Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– La SOCIETE SAS B. X…,
– La SOCIETE SAS Y… CENTRE,
contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de LYON, en date du 25 octobre 2004, qui a autorisé l’administration des Impôts à effectuer des opérations de visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve d’une fraude fiscale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, des articles L 13 B et L.16 B du Livre des procédures fiscales, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’ordonnance attaquée a autorisé des inspecteurs de la Direction nationale d’enquêtes fiscales à procéder, conformément aux dispositions de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les locaux et dépendances susceptibles d’être occupés par la Selarl Adamas International et/ou la Selarl Adamas Affaires Publiques et/ou la SCP Bouchet, Delay, Franceschini, Ghinsberg dite Adamas Affaires Générales et/ou le Gie Portalis, 55 bd des Brotteaux 69 455 Lyon Cedex, et par la S.A Lyonnaise de Banque, 8 rue de la république 69 001 Lyon ;
« aux motifs que les pièces présentées à l’appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu’elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance ; que la SAS Y… Centre a pour activité l’industrie du décolletage sous toutes ses formes et était détenue à plus de 99% jusqu’au 31 décembre 2002 par les époux Z… et Marcelle Y…, Christophe Y… et Béatrice Y… épouse A… ; que la SAS Y… Centre fait actuellement l’objet d’une vérification de comptabilité par Sébastien B… inspecteur des impôts, portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 étendue jusqu’au 31 juillet 2003 en matière de TVA ; qu’à l’occasion de la vérification de comptabilité de la SAS Y… Centre, M. B… a procédé à différentes constatations dont il a consigné la teneur dans une attestation établie et signée le 7 septembre 2004 (pièce 2-1) ; que la SAS Y… Centre a mis en place 4 filiales à l’étranger au nombre desquelles figure la société Tchèque Y… Centre CZ dont elle détient 100 % du capital au 31 décembre 2002 ; que la filiale tchèque occupe dans cette organisation une position centrale en assurant le montage et le contrôle de l’assemblage des pièces initialement produites par sa société mère (pièce 2-9) ; que cette filiale tchèque génère ainsi plus de 75 % du chiffre d’affaires de la SAS Y… Centre (pièce 2-1) ;
que lors des opérations de contrôle et du débat oral contradictoire, la SAS Y… Centre n’a pas été en mesure de présenter une comptabilité analytique permettant d’analyser la politique des prix de transfert pratiqués avec sa filiale tchèque, ni d’apporter des précisions sur la méthode de détermination des pris des opérations (pièce 2-1) ; que dès lors M. B… inspecteur des impôts précité, a adressé à la SAS Y… Centre le 6 juillet 2004 une demande l’invitant à apporter par écrit les éléments exhaustifs permettant de justifier la répartition des marges (pièces 2-1 et 2-7) ;
que la SAS Y… Centre a répondu à cette demande dans un courrier en date du 4 août 2004 (pièce 2-9) ; que l’analyse des réponses apportées par la SAS Y… Centre a été consignée dans une attestation établie et signée le 16 septembre 2004 par Arlette C… inspecteur principal des impôts en poste à la direction du contrôle fiscal Rhône Alpes (pièce 2-10) ; qu’il résulte des commentaires rédigés par Mme C… que la SAS Y… Centre se contente d’apporter une vision globale du fonctionnement du groupe et de 4/27 développer les motifs économiques qui ont présidé à la création de sa filiale tchèque (pièce 2-10) ; qu’en effet la SAS Y… Centre présente sa filiale tchèque comme ayant acquis au fil des ans son indépendance de fonctionnement, fixant ses prix de revient de manière autonome et sans aucune formalisation (pièces 2-9 et 2-10) ; que cependant la société Y… Centre CZ est une filiale détenue à 99, 99 % et qu’elle génère plus de 75 % du chiffre d’affaires de sa société mère (pièce 2-10) , qu’il semble ainsi peu plausible que les échanges commerciaux entre les deux sociétés ne soient encadrés par aucun accord spécifique ; que de plus la SAS Y… Centre reconnaît explicitement qu’elle pratique une politique de coût élevé de vente de pièces vis-à-vis de sa filiale pour tenir compte d’une partie de ses coûts indirects (pièces 2-9 et 2-10) ; qu’ainsi