Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 octobre 2019, 18-22.769, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 octobre 2019, 18-22.769, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 28 juin 2018), que le 28 avril 2004, O… U… et son épouse, Z… S…, ont consenti une donation-partage à leurs deux enfants, M. W… U… recevant les terres et terrains non bâtis tandis que Mme L… U…, épouse Y…, recevait une soulte ; qu’après le décès de son père, celle-ci a demandé l’annulation pour dol de cet acte ;

Sur le moyen unique, pris en ses première à quatrième et septième à neuvième branches :

Attendu que M. U…, son épouse, Mme I…, et les sociétés Marolain et Maral, que ceux-ci ont constituées avec leur fils (les consorts U…), font grief à l’arrêt d’annuler la donation-partage du 28 avril 2004, alors, selon le moyen :

1°/ que le dol n’est une cause de nullité de la convention que s’il émane de la partie envers laquelle l’obligation est contractée ; que dans le cadre d’une donation-partage, le dol invoqué par le donataire n’est une cause de nullité de la convention que si le donateur en est l’auteur ; qu’après avoir justement énoncé que commet un dol entraînant la nullité de la donation-partage le donateur qui, dans le but de rompre l’égalité du partage, s’abstient de faire part à l’un des gratifiés d’une information à qui, si elle avait été connue de lui, l’aurait conduit à refuser de contracter, la cour d’appel a néanmoins annulé la donation-partage du 28 avril 2004 en se fondant, non pas sur le dol du donateur, mais sur celui du codonataire, M. U… ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ qu’en tout état de cause, la réticence dolosive n’est cause de nullité qu’à la condition que le cocontractant auquel elle est imputée soit tenu envers l’autre d’une obligation d’information ; que le donataire d’un bien n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit d’un codonataire sur la valeur du bien objet de la donation ; qu’en décidant que M. U… avait commis une réticence dolosive à l’égard de Mme U…-Y… en gardant le silence sur le classement en zone constructible des terrains sis à […] et faisant l’objet de la donation-partage tandis que M. U…, codonataire, n’était pas tenu, lors de la donation-partage, d’attirer l’attention de Mme U…-Y… sur la nature constructible de ces terrains puisqu’il n’était pas tenu de l’informer sur la valeur potentielle de ces terres, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ qu’en tout état de cause, l’obligation précontractuelle d’information dont est redevable un cocontractant envers l’autre trouve sa limite dans le devoir de se renseigner dont cette autre partie est tenue ; qu’en l’espèce, les consorts U… faisaient valoir que Mme U…-Y… était assistée par un notaire lors des négociations en vue de la donation-partage, un premier projet ayant été établi le 8 août 2003, et qu’elle était donc à même de faire apprécier la valorisation des parcelles objet de la donation ; qu’ils ajoutaient que M. D…, notaire de Mme U…-Y… à l’époque, avait une connaissance de la réalité locale et que les informations relatives à la valeur des terrains donnés étaient disponibles depuis plusieurs mois ; qu’ils rappelaient que, selon une attestation de M. G…, leur notaire, M. D… avait suggéré à sa cliente de ne pas signer la donation-partage dans la mesure où elle ne lui attribuait aucun terrain ; qu’il résultait de ces éléments que Mme U…-Y…, en acceptant néanmoins la donation-partage, avait nécessairement renoncé à obtenir l’attribution en nature de terrains et à la possibilité de les revendre dans le cadre d’une opération de promotion immobilière, qui n’était pas interdite par la donation-partage ; qu’en considérant que le silence gardé sur la constructibilité des terrains situés à […] constituait une réticence dolosive entraînant l’annulation de la donation-partage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme U…-Y… était en mesure de se renseigner sur la nature constructible des terrains donnés et leur valeur, dès lors qu’elle était assistée par un notaire, qu’elle avait disposé du temps nécessaire pour vérifier ce point et que l’acte n’interdisait pas à M. U… de vendre les terrains donnés dans le cadre d’une opération de promotion immobilière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ qu’en tout état de cause, le dol sanctionne le consentement obtenu par tromperie, manoeuvre ou réticence ; que le fait de ne pas révéler ses projets personnels n’est pas constitutif d’un dol ; qu’en jugeant que le fait pour M. U…, exploitant agricole, de ne pas avoir révélé qu’il avait le projet de diversifier ses activités et de devenir un professionnel de l’immobilier était constitutif d’un dol, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°/ qu’en tout état de cause, la réticence dolosive s’apprécie à la date de conclusion du contrat et ne peut résulter de circonstances survenues postérieurement à cette conclusion ; que, pour juger que M. U… était l’auteur d’une réticence dolosive concernant la nature constructible des terrains faisant l’objet de l’acte de donation-partage du 28 avril 2004, la cour d’appel a relevé que, selon M. V…, expert de Mme U…-Y…, la modification du zonage de […] l’a été par délibération approuvée par la communauté de communes le 25 septembre 2007 et que M. U… avait obtenu de la commune de […], le 8 décembre 2005, sous le numéro […], un permis de construire un groupe d’habitations de 628 m² de SHON et, le 22 décembre 2005, de la commune de Marignane, un arrêté de lotir portant le numéro […] ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel, qui s’est prononcée en considération d’éléments postérieurs à la conclusion de la donation-partage, a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

