Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 31 mai 2006, 05-82.596, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 31 mai 2006, 05-82.596, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mai deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Pierre-Yves,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9e chambre, en date du 23 mars 2005, qui, pour banqueroute, abus de biens sociaux, et abus de confiance, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et 7 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires ampliatif et additionnel produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article L. 242-6, 3 , du code de commerce, de l’article 121-3 du code pénal, ensemble des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Pierre-Yves X… coupable d’abus de biens ou de crédit d’une société par action par un dirigeant à des fins personnelles, en ce qui concerne le règlement d’une facture personnelle de téléphone de Mme Y…, faits commis en 1997, à Paris, et, en répression, l’a condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 000 euros ;

« aux motifs qu’il est aussi reproché à Pierre-Yves X… d’avoir fait supporter par la société Business Perspectives, sans justification, une facture de téléphone, de novembre 1997, d’un montant de 1 295 francs, de sa compagne Saoudi Y… ; que ces faits, non contestés par le prévenu, caractérisent le délit d’abus de biens sociaux ;

« et aux motifs du tribunal que Pierre-Yves X… a reconnu que sa société Business Perspectives avait pris en charge, sans aucune contrepartie et sans aucune justification, le règlement d’une facture de téléphone de 1 295 francs, en novembre 1997, incombant en principe à sa compagne, Souadi Y… ; qu’ainsi, cet abus de biens sociaux est également caractérisé ;

« alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime ; d’où il suit qu’en se bornant à relever que le prévenu avait fait supporter à la société qu’il dirigeait le règlement d’une facture de téléphone de sa compagne, sans justificatif, sans constater sa mauvaise foi et donc d’intention délictueuse, la cour d’appel viole les textes visés au moyen » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l’article L. 626-2, 4 , du code de commerce, 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe de la liberté de la preuve en matière pénale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre-Yves X… coupable de banqueroute par tenue d’une comptabilité fictive en ce qui concerne la surévaluation du chiffre d’affaire par la comptabilisation de la totalité du chiffre d’affaires dès la signature des contrats de prestation de service et par la comptabilisation de factures ultérieurement annulées par des avoirs et, en répression, l’a condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 000 euros ;

« aux motifs que le grief de tenue d’une comptabilité fictive est établi pour l’exercice clos le 30 septembre 1997, dès lors que le prévenu a, ainsi que les premiers juges l’ont exactement énoncé, fait comptabiliser le dernier jour de l’exercice 1997 des factures d’un montant total de 2,9 millions de francs, qui ont été annulées, pour trois d’entre elles, dès le lendemain, par l’émission d’un avoir, et pour la quatrième (facture Predo de 1 809 000 francs) par l’émission d’un avoir le 30 septembre 1998 ; que, devant les premiers juges, Pierre-Yves X… n’avait pas été en mesure de produire des justificatifs susceptibles d’expliquer ces écritures comptables suspectes et qui paraissaient destinées à majorer artificiellement le chiffre d’affaires de la société ; que, devant la Cour, le conseil du prévenu produit aux débats un courrier, en date du 5 janvier 2005, de Gérard Z… faisant état de l’annulation de certaines factures en vue de les remplacer par des factures identiques mais libellées au nom d’une autre société appartenant au même groupe ; mais que ce courrier, dans lequel Gérard Z… relève d’emblée le « ton comminatoire » et « le caractère outrancier » de la demande émanant du conseil du prévenu, rédigé plus de sept ans après les faits, n’a pas de valeur probante et n’est pas de nature à remettre en cause la motivation pertinente par laquelle les premiers juges ont démontré le caractère fictif de ces écritures comptables ;