le prix de rachat des produits finis par la SAS Y… Centre à sa filiale est fonction de ce prix de revient élevé qu’elle a elle-même fixé ; que dès lors en l’absence de toutes autres explications permettant d’éclairer la politique des prix de transfert pratiquée avec sa filiale tchèque, il est présumé que la SAS Y… Centre majorerait ses prix d’achat auprès de sa filiale, minorant ainsi son résultat imposable et ne procéderait pas ainsi à la passation régulière de la totalité de ses écritures comptables ; que cette majoration de charges pourrait donc être constitutive d’un transfert de bénéfice en faveur de la société Y… Centre CZ ;
« 1/ alors que détourne la procédure de visite domiciliaire de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales le juge qui l’ordonne en cas de suspicion de transfert de bénéfices (ou prix de transfert), dès lors que peut être mise en oeuvre la procédure prévue par l’article L. 13 B du Livre de procédures fiscales ; que l’article L. 13 B dispose en effet que lorsque au cours d’une vérification de comptabilité, l’administration a réuni les éléments faisant présumer qu’une entreprise a opéré un transfert indirect de bénéfices, au sens des dispositions de l’article 57 du Code général des Impôts, elle peut demander à cette entreprise des informations et documents prévus par l’article L. 13 B du Livre des procédures fiscales et que lorsque l’entreprise a répondu de façon insuffisante, l’administration lui adresse une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite ; cette mise en demeure doit rappeler les sanctions applicables en cas de défaut de réponse (à savoir qu’ à défaut d’éléments précis pour opérer les redressements, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement » ; qu’en l’espèce, au cours d’une vérification de
comptabilité, le juge a ordonné une visite domiciliaire aux motifs qu’en l’absence d’explications permettant d’éclairer la politique des prix de transfert pratiquée avec sa filiale tchèque, il était présumé que la SAS Y… Centre majorerait ses prix d’achat auprès de sa filiale, minorant ainsi son résultat imposable et que cette majoration de charges pourrait donc être constitutive d’un transfert de bénéfice en faveur de la société Y… Centre CZ ; qu’en ordonnant la visite domiciliaire pour suspicion de prix de transfert, quand la procédure spéciale prévue par l’article L. 13 B du Livre des procédures fiscales pouvait être mise en oeuvre, le juge des libertés et de la détention a violé les textes sus visés ;
« 2/ alors que le juge qui autorise des visites et saisies à la requête de l’administration fiscale, doit vérifier de manière concrète que la demande qui lui est soumise est bien fondée ; qu’en l’espèce, pour caractériser une présomption de transfert de bénéfice, l’ordonnance s’est fondée sur le caractère insuffisant des réponses apportées par la société Y… dans son courrier du 4 août 2004 (pièce 2-9) (cf. ordonnance p. 6 11) ; qu’en statuant ainsi lorsqu’il résultait du dossier déposé par l’administration fiscale devant le juge des libertés de Lyon, que la pièce 2-9 consistait en un courrier de l’inspecteur B… en date du 15 juillet 2004, le juge n’était pas en mesure, en l’état du dossier qui lui était présenté, de connaître les termes du courrier du 4 août 2004 sur lequel il se fondait ;
« 3/ alors que la demande de l’administration fiscale doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’Administration de nature à justifier la visite domiciliaire ; que l’Administration ne saurait en effet dissimuler des documents au juge pour lui faire croire à des présomptions de fraude en vue d’obtenir l’autorisation d’une visite domiciliaire ; qu’en l’espèce, la société Y… Paris avait répondu aux questions de l’Administration, non seulement par le courrier du 4 août 2004 visé par l’ordonnance, mais également par divers documents adressés à M. D…, à savoir le 5 avril 2004 le fichier des marges de l’année 2002, le fichier des marges 2002 retraité en fonction des modifications demandées par M. D…, le 3 juin 2004 le fichier des produits vendus par la société Tchèque à Y… Centre du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002, et le 9 juin 2004, le fichier clients ayant pour identifiant le code pays GRB ; que le juge ne pouvait, dès lors, pour ordonner la visite domiciliaire, relever l’absence de toutes autres explications que le courrier du 4 août 2004 permettant d’éclairer la politique des prix de transfert pratiquée avec sa filiale tchèque ;
