Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Suard et Bellemon, dont le siège est à Villemandeur (Loiret), …,
en cassation d’un arrêt rendu le 27 octobre 1988 par la cour d’appel d’Orléans (chambre sociale), au profit de M. Jean-Victor X…, demeurant à Montargis (Loiret), …,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 4 octobre 1990, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Boittiaux, conseiller rapporteur, Mlle Sant, conseiller référendaire, appelée à compléter la chambre conformément à l’article L. 131-7 du Code de l’organisation judiciaire, Mmes Charruault, Bignon, conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Boittiaux, les observations de Me Cossa, avocat de la société Suard et Bellemon, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X…, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X…, actionnaire et ancien administrateur de la société Suard et Bellemon, devenu en 1950 le salarié de la société, puis, en 1969, adjoint de direction, a été licencié le 23 février 1979 ;
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt attaqué (Orléans, 27 octobre 1988) de l’avoir condamné à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors que, selon le pourvoi, de première part, l’employeur, qui, après plusieurs avertissements adressés à un salarié pour des manquements à ses obligations professionnelles, en constate de nouveaux, peut invoquer les manquements précédents comme cause réelle et sérieuse de licenciement ; que, dès lors, en considérant que les négligences imputées au salarié en 1975 et 1977 à propos de l’activité des chauffeurs de l’entreprise ne pouvaient être utilement retenues en raison de leur ancienneté, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, de deuxième part, que la lettre adressée par la société Suard et Bellemon le 15 novembre 1978 au salarié indiquant « cette situation ne pouvant se prolonger, vous voudrez bien me communiquer très rapidement les mesures que vous comptez prendre pour remédier à cet état de fait », et ne révélant aucune position définitive de l’employeur, c’est au prix d’une dénaturation de cette lettre, et donc d’une violation de l’article 1134 du Code civil que la cour d’appel a considéré que la société Suard et Bellemon avait estimé que le déficit du secteur « plomberie » ne devait donner lieu qu’à une mise en garde excluant qu’il puisse être invoqué ensuite
comme cause de licenciement ; alors, de troisième part, que, ayant constaté que l’employeur avait adressé à M. X…, le 5 février 1979, une lettre l’informant qu’en raison de l’absence de proposition et d’initiative de sa part et de la poursuite de la
dégradation de la situation, elle était dans l’obligation de pourvoir à son remplacement à la tête
du département en cause, ce qui traduisait la perte de confiance de l’employeur, la cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s’en évinçaient nécessairement lorsqu’elle a affirmé ensuite qu’il n’existait aucun fait nouveau entre le 15 novembre 1978 et le 23 février 1979 permettant à l’employeur de motiver le licenciement du salarié par le déficit du département dont il avait la charge, et a ainsi violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, de quatrième part, que, en considérant que des résultats déficitaires, au vu desquels l’employeur a immédiatement demandé au cadre responsable du département concerné des propositions pour y remédier, ne pouvaient constituer une cause du licenciement de l’intéressé prononcé trois mois plus tard lorsque l’employeur, ayant attendu en vain ces propositions, a définitivement perdu sa confiance envers le cadre ou ne les a reçues que tardivement après que la perte de confiance fut consommée, la cour d’appel a encore violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ; alors, de cinquième part, que, et d’une façon générale, la cour d’appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail en refusant de considérer qu’une insuffisance de résultats non contestée se traduisant par un chiffre d’affaires déficitaire d’un secteur de l’entreprise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement du cadre ayant la responsabilité de ce secteur ; alors, de sixième part, que, la société Suard et Bellemon ayant fait valoir dans ses conclusions d’appel que le comportement de M. X…, qui avait notamment écrit au président de la société « J’estime que je n’ai à supporter aucun contrôle de votre part », avait créé une situation conflictuelle dans l’entreprise, de nature à faire perdre à l’intéressé la confiance de son employeur, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile en s’abstenant de répondre à ce moyen pertinent ; alors, de septième part, que, à supposer qu’aucun des griefs tirés par l’employeur des insuffisances des résultats du salarié dans les
services dont il a eu successivement la charge et de son comportement conflictuel n’ait constitué, par lui-même, une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d’appel devait rechercher si leur conjonction n’avait pas définitivement ruiné la confiance de l’employeur, sans laquelle ne saurait être maintenu le contrat de travail d’un cadre supérieur ; qu’en s’abstenant de procéder à cette recherche, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel a jugé les griefs anciens peu sérieux et futiles ; qu’elle a relevé, hors de toute dénaturation, que la lettre de l’employeur du 15 novembre 1978 ne constituait qu’une mise en garde dont le salarié avait tenu compte et que les griefs nouveaux n’étaient pas établis ou étaient peu sérieux ; qu’en l’état de ces constatations, par une décision motivée, elle a décidé, dans l’exercice du pouvoir qu’elle tient de l’article L. 122-14-3 du Code du travail que le licenciement ne procédait pas d’une cause réelle et sérieuse ; que le moyen en ses différentes branches ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la société Suard et Bellemon, envers M. X…, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt deux novembre mil neuf cent quatre vingt dix.