qu’il résulte encore de la procédure et notamment du rapport du cabinet A… que la société Business Perspectives, à laquelle étaient confiées des missions de type « directorat financier externe » d’un an renouvelable ou des missions ponctuelles de type obtention de financement, avait mis en place un système consistant à facturer la totalité des honoraires à la signature du contrat par le client, alors que la plupart du temps les contrats se déroulaient sur deux exercices, et ce, sans comptabilisation au passif, de produits constatés d’avance, pour la quote-part de la prestation se rapportant à l’exercice suivant ; que cette manière de procéder, reconnue par Pierre-Yves X… et par Gérard Z…, qui méconnaît sciemment la règle de l’annualité des comptes du droit comptable, a eu pour effet de surévaluer la situation nette de la société, dans une proportion évaluée, au 30 septembre 1997, à 2 millions de francs, par le cabinet A…, que le cabinet d’expertise comptable a, en outre, relevé que près de la moitié du chiffre d’affaires se rapportant aux « audits annuels », avaient été facturé au cours du dernier mois de l’exercice ; qu’en l’absence d’argument péremptoire présenté par Pierre-Yves X… au soutien de ses conclusions de relaxe de ce chef, la Cour infirmera sur ce point le jugement ; qu’en conséquence, la Cour déclarera Pierre-Yves X… coupable de banqueroute par tenue d’une comptabilité fictive en ce qui concerne la surévaluation du chiffre d’affaires, par la comptabilisation de la totalité du chiffre d’affaires dès la signature des contrats de prestations de services et par comptabilisation de factures ultérieurement annulés par des avoirs ;

« et aux motifs du tribunal, selon lesquels Pierre-Yves X… aurait tenu une comptabilité fictive de sa société par : – la comptabilisation de chiffres d’affaires dès la signature de contrats, alors que ce chiffre d’affaires se rapportait parfois à plusieurs exercice, – la prise en compte de produits constatés d’avance sans justification, – un étalement abusif, sur plusieurs exercices de certaines charges, – la comptabilisation de certaines factures sur un exercice, annulées l’exercice suivant par des « avoirs » ;

que, sur ce point, l’expert Guy A… a constaté, notamment sur l’exercice clos au 30 septembre 1997, que certaines factures avaient été comptabilisées en chiffre d’affaires le dernier jour de l’exercice, puis annulées par un avoir dès le premier jour l’exercice suivant ; que l’expert judiciaire a mis en exergue les opérations comptables suivantes qu’il a qualifiées « d’anomalies comptables sérieuses qui pourraient aussi être de nature délictuelle » : – facture de 442 000 francs du 30 septembre 1997 destinée au client SRPE, annulée par un avoir du 1er octobre 1997, premier jour de l’exercice suivant 1997/1998 ; – facture de 301 000 francs, du 30 septembre 1997, destinée au client Compagnie Financière de Valois, annulée par un avoir du 1er octobre suivant ; – facture de 361 000 francs, du 30 septembre 1997, destinée au même client, également annulée par un avoir au 1er octobre 1997 ; que l’expert A… a aussi mis en évidence une facture de 1 809 000 francs, en date du 30 septembre 1997, destinée au client PPEDC, étrangement annulée par un avoir du même montant daté, lui, du 30 septembre 1998 ; que Pierre-Yves X… a été dans l’incapacité de s’expliquer précisément sur la passation de ces factures annulées par des avoirs ; qu’ainsi, en ce qui concerne les écritures comptables relatives à la Financière de Valois, il a déclaré au tribunal : « Je suis incapable de dire pourquoi cela a été fait à ce moment-là » ; que l’annulation de ces factures par des avoirs, passés en comptabilité dès le lendemain mais sur un autre exercice, démontre le caractère fictif de cette facturation, laquelle n’avait pour but que d’augmenter le chiffre d’affaires de la société ; que les montants de ces fausses factures sont significatifs et de nature à profondément modifier la centralisation des comptes de la société et ses résultats ; que la passation et la comptabilisation de ces fausses factures caractérisent le délit de banqueroute par tenue d’une comptabilité fictive pour les exercices 1996/1997 et 1997/1998 visés dans la prévention ;

« alors que, d’une part, les exigences de motivation, ensemble celles résultant des exigences d’un procès équitable, imposent au juge d’examiner tous les éléments de preuve légalement admissibles ; qu’en écartant, dès lors, comme dépourvue de valeur probante le courrier du 5 janvier 2005 pour des raisons tenant exclusivement à la manière dont son rédacteur avait perçu la demande qui lui avait été faite, sans examen réel de la pertinence de son contenu par rapport à la preuve, la cour d’appel ne motive pas légalement son arrêt en contravention avec les textes assortissant le moyen ;

« alors que, d’autre part, dans ses conclusions (pages 29 et suivantes), Pierre-Yves X… versait tout un ensemble de nouvelles pièces établissant que les factures et les avoirs émis correspondaient à des opérations biens réelles, de sorte qu’en n’examinant pas ces pièces ni les explications les commentant, la cour d’appel ne motive pas légalement son arrêt et viole derechef les textes assortissant le moyen ;

