Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept septembre deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– LA SOCIETE BANQUE FRANCO-TUNISIENNE, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 3ème section, en date du 29 juin 2004, qui, dans l’information suivie contre Majid X… des chefs de faux et usage, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, 2ème alinéa, 3 , 5 et 6 du Code de procédure pénale, 411-1 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a refusé de faire droit à la demande d’information supplémentaire, et confirmé l’ordonnance de non-lieu du Juge d’Instruction ;
« aux motifs, d’une part, qu’il résulte du supplément d’information qu’aux termes de son interrogatoire de première comparution du 10 janvier 2001, le magistrat a indiqué à Majid X… qu’il ne le mettait pas en examen et lui accordait le bénéfice du statut de témoin assisté ; que Majid X… a déclaré le 7 mars 2002 que les originaux des lettres adressées par ABCI et les procès- verbaux des assemblées générales d’ABCI étaient en possession des avocats britanniques de la société ainsi que les pièces établissant la domiciliation d’ABCI à Londres en 1982 ; que la partie civile entendue le 5 septembre 2001 indiquait n’avoir pas « engagé de procédure pénale en Grande Bretagne, mais avoir contesté les pièces devant le juge civil anglais ; qu’elle précisait que dans une décision de 1995, le juge britannique retenait qu’ ABCI n’existait pas en avril 1982 ; qu’elle affirmait que le versement de 2,5 millions de dinars avaient été effectué à la seule initiative d’ABCI qui avait été constituée en mai 1982 ; que le magistrat instructeur découvrait le décès, en décembre 2002 de Mohamed Y… qui rendait toute confrontation impossible ; que le magistrat versait également à la procédure l’audition du 19 mars 2002 de Moshen Z… recueillie au cours d’une procédure distincte au cours de laquelle le témoin avait déclaré avoir signé sous la contrainte les attestations du 20 décembre 1994 et au 18 septembre 1995 contestées par la partie civile ; qu’enfin, la partie civile et le mis en examen ont versé à l’appui de leurs multiples mémoires de nombreuses pièces en relation avec les divers contentieux les opposant ; et que le juge d’instruction saisi par un arrêt d’un supplément d’information ne dispose d’aucun pouvoir juridictionnel ; que, sur la mise en examen, de Majid X…, en exécution de l’arrêt de la chambre d’accusation du 31 mai 2000, le magistrat instructeur a adressé à ce dernier le 24 novembre 2000 un avis de mise en examen en application de l’article 80-1 du Code de procédure pénale dans sa rédaction alors applicable ; que le magistrat, lors de l’interrogatoire de la première comparution qui s’est tenu le 10 janvier 2001 a indiqué que la lettre valait seulement convocation compte tenu des nouvelles dispositions légales et, à l’issue de l’interrogatoire, a notifié à Majid X… le statut de témoin assisté ; que, toutefois, en application des dispositions de l’alinéa 3 de l’article précité au jour où il a été envoyé, l’avis en question valait mise en examen de Majid X… nonobstant l’analyse effectuée par le magistrat instructeur lors de l’interrogatoire de première comparution, soit postérieurement à la date d’application de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 modifiant les dispositions de l’article précité ; qu’au demeurant Majid X… avait depuis le 7 mars 1997, le statut de témoin assisté conformément aux dispositions de l’article 104 du Code de procédure pénale alors en vigueur ;
qu’il résulte du dossier que le magistrat instructeur a effectué les diligences nécessaires dans le cadre du supplément d’information ordonné ; qu’en effet les documents nécessaires à la vérification de l’existence d’ABCI en 1982 ne pouvaient être produits et la chambre d’accusation n’avait pas ordonné mais seulement indiqué comme utile la confrontation entre Majid X… ; qu’une nouvelle audition de la partie civile du 5 septembre 2001 figure en outre au dossier ; que l’exécution des autres mesures a été soit effectuée soit tentée vainement compte tenu des circonstances ;
« aux motifs, d’autre part, que dans sa plainte avec constitution de partie civile, la BFT reproche des faits de faux et usage à la société ABCI, commis en 1993 et 1995 ; que les dispositions de l’article 121-2 du Code pénal relatives à la responsabilité pénale des personnes morales sont entrées en vigueur le 1er mars 1994, que dès lors, la responsabilité pénale de la société ABCI ne peut être recherchée pour les faits susceptibles d’avoir été commis en 1993 ; que, sur la mise en cause de Majid X… dans la plainte avec constitution de partie civile, ce dernier avait été remplacé depuis le 4 novembre 1992 par M. A… en qualité de dirigeant de la société ABCI, ainsi qu’il résulte de la mention non contestée du mémoire de Majid X… ( p. 14) ; que l’ensemble des procédures britanniques et françaises a seulement opposé la société ABCI à la société BFT, que, dès lors il ne peut être reproché à Majid X… qui n’était pas partie aux procédures en cause et qui n’était plus le dirigeant d’ABCI depuis le 4 novembre 1992, l’usage de faux allégués en 1993 et 1995 ; qu’en outre, sur les faux, est versée à la procédure l’attestation de Roy B… du 10 février 1999 aux termes de laquelle ce professionnel a traduit, les 23 et 24 février 1993, du français en anglais, les lettres contestées d’ABCI, ainsi qu’un document non spécifié en trois pages (D538 à D 542) ; que Moshen Z… a reconnu dans une procédure distincte, être l’auteur des attestations établies en 1994 et 1995 ; qu’enfin, la signature de l’émir C… sur la lettre de 1988 n’est pas, en réalité, contestée ; qu’il en résulte, qu’à supposer les faux établis, les faits étaient prescrits à la date du dépôt de plainte avec constitution de partie civile de la BFT, le 23 mai 1996, soit plus de 3 années après la constatation de leur existence ; que les attestations rédigées par Mohsen Z… ont fait l’objet d’investigations et de poursuites dans une procédure distincte ;
