Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur les pourvois formés par la société anonyme X…, en cassation des arrêts rendus les 14 décembre 1984 sous les n°s 84/646, 84/650 et 84/651 et 15 mars 1985 pour les n°s 85/188, 85/189 et 85/190 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (14ème chambre sociale), au profit :
1°/ de Mme Colette A…, épouse Y…, et autres,
de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D’ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, dont le siège social est à Marseille Cédex 6 (13254) B.P. 43,
défendeurs à la cassation
La demanderesse invoque à l’appui de ses pourvois, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, en l’audience publique du 6 juillet 1988, où étaient présents :
M. Donnadieu, conseiller doyen faisant fonction de président ; M. Chazelet, conseiller rapporteur ;
M. Lesire, conseiller ;
Mme Barrairon, MM. Magendie, Feydeau, conseillers référendaires ; M. Dorwling-Carter, avocat général ;
M. Azas, greffier de chambre
Sur le rapport de M. le conseiller Chazelet, les observations de Me Choucroy, avocat de la société X…, de Me Ravanel, avocat de Mme Marie-France N…, les conclusions de M. Dorwling-Carter, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la connexité, joint les pourvois n° 85-14.043, n° 85-14.044 et n° 85-14.045 ;
Sur les trois moyens réunis des trois pourvois :
Attendu que, le 11 juillet 1974, Louis F…, Georges Y… et Gérard N…, salariés de la société X…, ont été victimes d’un accident mortel du travail, la plate-forme sur laquelle ils étaient installés, dans la cage d’ascenseur d’un immeuble en construction, s’étant décrochée ;
Attendu que la société X…, venant aux droits de la société Westighouse, fait grief aux arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 14 décembre 1984, 15 mars 1985) d’avoir écarté l’exception de péremption d’instance, qu’elle avait soulevée, d’avoir retenu sa faute inexcusable, et de l’avoir condamnée à des dommages-et-intérêts pour résistance abusive, alors, d’une première part, que, pour être interruptif d’instance, un acte doit faire partie de la procédure et la continuer, qu’en jugeant que les actes faits dans l’instance pénale étaient interruptifs de la péremption encourue dans le cadre de l’instance en majoration de rente pour faute inexcusable, la cour d’appel a violé l’article 386 du nouveau Code de procédure civile, alors que, de deuxième part, dès lors que la faute inexcusable est différente de la faute pénale, et que l’instance en majoration de rente a un but différent de l’instance pénale, ces deux instances n’ont pas un lien de dépendance directe et nécessaire de sorte qu’en jugeant que les actes faits durant l’instance pénale, avaient pu interrompre la péremption de l’instance en majoration de rente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale, au regard de l’article 386 précité, alors, de troisième part, qu’en énonçant que les jugements des 22 avril 1977 et 14 octobre 1980, auraient été nature à entraîner une interruption de la péremption, et bien que ces décisions, sans suspendre l’instance jusqu’à la clôture de l’instance pénale, se fussent bornées à prononcer un renvoi « sine die », la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l’article 392, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, alors, de quatrième part, que la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions de l’employeur, dans lesquelles celui-ci faisait valoir que les victimes, en montant à trois sur la plate-forme, en dépit du règlement interdisant une charge supérieure à deux personnes, avaient commis une imprudence, la surcharge ainsi imposée à la plate-forme ayant pu entraver le fonctionnement des systèmes de sécurité, alors, de cinquième part, qu’en se bornant à faire état, pour condamner l’employeur, pour résistance injustifiée, du fait que les épouses des victimes auraient été isolées et démunies, sans caractériser en quoi l’employeur aurait commis une faute en soutenant en justice des moyens de droit qui avaient été consacrés par les premiers juges, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l’article 1382 du Code civil, et alors, enfin, qu’en condamnant l’employeur pour résistance injustifiée, bien qu’en l’absence de toute décision au fond des premiers juges, la cour d’appel dût nécessairement être saisie pour trancher, à tout le moins, la question du taux de la majoration de la rente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 précité ;
Mais attendu, d’une part, qu’il résulte des pièces de la procédure, qu’à des dates successives, et la dernière se situant moins de trois ans avant que l’exception de péremption fût pour la première fois soulevée, la commission de première instance a prononcé, à la requête des ayants droit des victimes, des renvois, dans l’attente de la décision pénale à intervenir, et pour permettre aux intéressés de puiser dans le dossier correctionnel, des éléments de nature à conforter leur action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ;
que ces demandes, bien loin de traduire un quelconque désintérêt de ces ayants droit à l’égard de la procédure dont ils avaient pris l’initiative, révélaient, au contraire, leur intention de la poursuivre et de la mener à son terme et que l’arrêt qui a écarté l’exception de péremption, se trouve justifié ;
Attendu, d’autre part, que la cour d’appel relève que l’imprudence des victimes, prenant place, au nombre de trois, sur une plate-forme conçue pour deux personnes, n’est pas de nature à retirer à la faute de l’employeur son caractère inexcusable, dès lors que cette imprudence dérive de l’incurie des personnes investies de l’autorité patronale, dont les manquements caractérisés aux impératifs élémentaires de la sécurité du travail, constituent la cause déterminante de l’accident ;
qu’elle n’était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes faisant état de la surcharge comme pouvant être à l’origine d’une défaillance des systèmes de sécurité puisqu’il résultait de son analyse que cette surcharge avait sa source dans les carences de l’employeur, dans l’organisation générale du chantier et dans la surveillance d’un travail dangereux ;
Attendu, enfin, que la cour d’appel a estimé que le comportement de l’employeur, multipliant, pendant plus de dix ans, devant les instances pénales et civiles, exceptions de procédure et recours, pour ralentir et contrarier, face à des demandeurs isolés et démunis, la reconnaissance des droits dérivant de sa faute, justifiait l’allocation de dommages et intérêts ;
que l’analyse qu’elle fait de ce comportement, établit suffisamment son caractère fautif et que son appréciation échappe aux griefs du pourvoi ;
D’où il suit qu’aucun des moyens du pourvoi n’est fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois