Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– La société X…, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PAU, en date du 13 novembre 2001, qui, dans l’information ouverte, sur sa plainte, contre Georges et Pierre Y…, des chefs d’abus de biens sociaux et complicité, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l’article 575, alinéa 2, 3 , du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles des articles 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, L. 242.6 du Code de commerce 7, 8, 575 alinéa 2, 3 et 6 , et 593 du Code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a prononcé un non-lieu s’agissant des faits d’abus de biens sociaux dénoncés dans la plainte de la société X… déposée le 16 juillet 1996 ;
« aux motifs qu’en application de la jurisprudence constante le point de départ de l’abus de biens sociaux n’est pas le jour où le délit a été effectivement découvert mais celui où il est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique, à condition toutefois que les faits n’aient pas fait l’objet d’une dissimulation ; qu’en l’espèce, il a été établi par l’information, et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté, qu’avant la cession des parts sociales, intervenue en novembre 1992, les nouveaux acquéreurs se sont naturellement préoccupés de la propriété des brevets et plus particulièrement de celui qui est ici en cause ; qu’ils ne pouvaient manifestement pas ignorer que Georges Y… en avait été titulaire et qu’il venait de le vendre à la SA X… ; que d’ailleurs tant le contrat de concession consenti le 14 septembre 1979 par Georges Y…, en sa qualité de titulaire du brevet qu’il venait de déposer, à la SA
X…, que le contrat de vente de ce brevet intervenu entre les mêmes parties le 30 juin 1992, ont régulièrement figuré dans les documents comptables de la société et n’ont fait l’objet d’aucune dissimulation ; que s’il en était besoin, la preuve de la connaissance par les nouveaux acquéreurs de la cession du brevet du 30 juin 1992 résulterait encore de la réponse qu’ils ont faite à l’administration Fiscale le 14 janvier 1994 et dans laquelle ils indiquent qu’en date du 29/12/1992, la compagnie financière X… a acheté à ses anciens actionnaires la société X…, sur la base de sa situation nette au 30/9/1992 après audit mené par le cabinet Constantin ; à l’actif de la société figurait un poste « brevets » pour 1 700 000 francs correspondant à l’invention d’un coffret présentoir ; ce poste correspondait à une cession de brevet intervenue le 30/6/1992 entre Georges Clément Y… et la société X… pour les brevets suivants ; ce contrat de cession avait été dûment enregistré à PAU le 14/9/1992 ; le prix de cession basé, d’une part, sur les redevances moyennes annuelles des exercices 1989, 1990, 1991 dues par la société X… à Georges Y…, et, d’autre part, sur la durée de vie restant à courir de ces brevets, nous est apparu réaliste tant au cabinet Constantin qu’aux actionnaires de la compagnie financière X… ; qu’ainsi, non seulement il n’y a pas eu dissimulation de la cession des brevets par Georges Y… et par conséquent de ce que, à tort ou à raison, il en était le propriétaire, mais il est de plus établi que la partie civile en a eu connaissance avant la cession des actions du mois de novembre 1992 dans des conditions qui lui ont permis d’exercer l’action publique ; que c’est donc à cette dernière date qu’il y a lieu de fixer le point de départ du délai de prescription ; que d’ailleurs, même s’il n’en avait pas été ainsi, la présentation au mois de juin 1993, à l’assemblée des actionnaires des comptes sociaux, dont il n’est pas allégué, et encore moins prouvé, qu’ils aient contenu une dissimulation, aurait également pu constituer le point de départ de ce délai ; qu’au surplus, l’administration Fiscale n’a remis en cause la propriété du brevet qu’au vu des documents comptables dont les nouveaux actionnaires avaient eu connaissance au moment de l’acquisition des parts sociales et, à tout le moins, lors de l’approbation des comptes sociaux de juin 1993 ; qu’en conséquence, la prescription était déjà acquise lorsque la plainte a été déposée le 16 juillet 1996 et que l’ordonnance dont il a été relevé appel doit donc être confirmée ;
« alors, d’une part, que le point de départ de la prescription est le jour où l’abus de biens sociaux a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique ; que la dissimulation de paiements indûment mis à la charge d’une société ou la dissimulation de l’absence de cause pour une société de l’acte juridique justifiant un tel paiement permet de repousser le point de départ de la prescription après la présentation des comptes sociaux de l’année au cours de laquelle les paiements ont été effectués ou l’acte juridique passé ; que, dans des conclusions régulièrement déposées, la société X… soutenait que les abus de biens sociaux que constituaient le versement d’une redevance à Georges Y… en qualité de concédant d’une licence d’un brevet d’invention et le versement du prix de la cession de ce même brevet, n’avaient pu apparaître qu’au jour où la société X… avait découvert que Georges Y… n’était pas l’inventeur du « coffret présentoir » qui avait fait l’objet dudit brevet, soit à l’occasion d’un redressement fiscal, qui avait conduit la société X… à constater, sur les révélations de M. Z…, ancien salarié de l’entreprise, que ce dernier était l’inventeur du brevet ; qu’en effet, contrairement à ce qu’a affirmé la cour d’appel, les documents comptables dont elle fait état, fournis à l’administration Fiscale, soit le contrat de
cession, et même le contrat de concession de licence, ne permettaient pas constater l’inexistence des droits de Georges Y…, par leur existence même et, surtout, dès lors que le brevet d’invention présentait effectivement Georges Y… comme l’inventeur du « coffret présentoir » ; que seules les révélations émanant du véritable inventeur du brevet, salarié à l’époque de l’invention, permettaient de constater que la société X… avait toujours été propriétaire du brevet, et non la seule analyse des contrats de concession de licence et de cession du brevet ; que par conséquent, en ne répondant pas au chef péremptoire des conclusions de la société X…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
« et alors, d’autre part, qu’en tout état de cause, le juge pénal a seul compétence pour statuer sur une question de droit, ne pouvant déléguer cette fonction à une autorité administrative ; que la cour d’appel n’a pas expliqué en quoi les documents comptables sur lesquels l’administration fiscale s’était appuyée permettaient de constater que Georges Y… n’était pas propriétaire du brevet d’invention et a fortiori qu’il n’en était pas l’inventeur, alors que les constatations de l’administration fiscale n’ont aucune autorité sur le juge pénal, que la société X… soutenait que le redressement fiscal avait été l’occasion pour elle de constater que Georges Y… n’était pas l’inventeur du brevet, non pas tant par les conclusions auxquelles aboutissait cette dernière, mais par les révélations d’un ancien salarié de la société qui était le véritable inventeur du « coffret présentoir » et, enfin, sans avoir recherché si les documents comptables ne prouvaient pas une dissimulation de la réalité de la propriété ou de la qualité d’inventeur du brevet, non seulement à l’administration fiscale mais également à la société X… ; qu’en se contentant de renvoyer aux constatations de l’administration Fiscale dont les décisions n’ont pourtant aucune autorité à son égard, la Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Pau a privé sa décision de base légale, ne permettant pas à la Cour de Cassation d’exercer son contrôle » ;
Attendu que, pour retenir la prescription de l’action publique et confirmer l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction, la chambre de l’instruction se détermine par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la date à laquelle la partie civile a eu connaissance des faits dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique, elle a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;