« alors que, de dernière part, ne constitue pas le délit de banqueroute par production d’une comptabilité fictive, la seule méconnaissance de la spécialisation des exercices comptables ayant pour unique conséquence de donner, le cas échéant, une image infidèle du résultat des opérations de l’exercice dès lors que la facturation correspond à des opérations commerciales réelles ;

d’où il suit qu’en statuant comme elle le fait, la cour d’appel ne caractérise pas le délit de banqueroute par production d’une comptabilité fictive, laquelle n’était, selon les constatations de la Cour, qu’inexacte dans sa tenue et non fictive d’où la violation des textes assortissant le moyen » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre-Yves X… coupable d’abus de confiance, faits commis au préjudice de Mme Annie B… à hauteur de 700 000 francs en 1999, à Paris, et l’a condamné à payer à la partie civile en deniers ou quittance la somme de 106 714 euros à titre de dommages et intérêts et, en répression, l’a condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 000 euros ;

« aux motifs qu’Annie B… a établi, le 26 janvier 1999, un chèque de 700 000 francs au profit d la société Business Perspectives dont elle était une cliente ; qu’elle a libellé ce chèque à l’ordre de « compte séquestre BP SA » et a expliqué avoir agi sur les conseils du prévenu qui lui proposait de placer cette somme sur un compte séquestre rémunéré ; qu’au lieu de cela, le chèque a été porté, dès le 27 janvier 1999, au crédit du compte courant d’associé de Pierre-Yves X… et que la partie civile n’a pu, depuis lors, obtenir la restitution de cette somme qui avait été remise à Pierre-Yves X… à titre précaire dans le but d’en faire un usage déterminé ; que, devant la Cour, le prévenu, pour contester sa culpabilité, invoque, comme en première instance, l’existence d’un prêt personnel consenti par Annie B… ; que cette thèse est contredite, ainsi que l’ont pertinemment démontré les premiers juges, par les éléments de la procédure et ne saurait être retenue ;

que le prévenu doit réparation de l’intégralité du dommage causé à la victime ; que la Cour, infirmant sur ce point le jugement, condamnera le prévenu à payer à la partie civile la totalité de la somme détournée soit 106 714 euros ;

« et aux motifs adoptés du tribunal, selon lesquels Annie B… affirme avoir établi, le 26 janvier 1999, un chèque de 700 000 francs, tiré sur son compte personnel au CCF, au profit de la société Business Perspectives, dans le cadre d’un placement financier que lui avait conseillé Pierre-Yves X…, qu’elle connaissait par ailleurs pour avoir défendu ses intérêts dans un litige commercial, d’ordre familial ; que cette somme de 700 000 francs a, en réalité, été portée au crédit du compte courant d’associé de Pierre-Yves X… dans sa société Business Perspectives et ce, dès le 27 janvier 1999 ; que Pierre-Yves X… a contesté tout abus de confiance, affirmant que ces 700 000 francs n’étaient qu’un prêt personnel que lui aurait consenti Annie B… ;

