Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 octobre 2002, 01-86.810, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 octobre 2002, 01-86.810, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, et de Me BLONDEL, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Dominique,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 30 août 2001, qui, pour présentation de comptes infidèles, escroquerie, abus de biens sociaux, complicité et usage de faux, l’a condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et à 2 000 000 de francs CFP d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 242-6 du Code de commerce, 7, 8, 203, et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a refusé de constater l’extinction des poursuites par acquisition de la prescription de l’action publique ;

« aux motifs qu’en matière d’abus de biens sociaux, le point de départ de la prescription n’est pas celui de la date de commission des faits, mais la date à laquelle les faits sont apparus dans des conditions permettant l’exercice des poursuites ; qu’il convient de rappeler également que les actes interruptifs de prescription produisent leurs effets non seulement à l’égard des faits poursuivis mais également à l’égard de tous les faits connexes que l’information peut révéler par la suite ; que pendant de nombreuses années toutes les infractions révélées par la prévention sont longtemps restées occultes et qu’elles ne sont apparues, dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique, qu’à la suite d’une plainte d’un nommé Bertrand de Y…, laquelle a provoqué l’ouverture, le 30 octobre 1992, d’une information du chef d’escroquerie et d’infractions à la législation sur les sociétés, bientôt suivie de quatre réquisitoires supplétifs en date des 2 octobre 1993, 4 février 1994, 5 janvier 1995 et du 6 septembre 1996, des chefs d’abus de biens sociaux, de présentation de compte infidèles, faux et usage de faux ; que suite à l’ordonnance de renvoi en date du 22 décembre 1998 qui a purgé les éventuels vices de la procédure et à l’absence de demande d’annulation, les diligences effectuées lors de l’information ont interrompu la prescription des infractions commises de 1989 à 1992 et rendent irrecevables les critiques formulées par le prévenu quant à la validité de tels actes ;

« alors, d’une part, que la prescription de l’action publique du chef d’abus de biens sociaux court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société ;

qu’en se bornant à énoncer que les infractions relevées par la prévention sont longtemps demeurées occultes et qu’elles ne sont apparues qu’à la suite de la plainte de Bertrand de Y…, les juges d’appel n’ont pas caractérisé l’existence d’une dissimulation, dans les comptes, des opérations litigieuses effectuées de juillet 1990 au 30 juin 1992 qui figuraient régulièrement dans les comptes annuels des exercices des années 1990, 1991 et 1992 ; qu’à la date du réquisitoire supplétif du 6 septembre 1996 – en l’interprétant même comme visant pour la première fois ces prélèvements prétendument abusifs, commis au préjudice de la société Brapac à hauteur de 13 751 000 francs CFP – un délai de plus de trois ans s’était donc écoulé entre la présentation des comptes et l’acte interruptif, en sorte que les faits reprochés étaient prescrits ; qu’en statuant par de tels motifs, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision ;

« alors, d’autre part, que la connexité prévue par l’article 203 du Code de procédure pénale ne se présume pas ; qu’en se bornant à relever que l’acte interruptif de la prescription de l’action publique vaut pour les faits poursuivis comme pour tous les faits connexes que l’information peut révéler par la suite, sans préciser quels éléments permettraient de retenir un lien de connexité non visé dans les termes de la loi, entre les faits d’escroquerie et les abus de biens sociaux dénoncés plus de trois ans après le point de départ de la prescription triennale, l’arrêt attaqué, en présumant un tel lien, n’a pas mis en mesure la Cour de Cassation d’exercer son contrôle et violé les textes susvisés » ;

Attendu que, pour écarter la prescription de l’action publique du chef d’abus de bien sociaux, la cour d’appel prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors qu’il s’est écoulé moins de trois ans entre les dates auxquelles ont été approuvés les comptes mentionnant les opérations litigieuses et celle du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, visant des faits connexes d’infractions à la loi sur les sociétés commerciales, déposée le 14 octobre 1992, les juges ont justifié leur décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 242-6 du Code de commerce, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Dominique X… coupable de présentation de comptes infidèles et l’a condamné de ce chef ;