« 4/ alors que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ;
qu’il ne peut se contenter de reprendre l’analyse de l’administration fiscale sans procéder à sa propre analyse ; qu’ il est manifeste que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris n’a pas procédé à sa propre analyse des documents, dès lors qu’il a rendu une ordonnance rédigée en termes rigoureusement identiques à celles rendues par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bonneville et de Paris ; qu’en statuant ainsi, le juge des libertés et de la détention a méconnu les textes susvisés ;
« 5/ alors que si, pour ordonner la visite domiciliaire sollicitée par l’administration fiscale, le juge peut se fonder sur des attestations établies par l’administration fiscale elle-même, c’est à la seule condition que ces attestations invoquent des éléments de faits régulièrement constatés par elle ; que, sauf à méconnaître le principe selon lequel « nul ne peut se constituer un titre à lui même », les attestations ne sauraient consister en de simples commentaires ou opinions invoquant des présomptions de fraude ; que dès lors, le juge ne pouvait pour ordonner la visite domiciliaire, expressément se fonder sur les simples commentaires (cf. ordonnance p. 6 13) contenus dans l’attestation de Arlette C…, supérieur hiérarchique de l’inspecteur des impôts en charge de la vérification de la SA Y… Centre ;
« 6/ alors que la comptabilité analytique n’étant pas obligatoire, le juge des libertés et de la détention ne pouvait retenir l’existence d’une présomption de fraude au motif que la SAS Y… Centre n’avait pas été mesure de présenter un comptabilité analytique permettant d’analyser la politique des prix de transfert pratiqués avec sa filiale tchèque (cf. ordonnance p. 6 9) ;
« et aux motifs encore que, pour l’exercice de son activité, la société Y… Centre CZ recours à la sous traitance et qu’elle est ainsi amenée à travailler avec les sociétés tchèques Aut Komponenty et Auto Montaz Soucastek (pièce 2-7à ; que la société de droit tchèque Auto Montaz Soucastek constituée en 1993 a son siège social établi à Rokycany et que son activité relève de la construction mécanique (pièce 7-1) ; que la gérance de cette société a été successivement assurée par Z… Y… entre le 8 avril 1999 et le 30 septembre 2003, puis par Denis A… (pièce 7-1) ; que son capital était détenu à partis égales par la SA Le Mole et la SA Le Bargy entre le 8 avril 1999 et le 30 septembre 2003 (pièce 7-1) ; que les SA Le Mole et Le Bargy toutes deux de droit luxembourgeois, sont détenues par Christophe Y… la SA Le Bargy entre le 8 avril 1999 et le 30 septembre 2003 (pièce 7-1) ; que les SA Le Mole et Le Bargy toutes deux de droit luxembourgeois, sont détenues par Christophe et Z… Y… pour la première, et par Béatrice A… et Z… Y… pour la deuxième (pièces 3-1 et 4-1) ; qu’ainsi, compte tenu des liens capitalistiques et commerciaux unissant la filiale tchèque officielle Y… Centre CZ à ses deux sociétés sous traitantes Auto Komponenty et Auto Montaz Soucastek, et des mêmes liens unissant ces deux sociétés sous traitantes tchèques aux
sociétés luxembourgeoises les SA Le Mole et Le Bargy, il est présumé que les transferts de bénéfice précédemment décrits sont susceptibles d’avoir également bénéficié à ces deux dernières sociétés ; que la SA de droit luxembourgeois Le Mole constituée le 2 décembre 1998 dont l’objet social consiste en la prise de participations sous quelque forme que ce soit dans d’autres sociétés luxembourgeoises ou étrangères (pièce 3-1) ; qu’elle dispose d’un capital de 76 500 euros représentée par 300 actions réparties entre Christophe Y… titulaire de 200 actions et Z… Y… titulaire de 100 actions (pièce 3-1) qu’elle est administrée par Christophe Y… ainsi que par les époux Z… et Marcelle Y… ;