qu’à l’appui de sa version, le prévenu a fait état de deux lettres d’Annie B… que la première du 26 janvier 2000 mentionne « Je vous confirme souhaiter le remboursement du prêt que je vous ai consenti le 26 janvier 1999 par 700 000 (…) j’ai bien noté que vous aviez inscrit le prêt que je vous ai consenti à titre personnel dans le compte courant ouvert à votre nom dans la société Business » ; que la seconde, du 13 mars 2001, indique : « Je vous confirme mon accord pour considérer votre dette éteinte dans sa totalité sous réserve d’un règlement de 400 000 francs » ; qu’Annie B…, qui s’est constituée partie civile à l’audience, a contesté les conditions d’établissement de ces documents, affirmant notamment que la lettre du 26 janvier 2000 n’était qu’un document qu’elle avait signé rapidement, dans un café de Paris, après une entrevue avec le prévenu, sans mesurer la portée des termes qu’il y avait mentionnés ; qu’en effet, ces documents sont en contradiction certaine avec le libellé du chèque du 26 janvier 1999 mis à l’ordre de : « compte séquestre BP SA », ce qui exclut toute possibilité d’un prêt personnel au profit du prévenu mais confirme au contraire la version de la partie civile ; que Pierre-Yves X… a prétendu avoir lui-même demandé à Annie B… d’établir le chèque à cet ordre afin de permettre un encaissement plus rapide, ce qui n’est ni prouvé ni crédible ; qu’Annie B… n’a pas pu décider seule de libeller son chèque à l’ordre de « compte séquestre BP SA » et que les indications qui lui ont été données en ce sens par Pierre-Yves X… démontrent qu’il était bien prévu de placer cette somme au profit de la société et non dans l’intérêt personnel de son dirigeant ; que la version de la partie civile est confortée par un autre élément ; qu’en effet, dès le 4 mai 1999, Annie B… a écrit, en lettre recommandée avec accusé réception, à la société Business Perspectives, à l’adresse de son siège social de l’époque (25, rue de Lûbeck à Paris 16ème) pour réclamer la restitution des 700 000 francs, faisant expressément référence au chèque « établi à l’ordre de Business Perspectives Compte séquestre » ; que cette lettre rapporte la preuve que le placement de la partie civile avait bien été effectué au bénéfice de la société du prévenu et que ce dernier a détourné les fonds, à son profit, pour les déposer sur son compte courant d’associé, trompant ainsi la confiance d’Annie B… ; qu’il s’ensuit que le délit est caractérisé et que Pierre-Yves X… sera jugé coupable de ce chef ;

« alors que, dans ses conclusions (page 36), Pierre-Yves X… faisait valoir que « les termes de ces deux courriers (26 janvier 2000 et 13 mars 2001) sont encore confirmé par une correspondance adressée par Annie B… à Pierre-Yves X… le 31 décembre 2002 dans laquelle, évoquant de nombreux problèmes financiers de Pierre-Yves X…, elle le relance sur le règlement « du moratoire de 400 000 francs soit 61 000 euros que je vous ai signé » (cf. pièces numéros 58 et 59) ; qu’en ne répondant pas à ce chef des conclusions faisant état d’une pièce non examinée par le tribunal et versée à l’appui de la thèse du prévenu relative à l’existence d’un prêt personnel, confirmée par l’observation selon laquelle un compte séquestre n’est pas rémunéré, que lui avait consenti Annie B…, la cour d’appel ne satisfait pas aux exigences de motivation des textes visés au moyen » ;

Et sur le moyen de cassation additionnel, pris de la violation de l’article 314-1 du code pénal, de l’article préliminaire du code de procédure pénale et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motivation et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre-Yves X… coupable d’abus de confiance, faits commis au préjudice d’Annie B… à hauteur de 700 000 francs en 1999, à Paris, et l’a condamné à payer à la partie civile en deniers ou quittance la somme de 106 714 euros à titre de dommages et intérêts et, en répression, l’a condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 000 euros ;

« aux motifs qu’Annie B… a établi, le 26 janvier 1999, un chèque de 700 000 francs au profit de la société Business Perspectives dont elle était une cliente ; qu’elle a libellé ce chèque à l’ordre de « compte séquestre BP SA » et a expliqué avoir agi sur les conseils du prévenu qui lui proposait de placer cette somme sur un compte séquestre rémunéré ; qu’au lieu de cela, le chèque a été porté, dès le 27 janvier 1999, au crédit du compte courant d’associé de Pierre-Yves X… et que la partie civile n’a pu, depuis lors, obtenir la restitution de cette somme qui avait été remise à Pierre-Yves X… à titre précaire dans le but d’en faire un usage déterminé ; que, devant la Cour, le prévenu, pour contester sa culpabilité, invoque, comme en première instance, l’existence d’un prêt personnel consenti par Annie B… ; que cette thèse est contredite, ainsi que l’ont pertinemment démontré les premiers juges, par les éléments de la procédure et ne saurait être retenue ;

que le prévenu doit réparation de l’intégralité du dommage causé à la victime ; que la Cour, infirmant sur ce point le jugement, condamnera le prévenu à payer à la partie civile la totalité de la somme détournée soit 106 714 euros ;

