Cour de cassation, Chambre sociale, du 8 octobre 1987, 84-43.478, Inédit

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Cour de cassation, Chambre sociale, du 8 octobre 1987, 84-43.478, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Monsieur Raoul Z…, demeurant … à Saint-Quentin (Aisne)

en cassation d’un arrêt rendu le 15 mai 1984 par la Cour d’appel d’Amiens (chambre sociale) au profit de la société EBERHARDT Frères, … (Bas-Rhin)

défenderesse à la cassation,

LA COUR, en l’audience publique du 1er juillet 1987, où étaient présents :

M. Scelle, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, M. Goudet, Conseiller rapporteur, MM. Guermann, Saintoyant, Vigroux, Conseillers, M. Y…, Mme X…, Melle Sant, Conseillers référendaires, M. Picca, Avocat général, Mme Collet, Greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le Conseiller Goudet les observations de la société civile professionnelle Desaché et Gatineau, avocat de M. Z…, de la société civile professionnelle Vier et Barthélémy, avocat de la société Eberhardt Frères, les conclusions de M. Picca, Avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Sur le second moyen pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué (Amiens, 1 5 mai 1984) que M. Z… a été engagé, en qualité de voyageur représentant placier (V.R.P.), en 1973, par la société Eberhardt frères dont la clientèle est composée de grossistes et de détaillants ; qu’en 1979 la société a demandé à son représentant qui réalisait 67 % de son chiffre d’affaires avec un seul client grossiste, la société D.E.F., de diversifier sa clientèle ; que M. Z… n’a pas tenu compte de ces observations ; que de 1979 à 1981 le nombre des clients de son secteur a diminué, passant de 71 à 49 ; que dans le même temps, dans le chiffre d’affaires, la part de la société D.E.F., dont il était devenu l’un des actionnaires a augmenté, passant de 67 % à 85 % ; qu’au mois de juillet 1981 la société Eberhardt frères, pour inciter M. Z… à mieux répartir ses prises d’ordre, a modifié son système de rémunération ; que le représentant, qui avait mis en demeure la société de rétablir son ancienne rémunération, a été, après entretien, licencié avec effet immédiat ;

Attendu que M. Z… fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande d’indemnité compensatrice du préavis alors, d’une part, qu’en « dispensant » M. Z… de l’exécution de son préavis, la société a reconnu implicitement mais nécessairement que ce préavis devait être observé en la circonstance, renonçant ainsi à invoquer une faute grave privative de l’indemnité compensatrice de préavis ; qu’ainsi la Cour d’appel, qui a constaté que la société avait dispensé expressément M. Z… de l’exécution de son préavis et qu’elle n’avait pas employé le terme de faute grave dans la lettre de licenciement et la lettre d’énonciation de motifs, n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient nécessairement, violant par là les articles L. 122-6 et L. 751-9 du Code du travail, alors, d’autre part, qu’en toute hypothèse, en se fondant sur le seul avertissement de 1979 pour admettre que l’inobservation par M. Z… des instructions de l’employeur constituait une faute grave permettant à celui-ci de mettre fin immédiatement au contrat de travail le 11 février 1982, soit trois ans plus tard sans versement d’une indemnité compensatrice de préavis, la Cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient, violant ainsi les articles L. 122-6 et L. 751-9 du Code du travail, alors, enfin, que pour rejeter la demande du représentant en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, la Cour d’appel s’est fondée essentiellement sur le fait que la société Eberhardt frères avait appris que M. Z… avait reçu vingt actions gratuites de la société D.E.F. et qu’elle pouvait à bon droit estimer que son représentant se souciait plus des intérêts de cette société que de ceux de son employeur, ce qui était constitutif d’une faute grave, sans préciser la valeur totale de ces actions – dont le nominal n’était que de cent francs – et alors que M. Z… avait fait valoir qu’il les avait acquises dans le cadre de la loi Monoury, ce qui permettait de penser que ce capital était sans aucun rapport avec la rémunération versée à M. Z… par la société Eberhardt ; qu’ainsi la Cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle sur sa décision qui manque de base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 751-9 du Code du travail ; Mais attendu, d’une part, qu’il résulte des énonciations de l’arrêt que la lettre adressée par la société contenait la notification d’un licenciement avec effet immédiat ; qu’il est par ailleurs constant que l’employeur a aussitôt cessé de verser toute rémunération au salarié ; qu’ainsi l’indication donnée dans la lettre de licenciement au salarié selon laquelle « dans l’intérêt de la société, suite à la prise de connaissance de certains faits, elle le dispensait du préavis », ne pouvait signifier que l’employeur renonçait à invoquer une faute grave, dont la loi n’impose pas qu’il soit fait mention dans la lettre de licenciement ou la lettre d’énonciation des motifs ;

Attendu, d’autre part, que pour caractériser la faute grave de M. Z…, la Cour d’appel ne s’est pas fondée sur le seul avertissement formulé en 1979 mais sur la persistance, depuis cette date, du représentant dans l’inobservation des instructions de son employeur ; Attendu, enfin, que la Cour d’appel qui n’était pas tenue de suivre le représentant dans le détail de son argumentation, a relevé que celui-ci avait pris une participation dans la société D.E.F., laquelle démarchait les clients non grossistes, qu’il s’abstenait lui-même de visiter pour le compte de la société Eberhardt frères ; qu’elle a pu estimer que ces faits étaient constitutifs d’une faute grave ne permettant pas le maintien des relations contractuelles pendant la durée du préavis ; Qu’ainsi le moyen n’est fondé dans aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen pris de la violation de l’article L. 122-14-3 du Code du travail ; REJETTE LE POURVOI ;


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