ainsi qu’une fourniture des plants, à titre onéreux, peuvent être diligentés par la CCLF à la demande de la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE ; qu’en cas de rupture du contrat avant la date prévue, la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE devait arracher tout le verger ; qu’au vu de cela, les demandeurs font valoir que l’ensemble de ces obligations, ainsi que la pratique de la CCLF de classer les pommes reçues selon des critères de qualité discutables, constituent un faisceau d’obligations réciproques entre les parties plaçant la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la CCLF qui caractérise un contrat d’intégration de droit rural ; que cependant, les obligations contractuelles susvisées mises à la charge de la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE ne sont de nature à établir ni la dépendance économique, ni l’obligation réciproque de fourniture de produits caractéristiques du contrat d’intégration. En effet, l’obligation de planter et d’entretenir un verger (préparation du sol, protection des arbres contre les maladies, soins culturaux) pour ensuite en livrer les fruits s’analyse purement et simplement en l’exécution d’une prestation déterminée en contrepartie de laquelle l’acquéreur a, lui, pour obligation de payer un prix ; qu’il s’agit là de l’expression du caractère synallagmatique du contrat de vente dans lequel les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres à exécuter les prestations contractuellement prévues, à savoir la production de fruits de qualité pour la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE, ce qui implique la mise en oeuvre de soins et traitements spécifiques, et le paiement du prix pour la CCLF dès réception des fruits ; qu’à cet égard, il convient de considérer que le suivi technique facultatif proposé par la CCLF à ses cocontractants constitue une aide à la production mise à la disposition des arboriculteurs qui peuvent, s’ils le souhaitent, solliciter les conseils avisés d’experts sur les méthodes de production optimales à employer, les traitements à mettre en oeuvre en cas de survenance d’une éventuelle maladie des arbres producteurs ; qu’il ne s’agit pas d’avis conformes de nature à priver les producteurs de leur libre appréciation des méthodes à employer pour contrer les difficultés éventuellement rencontrées dans le cours de la production, mais de simples conseils, insusceptibles d’être, de ce fait, constitutifs d’une dépendance économique ; que dans le même sens, le fait que la CCLF, spécialiste cidricole, propose ses services pour la fourniture de plants est insusceptible de caractériser une situation de dépendance économique au sens du contrat d’intégration de droit rural, dans la mesure où ladite proposition constitue, aux termes même du contrat et sans être démenti par les pièces versées au dossier, une simple faculté mise à la disposition de l’arboriculteur de se fournir auprès de la CCLF et non une obligation d’approvisionnement exclusif auprès d’elle de nature à rompre toute marge d’autonomie dans le choix des produits utilisés ; que le critère d’obligation réciproque de fournitures ou de services, posé par l’article L 326-l du Code Rural, n’est pas ici rempli ; qu’il s’ensuit que le suivi technique, autant que la proposition de fourniture de produits, constituent des garanties accessoires au paiement du prix, en eux même insusceptibles de caractériser une dépendance économique ; que par ailleurs, il résulte du planning de livraison joint au procès-verbal de constat établi par Maître Y…, huissier de justice à BAIN DE BRETAGNE en date du 17 novembre 1999, que les dates de livraisons proposées par la CCLF correspondent non pas à une date péremptoirement fixée par elle mais à des périodes prévisibles de maturité des fruits pour la cueillette, déterminées à partir de chaque espèce de pommes à cidre ; que le courrier de la CCLF en date du 13 septembre 1999 versé au dossier par le défendeur précise que les semaines théoriques de maturité de cueillette peuvent être modifiées eu égard aux conditions climatiques régionales ou de verger, de sorte qu’il revient aux producteurs, et non à la CCLF, de définir leur date précise de livraison en fonction de leurs prévisions personnelles, et ce pour que la CCLF puisse organiser un bon écoulement des fruits au fur et à mesure de leur ramassage ; qu’il s’ensuit que la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE ne s’est jamais vu imposer des dates de livraison impératives qui auraient été susceptibles de la mettre dans une position de dépendance économique ; que, d’autre part, le grief développé par la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE selon lequel l’intégralité de sa production devait aller à la CCLF, et était soumise à une fixation unilatérale du prix, doit être rejeté ; qu’il s’agissait là, en effet, de clauses contractuelles parfaitement entendues entre les parties qui ont conclu à trois reprises un contrat de même nature, sans que ces derniers ne contiennent une quelconque clause d’exclusivité imposant à la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE de ne travailler qu’avec la CCLF ; qu’il est constant que la SCEA pouvait exploiter d’autres terrains et entretenir des relations contractuelles avec toute autre personne physique ou morale en ce domaine en parallèle ; qu’il ressort d’ailleurs du procès-verbal dressé par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de répression des fraudes le 5 mai 2006, que Monsieur X… avait, de son propre aveu, envisagé de travailler à l’export avec l’Espagne ; qu’aussi aucune dépendance économique ne peut à nouveau être envisagée sur ce point ; qu’il convient d’ajouter sur cette question que le présent Tribunal n’est pas compétent pour déterminer la réalité d’un éventuel abus de position dominante de la CCLF dont serait victime la SCEA. Il convient donc de renvoyer la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE à mieux se pourvoir sur ce point,