« et aux motifs adoptés du tribunal, selon lesquels Annie B… affirme avoir établi, le 26 janvier 1999, un chèque de 700 000 francs, tiré sur son compte personnel du CCF, au profit de la société Business Perspectives, dans le cadre d’un placement financier que lui avait conseillé Pierre-Yves X…, qu’elle connaissait par ailleurs pour avoir défendu ses intérêts dans un litige commercial, d’ordre familial ; que cette somme de 700 000 francs a, en réalité, été portée au crédit du compte courant d’associé de Pierre-Yves X… dans sa société Business Perspectives et ce, dès le 27 janvier 1999 ; que Pierre-Yves X… a contesté tout abus de confiance, affirmant que ces 700 000 francs n’étaient qu’un prêt personnel que lui aurait consenti Annie B… ;

qu’à l’appui de sa version, le prévenu a fait état de deux lettres d’Annie B… que la première du 26 janvier 2000 mentionne « Je vous confirme souhaiter le remboursement du prêt que je vous ai consenti le 26 janvier 1999 par 700 000 (…) j’ai bien noté que vous aviez inscrit le prêt que je vous ai consenti à titre personnel dans le compte courant ouvert à votre nom dans la société Business » ; que la seconde, du 13 mars 2001, indique : « Je vous confirme mon accord pour considérer votre dette éteinte dans sa totalité sous réserve d’un règlement de 400 000 francs » ; qu’Annie B…, qui s’est constituée partie civile à l’audience, a contesté les conditions d’établissement de ces documents, affirmant notamment que la lettre du 26 janvier 2000 n’était qu’un document qu’elle avait signé rapidement, dans un café de Paris, après une entrevue avec le prévenu, sans mesurer la portée des termes qu’il y avait mentionnés ; qu’en effet, ces documents sont en contradiction certaine avec le libellé du chèque du 26 janvier 1999 mis à l’ordre de : « compte séquestre BP SA », ce qui exclut toute possibilité d’un prêt personnel au profit du prévenu mais confirme au contraire la version de la partie civile ; que Pierre-Yves X… a prétendu avoir lui-même demandé à Annie B… d’établir le chèque à cet ordre afin de permettre un encaissement plus rapide, ce qui n’est ni prouvé ni crédible ; qu’Annie B… n’a pas pu décider seule de libeller son chèque à l’ordre de « compte séquestre BP SA » et que les indications qui lui ont été données en ce sens par Pierre-Yves X… démontrent qu’il était bien prévu de placer cette somme au profit de la société et non dans l’intérêt personnel de son dirigeant ; que la version de la partie civile est confortée par un autre élément ; qu’en effet, dès le 4 mai 1999, Annie B… a écrit, en lettre recommandée avec accusé réception, à la société Business Perspectives, à l’adresse de son siège social de l’époque (25, rue de Lûbeck à Paris 16ème) pour réclamer la restitution des 700 000 francs, faisant expressément référence au chèque « établi à l’ordre de Business Perspectives Compte séquestre » ; que cette lettre rapporte la preuve que le placement de la partie civile avait bien été effectué au bénéfice de la société du prévenu et que ce dernier a détourné les fonds, à son profit, pour les déposer sur son compte courant d’associé, trompant ainsi la confiance d’Annie B… ; qu’il s’ensuit que le délit est caractérisé et que Pierre-Yves X… sera jugé coupable de ce chef ;

« alors que les juges n’ont pas établi que la somme de 700 000 francs figurant sur le chèque du 26 janvier 1999 ait été détournée ; que la circonstance que ce chèque ait été libellé à l’ordre du « compte séquestre » de Business Perspectives et le fait que Mme Annie B… ait réclamé le remboursement de son montant par lettre recommandée du 4 mai 1999 ne sauraient suffire à établir que la partie civile aurait chargé la société de faire un placement financier pour son compte ; qu’en effet, d’une part, Business Perspectives avait pour objet social de fournir des prestations de « conseil financier » à ses clients et ne pouvait pas, en l’état de la réglementation bancaire, effectuer des placements pour leur compte ; que le « compte séquestre » de la société, par sa nature même, ne pouvait pas donner lieu à rémunération des sommes qui y étaient versées ; que les juges n’ont pas relevé l’existence d’un contrat définissant les conditions dans lesquelles Business Perspectives aurait été chargée de faire un placement financier pour le compte de Mme Annie B… ; que, d’autre part, la lettre du 4 mai 1999, contrairement à ce qu’ont affirmé les premiers juges en dénaturant les termes de ce courrier, a été adressée à Pierre-Yves X… » personnellement et non à la société ; que, dans cette lettre, Annie B… demandait à Pierre-Yves X… de lui restituer le montant du chèque litigieux et ne faisait pas allusion à un placement financier dont elle aurait chargé Business Perspectives ; qu’en conséquence, rien ne permet de démentir les indications du demandeur selon lesquelles il avait demandé à la partie civile de libeller le chèque à l’ordre du compte séquestre » de la société pour en accélérer l’encaissement ;