« alors que, d’une part, la partie civile qui se joignait à la demande de supplément d’information du parquet concernant les mesures ordonnées par l’arrêt avant dire droit du 30 mai 2000 mais non exécutées, telles la mise en examen de Majid X… et, en tant que de besoin, la saisie, par voie de commission rogatoire internationale, des originaux des documents contestés aux fins d’expertise sur leur authenticité, sollicitait également que soient ordonnées des investigations en vue de confirmer les vérifications qu’elle avait elle-même effectuées sur la domiciliation réelle de l’ABCI en 1982 et encore qu’il soit procédé à l’audition d’Amor D…, ancien dirigeant de la BFT, sur les conditions dans lesquelles aurait été recueillie sa signature sur les courriers argués de faux, attribués à la BFT, datés des 9 mai, 9 novembre et 26 décembre 1988 ; que la Cour, qui a énoncé que certaines mesures n’avaient pu être exécutées par le magistrat instructeur et que les documents relatifs à la domiciliation de l’ABCI n’avaient pu être produits, a omis en l’état de ces motifs généraux et imprécis de s’expliquer sur les raisons pour lesquelles elle estimait ne pas devoir faire droit aux demandes spéciales formulées dans le mémoire de la partie civile, et ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale ;
« alors que, d’autre part, la partie civile soulignait dans sa plainte du 23 mai 1996 et dans son mémoire que Majid X…, actionnaire de l’ABCI à qui il avait délivré une attestation produite dans un des procès londoniens mentionnant une des pièces arguées de faux (lettre du 19 juillet 1982), était de surcroît personnellement demandeur dans l’une des procédures parisiennes dans laquelle les faux avaient été mentionnés (D 1303) et avait attesté centraliser et sélectionner lui-même les pièces produites en justice par l’ABCI ; qu’en l’état de cette argumentation dont se déduisait la permanence des liens entre l’ABCI et le mis en examen de nature à caractériser la participation de ce dernier aux faits d’usage de faux, que ce soit en tant qu’auteur, co-auteur ou complice, l’arrêt attaqué qui a exclu toute participation de Majid X… à ces faits aux motifs inopérants qu’il n’était pas partie aux procédures en cause et qu’il n’était plus le dirigeant de l’ABCI depuis 1992 a omis de répondre à une argumentation essentielle du mémoire de la demanderesse et ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale ;
« alors qu’enfin, la traduction de Roy B… du 23 février 1993 invoquée par l’arrêt attaqué ne portait que sur 7 (plus un non spécifié) des 14 documents datés et dénommés dans la plainte du 23 mai 1996, au nombre desquels figurait la lettre de l’émir C… du 28 décembre 1988, arguée de faux dans son ensemble, de sorte que l’arrêt qui a cru pouvoir déclarer prescrits l’intégralité des faits dénoncés en raison de cette traduction partielle et a écarté spécialement l’infraction de faux pour la lettre du 28 décembre 1988 au seul motif que la signature n’en serait pas contestée, a en réalité omis de se prononcer sur des faits dénoncés par la partie civile et entaché sa décision d’omission de statuer, privant derechef sa décision de base légale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2, 5 et 6 , du Code de procédure pénale, 441-1 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaque a confirmé l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction ;
« aux motifs que, sur l’usage de faux susceptible, en, dernier lieu, d’être reproché à la société ABCI, il n’est pas contesté que les pièces arguées de faux ont été retirées des débats devant la cour d’appel de Paris par la société ABCI ; que dès lors, la BFT, partie civile, ne peut se prévaloir d’aucun préjudice et en l’absence de la réunion des éléments constitutifs du délit d’usage de faux au sens de l’article 441-1 du Code pénal, l’infraction ne peut être constituée ; qu’en définitive, l’information a été complète et qu’il n’en résulte pas contre quiconque d’autre de charges suffisantes d’avoir commis les faits allégués qui ne sont pas susceptibles d’une autre qualification pénale, que l’ordonnance déférée sera confirmée par substitution de motifs ;
« alors que le préjudice né de l’usage de faux, qui s’induit nécessairement de la production en justice des documents falsifiés n’est pas effacé par le repentir actif et est en tout état de cause constitué à chaque réitération de l’usage ; qu’en l’espèce la circonstance que l’ABCI aurait retiré les pièces arguées de faux des débats devant la Cour de Paris, tout en continuant d’ailleurs d’y faire référence, n’était pas de nature à faire disparaître le préjudice subi par la BFT, ces mêmes pièces ayant été produites et continuant de circuler dans d’autres procédures en cours, ainsi que le soulignait la BFT dans son mémoire et que le reconnaissait Majid X… dans ses déclarations reproduites par l’arrêt attaqué ; qu’en l’état de ce motif inopérant qui l’a conduite à déclarer non constitué le délit d’usage de faux à l’encontre de l’ABCI, la Cour s’est en réalité dispensée d’examiner la responsabilité de l’ABCI au regard des faits dénoncés par la partie civile, entachant là encore sa décision d’omission de statuer » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l’instruction, après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d’aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l’instruction en l’absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, les moyens sont irrecevables, et qu’il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;