ALORS D’UNE PART QUE la dépendance économique constitue le critère essentiel d’un contrat d’intégration dès lors qu’elle est relevée dans l’approvisionnement en moyens de production du producteur ou dans la commercialisation et l’écoulement de sa production, la liberté consentie à ce dernier dans la conduite de son exploitation n’étant pas exclusive de l’existence d’un contrat d’intégration ; de sorte qu’en refusant de requalifier les contrats litigieux en contrat d’intégration en se fondant sur le caractère non désavantageux du prix d’achat contractuel des pommes de la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE par la société CCLF, sur l’existence d’autres débouchés en France et à l’exportation pour la production de pommes de la SCEA, pourtant tenue de livrer la totalité de sa récolte à la société CCLF, et sur le caractère léonin de la clause du contrat prévoyant la possibilité de rupture anticipée du contrat moyennant un arrachage des vergers plantés par la SCEA à ses frais, autant de constatations inopérantes et qui n’étaient pas de nature à exclure un état de dépendance de la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE envers la société CCLF, la Cour d’appel a violé les articles L 326-1 et L 326-3 du Code rural,

ALORS, D’AUTRE PART, QUE la liberté consentie au producteur par l’entreprise industrielle ou commerciale dans la conduite de son exploitation n’est pas exclusive de l’existence d’un contrat d’intégration, dès lors que le producteur se trouve dans un état de dépendance dans le cadre de la commercialisation et l’écoulement de sa production ; si bien qu’en refusant de qualifier les contrats litigieux de contrat d’intégration, tout en constatant qu’outre l’existence dans les contrats « Vergers de pomme à cidres » d’une obligation pesant sur la SCEA LES VERGERS DE LA MOTTE de livrer toute sa production à un prix déterminé à la société CCLF, le contrat prévoyait également l’obligation pour la SCEA d’arracher toutes les surfaces plantées à ses frais en cas de résiliation des contrats avant leur terme, ce qui mettait cette dernière en état de dépendance à l’égard de la société CCLF compte tenu des lourds investissements engagés pour la plantation de ces surfaces, la Cour d’appel a derechef violé les articles L 326-1 et L 326-3 du Code rural, ensemble l’article 1134 du Code civil,

ALORS, ENFIN, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; de sorte qu’en omettant purement et simplement de répondre au moyen de la SCEA DES VERGERS DE LA MOTTE tendant à obtenir la condamnation de la société CCLF à lui payer, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, la somme de 80.529,97 au titre des dommages-intérêts pour rupture anticipée et fautive des trois contrats et inexécution fautive desdits contrats, la Cour d’appel a privé sa décision de motif et violé, ce faisant, l’article 455 du Code de procédure civile.


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