6°/ qu’en tout état de cause, le juge ne peut prononcer la nullité du contrat en raison du silence de l’une des parties envers l’autre sur une information déterminante de son consentement qu’à la condition de constater l’intention dolosive de cette réticence ; que pour juger que M. U… était l’auteur d’une réticence dolosive, la cour d’appel énonce que celui-ci s’est « prévalu de sa qualité d’exploitant agricole, alors qu’il avait le projet, dès la signature de l’acte de donation-partage, de diversifier ses activités et de devenir un professionnel de l’immobilier » ; qu’en statuant de la sorte, sans aucunement constater l’intention de M. U… de tromper Mme U…-Y… sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

7°/ qu’en tout état de cause, le juge ne peut prononcer la nullité du contrat en raison du silence de l’une des parties envers l’autre sur une information déterminante de son consentement qu’à la condition de constater l’intention dolosive de cette réticence ; que, pour juger que M. U… était l’auteur d’une réticence dolosive, la cour d’appel énonce que celui-ci avait « dissimulé » à sa soeur le classement des terrains situés à […] en zone constructible ; qu’en statuant de la sorte, sans relever l’existence d’une dissimulation « intentionnelle », c’est-à-dire sans constater l’intention de M. U… de tromper Mme U…-Y… sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu que la cour d’appel a justement retenu que le donataire pouvait invoquer, comme cause de nullité de la donation-partage, non seulement le dol du donateur, mais aussi celui de son copartagé ;

Et attendu que l’arrêt constate que, sur l’ensemble des parcelles situées sur la commune de […] mentionnées en nature de labours et de vignes dans l’acte de donation-partage, et évaluées comme telles, l’une était en réalité constructible, d’autres le sont devenues, après une modification du zonage intervenue au terme d’une procédure de révision du plan local d’urbanisme lancée le 19 octobre 2001, ce qui a permis à M. U… d’entreprendre, entre 2005 et 2008, des opérations immobilières dégageant d’importantes plus-values ; qu’il relève que celui-ci, exploitant agricole et membre du conseil municipal de cette commune depuis le 18 mars 2001, ne pouvait ignorer le projet de classement en zone constructible des terres, contrairement à Mme U…-Y…, pharmacienne de profession et ne résidant pas sur place ; qu’ayant souverainement estimé qu’il résultait des circonstances, tant antérieures que postérieures, que M. U… escomptait, dès la signature de l’acte litigieux, diversifier ses activités et devenir un professionnel de l’immobilier, tandis que Mme U…-Y… n’avait consenti à la donation-partage aux conditions prévues qu’en considération de ce que son frère poursuivrait l’exploitation familiale, de sorte que celui-ci lui avait dissimulé une information qu’il savait déterminante pour elle, et fait ainsi ressortir que, tenu d’un devoir général de loyauté à son égard, sa réticence était intentionnelle, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que le dol était caractérisé ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les cinquième, sixième et dixième à douzième branche du moyen, ci-après annexé :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. U…, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Z… S…, veuve U…, Mme I… et les sociétés Marolain et Maral aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. U…, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Z… S…, veuve U…, Mme I…, épouse U…, et les sociétés Marolain et Maral

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement en ce qu’il a débouté Madame N…-C… de sa demande d’annulation de la donation partage et d’AVOIR annulé la donation-partage du 28 avril 2004 ;