« aux motifs d’abord que la Cour relève que la falsification des comptes a été volontaire ; ce fait est avéré ;

l’audition du personnel comptable du groupe et l’examen des rapports préparatoires des commissaires aux comptes est édifiante sur ce point ; la falsification avait pour but d’améliorer les comptes produits aux actionnaires et aux banques et de les persuader que la restructuration promise produisait ses effets et ce, d’autant que Dominique X… s’accordait des avantages dans les opérations de restructuration et qu’il s’était porté caution (à hauteur de plus de 1 000 000 francs FCP) de tous les engagements de la société (arrêt p. 19) ;

« ensuite que sur la peine, la Brasserie du Pacifique est actuellement dirigée par d’autres et a satisfait aux obligations financières de son règlement amiable ; par le jeu de ses cautions personnelles, Dominique X… a contribué à la solution des difficultés autrefois rencontrées par cette société (p. 27) ;

« alors que le délit de présentation et de publication de comptes infidèles prévu par l’article 242-6 du Code de commerce suppose la présentation de comptes ne donnant pas une image fidèle de la situation financière et du patrimoine en vue de dissimuler la véritable situation de la société ;

« d’où il résulte que la Cour, qui impute à Dominique X… le délit qu’elle caractérise par sa volonté de persuader que la restructuration promise de l’entreprise produisait ses effets, tout en relevant ensuite que cette restructuration a précisément produit ses effets – au demeurant grâce aux efforts de Dominique X… – n’a nullement caractérisé les éléments de l’infraction » ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de présentation de comptes infidèles, la cour d’appel retient que Dominique X… avait fait procéder à des réévaluations incessantes des valeurs d’actif, sans référence aux règles comptables usuelles, que, dans les comptes de la société Sullivan, le montant des dommages et intérêts escomptés à l’issue d’un procès en cours a été comptabilisé par anticipation, ce qui a permis de faire apparaître un actif net positif de 27 millions de francs CFP, alors qu’il était en réalité négatif de 67 millions ;

que, dans les comptes de la société Brasserie du Pacifique, la constitution de provisions pour créances douteuses et pour dépréciation de la participation de la société au capital de la société Sullivan a été omise, l’actif net étant ainsi amélioré de 74 millions de francs CFP, et que les dirigeants sociaux ont, en connaissance de cause, présenté aux actionnaires et aux tiers des comptes ne donnant pas une image fidèle de la situation des deux sociétés ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 313-1 du Code pénal, 388, 485, et 593 du Code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Dominique X… coupable d’escroquerie et l’a condamné de ce chef ;

« aux motifs d’abord que la Cour observe qu’il n’y a pas double poursuite pour un même fait, mais bien poursuite de deux faits distincts sous deux qualifications appropriées ; les comptes falsifiés ont été présentés aux actionnaires des sociétés Sullivan et Brasserie du Pacifique, lors des assemblées générales ordinaires qui se sont tenues en janvier 1990, décembre 1990, novembre 1991 ;

ces faits sont poursuivis sous la présentation de faux bilans ; c’est à des dates différentes et lors d’assemblées générales extraordinaires que Dominique X… a proposé aux actionnaires des sociétés Sullivan et Brasserie du Pacifique des augmentations de capital ;

ces faits ont donné lieu à remise ou à décharge ; ils sont poursuivis sous la qualification d’escroquerie ; ce sont donc bien des faits distincts qui sont reprochés au prévenu, même si ce dernier s’est en partie servi des bilans falsifiés à l’occasion de la commission de la seconde série de faits »(p. 20) ;

« alors que si le délit de présentation de comptes infidèles a permis la commission de l’escroquerie, la cassation à intervenir sur la première infraction emporte par voie de conséquence l’annulation de la seconde ;