« et alors qu’il ressort clairement des quatre lettres adressées postérieurement à Pierre-Yves X… par Annie B… le 26 janvier 2000, le 2 janvier 2001, le 13 mars 2001 et le 31 décembre 2002, toutes produites aux débats de première instance et d’appel, qu’il s’agissait d’un prêt personnel consenti au demandeur par la partie civile, de sorte que la remise des fonds n’a pas été faite à titre précaire mais a entraîné un transfert de propriété, exclusif de tout détournement » ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 314-1 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe de la réparation intégrale ;

« en ce que l’arrêt attaqué, après avoir déclaré Pierre-Yves X… coupable d’abus de confiance, faits commis au préjudice d’Annie B… à hauteur de 700 000 francs en 1999, à Paris, l’a condamné à payer à la partie civile en deniers ou quittance, la somme de 106 714 euros à titre de dommages et intérêts ;

« aux motifs qu’Annie B… a établi, le 26 janvier 1999, un chèque de 700 000 francs au profit de la société Business Perspectives dont elle était une cliente ; qu’elle a libellé ce chèque à l’ordre de « compte séquestre BP SA » et a expliqué avoir agi sur les conseils du prévenu qui lui proposait de placer cette somme sur un compte séquestre rémunéré ; qu’au lieu de cela, le chèque a été porté, dès le 27 janvier 1999, au crédit du compte courant d’associé de Pierre-Yves X… et que la partie civile n’a pu depuis lors obtenir la restitution de cette somme qui avait été remise à Pierre-Yves X… à titre précaire dans le but d’en faire un usage déterminé ; que, devant la Cour, le prévenu, pour contester sa culpabilité, invoque, comme en première instance, l’existence d’un prêt personnel consenti par Annie B… ; que cette thèse est contredite, ainsi que l’ont pertinemment démontré les premiers juges, par les éléments de la procédure et ne saurait être retenue ;

que le prévenu doit réparation de l’intégralité du dommage causé à la victime ; que la Cour, infirmant sur ce point le jugement, condamnera le prévenu à payer à la partie civile la totalité de la somme détournée soit 106 714 euros ;

« alors que, en l’état d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte contre la société Business Perspectives le 3 juin 1999, les possibilités de remboursement par celle-ci de la somme de 700 000 francs s’avéraient nécessairement compromises pour ne pas dire davantage, de sorte que le détournement commis par Pierre-Yves X… n’avait pu générer un préjudice égal au montant de la somme détournée ; qu’en décidant néanmoins, sans autre motivation, que le prévenu devait réparation de l’intégralité du dommage causé à la victime qui s’élevait à la totalité de la somme détournée, la cour d’appel méconnaît les textes assortissant le moyen » ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 121-3 du code pénal, de l’article L. 242-6, 3 , du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Pierre-Yves X… coupable pour les faits qualifiés d’abus des biens ou du crédit d’une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles, en ce qui concerne le compte courant d’associé débiteur, faits commis en 1998 et 1999 à Paris et, en répression, l’a condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 7 000 euros ;

« aux motifs que, pour solliciter sa relaxe de ce chef, Pierre-Yves X…, qui ne conteste pas la matérialité des faits, soutient vainement que l’élément intentionnel du délit d’abus de biens sociaux ferait défaut ;

« et aux motifs adoptés du tribunal, selon lesquels il résulte de la comptabilité de la SA Business Perspectives et de l’expertise comptable confiée par le tribunal de commerce à l’expert Guy A…, que le compte courant du prévenu a été débiteur dans les conditions suivantes : exercice 1996/97 : du 15 novembre 1996 au 30 septembre 1997 avec un maximum de 1 174 000 francs ;