que la SA de droit luxembourgeois Le Bargy constituée le 2 décembre 1998 a pour objet social de consister en la prise de participation sous quelque forme que ce soit, dans d’autres sociétés luxembourgeoises ou étrangères (pièce 4-1) ; qu’elle dispose d’un capital de 76 500 euros représenté par 300 actions réparties entre Béatrice A… titulaire de 200 actions et Z… Y… titulaire de 100 actions (pièce 4-1) ; qu’elle a été administrée jusqu’au 2 mars 2004 par Béatrice A… ainsi que par les époux Z… et Marcelle Y… (pièce 4-1) ; qu’aux termes de l’article 2 4 de la convention conclue entre la France et le Luxembourg, le domicile fiscal des personnes morales s’entend du lieu de leur centre effectif de direction (pièce 16-1) ; qu’à l’adresse luxembourgeoise mentionnée comme étant le siège des SA Le Mole et Le Bargy, on dénombre l’existence de 113 sociétés (pièce 17-1) ; que, de plus, aucune des deux sociétés ne semble disposer des moyens de communication comme en témoigne l’absence de coordonnées sur les serveurs relatifs aux différents annuaires téléphoniques sur Internet (pièces et 4-1) ; que l’on peut ainsi présumer que les SA Le Mole et Le Bargy ont établi leur siège à une adresse de domiciliation ; qu’à l’inverse les organes direction, d’administration et de contrôle sont concentrés entre les mains de Christophe Y…, Béatrice A… , Z… et Marcelle Y… tous domiciliés en Haute Savoie (pièces 3-1, 4-1, 10-1, 11-1 et 9-1) ; que l’ensemble de ces éléments tend à établir la localisation en France du siège réel des deux sociétés luxembourgeoises et partant l’exercice d’une activité commerciale sur le territoire français ; que, dès lors, elles devraient y être assujetties à l’impôt sur les 8/27 sociétés (pièce 16-1) ; que les SA Le Mole et Le Bargy sont inconnues du centre des impôts des non résidents ainsi que de la recette élargie de Bonneville dont dépendent fiscalement Christophe Y…, Béatrice A… et les époux Z… et Marcelle Y… ; que les SA Le Mole et Le Bargy sont présumées appréhender au moins une partie des bénéfices transférés par la SA Y… Centre au profit des sociétés tchèques Y… Centre CA, Auto Komponenty et Auto Montaz Soucastek être dirigées depuis la France par leurs associés administrateurs et qu’ainsi en ne respectant pas leurs obligations fiscales déclaratives, elles ne procéderaient pas à la passation régulière de l’ensemble de leurs écritures comptables ;
« 7/ alors que c’est seulement lorsqu’elle estime qu’existent des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, que l’autorité judiciaire peut ordonner une visite domiciliaire ; que tel n’est pas le cas de la seule participation capitalistique d’une société à une autre société suspectée d’avoir bénéficié d’un transfert de bénéfices ; qu’ainsi le juge ne pouvait autoriser la visite domiciliaire des sociétés Le Bargy et Le Mole et de leur dirigeants, au seul motif qu’elles avaient des liens capitalistiques avec les sociétés tchèques Auto Komponenty et Auto Montaz Soucastek suspectées d’avoir bénéficié du transfert de bénéfices de la société Y… Centre ;
« 8/ alors qu’aux termes de l’article 4 de la convention francoluxembourgeoise du 1er avril 1958, les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l’Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable ; que selon l’article 2 3, 1 , le terme » établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires dans laquelle l’entreprise exerce tout ou partie de son activité ; qu’en estimant néanmoins qu’il existait une présomption de ce que les sociétés luxembourgeoises Le Bargy et Le Mole se soustrayaient à leurs obligations déclaratives en France, sans nullement relever un quelconque élément de fait laissant présumer une activité desdites sociétés sur le territoire français, le juge a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
« 9/ alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’il résulte des termes de l’ordonnance que la société Le Bargy n’était plus administrée par les époux Y… et Mme A… depuis le 2 mars 2004 (cf. ordonnance p. 7 antépénultième ) ; qu’ils n’étaient donc plus détenteurs légaux des documents de la société Le Bargy ; que le juge ne pouvait dès lors, sans se contredire, retenir pour autoriser une visite du domicile des époux Y…, de Mme A… née Y…, et de la société Le Bargy, affirmer que les organes de direction, d’administration et de contrôle sont concentrés entre les mains de Christophe Y…, Béatrice A…, Z… et Marcelle Y…, tous domiciliés en Haute-Savoie ;