Aux motifs que « selon l’article 1078 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation partage pour l’imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les enfants vivants et représentés au décès de l’ascendant, aient reçu un lot dans le partage anticipé et l’aient expressément accepte, et qu’il n’ait pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent ; que selon l’article 1116 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé ; que le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter ; qu’ainsi, commet un dol entraînant la nullité de la donation-partage le donateur qui, dans le but de rompre l’égalité du partage, s’abstient de faire part à l’un des gratifiés d’une information à qui, si elle avait été connue de lui, l’aurait conduit à refuser de contracter » ; qu’en l’espèce, il est constant que lors de l’acte de donation partage du 28 avril 2004, W… U… était exploitant agricole ; lui-même et sa soeur L… U…-C… ont comparu devant le notaire qui a reçu l’acte de donation partage et l’ont acceptée, Mme U…-C… recevant une soulte d’un montant de 429 euros qui lui a été payée comptant ainsi qu’il résulte de la comptabilité du notaire le jour de l’acte ; que L… U…-C… est pharmacienne et réside à […], dans les Bouches du Rhône, ville distante de 36 kilomètres de […], où est située la parcelle cadastrée […] en nature de laboure et de vignes, estimée dans l’acte de donation partage à une valeur de 12 546 euros ; que par acte du 16 juin 2006, reçu par la même étude notariale que l’acte de donation partage, cette parcelle, d’une superficie de 37 a 01 ca a été revendue à la SARL MAROLAIN, constituée entre les époux W… U…-P… I… et leur fils H… U… et dont le gérant est W… U…, pour un prix de 400 000 euros HT ; qu’il résulte des pièces versées aux débats que la révision du plan local d’urbanisme de la ville de […], en vertu de laquelle les terres en nature de labours et de vignes sont devenues constructibles, a été arrêté par une délibération du conseil municipal de […], dont M. W… U… est membre, en date du 18 décembre 2006 ; que le projet existait néanmoins depuis plusieurs années, la procédure de révision ayant été lancée par la communauté urbaine par délibération du 19 octobre 2001, et la concertation avec les populations concernées s’étant déroulée du 15 octobre 2003 au 18 octobre 2006 ; que la SARL MAROLAIN a été constituée le 25 avril 2006, et a pour objet : – l’acquisition d’un tènement immobilier situé commune de […], lieudit […], section […] pour une contenance de 1 ha 21 a 21 ca et d’une propriété contigüe cadastrée section […] , […][…][…][…], […] et […] ; – toutes divisions des dits terrains ; – l’exécution de tous travaux de voirie, canalisations d’eau d’égouts, de gaz et d’installation d’éclairage ; – l’aménagement de tous immeubles, l’aliénation de tout ou partie des dits biens meubles et immeubles, par voie d’échange ou de vente ; – l’acquisition par voie d’apport ou autrement de tout immeuble nécessaire à la réalisation du lotissement projeté ; – la construction sur ces terrains ou droits immobiliers de toutes destinations ou usages ; – la vente en totalité ou par fraction des immeubles construits avant ou après achèvement ; – accessoirement, la location des dits immeubles ; – la constitution de tous syndicats, participations ou sociétés, sous toutes formes que ce soit, notamment par voie d’apport, participation, souscription ou achat d’actions, d’obligations ou de tous titres quelconques ou encore sous forme de commandite dans toutes entreprises ou sociétés ayant un objet principal et secondaire se rattachant directement ou indirectement à celui de la présente société ou de nature à favoriser le développement de ses affaires ; et généralement, toutes opérations pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet, pourvu qu’elles ne portent pas atteinte au caractère commercial de la société ; et généralement, toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet ci-dessus ou à tous objets similaires ou connexes, de nature à favoriser son extension ou son développement ; que si la parcelle […] a été acquise par la SARL MAROLAIN de tiers, les époux X…, suivant acte notarié du 16 juin 2006, les autres parcelles ([…] , […], […], […], […] […] et […]) sont issues de l’acte de donation partage du 28 avril 2004 : ces parcelles, estimées dans l’acte à une somme totale de 51 139 euros, ont été vendues par M. W… U… suivant acte du 5 décembre 2006, en même temps que la parcelle […] également issue de la donation-partage, et que d’autres parcelles situées à […], lieudit « […] », cadastrées […] à […] (anciennement cadastrées […] , […] et […]), estimées dans l’acte de donation partage à une valeur de 21 492 euros, pour une somme de 673 610 euros ; que la commune de […], comme celle da […], sont limitrophes et étaient regroupées avec 16 autres communes, lors des ventes à la SARL MAROLAIN, dans l’ancienne communauté urbaine devenue aujourd’hui le territoire de Marseille-Provence ; qu’avant la constitution de la SARL MAROLAIN, W… U… avait obtenu de la commune de […], le 8 décembre 2005, sous le numéro […], un permis de construire un groupe d’habitations de 628m2 de SHON et le 22 décembre 2005 de la commune de […], un arrêté de lotir portant le numéro […] ; que par acte du 15 octobre 2007, M. W… U… a fait donation à son épouse, en pleine propriété des parcelles situées à […], lieudit […], cadastrées section […] , provenant de la division de la parcelle BH 27, et de la parcelle […] , qu’il avait reçues dans l’acte de donation partage ; que par acte du 20 mars 2008, M. W… U…, son épouse, Mme P… I… et leur fils H… U… ont constitué la SARL MARAL, qui a pour objet : – la location de logements meublés exercée à titre professionnel ; – l’acquisition, la détention, l’aménagement, la construction et la réalisation de travaux sur tous biens immeubles nécessaires à l’exercice de l’activité de location en meublés professionnelle ; – la participation directe ou indirecte de la société dans toutes opérations financières, immobilières ou mobilières et dans toutes entreprises commerciales ou industrielles pouvant se rattacher à l’objet social ou à tout objet similaire ou connexe ; que par acte du 15 octobre 2007, M. W… U… a fait donation à son épouse, en pleine propriété des parcelles situées à […], lieudit […], cadastrées section […] , provenant de la division de la parcelle BH 27, et de la parcelle […] , qu’il avait reçues dans l’acte de donation partage ; que W… U… a apporté à la SARL MARAL la nue-propriété de la parcelle […] , et les parcelles […] et […] en pleine propriété, toutes issues de la donation-partage, son épouse apportant les biens reçus de la donation de son mari par acte du 15 octobre 2007. Le montant de ces apports en nature est estimé à 458 000 euros, alors que la totalité de ces parcelles était évaluée dans l’acte de donation partage à la somme de le montant des 303 018 euros. Par acte du 20 mars 200S, la SARL MAROLAIN a vendu à la SARL MARAL, pour un prix de 1 650 000 euros, le terrain qu’elle avait acquis le 16 juin 2006 de M. W… U…, sur lequel avaient été édifiées les constructions visées par le permis de construire évoqué […] ; qu’il résulte de la chronologie des actes et des pièces versées aux débats, et notamment de l’expertise de V… V…, mandaté par les consorts U…-C…, que si le zonage de la commune de […] n’a pas été modifié depuis l’acte de donation partage, celui de […] l’a été par délibération approuvée par la communauté de communes le 25 septembre 2007 ; que M. W… U…, conseiller municipal de la commune de […] du 18 mars 2001 au 28 mars 2008, ne pouvait ignorer, à la date de la donation-partage le projet de modification du zonage et le classement des terres désignées en natures de vignes et de labours en zone constructible ; ce faisant, en dissimulant à sa soeur cette information, et en se prévalant de sa qualité d’exploitant agricole, alors qu’il avait le projet, dès la signature de l’acte de donation partage, de diversifier ses activités et de devenir un professionnel de l’immobilier M. W… U… a commis un dol de nature à annuler la donation-partage, à laquelle Mme L… U… C… n’aurait pas consenti si elle avait eu connaissance de la volonté de son frère d’abandonner l’exploitation agricole familiale et de se reconvertir dans l’immobilier ; qu’il convient en conséquence d’infirmer sur ce point le jugement du tribunal de grande instance d’Aix en Provence » ;

