Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un octobre deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Miroslaw,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 2006, qui, pour abus de biens sociaux et distribution de dividendes fictifs, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 246-2 du code de commerce, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, violation de la loi ;
« en ce que l’arrêt attaqué a retenu que Miroslaw X… avait la qualité de dirigeant de fait de la société Boviandes ;
« aux motifs que les abus de biens sociaux ne peuvent être reprochés à Miroslaw X… que s’il a la qualité de dirigeant de la société ; que, si celui-ci était associé, fût-il ultra minoritaire, son rôle est allé bien au-delà puisqu’il résulte des diverses auditions que : – il a conduit les transactions de cession des actions de la SA Boviandes à une première société Exinas Costodial puis de celle-ci à la société Jenning & Hayes toutes les deux étant représentées par lui ; – il a conduit la stratégie de la société ainsi que l’ont relevé des salariés, un banquier et l’expert comptable ; – il a donné des ordres pour la marche courante de la société, le recrutement du personnel, la passation des marchés et des opérations de banque ; – il était seul titulaire de la signature sur la banque Coutts où a été transférée toute la trésorerie ; – il allouait des avantages aux dirigeants et des augmentations de salaire à la secrétaire Mme Y… ; – il a été signé par Jean Z…, en juin 2002, un contrat Pinnacle rédigé en anglais dont le montage et l’exécution émanaient de Miroslaw X… et dont les prestations ne correspondaient à rien selon l’expert de Secafi ; – après le licenciement d’Hubert A…, Miroslaw X… a demandé la désignation d’un expert-comptable ; qu’incontestablement, Miroslaw X… s’est bien immiscé dans les fonctions déterminantes pour la direction générale de l’entreprise ;
1) « alors que, est dirigeant de fait celui qui, en toute liberté et indépendance, exerce une activité positive de gestion et de direction de l’entreprise sous le couvert et aux lieu et place du représentant légal ; qu’en se bornant à relever qu’il résulte des diverses auditions que Miroslaw X… a conduit les transactions de cession des actions de la société Boviandes et la stratégie de la société, qu’il a donné des ordres pour la marche courante de la société, qu’il était seul titulaire de la signature sur une banque où a été transférée la trésorerie, qu’il allouait des avantages aux dirigeants et des augmentations de salaire à la secrétaire, qu’il a monté un contrat Pinnacle et qu’il a demandé la désignation d’un expert-comptable après le licenciement d’Hubert A… sans s’assurer que ces auditions étaient corroborées par des éléments matériels déterminants d’une gestion de fait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
2) « alors que, Miroslaw X… avait fait valoir, dans ses conclusions d’appel, qu’il n’avait pu, en aucune manière, être le donneur d’ordre au sein de la société Boviandes, en particulier à l’égard de Jean Z… et de Gilles B… dès lors qu’il ne parlait que le polonais, langue totalement étrangère aux deux dirigeants de droit, ce qui excluait qu’il ait agi en tant que dirigeant de fait de la société ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour a entaché sa décision de défaut de motifs » ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 246-2 du code de commerce, 121-3 du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, violation de la loi ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Miroslaw X… coupable d’abus de biens sociaux au préjudice de la société Boviandes ;
« aux motifs que l’examen du contrat « Pinnacle », signé le 1er juin 2002 par Jean Z… à la demande de Miroslaw X…, a mis en lumière que des honoraires à raison de 10 000 euros par mois ont été versés par la SA Boviandes sans aucune contrepartie pour les exercices 2002 et 2003 ; que les virements au profit de la société Pinnacle ont été effectués sur un compte ouvert à la banque Coutts, établissement bancaire dans lequel Miroslaw X… avait des intérêts personnels ; que c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les sommes ainsi versées par la SA Boviandes constituaient un usage contraire à l’intérêt de la société pour le seul intérêt de Miroslaw X… ;
1) « alors que, le délit d’abus de biens sociaux n’est constitué que si le prévenu a agi soit à des fins personnelles, soit pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé ; qu’en se bornant à relever que Miroslaw X… avait effectué des virements sur un compte ouvert au nom de la SA Boviandes à la banque Coutts à Zurich, établissement bancaire dans lequel Miroslaw X… avait des intérêts personnels et qu’il était l’unique titulaire de la signature sur ce compte pour engager la société, sans constater ni qu’il aurait été animé par la recherche d’un intérêt personnel ni davantage quels intérêts directs ou indirects il aurait eu dans la banque Coutts, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément intentionnel du délit et a privé sa décision de base légale ;
2) « alors que, le délit d’abus de biens sociaux nécessite la mauvaise foi du dirigeant social ; qu’il ne se déduit d’aucune des énonciations de l’arrêt que Miroslaw X…, qui s’était borné à proposer aux dirigeants sociaux la signature du contrat avec la société Pinnacle sans prendre part à son exécution, a agi de mauvaise foi ; que la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé le délit en tous ses éléments, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen » ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 246-2 du code de commerce, 121-3 du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, violation de la loi ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Miroslaw X… coupable de distribution de dividendes fictifs ;
« aux motifs que, le 29 juin 2002 et courant novembre 2002, des dividendes ont été distribués après la cession de parts, au profit, entre autres, de Miroslaw X… qui était à l’initiative de ces versements ; que la banque Coutts a enregistré un virement au profit de Jennings & Hayes de 274 560 euros sur le compte du titulaire Miroslaw X… sans qu’une délibération d’assemblée générale ni inventaire ni approbation de comptes n’aient été formalisés ce qui, en application de l’article L. 232-12 du code de commerce, les rend fictifs ; que le commissaire aux comptes a reconnu n’avoir pu obtenir le remboursement par Miroslaw X… de ces dividendes fictifs et s’était résolu à inscrire le montant sur le compte courant de l’associé Jennings & Hayes ;
1) « alors que, Miroslaw X… faisait valoir que les dividendes litigieux distribués ne pouvaient être qualifiés de dividendes fictifs en ce qu’ils étaient, pour le moins depuis 1998, inscrits aux bilans de la société, lesquels avaient été régulièrement approuvés par l’assemblée générale des actionnaires, conformément à la loi, que c’était sur la base du bilan 2001, approuvé par l’assemblée que la décision de rachat des actions de Jean Z… et d’Hubert A… par la société Exinas Custodial avait été prise et que les dividendes distribués au cours de l’année 2002 avaient été approuvés par l’assemblée générale des actionnaires à quatre reprises, constatant par là l’effectivité des bénéfices distribuables réalisés par la société depuis 1998 ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour a entaché sa décision de défaut de motifs ;
2) « alors que, la répartition des dividendes fictifs aux actionnaires doit avoir été opérée de mauvaise foi, c’est-à-dire en connaissance du caractère fictif des dividendes et de l’inexactitude de l’inventaire ; que Miroslaw X… faisait valoir que la distribution de dividendes n’avait été opérée qu’avec l’accord exprès du commissaire aux comptes qui avait confirmé la possibilité de cette distribution, ce dont il résultait que Miroslaw X… était de bonne foi et qu’il n’avait pas pu avoir conscience d’agir contre les intérêts de la société ; que la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’élément intentionnel de l’infraction, n’a pas légalement justifié sa décision » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits d’abus de biens sociaux et de distribution de dividendes fictifs dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros le montant de la somme que Miroslaw X… devra verser à Me C…, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de cession de la société Boviandes sur le fondement de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;