« aux motifs ensuite que la Cour relève que le délit d’escroquerie est caractérisé en tous ses éléments constitutifs et relève par exemple que l’assemblée générale extraordinaire en date du 27 mars 1990 a décidé de porter le capital de la Brasserie du Pacifique de 267 millions à 468 millions par l’émission de 20 0000 nouvelles actions de 10 000 francs CFP, la souscription étant subordonnée au paiement d’une prime de 8 000 francs CFP, destinée à ne pas léser les anciens actionnaires eu égard à la valeur de l’actif net de l’entreprise, sachant que le montant de cette prime est presque égal au montant de l’action émise ; que la plupart des actionnaires ont refusé de souscrire à l’augmentation proposée, à l’exception de MM. Z… et A… et de la société STEB qui ont acquis quelques parts et de la société STEP qui a en revanche massivement participé à l’augmentation et est devenue à cette occasion, majoritaire ; que la situation active nette de la société, étant en réalité de moins 210 millions, au lieu des plus 79 millions annoncés, l’exigence d’une prime ne se justifiait pas, en sorte que ceux qui ont dû payer une prime d’un tel montant pour avoir une action dont la valeur mathématique était nulle, ont été escroqués ;

parallèlement, tous ceux qui ont été dissuadés de souscrire à l’augmentation de capital, en raison du montant élevé de la prime d’émission, ont été également escroqués car ils se sont détournés d’une opération qui a permis à la SEDEP, contrôlée par le prévenu, de devenir l’actionnaire majoritaire de la société Brasserie du Pacific et du groupe, et par là-même ont été corrélativement, en raison de la dilution du capital, en partie dépossédés des droits attachés à leurs actions (dividendes et vote) ;

« alors s’agissant des actionnaires dissuadés de souscrire à l’augmentation de capital , d’une part que les juridictions répressives ne peuvent statuer légalement que sur les faits dont elles sont saisies ; qu’en l’espèce, le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance de renvoi pour avoir, en présentant des comptes ne donnant pas une image fidèle des sociétés Brasserie du Pacifique et Sullivan, trompé les candidats à l’augmentation de capital, pour les déterminer à s’y engager ;

qu’ainsi les présentations litigieuses ayant abouti aux engagements souscrits par certains associés entraient seules dans le champ de la prévention, en sorte que l’abstention des candidats qui ont renoncé à la souscription supplémentaire de capital, ne relevait pas de la prévention ; qu’en déclarant néanmoins le prévenu coupable d’avoir escroqué des actionnaires qui ont pourtant refusé de souscrire à cette augmentation, la Cour d’Appel a excédé ses pouvoirs ;

« alors, d’autre part, que l’escroquerie suppose la remise de fonds, valeurs ou bien quelconque ; d’où il résulte que faute de toute remise, la Cour ne pouvait juger que les actionnaires dissuadés de souscrire à l’augmentation de capital en raison du montant de la prime d’émission avaient été « escroqués » ;

« et alors en tout état s’agissant de l’ensemble des actionnaires que la prime d’émission a pour objet d’égaliser les droits des actionnaires anciens et nouveaux lorsqu’il existe des réserves ou des plus-values d’actif apparentes ou occultes ; d’où il résulte que la Cour qui caractérise la fraude au regard de la seule situation active d’une société en cours de restructuration, sans prendre en compte les plus-values latentes résultant de cette restructuration, n’a pas caractérisé l’infraction d’escroquerie » ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d’escroquerie, la cour d’appel énonce, notamment, que les dirigeants sociaux ont déterminé des actionnaires à souscrire aux augmentations de capital des sociétés Sullivan et Brasserie du Pacifique, aux prix proposés, après les avoir trompés sur la situation réelle des sociétés, en leur présentant des comptes ne donnant pas une image fidèle de cette situation ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait prospérer ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 225-43 et 242-6 du Code de commerce pris en son alinéa troisième, 111-4 du Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation de la loi, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que la Cour a déclaré Dominique X… coupable du délit d’abus de biens sociaux ;