1) Alors que le dol n’est une cause de nullité de la convention que s’il émane de la partie envers laquelle l’obligation est contractée ; que dans le cadre d’une donation-partage, le dol invoqué par le donataire n’est une cause de nullité de la convention que si le donateur en est l’auteur ; qu’après avoir justement énoncé que commet un dol entraînant la nullité de la donation-partage le donateur qui, dans le but de rompre l’égalité du partage, s’abstient de faire part à l’un des gratifiés d’une information à qui, si el le avait été connue de lui, l’aurait conduit à refuser de contracter, la Cour d’appel a néanmoins annulé la donation-partage du 28 avril 2004 en se fondant, non pas sur le dol du donateur, mais sur celui du codonataire, Monsieur W… N… ; qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2) Alors, en tout état de cause, que la réticence dolosive n’est cause de nullité qu’à la condition que le cocontractant auquel elle est imputée soit tenu envers l’autre d’une obligation d’information ; que le donataire d’un bien n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit d’un codonataire sur la valeur du bien objet de la donation ; qu’en décidant que Monsieur W… N… avait commis une réticence dolosive à l’égard de Madame N…-C… en gardant le silence sur le classement en zone constructible des terrains sis à […] et faisant l’objet de la donation-partage tandis que Monsieur W… N…, codonataire, n’était pas tenu, lors de la donation-partage, d’attirer l’attention de Madame N…-C… sur la nature constructible de ces terrains puisqu’il n’était pas tenu de l’informer sur la valeur potentielle de ces terres, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3) Alors, en tout état de cause, que l’obligation précontractuelle d’information dont est redevable un cocontractant envers l’autre trouve sa limite dans le devoir de se renseigner dont cette autre partie est tenue ; qu’en l’espèce, les consorts N… faisaient valoir que Madame N…-C… était assistée par un notaire lors des négociations en vue de la donation-partage, un premier projet ayant été établi le 8 août 2003, et qu’elle était donc à même de faire apprécier la valorisation des parcelles objet de la donation (cf. concl., p. 19 et 22) ; qu’ils ajoutaient que Monsieur D…, notaire de Madame N…-C… à l’époque, avait une connaissance de la réalité locale (cf. concl., p. 42) et que les informations relatives à la valeur des terrains donnés étaient disponibles depuis plusieurs mois (cf. concl., p. 19 et 22) ; qu’ils rappelaient que, selon une attestation de Monsieur G…, leur notaire, Monsieur D… avait suggéré à sa cliente de ne pas signer la donation-partage dans la mesure où elle ne lui attribuait aucun terrain (cf. concl., p. 24) ; qu’il résultait de ces éléments que Madame N…-C…, en acceptant néanmoins la donation-partage, avait nécessairement renoncé à obtenir l’attribution en nature de terrains et à la possibilité de les revendre dans le cadre d’une opération de promotion immobilière, qui n’était pas interdite par la donation-partage ; qu’en considérant que le silence gardé sur la constructibilité des terrains situés à […] constituait une réticence dolosive entraînant l’annulation de la donation-partage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Madame N…-C… était en mesure de se renseigner sur la nature constructible des terrains donnés et leur valeur, dès lors qu’elle était assistée par un notaire, qu’elle avait disposé du temps nécessaire pour vérifier ce point et que l’acte n’interdisait pas à Monsieur N… de vendre les terrains donnés dans le cadre d’une opération de promotion immobilière, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4) Alors, en tout état de cause, que le dol sanctionne le consentement obtenu par tromperie, manoeuvre ou réticence ; que le fait de ne pas révéler ses projets personnels n’est pas constitutif d’un dol ; qu’en jugeant que le fait pour Monsieur W… N…, exploitant agricole, de ne pas avoir révélé qu’il avait le projet de diversifier ses activités et de devenir un professionnel de l’immobilier était constitutif d’un dol, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

