Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BERAUDO, les observations de Me FOUSSARD, la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– LA SOCIETE D’INVESTISSEMENT J.W,
– LA SOCIETE ETABLISSEMENTS Z…,
parties civiles,
contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de DOUAI, en date du 20 juin 2000, qui, dans l’information suivie contre Jean-Claude Y… des chefs de vol, tentative d’escroquerie, faux et usage de faux, exercice des fonctions de commissaire aux comptes en violation des incompatibilités légales a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 219-3, 221 et 456 de la loi n 66-537 du 24 juillet 1966, de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre à l’encontre de Jean-Claude Y… du chef d’incompatibilité légale concernant la fonction de commissaire aux comptes ;
« aux motifs que l’article 219-3 de la loi du 24 juillet 1966 dispose que les fonctions de commissaire aux comptes sont notamment incompatibles avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance et tout emploi salarié ; que l’article 456 de la même loi édicte une sanction pour toute personne qui aurait sciemment conservé les fonctions de commissaire aux comptes nonobstant les incompatibilités légales ; qu’il apparaît en l’espèce, que, suivant le contrat de travail du 6 juillet 1995, Jean-Claude Y…, ancien commissaire aux comptes du groupe Z…, a été embauché en qualité de « directeur du développement » au sein de la SA d’Investissements Z…, a signé à cet effet un contrat de travail dont la prise d’effet était fixé au 1er septembre 1995 ; qu’il est établi que le 3 juillet 1995 il avait démissionné de son mandat de commissaire aux comptes auprès de la société Etablissements Z…, l’assemblée générale des actionnaires de ladite société, présidée par Jean-Louis Z… lui-même, ayant pris acte de cette décision à compter du 5 juillet 1995 ; que les éléments recueillis dans le cadre de l’information n’établissant pas la violation par Jean-Claude Y… des incompatibilités légales prévues par l’article 219-3 de la loi du 24 juillet 1966, c’est donc à juste titre que le juge d’instruction a dit n’y avoir lieu à suivre contre le susnommé de ce chef ;
« alors que, premièrement, est incompatible avec les fonctions de commissaire aux comptes tout emploi salarié ; qu’en ne recherchant pas, comme il leur était pourtant demandé, si ce n’est que le 19 janvier 1996 que Jean-Claude Y… a cessé d’être commissaire aux comptes – et si, partant, il n’avait pas exercé, jusqu’à cette date, un emploi salarié incompatible avec sa fonction, les juges du fond n’ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle ;
« alors que, deuxièmement, et en tout cas, en énonçant, qu’il résultait de l’information que Jean-Claude Y… avait démissionné de son mandat de commissaire aux comptes de la société Etablissements Z… dès le 3 juillet 1995 et que l’assemblée générale de cette société lui en avait donné acte à compter du 5 juillet 1995 sans rechercher à quelle date Jean-Claude Y… avait démissionné de son mandat de commissaire aux comptes de la société Investissement JW avec laquelle il avait conclu son contrat de travail, les juges du fond ont, une fois encore, mis la Cour de Cassation dans l’impossibilité d’exercer son contrôle ;
« et alors que, troisièmement, et en tout cas, en omettant de rechercher, comme il lui était demandé, si, en fait, Jean-Claude Y… ne s’était pas comporté en qualité de directeur général de la société, les juges du fond ont entaché leur décision d’une omission de statuer » ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 311-1 du Code pénal, de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre à l’encontre de Jean-Claude Y… du chef de vol ;
« aux motifs que les sociétés plaignantes estiment qu’en produisant ledit procès-verbal devant la juridiction prud’homale, Jean-Claude Y… s’est approprié frauduleusement la chose d’autrui, commettant ainsi le délit de vol prévu et réprimé par l’article 311-1 du Code pénal, puisqu’il a soustrait au registre desdites sociétés un document confidentiel ; qu’outre le fait que l’information établit que Jean-Claude Y… était le rédacteur de ce document et son destinataire naturel eu égard aux fonctions qu’il exerçait, il apparaît que ledit document n’avait aucun caractère confidentiel, puisqu’il est disponible à l’égard de toute personne qui en ferait la demande auprès du greffe du tribunal de commerce, s’agissant d’un procès-verbal d’approbation des comptes publié régulièrement auprès de ce greffe le 1er août 1997 ; qu’en produisant ledit procès-verbal devant la juridiction prud’homale le 27 janvier 1998, Jean-Claude Y… n’a fait que verser aux débats un document dont il était légalement en possession et qui n’avait pas de caractère confidentiel ; que les éléments constitutifs du délit de vol n’étant pas réunis, c’est à juste titre que le juge d’instruction a dit n’y avoir lieu à suivre contre Jean-Claude Y… de ce chef ;
« alors que le vol punit toute appréhension frauduleuse de la chose d’autrui ; au cas d’espèce, en ne recherchant pas, comme il leur était demandé, si Jean-Claude Y… ne s’était pas procuré le procès-verbal du 30 juin 1997 â l’aide de matériel mis à sa disposition par la société qui l’embauchait et si, dès lors, l’appréhension, en connaissance de cause, de ce document, sans l’autorisation de son employeur ne constituait pas un vol, les juges du fond n’ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle » ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du Code pénal, de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre à l’encontre de Jean-Claude Y… du chef de faux et d’usage de faux et tentative d’escroquerie ;
« aux motifs que les parties ont elles-mêmes indiqué, dans leur dépôt de plainte initiale, que Jean-Claude Y… avait été, suivant le contrat de travail du 6 juillet 1995, embauché en qualité de directeur du développement ; que l’audition de M. X… en cours d’instruction, qui a précisé n’avoir aucunement modifié les fiches de paie sous la contrainte de Jean-Claude Y…, mais seulement dans le but de rétablir la véritable qualité de celui-ci, ne permet, dès lors, pas de retenir la tentative d’escroquerie au jugement ; que c’est là encore, à juste titre, que le juge d’instruction dît n’y avoir lieu à suivre contre Jean-Claude Y… de ce chef ;
« alors que, premièrement, dans la plainte avec constitution de partie civile, les sociétés du groupe Z… visaient outre une tentative d’escroquerie, un faux et un usage de faux ; qu’en énonçant que la formation ne permettait pas d’établir l’existence d’une escroquerie au jugement, sans se prononcer sur le faux et l’usage de faux, les juges du fond ont entaché leur décision d’une omission de statuer ;
« et alors que, deuxièmement et en tout cas, en ne recherchant pas, comme il leur était demandé, si, fin avril 1996, Jean-Claude Y… n’avait pas demandé à M. X… de changer la qualification portée sur ses bulletins de paie, les juges du fond n’ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d’accusation, après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que les demanderesses se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d’aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d’accusation en l’absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, les moyens sont irrecevables et qu’il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
Déclare le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beraudo conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;