Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la RCS Roux Combaluzier D…, société anonyme, dont le siège social est situé rue Dewoitine à Velizy-Villacoublay (Yvelines), agissant poursuites et diligences de son président directeur général demeurant audit siège,
en cassation d’un arrêt rendu le 16 mai 1988 par la cour d’appel de Versailles (11ème chambre sociale), au profit :
1°/ de M. Didier Y…, demeurant … à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis),
2°/ de M. Lucien A…, demeurant … (Seine-Saint-Denis),
3°/ de M. Jean-Louis Z…, demeurant … à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne),
défendeurs à la cassation ; LA COUR, en l’audience publique du 2 avril 1991, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, MM. Saintoyant, Benhamou, Lecante, Waquet, Renard-Payen, Boittiaux, Bèque, conseillers, Mme X…, Mlle C…, M. B…, Mme Pams-Tatu, conseillers référendaires, M. Franck, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Bonnet, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de la Société RCS Roux Combaluzier D…, les conclusions de M. Franck, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen relevé d’office tiré de l’amnistie :
Vu l’article 15 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 ; Attendu que, selon ce texte, sont amnistiés dans les conditions fixées à l’article 14, les faits retenus ou susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur ; Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 16 mai 1988) que MM. Y…, A… et Z…, membres du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Roux Combaluzier D… (RCS), se sont vu infliger, le 25 avril 1986 une mise à pied d’un jour pour avoir mentionné au registre de sécurité, l’existence d’un parcours dangereux qu’avaient dû suivre des ouvriers pour exécuter la mission confiée par l’employeur en imputant à ce dernier la prescription de ce parcours l’avoir eux-mêmes emprunté et avoir ordonné l’arrêt du travail sur le chantier ; Attendu que la société RCS fait grief à la cour d’appel d’avoir annulé cette sanction ;
Mais attendu que les faits reprochés sont amnistiés en application du texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :
Constate l’amnistie des faits ; Sur la recevabilité du pourvoi formé par la société RCS :
Attendu que l’arrêt attaqué a non seulement annulé la mise à pied mais a condamné la société RCS à payer le salaire et les accessoires correspondant à la journée de mise à pied ; Attendu que si le pourvoi formé contre l’arrêt est devenu, en raison de l’amnistie, sans objet en ce qui concerne la sanction elle-même, la société RCS demeure recevable à critiquer cette décision sur ses incidences pécuniaires ; Sur le moyen unique :
Attendu que la société RCS fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé que c’était à juste raison que les membres du conseil d’hygiène de sécurité avaient consigné sur le registre de sécurité le résultat de leurs constatations et considéré qu’il existait en la cause une situation de danger grave et imminent, alors, d’une part, que la procédure pour danger grave et imminent ouverte aux membres du CHSCT suppose qu’il existe un danger actuel né des conditions de travail imposées par l’employeur ; que cette procédure n’est pas prévue pour les hypothèses où le danger a disparu par suite des nouvelles consignes de travail de l’employeur et ne peut renaître que si les salariés refusent délibérément de suivre les nouvelles consignes de l’employeur ; qu’en l’espèce, il est constant que l’employeur avait expressément interdit à ses ouvriers d’utiliser la voie dangereuse qui était utilisée autrefois pour l’entretien de l’ascenseur ; que deux ouvriers ont désobéi et ont été sanctionnés de ce fait ; qu’en décidant néanmoins qu’il y avait un danger grave et imminent du seul fait que deux ouvriers avaient emprunté, en désobéissant aux consignes formelles de l’employeur, la voie dangereuse utilisée habituellement avant les nouvelles consignes de l’employeur, la cour d’appel a violé les articles L. 122-43 1, L. 231-9 et R. 236-9 du Code du travail ; alors, d’autre part, qu’une des fautes reprochées aux trois membres du CHSCT était d’avoir
indiqué sur le registre où doivent être mentionnées les causes de danger grave et imminent, une fausse méthode de travail, expressément interdite par l’employeur ; qu’en l’espèce la cour d’appel s’est bornée à affirmer le bien fondé de la mention portée sur le registre au seul regard du danger que faisait effectivement courir la méthode de travail prohibée ; qu’en ne recherchant pas si les salariés n’avaient pas commis de faute en ne précisant pas, à tout le moins, sur le registre que cette méthode était prohibée et que l’employeur en avait imposé une autre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 122-43 I, L. 231-9 et R. 236-9 du Code du travail ; alors encore, que la procédure de danger grave et immédiat prévue par les articles L. 231-9 et R. 236-9 du Code du travail n’autorise nullement les membres du CHSCT à violer eux-mêmes les consignes de sécurité de l’employeur ;
qu’en estimant que la consignation au registre du danger grave et imminent autorisait un tel comportement, la cour d’appel a violé par fausse application les textes susvisés et l’article L. 122-43 I du Code du travail ; alors, enfin, que si les membres du CHSCT disposent en cas de danger grave et imminent d’un droit d’alerte et de constatation par écrit du danger sur un registre spécial, ils ne peuvent en revanche ordonner l’arrêt du travail sur un chantier ; que les attestations de MM. E… et F… relataient de façon formelle que c’était les trois membres du CHSCT qui avaient ordonné l’arrêt du travail sur le chantier ; que l’employeur avait sanctionné ces derniers pour cet excès de pouvoir ; qu’en affirmant que les attestations litigieuses n’indiquaient pas de façon formelle que les salariés sanctionnés avaient ordonné l’arrêt du chantier, la cour d’appel a dénaturé le sens clair et précis de ces documents et violé l’article 1134 du Code civil ; Mais attendu que les juges du fond ont retenu qu’il existait en la cause une situation de danger grave et imminent, que pour la constater les membres du CHSCT avaient dû emprunter le passage litigieux et qu’ils avaient signalé régulièrement cette situation de danger à l’employeur sans ordonner eux-mêmes l’arrêt du travail ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;