5) Alors, en tout état de cause, que celui qui se prévaut d’une réticence dolosive doit la prouver ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si Madame N…-C… apportait la preuve de son ignorance du caractère constructible des terrains sis à […] lors de la signature de l’acte de donation-partage, la Cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1116 du Code civil, ensemble l’article 1315 du même Code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

6) Alors, en tout état de cause, que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en considérant que Monsieur W… N… était l’auteur d’une réticence dolosive, sans pour autant avoir examiné l’attestation de Madame Z… S… veuve N…, régulièrement produite aux débats (pièce n°8), qui attestait de la connaissance par sa fille, Madame N…-C…, du caractère constructible s’agissant du terrain des […] (parcelle […] ), sis à […], (cf. concl., p. 27) lors de la signature de l’acte de donation-partage, la Cour d’appel, qui a éludé un élément déterminant du débat, a violé les dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile ;

7) Alors, en tout état de cause, que la réticence dolosive s’apprécie à la date de conclusion du contrat et ne peut résulter de circonstances survenues postérieurement à cette conclusion ; que pour juger que Monsieur W… N… était l’auteur d’une réticence dolosive concernant la nature constructible des terrains faisant l’objet de l’acte de donation-partage du 28 avril 2004, la Cour d’appel a relevé que, selon Monsieur V…, expert de Madame N…-C…, la modification du zonage de […] l’a été par délibération approuvée par la communauté de communes le 25 septembre 2007 et que Monsieur W… N… avait obtenu de la commune de […], le 8 décembre 2005, sous le numéro […], un permis de construire un groupe d’habitations de 628m2 de SHON et le 22 décembre 2005 de la commune de […], un arrêté de lotir portant le numéro […] ; qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel, qui s’est prononcée en considération d’éléments postérieurs à la conclusion de la donation-partage, a violé l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

8) Alors, en tout état de cause, que le juge ne peut prononcer la nullité du contrat en raison du silence de l’une des parties envers l’autre sur une information déterminante de son consentement qu’à la condition de constater l’intention dolosive de cette réticence ; que pour juger que Monsieur W… N… était l’auteur d’une réticence dolosive, la Cour d’appel énonce que celui-ci s’est « prévalu de sa qualité d’exploitant agricole, alors qu’il avait le projet, dès la signature de l’acte de donation partage, de diversifier ses activités et de devenir un professionnel de l’immobilier » ; qu’en statuant de la sorte, sans aucunement constater l’intention de Monsieur W… N… de tromper Madame N…-C… sur ce point, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

9) Alors, en tout état de cause, que le juge ne peut prononcer la nullité du contrat en raison du silence de l’une des parties envers l’autre sur une information déterminante de son consentement qu’à la condition de constater l’intention dolosive de cette réticence ; que pour juger que Monsieur W… N… était l’auteur d’une réticence dolosive, la Cour d’appel énonce que celui-ci avait « dissimulé » à sa soeur le classement des terrains situés à […] en zone constructible ; qu’en statuant de la sorte, sans relever l’existence d’une dissimulation « intentionnelle », c’est-à-dire sans constater l’intention de Monsieur W… N… de tromper Madame N…-C… sur ce point, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

10) Alors, en tout état de cause, que la réticence dolosive n’est cause de nullité qu’à la condition d’être déterminante du consentement du cocontractant qui en est victime ; qu’en l’espèce, les consorts N… faisaient valoir que Madame N…-C… avait été remplie de ses droits par l’octroi d’une soulte « dans des conditions autrement plus simples et plus aisées que celles de devoir assumer la gestion du foncier » (cf. concl., p. 26) et que les plus-values obtenues par Monsieur N… l’avaient été après une prise de risque importante, dont Madame N…-C… avait cherché à s’emparer « après coup » (cf. concl., p. 25) ; qu’il en résultait que Madame N…-C… n’aurait pas pris le risque financier nécessaire aux opérations de promotion immobilière à l’origine des plus-values obtenues ; que la Cour d’appel a considéré que Madame N…-C… n’aurait pas consenti à la donation-partage si « elle avait eu connaissance de la volonté de son frère d’abandonner l’exploitation agricole et de se reconvertir dans l’immobilier » ; qu’en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Madame N…-C… aurait accepté de prendre le risque financier nécessaire à la promotion immobilière des terrains donnés à son frère, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

11) Alors, en tout état de cause, que le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; que pour juger que la donation-partage devait être annulée en raison de la réticence dolosive de Monsieur W… N…, la Cour d’appel s’est fondée sur l’existence d’un acte de vente datant du 20 mars 2008 (arrêt p. 9 § 3), qui n’est ni visé dans les conclusions des parties ni régulièrement produit ; qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile ;

12) Et alors, en tout état de cause, que le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; que pour juger que la donation-partage devait être annulée en raison de la réticence dolosive de Monsieur W… N…, la Cour d’appel s’est fondée sur l’existence d’un permis de construire datant du 8 décembre 2005 (arrêt p. 8 § 4), qui n’est ni visé dans les conclusions des parties ni régulièrement produit ; qu’en statuant de la sorte, la Cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2019:C100855


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