« aux motifs – s’agissant du prélèvement de 13 751 000 francs CFP – qu’il ressort des pièces du dossier qu’en contrepartie des fonctions qu’il exerçait dans le groupe, Dominique X… percevait de la société Brassserie de Tahiti (il faut lire du Pacifique) une somme de 500 000 francs CFP par mois, soit 6 millions CFP par an ; qu’en fait l’examen des comptes sociaux a permis de constater que l’intéressé percevait également de cette société une somme de 8 500 000 francs CFP par an ; que cette somme était destinée à compenser le fait qu’il avait dû donner sa caution personnelle pour la plupart des emprunts faits par les sociétés du groupe ;

la Cour observe, incidemment, que l’attribution d’une somme de 8 500 000 francs CFP par an pour compenser les cautions personnelles données par Dominique X… sont formellement prohibées par la loi (l’article 106 de la loi du 25 juillet 1966 interdit aux administrateurs de faire cautionner ou avaliser par la société leurs engagements envers les tiers) ;

la Cour relève encore que c’est au total une somme de 14 500 000 francs CFP par an que Dominique X… était censé percevoir de la Brasserie du Pacifique, soit, rapportée à la période août 1990 / août 1992, une somme de 30 millions de francs CFP, mais que l’examen de deux comptes bancaires personnels à l’intéressé (D 262, D 318) a révélé que Dominique X… a reçu de la Brasserie du Pacifique une somme de 43 751 000 francs CFP entre août 1990 et août 1992 et qu’ainsi 13 751 000 francs CFP restaient et restent inexpliqués et qu’en l’absence d’explications cohérentes du prévenu, il est légitime de présumer, de sa part, un détournement de fonds sociaux ; la prévention est donc justifiée sur ce point (p. 22 et 23) ;

« alors que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante et que le doute doit lui profiter ; d’où il résulte que peu important l’absence d’explications cohérentes du prévenu, la Cour ne pouvait, en l’absence de preuve de l’infraction rapportée par le ministère public, présumer qu’elle était constituée ;

« aux motifs – concernant la rémunération Danzas – que,

Dominique X… a signé le 22 décembre 1988 avec la société Danzas un « accord » aux termes duquel cette société s’engageait à lui verser une rémunération en contrepartie d’une intervention de sa part, sans que l’accord précise ni la nature de l’intervention ni le niveau de rémunération ; Dominique X… estime qu’il s’agissait là de la rémunération d’une activité de « conseil » qu’il exerçait de manière indépendante ;

la société Danzas exerce une activité de transitaire en douanes, et se charge pour le groupe Brasserie du Pacifique du transport de la marchandise de la métropole vers la Polynésie et de son dédouannement ;

iI est constant que Dominique X… est ingénieur en électicité de formation et non un spécialiste du droit douanier ; on voit mal dans ces conditions quels « conseils » il aurait pu donner à un professionnel dans un domaine qui est la spécialité de ce professionnel et auquel lui-même ne connaît rien ;

Dominique X… s’est ainsi fait rémunérer par Danzas, non des prestations de services comme conseil, mais le maintien des relations commerciales du groupe Brasserie du Pacifique avec cette firme ; toutefois, dans la mesure où c’est le groupe qui avait des relations avec Danzas, les sommes versées devaient revenir à la Brasserie du Pacifique et non à X… ; la captation par Dominique X… des avantages financiers versés par Danzas à la Brasserie du Pacifique constitue à l’évidence un abus des biens de cette société et le niveau des prix pratiqués par la suite entre les parties est sans influence sur le caractère délictueux du détournement ;

« alors que le dirigeant d’une entreprise est parfaitement libre de percevoir, aux termes d’un contrat d’entremise, une rémunération d’une société en relation commerciale avec celle qu’il dirige ; qu’ainsi, sauf à rapporter et établir la fraude contraire aux intérêts de la société, la Cour qui constate l’existence du contrat d’entremise et n’établit pas en fait le préjudice subi par la société Brasserie du Pacifique n’a nullement caractérisé le délit d’abus de biens sociaux » ;

Attendu que, pour déclarer Dominique X… coupable d’abus de biens sociaux, l’arrêt retient, notamment, qu’il a perçu de la société Brasserie du Pacifique, en sus des rémunérations qui lui avaient été allouées, des sommes d’un montant total de 13 751 000 francs CFP, au sujet desquelles il n’a pu fournir aucune explication ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé en tous ses éléments le délit d’abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable, dès lors qu’il appartient au dirigeant qui appréhende des fonds sociaux, de justifier de leur utilisation dans l’intérêt de la société ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 121-6, 121-7, et 441-1 du Code pénal, défaut de motifs, violation des droits de la défense, manque de base légale ;

