Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 4 septembre 2002, 01-87.143, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 4 septembre 2002, 01-87.143, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre septembre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, la société civile professionnelle BACHELLIER – POTIER de la VARDE, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Nicolas,

contre l’arrêt de la cour d’appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 4 septembre 2001, qui, sur renvoi après cassation, pour infraction à la législation sur les sociétés, l’a condamné à 10 000 francs d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civiIs ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, L.242-10 du Code de commerce, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Nicolas X… coupable en sa qualité d’administrateur judiciaire d’avoir omis de réunir l’assemblée générale des actionnaires dans les six mois de la clôture de l’exercice ;

« aux motifs que dans son jugement du 6 avril 1994 ayant prononcé le redressement judiciaire de la société SEEH, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a désigné Nicolas X… seul, en qualité d’administrateur judiciaire en lui conférant expressément la mission prévue à l’article 31-3 de la loi d 25 janvier 1985 ; que cet article dispose que « le tribunal charge l’administrateur d’assurer seul, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise et que dans sa mission, l’administrateur est tenu au respect des obligations légales ou conventionnelles incombant au chef d’entreprise » ; que cette formulation a pour effet d’assimiler l’administrateur au chef d’entreprise sans réserve ni restriction aucune quant à la nature ou à l’étendue des actes qu’il doit accomplir à ce titre ; que la convocation de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires constitue un acte de gestion que le prévenu devait effectuer ou provoquer dans le cadre de sa mission ; qu’il ne saurait se retrancher derrière la faculté qu’avaient d’autres organes de la société, et notamment les actionnaires, d’en prendre l’initiative pour s’exonérer de sa responsabilité ; que dès lors, en s’abstenant d’accomplir cet acte Nicolas X… s’est bien rendu coupable de l’infraction qui lui est reprochée ;

« alors qu’aux termes de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international ; qu’il se déduit de ce texte que la loi pénale doit définir les infractions en termes clairs et précis pour éviter l’arbitraire et doit être interprétée restrictivement pour répondre aux impératifs de sécurité juridique auxquels a droit tout justiciable en application de l’article 6-1 de ladite convention ; que l’article L. 242-10 du Code du commerce (article 441 de la loi du 24 juillet 1966) est ainsi rédigé : « est puni d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 60 000 francs le fait, pour le président ou les administrateurs d’une société anonyme, de ne pas réunir l’assemblée générale ordinaire dans les six mois de la clôture de l’exercice ou, en cas de prolongation, dans le délai fixé par la décision de justice ou de ne pas soumettre à l’approbation de ladite assemblée les comptes annuels et le rapport de gestion prévu à l’article L. 232-1″ ; qu’il résulte clairement de ce texte que les infractions qu’ils visent ne peuvent être imputées à l’administrateur judiciaire désigné dans le cadre du redressement judiciaire dès lors que ce dernier n’est ni président ni administrateur de Ia société et qu’en appliquant dès lors ce texte répressif à Nicolas X…, l’étendant ainsi par voie d’analogie, la cour de renvoi a méconnu les textes susvisés » ;

Attendu que, pour déclarer Nicolas X…, administrateur judiciaire chargé d’assurer seul et entièrement l’administration de la société Européenne d’Exploitation Hôtelière (SEEH) placée en redressement judiciaire, coupable d’avoir omis de réunir l’assemblée générale ordinaire des actionnaires dans les six mois de la clôture de l’exercice de l’entreprise, la cour d’appel, statuant après un arrêt de cassation rendu au visa tant de l’article 31 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 621-22 du Code de commerce, que de l’article 441 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l’article L. 242-10 du même Code, se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu que ce moyen, qui revient à reprocher à la cour de renvoi d’avoir statué en conformité de la doctrine de l’arrêt de cassation qui l’avait saisie, est irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 225-103 et L. 242-10 du Code du commerce, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a condamné Nicolas X… à payer 5 000 francs de dommages-intérêts à la société Finance Culture Loisirs ;

« aux motifs que le défaut de convocation par l’administrateur judiciaire dans Ie délai de six mois de la clôture du premier exercice social le 31 décembre 1993, fait qui constitue une infraction, a mis la société Finance Culture Loisirs dans l’impossibilité d’exercer normalement son contrôle sur les comptes de la société SEEH dont elle était actionnaire, sans que puisse lui être imputée une quelconque carence en la matière et qu’elle a subi de ce fait un préjudice direct et certain dont elle est fondée à obtenir réparation ;

« alors que seul un dommage certain résultant de l’infraction peut donner lieu à réparation par les juges répressifs et que ceux-ci ne peuvent réparer le dommage résultant, pour la partie civile, de sa propre carence ; que, comme l’avaient constaté les premiers juges, la société Finance Culture Loisirs étant actionnaire de la SEEH pour plus de 10 % du capital social, pouvait agir aux fins de convocation de l’assemblée générale ordinaire, conformément aux dispositions de l’article 158 alinéa 2 – 2 de la loi du 24 juillet 1966, ce qu’elle n’a jamais fait et que par conséquent en réparant le prétendu dommage invoqué par la partie civile, l’arrêt attaqué a méconnu le principe susvisé » ;

Attendu que, pour condamner Nicolas X… à payer des dommages et intérêts à la société Finance Culture Loisirs, actionnaire de la SEEH pour plus de 10% du capital social, les juges du second degré énoncent que le défaut de convocation de l’assemblée générale reproché au prévenu a mis la partie civile dans l’impossibilité d’exercer son contrôle sur la société, lui faisant subir un préjudice direct et certain dont elle est fondée à obtenir réparation, sans que puisse lui être imputée une quelconque carence en la matière ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, et dès lors qu’une prétendue carence de la victime ne pouvait ni faire disparaître le préjudice subi ni réduire les réparations civiles dues à celle-ci par l’auteur de l’infraction en cause, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurai être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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