« et aux motifs aussi que la SAS B X… représentée par son président Christian E… a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon le 26 février 2003 et qu’elle a pour objet l’acquisition, la détention, la gestion et la cession de toutes actions, parts ou autres titre émis par des personnes morales de droit français ou étranger ainsi que la réalisation de prestations de services en matière commerciale, administrative et comptable (pièce 5-2) ; qu’elle a transféré son siège social à Paris 1er et qu’elle dispose d’un établissement secondaire à Marnaz ; qu’à la date de sa constitution, son capital était entièrement détenu par la SA de droit luxembourgeois Eutronic International devenue SA BC International ; que la SAS B X… a signé le 13 mars 2003 avec les actionnaires de la SA Y… Centre une convention de cession qui avait pour objet le transfert de propriété et de jouissance au profit de la SAS B X… de la totalité des 30 000 tires Y… Centre (pièce 5-1) ; qu’aux termes de cette convention ainsi que d’un contrat d’apport du 24 mars 2003, ce transfert de propriété s’est opéré par voie d’achat de 18 639 actions et d’apport de 11 361 actions ; qu’ainsi à l’issue de cet apport d’actions qui représente 37, 87 % du capital de la SA Y… Centre, Christophe Y… et Béatrice A… reçoivent directement et indirectement au travers de deux sociétés civiles de placement les SCP Buet et Brevent, plus de 48 % du capital de la SAS B X… ; que le capital initial de B X… fixé à la somme de 37 000 euros s’est trouvé augmenté de 35 186 000 euros lors de l’assemblée générale du 4 avril 2003 pour être porté à 35 755 000 euros ; qu’outre l’apport en nature des membres de la famille Y… évalué à 17 520 000 euros cette augmentation de capital résulte d’un apport en numéraire effectué par la SA BC International qui détient ainsi 51 % du capital de la SAS B X… ; que la SA BC International anciennement Eutronic International SA a été constituée le 3 décembre 2002 et que son capital est détenu à plus de 99 % par une société
sise dans les îles Caîmans dénommée BVP Europe II LP ; que les recherches effectuées sur différents serveurs n’ont pas permis d’établir l’identité des actionnaires de la société BVP Europe II LP, ni son existence aux îles Caïmans (pièce 19-1) ; que le président du conseil d’administration de la SA BC International Christian E…, ainsi que certains de ses administrateurs se trouvent être également associés et/ou gérants de la société suisse Sarl Leman Capital (pièces 6-1 et 18-1) ; que la consultation du site internet de la Sarl Leman Capital indique qu’elle gère le fonds d’investissement BVP Europe II au travers duquel elle a investi dans la SA Y… Centre (pièces 18-2) ; que, dès lors qu’il existe une certaine opacité autour de la personnalité de la société BVP Europe II, actionnaire de la SA BC International ; que, dans son rapport du 26 mars 2003, le commissaire aux apports a évalué la valeur nette de l’entreprise Y… à 46 279 000 euros ;
que les apports en nature des membres de la famille Y… ont été évalués à la somme de 17 520 000 euros et que l’acquisition par la SAS B X… des 18 639 actions restantes représente donc un prix totale de 28 759 000 euros, dont 18 198 000 euros d’apport en numéraire déjà effectué ;
que, dès lors que le financement complémentaire nécessité pour l’acquisition de ces 18 actions restantes représentant approximativement la somme de 10 500 000 euros a dû être assuré par le biais d’emprunt ; que l’on trouve effectivement mentionné au passif du bilan de B X… un montant de 13 246 964 euros poste correspondant aux emprunts et dettes effectués auprès des établissements de crédit ; qu’il existe ainsi des présomptions selon lesquelles l’augmentation de capital réalisée en numéraire par la SAS B X… avec les fonds apportés par son associé majoritaire la SA BC International a pu se faire, au moins pour partie, grâce aux bénéfices transférés par la SAS Y… Centre et /ou que lesdits bénéfices transférés ont pu également être constitutifs de garanties financières à l’octroi de prêts bancaires ; que la SAS B X… a supporté des frais importants lors de l’acquisition des titres Bontaz et qu’elle déclare sur la liasse fiscale relative à l’exercice clos au 31 décembre 2003 un montant de 2 329 715 euros représentatif d’honoraires et rémunérations intermédiaires (pièce 5-3) ; que de manière plus détaillée, les charges à répartir