« en ce que la Cour a déclaré Dominique X… coupable de complicité de faux en écriture de commerce et d’usage ;

« aux motifs que à la demande de Dominique X…, les entreprises Danzas, Piper-Heidsieck et d’autres fournisseurs ont minoré leurs factures dans une proportion de 10 ou 20% ; dans la mesure où leur facturation ne correspondait pas à la réalité des opérations effectuées, les fournisseurs ont bien commis le délit de faux en écriture et, pour être l’instigateur de ce délit, Dominique X… en a bien été le complice ; il importe peu pour la caractérisation du délit que le préjudice n’ait pas été subi par la Brasserie du Pacifique, dès lors que le délit avait en effet pour objet de tromper l’administration des douanes et non cette société et de fait l’administration a subi en la matière un préjudice certain (p. 26) ;

« alors que l’altération frauduleuse de la vérité, préjudiciable à autrui, ne constitue un faux pénalement punissable que si elle est commise dans un document faisant titre ;

d’où il résulte qu’en se bornant à relever l’existence de factures mensongères destinées à éluder le paiement de droits de douane sans caractériser en quoi ces factures avaient une valeur probatoire de nature à leur conférer la qualification de titre, la Cour n’a pas caractérisé le délit de faux » ;

Attendu que, pour condamner le prévenu du chef de complicité et usage de faux, l’arrêt énonce qu’il a obtenu que certains fournisseurs de la société Brasserie du Pacifique minorent de 10 à 20 % le montant de leurs factures destinées à être produites aux services des douanes, afin de réduire l’assiette de la taxe due sur les marchandises, ces minorations étant par la suite compensées par l’établissement de factures pour frais de gestion fictifs ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, l’arrêt, qui a caractérisé l’effet probatoire des factures incriminées à l’égard de l’administration des Douanes, n’encourt pas le grief allégué ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le sixième moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a, sur l’action civile, condamné Dominique X… à payer aux consorts B… une somme de 1 million de francs CFP en réparation de leur préjudice moral du seul chef de présentation de comptes annuels infidèles et leur a accordé une somme de 300 000 francs CFP au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;

« aux motifs que la Cour observe à ce sujet, qu’en ce qui concerne leur action en matière d’abus de biens sociaux, les consorts B… ne précisent pas s’ils agissent au nom de la société ou à titre personnel et ne précisent pas dans cette dernière hypothèse de quel préjudice personnel, distinct du préjudice social, ils ont souffert ; qu’en ce qui concerne le délit de présentation de bilans inexacts, les consorts B… sollicitent l’indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 5 000 000 francs CFP, mais ne chiffrent pas leur préjudice matériel ; dans ces conditions, seule l’action en réparation présentée du chef de présentation de bilans inexacts est recevable et, en l’absence de précisions, seul le préjudice moral peut être réparé ; iI y a lieu de fixer la réparation de ce chef de préjudice à 1 000 000 francs CFP (p. 28) ;

« alors que l’action civile n’appartient qu’à celui qui a personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ;

d’où il résulte que la Cour qui accorde aux héritiers d’un actionnaire la réparation du préjudice moral subi par leur auteur à raison de la présentation de bilans inexacts, sans caractériser en quoi cette infraction aurait causé un préjudice personnel et direct à cet actionnaire, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés » ;

Attendu que, pour condamner Dominique X… à indemniser les consorts B… du préjudice moral subi par leur auteur, actionnaire de la société Brasserie du Pacifique, du fait de la présentation de comptes infidèles, les juges prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, et dès lors que le délit de présentation ou publication de comptes infidèles peut causer un préjudice personnel direct aux actionnaires d’une société, la cour d’appel, en évaluant comme elle l’a fait la réparation du préjudice des parties civiles, n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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