Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. François Y…, demeurant …,
en cassation d’un arrêt rendu le 7 mars 2000 par la cour d’appel de Paris (18e chambre, section A), au profit :
1 / de la société Baudry et compagnie, société anonyme, dont le siège est zone industrielle Base portuaire, avenue Freycinet, 77400 Lagny-sur-Marne,
2 / de M. Philippe X…, demeurant …, ès qualités de représentant des créanciers,
3 / de M. Michel Z…, demeurant …, ès qualités d’administrateur judiciaire,
4 / de l’UNEDIC-CGEA d’Ile-de-France Est, dont le siège est …,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 15 mai 2002, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bailly, conseiller rapporteur, Mme Lebée, M. Leblanc, conseillers, M. Duplat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bailly, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de la société Baudry et compagnie et de M. Z…, ès qualités, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Y…, engagé en avril 1991 par la société Baudry et compagnie et employé comme attaché de direction, a été licencié le 12 novembre 1997 pour motif économique, après l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, le 9 septembre 1996, et à la suite d’un jugement rendu le 13 octobre 1997, qui arrêtait un plan de cession, au profit d’une société Tarmac, à laquelle s’est ensuite substituée une société Baudry, constituée à cette fin ; que, contestant ce licenciement et reprochant à la société cessionnaire d’avoir violé son droit à la priorité de réembauchage, M. Y… a saisi la juridiction prud’homale ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, L. 621-6 du Code de commerce et 64 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que, pour débouter le salarié de ses demandes tendant à l’annulation du licenciement ou au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu que le jugement arrêtant le plan de cession excluait de la reprise du personnel par le cessionnaire les dirigeants et actionnaires actuels, que M. Y… faisait partie des dirigeants de la société, en tant qu’attaché de direction, statut cadre, que la liste du personnel établie avant I’adoption du plan faisait état de 19 salariés, dont M. Y…, et que, le tribunal ayant prévu la reprise de 21 personnes, le licenciement était intervenu dans le respect de ses dispositions et pour une cause économique ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations et énonciations, d’une part, que le plan de cession arrêté par le tribunaI de commerce ne prévoyait que le licenciement « des dirigeants et actionnaires actuels » de la société cédée et, d’autre part, que l’emploi salarié d’attaché de direction de M. Y…, lequel, de surcroît, n’était ni mandataire social, ni actionnaire de la société, n’avait pas été supprimé, en sorte que son licenciement, non autorisé par le jugement arrêtant le plan de cession, était dépourvu de cause économique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l’article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu que le droit des salariés licenciés pour motif économique et qui ont demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage prévue par l’article L. 321-14 du Code du travail, s’exerce à l’égard de l’entreprise et subsiste en cas de reprise de l’entité économique par un autre employeur, peu important que cette demande ait été faite auprès de l’auteur du licenciement ;
Attendu que, pour débouter M. Y… de la demande qu’il formait contre la société Baudry au titre d’une violation de la priorité de réembauchage, la cour d’appel a relevé que la lettre du 7 mars 1998, par laquelle le salarié faisait valoir sa priorité de réembauchage, avait été envoyée à M. Z…, devenu commissaire à l’exécution du plan de cession et à l’adresse de la société Baudry ; que M. Y…, dont le contrat n’avait pas été repris par la société repreneuse, filiale de la société Tarmac, n’avait aucun lien de droit avec celle-ci ; qu’il avait adressé cette lettre à son ancien employeur et à l’administrateur qui l’avait licencié ; et que cette lettre ne concernait pas la société Baudry, repreneuse, dont l’adresse était différente ;
Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, qu’elle constatait que M. Y… avait manifesté le désir d’user de la priorité de réembauchage dont il bénéficiait dans le délai de quatre mois à compter de la rupture de son contrat de travail et alors, d’autre part, que la modification survenue dans la situation juridique de l’employeur n’était pas de nature à priver d’effet cette demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 mars 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille deux.