sur plusieurs exercices s’élèvent à 219 243 euros au titre des frais d’émission d’emprunt et à 2 147 192 euros au titre des frais sur acquisition de titres, soit un total de 2 366 435 euros (pièce 5-3) ; que la SAS B X… a présenté à l’appui d’une demande de remboursement de crédit TVA relative au 2ème trimestre 2003, trois factures émises par Adamas International, CIC Lyonnaise de Banque et Cabinet Dulatier pour des montants respectifs de 415 000 euros hors taxes, 375 000 euros hors taxes et 50 000 euros hors taxes (pièce 5-4) ; que les charges financières se trouvent ainsi justifiées à hauteur de 840 000 euros, ce qui laisse subsister une interrogation sur la nature exacte de 64 % environ des frais engagés ; que dans sa facture du 18 avril 2003, le cabinet d’avocats Adamas International relate très précisément les diligences effectuées dans le cadre de l’acquisition du groupe Y… par la SAS B X… (pièce 5-4) ; qu’il apparaît ainsi que des projets d’actes de cession d’immeubles et de parts sociales concernant des sociétés désignées sous l’abréviation AK et AM ont été examinés à plusieurs reprises (pièce 5-4) ; que ces abréviations employées dans un paragraphe relatif aux « engagements préalables des cédants Y… » désignent selon toute vraisemblance les sociétés Auto Komponenty et Auto Montaz Soucastek ; que, de plus, le projet de cession de parts sociales s’est concrétisé puisqu’à la date du 30 septembre 2003, le capital des deux sociétés tchèques, précédemment détenu par les SA luxembourgeoise Le Mole et Le Bargy est détenu en totalité par la société Y… Centre CZ (pièces 7-1 et 8-1) ; que par ailleurs, sur la facture précitée, le paragraphe consacré à la préparation et à la signature des contrats de financement de l’acquisition du groupe Y… inclut la participation du cabinet Adamas à l’établissement d’actes de prêts en 3 tranches d’un montant total de 14 890 000 euros, directement accordés à la SA Y… Centre, essentiellement par la Lyonnaise de Banque (pièce 5-4) ;
qu’il ressort de ce qui précède que la réorganisation du groupe Y… a également intégré les deux sociétés sous traitantes tchèques, indirectement détenues
par Christophe Y…, Béatrice A… et Z… Y…, au travers de deux sociétés luxembourgeoises ; qu’également la SAS B X… a versé des honoraires correspondant à la mise en place d’emprunts contractés en nom propre par sa filiale la SA Y… Centre (pièce 5-4) ; qu’il existe ainsi de fortes présomptions que la SAS B X… a indûment majoré les charges financières venant en déduction de son résultat imposable en déduisant des frais ne lui incombant pas, et dès lors n’a pas procédé à la passation régulière de la totalité de ses écritures comptables ; ( ) que seule l’existence de présomptions est requise pour la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; que, dès lors, il existe des présomptions selon lesquelles la SAS Y… Centre majorerait le montant des achats effectués auprès de sa filiale tchèque, la société Y… Centre CZ, la SAS B X… majorerait le montant de ses charges financières, et toutes deux minoreraient ainsi les résultats imposables, et ne procéderaient pas à la passation régulière de la totalité de leurs écritures comptables ; que les SA de droit luxembourgeois Le Mole et Le Bargy exerceraient des activités à partir d’un centre de décision sis en France, d’où elles seraient animées sans respecter leurs obligations fiscales et déclaratives, et dès lors ne procéderaient pas à la passation régulière de la totalité de leurs écritures comptables ; et qu’ainsi, ces quatre sociétés se seraient soustraites et se soustrairaient à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les sociétés (IS) et/ou de la TVA en livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI (article 54 et 209-1 pour l’IS et 286 pour la TVA) ; qu’ainsi la requête est justifiée et que la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévu à l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
« 10/ alors que c’est seulement lorsqu’elle estime qu’existent des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, que l’autorité judiciaire peut ordonner une visite domiciliaire ; que tel n’est pas le cas lorsqu’est en cause une opération d’augmentation de capital d’une société, laquelle est située hors champ d’application de la TVA et n’a aucune incidence sur l’établissement ou le paiement de l’impôt sur le revenu ou sur le bénéfice ; qu’ainsi l’opération d’augmentation de capital de la société B X… ne pouvait justifier la visite domiciliaire de son président et de ses avocats ; qu’en affirmant le contraire, le juge a violé l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;
« 11/ alors que la différence entre les montants déclarés au titre d’honoraires et rémunération d’intermédiaires sur la déclaration annuelle d’impôt sur les sociétés, et ceux déclarés sur une demande trimestrielle de remboursement de TVA, ne saurait laisser présumer aucune fraude, dès lors qu’elle porte sur des périodes différentes ; que le seul constat d’une telle différence, naturelle et mathématique, ne saurait autoriser aucune visite domiciliaire, sauf à les autoriser chez toute entreprise qui sollicite le remboursement trimestriel de TVA ; qu’ainsi le juge ne pouvait autoriser la visite domiciliaire de la société B Industrie, de son directeur et de ses avocats au seul motif qu’une différence de 64 % existait entre les montants déclarés au titre d’honoraires d’intermédiaires sur la déclaration annuelle d’impôts 2003, et ceux déclarés au titre de la demande de remboursement de TVA du 2ème trimestre 2003 ;
« 12/ alors que la visite domiciliaire ne peut être ordonnée que lorsque les faits présumés à les supposer établis, caractérisent une soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée ; que c’est sans se soustraire à l’établissement ou au paiement de l’impôt qu’une société mère déduit les frais qu’elle a payés pour le compte de sa filiale ; que dès lors le juge ne pouvait suspecter la SAS B Industrie de fraude, au seul motif qu’elle aurait déduit des sommes correspondant à des frais payés pour le compte de sa filiale » ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu’aucun texte ne subordonne la saisine de l’autorité judiciaire par l’Administration fiscale, pour l’application des dispositions de l’article L.16 B du Livre des procédures fiscales, au recours préalable à d’autres procédures ;
Sur le moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches :
Attendu qu’il ressort de l’ordonnance attaquée que l’administration fiscale a demandé à la SAS Y… Centre de préciser ses rapports avec une filiale tchèque, sa méthode de détermination des prix et la justification de la répartition des marges ; que la Cour de cassation est en mesure de s’assurer, à l’examen des pièces du dossier, que la réponse apportée par courrier de la société Y…, en date du 4 août 2004 correspond à la pièce produite sous le numéro 2-9, à laquelle le juge s’est référé ; que, de plus, les éléments de réponse sont exposés dans l’attestation établie par un inspecteur principal des impôts, assortie de commentaires et produite à l’appui de la requête aux fins de mise en oeuvre du droit de visite et de saisie ;
Sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu qu’il n’est pas démontré en quoi l’absence de production des pièces invoquées par le moyen était de nature à remettre en cause l’appréciation par le juge des éléments retenus par lui à titre de présomption de fraude, pour autoriser les visites et saisies sollicitées par l’Administration ;
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu que les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée; que le nombre de pièces produites ne saurait laisser en soi présumer que ce magistrat s’est trouvé dans l’impossibilité de les examiner et d’en déduire l’existence de présomptions de fraude ; qu’ainsi, les circonstances que la requête ait été déposée le même jour que la décision et que celle-ci soit rédigée dans les mêmes termes que d’autres ordonnances visant les mêmes sociétés et rendues par d’autres magistrats dans la limite de leur compétence, sont sans incidences sur la régularité de la décision attaquée ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches :
Attendu que le moyen, qui tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge parmi ceux qui ont été fournis par l’Administration pour apprécier l’existence de présomptions de fraude fiscale, est inopérant, dès lors que cette appréciation, exempte de contradiction, relève de son pouvoir souverain ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de l