exercice 1997/98 : du 1er octobre 1997 au 15 novembre 1997 avec un maximum de 88 000 francs, du 30 octobre 1997 au 21 novembre 1997 avec un maximum de 132 000 francs, du 22 juin 1998 au 30 septembre 1998 avec un maximum de 613 000 francs ; exercice 1998/1999 : du 1er octobre 1998 au 19 octobre 1998 avec un maximum de 558 000 francs, du 20 octobre 1998 au 2 novembre 1998 avec un maximum de 225 000 francs, du 19 novembre 1998 au 23 novembre 1998 avec un maximum de 115 000 francs, du 14 décembre 1998 au 20 janvier 1999 avec un maximum de 346 000 francs ; que Pierre-Yves X… n’a bien évidemment pas contesté la matérialité de ces faits telle qu’elle ressort de la comptabilité de la société et des conclusions de l’expert judiciaire ;

que le prévenu a contesté l’élément intentionnel du délit en faisant observer que son compte courant était toujours ramené à zéro en fin d’exercice et qu’il était créditeur de 912 000 francs lorsqu’il a déposé le bilan de son entreprise ; qu’il ressort des observations pertinentes de l’expert judiciaire que le compte courant du prévenu a été débiteur pendant presque tout l’exercice 1996/97, pendant quatre mois et demi lors de l’exercice 1997/1998 et pendant deux mois au début de l’exercice 1998/1999 ; que ce compte a été débiteur pour des montants très élevés ; qu’en conséquence, en raison de la durée de cette position abusivement débitrice et des montants de ces découverts, Pierre-Yves X… était nécessairement conscient du délit qu’il commettait ; que l’élément intentionnel de ce délit ressort également de la volonté de masquer ces prélèvements abusifs par des jeux d’écritures, en fin d’exercice, pour ramener le compte courant de Pierre-Yves X… à zéro au 30 septembre ; qu’ainsi, une écriture d’OD (Opérations Diverses) a été portée le 30 septembre 1997 au crédit du compte du prévenu d’un montant de 1 690 000 francs pour annuler sa dette de 1,7 million de francs à l’égard de sa société ; qu’il a, pour ce faire, eu recours à l’apport de 1,7 million de francs d’une nouvelle actionnaire de Business Perspectives, Nicome (Nicole ?) C…, veuve D…, apport qu’il a fait porter anormalement sur son compte courant d’associé, en expliquant à la nouvelle actionnaire l’intérêt pour la société de « fusionner » leurs deux comptes courants ; qu’il est certain que cette anormale « fusion » des comptes courants n’avait qu’un seul but : permettre au prévenu d’accaparer l’apport de 1,7 million de francs et de « régulariser » son compte personnel dans Business Perspectives ; que, de même, Pierre-Yves X… a eu recours, en fin d’exercice 1997/1998, à des virements inexpliqués d’une autre de ses sociétés, la SA Patidef (pâtisserie industrielle) afin de ramener son compte courant d’associé à zéro au 30 septembre 1998 ; que l’expert A… explique bien que, sans ces apports de Patidef à hauteur de 2,1 millions de francs sur cet exercice, le compte courant du prévenu aurait été très fortement débiteur ; que, sur le dernier exercice 1998/1999, la SA Patidef a viré au crédit du compte courant de Pierre-Yves X… 1,4 million de francs, ce qui explique son compte courant créditeur de 1,5 million de francs au 31 mars 1999 ;

qu’il apparaît d’ailleurs que, dans les semaines qui ont précédé le dépôt de bilan, le prévenu, conscient de la déconfiture certaine de son entreprise, n’a pas hésité à puiser dans son compte courant pour retirer, dans son intérêt, de fortes sommes jusqu’au jour du dépôt de bilan, son compte courant n’étant plus créditeur que de 912 000 francs, que ces faits, qui ne sont pas reprochés au prévenu, aurait pu s’analyser en un délit de banqueroute ; qu’en conséquence, l’infraction d’abus de biens sociaux reprochée à Pierre-Yves X…, par un compte courant débiteur, est caractérisée en tous ces éléments et qu’il sera jugé coupable de ce chef ;

« alors que la couverture de son compte courant, ayant accusé des positions débitrices, par Pierre-Yves X… volontairement et dans d’importantes proportions avant la date du dépôt de bilan exclut par-là même l’existence de l’élément intentionnel du délit d’abus de biens sociaux, de sorte que l’arrêt, qui constate qu’au jour du dépôt de bilan le compte courant de Pierre-Yves X… était créditeur de 912 000 francs, ne tire pas les conséquences légales de ses constatations en violation des textes visés au moyen » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être


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