Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq août mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par : – AL B… Abdul Rahman,
– ALISSA X… Ali,
– La Société AMAS LIMITED BAHAMAS,
– A… Abdul Rahman,
parties civiles, contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 3 juillet 1996 qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Jamal Z… du chef d’escroquerie ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 405 de l’ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leur demande en déclarant non établi le délit d’escroquerie reproché à Jamal Z… ;
« aux motifs propres et adoptés des premiers juges, que « la note confidentielle de placement privé » du 5 janvier 1984 reproduisait les bilans et comptes de résultats consolidés faisant apparaître un capital de 40 000 000 dollars correspondant pour 20 000 000 au capital libéré et pour 20 000 000 aux six « capital notes »; que l’omission des « capital notes », dans les bilans communiqués à l’administration fiscale de Curaçao en octobre 1987, et qui s’expliquait, selon les dires du prévenu, par le souci de bénéficier d’un allégement d’impôt autorisé par la législation locale, reste sans incidence sur l’engagement des parties civiles, qui n’ont pas pu avoir connaissance avant leur investissement desdites déclarations fiscales; que la preuve du caractère fictif des « capital notes » et de l’augmentation interne du capital n’est pas rapportée; que n’est pas davantage caractérisé un mensonge sur le nombre réel des actions; qu’aucune manoeuvre frauduleuse, au sens de l’article 405 ancien du Code pénal, n’était démontrée en l’espèce ;
« alors que le triplement des « capital notes », effectué de manière occulte par Jamal Z…, a privé les actionnaires initiaux des plus-values et des réserves réalisées grâce aux capitaux d’origine libérés; que cette multiplication du capital, faite aux dépens des actionnaires mandants, constitue une manoeuvre frauduleuse du mandataire, qui a agi contre les intérêts des actionnaires en abusant de sa qualité vraie ;
« alors que, si les actionnaires connaissaient, lors de la souscription, l’existence des « capital notes », évalués à 20 000 000 dollars, ils n’avaient pas été informés du triplement de leur valeur; que la dissimulation de cette information essentielle pour apprécier la valeur des actions et la portée de la souscription constitue une mise en scène caractéristique d’une manoeuvre frauduleuse déterminante de l’engagement des parties civiles et de la remise des fonds, celles-ci ayant été trompées sur la multiplication du « capital notes » non libéré effectuée au profit de leur titulaire; qu’en ne se prononçant pas sur cette dissimulation frauduleuse les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision » ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 405 de l’ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leur demande en déclarant non établi le délit d’escroquerie reproché à Jamal Z… ;
« aux motifs qu’aucune manoeuvre frauduleuse, au sens de l’article 405, ancien du Code pénal, n’étant démontrée en l’espèce, c’est à juste titre que les premiers juges, après avoir renvoyé Jamal Z… des fins de poursuites, ont débouté les parties civiles de leurs demandes ;
« alors que, si les fonds remis par les souscripteurs lors de l’augmentation du capital ont été officiellement versés dans l’actif de la société SEIC, seul un tiers des sommes libérées a été réellement affecté au capital social, les deux-tiers restant ayant été appréhendés par les sociétés détentrices des « capital notes » gérées par le prévenu ;
que la dissimulation de la véritable affectation des fonds remis par les souscripteurs constitue une manoeuvre frauduleuse destinée à obtenir une remise des fonds grâce à une mise en scène masquant la nature réelle des investissements des parties civiles, comme cela a été régulièrement relevé par celles-ci dans leurs conclusions; qu’en ne se prononçant pas sur l’appréhension occulte des fonds remis par les parties civiles à destination du capital social de la SEIC, les juges d’appel ont privé de base légale leur décision » ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 405 de l’ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leur demande en déclarant non établi le délit d’escroquerie reproché à Jamal Z… ;
« aux motifs propres et adoptés des premiers juges que l’existence du marché secondaire et sa connaissance par les parties civiles résultent implicitement des déclarations faites par le prévenu lors de son interrogatoire du 18 mars 1988, dans lequel il indique qu’Abdul Rahman A… n’a pu acquérir des actions de la SEIC qu’à la date du 25 octobre 1984, et que c’est la société AIC qui les lui a cédées; que, par lettre datée du 5 août 1984, X… Alissa a été informé que son investissement dans la SEIC se ferait par un marché secondaire; qu’aucune partie civile ne produit un contrat de souscription accepté par la SEIC; que toutes les parties civiles ont réglé leurs actions après le 30 juin 1984, date de la clôture de la souscription, alors que le mémorandum de placement privé imposait au souscripteur de verser 100 % de sa souscription totale lors de la remise de son contrat de souscription ;
« alors que la cour d’appel ne pouvait se prononcer ainsi sans s’expliquer sur le contenu du bulletin de souscription concernant Abdul Rahman Y…, produit par Jamal Z… lui-même et confirmé par télex de la SEIC daté du 26 juin 1984 (D1074), sur les correspondances échangées avec les parties acquiesçant aux paiements différés et sur l’existence de paiements effectués par la société AIC après la date du 30 juin 1984, reconnus comme réguliers au regard de l’opération de souscription » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l’infraction reprochée n’était pas rapportée, en l’état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs demandes ;
D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges de fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Aldebert conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Dintilhac ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;