Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf février mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FABRE, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Gaston, contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, du 30 novembre 1992, qui, pour ingérence, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date des 27 mai 1987 et 29 novembre 1989, portant désignation de juridiction ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 2 et suivants, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 175 du Code pénal, défaut de motifs ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Flosse coupable d’ingérence et l’a condamné à des sanctions pénales et civiles ;
« aux motifs que si la défense soutient que X… n’est poursuivi qu’en sa qualité de président de la SETIL, pour un acte d’administration de cette société, et si la formulation du dispositif de l’arrêt comporte une ambiguïté qui ne peut être dissipée que par l’examen des motifs, la chambre d’accusation, relève dans ces motifs, que l’acte de vente signé le 4 mars 1988 a été établi sur la base d’un dossier dont la constitution remonte à 1987 ; qu’après avoir évoqué l’intérêt de cette acquisition, la chambre d’accusation dans le dispositif de cet arrêt indiquait que X… serait renvoyé du chef d’ingérence ; qu’au vu des précisions ainsi apportées dans le motif de l’arrêt, la juridiction correctionnelle se trouvait saisie d’une ingérence reprochée à X… impliquant la constitution du dossier c’est-à-dire l’ensemble des actes et formalités préalables et nécessaires à la signature de l’acte de vente qui en est l’aboutissement ;
« alors que, premièrement, ni le dispositif, ni les motifs de l’arrêt de renvoi n’incriminaient Flosse en sa qualité de président du gouvernement du Territoire ; qu’en retenant X… dans les liens de la prévention, en cette qualité, les juges du fond ont excédé leur saisine et violé les textes susvisés ;
« alors que, deuxièmement, le dispositif et les motifs de l’arrêt visaient, au titre de l’ingérence, « la constitution du dossier et la fixation du prix d’acquisition » et le fait pour le président de la SETIL d’avoir tiré avantage de la cession autorisée par décision gouvernementale et à bas prix ; qu’en décidant que l’ingérence s’appliquait, non pas à la cession proprement dite, mais à l’acte administration destiné à l’autoriser, les juges du fond ont de nouveau excédé leur saisine et violé les textes susvisés ;
« et alors que, troisièmement, et en tout cas, le prévenu est en droit d’être informé, et clairement informé, des faits qui lui sont reprochés ; qu’ayant admis que la prévention était ambiguë, dans la mesure où notamment elle ne permettait pas de savoir quel acte exactement était retenu comme constitutif d’une ingérence, les juges du fond devaient, en toute hypothèse, relaxer X… pour incertitude de la prévention » ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ;
Attendu que, par arrêt du 18 mars 1991, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris Gaston X…, du chef d’ingérence, délit prévu et réprimé par l’article 175 du Code pénal, pour « avoir, en 1987 et 1988, en sa qualité de président de la société d’Equipement de Tahiti et des Iles -SETIL- dont il était le président, représentant le Territoire, actionnaire majoritaire, ouvertement ou par interposition de personne, pris un intérêt dans une entreprise dont il avait au temps de l’acte l’administration, en l’espèce, en tirant avantage de la cession autorisée par décision gouvernementale, et à bas prix, d’un terrain par la SETIL dont il était le président du conseil d’administration à la société civile immobilière Nahiti, gérée par son fils » ;
Attendu que pour rejeter les conclusions du prévenu, rappelées au moyen, et le déclarer coupable du délit susvisé, l’arrêt attaqué considère que Gaston X… ne peut être retenu qu’en ses seules fonctions de président du gouvernement du Territoire de la Polynésie française et énonce qu’en accordant l’autorisation de cession par arrêté du 23 janvier 1987, étant agent du gouvernement, il a en cette qualité commis un acte d’ingérence au sens de l’article 175 du Code pénal ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, après avoir substitué à ceux de la poursuite des faits non visés à la prévention, les juges du second degré ont excédé les limites de leur saisine et méconnu le sens et la portée du principe susénoncé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
Et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de cassation proposés,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions pénales et civiles l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 30 novembre 1992 et pour qu’il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Fabre conseiller rapporteur, MM. Hébrard, Guilloux, Massé conseillers de la chambre, M. Nivôse, Mme Fossaert-Sabatier, M. Poisot, Mme Fayet conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;