Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 octobre 2002, 01-85.617, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 octobre 2002, 01-85.617, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… de Y… Aimé,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 31 mai 2001, qui, pour fraude fiscale, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 60 000 francs d’amende, et a prononcé sur les demandes de l’administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1750 du Code général des Impôts, 388, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Aimé X… de Y… coupable de l’infraction de fraude fiscale ;

« aux motifs adoptés du tribunal correctionnel qu’il résulte de l’examen des comptes courants et financiers ouverts au nom du prévenu opéré par l’administration Fiscale, que des mouvements de fonds pour les montants significatifs de 149 092 francs en 1993 et 787 494 francs en 1994 ont été observés, excèdent largement les revenus déclarés ; que, par ailleurs, le prévenu possède des intérêts dans les SCI Z…, SCI Gora, SARL Corps et Biens et SARL Le A…, ceci par l’intermédiaire de prête-noms, tels que Roseline B… qui a déclaré ne pas avoir connaissance de sa participation dans la société et Jean Martin, dont la réalité de l’existence n’a jamais été rapportée ; qu’il est révélateur de noter que le prévenu s’était domicilié fiscalement à une adresse correspondant à une boîte postale, alors qu’il n’a pas contesté à l’audience avoir eu à sa disposition, deux villas appartenant respectivement à la SARL Le A… et à la SCI Z… ; qu’enfin sa volonté de dissimulation l’a amené à souscrire des abonnements téléphoniques et électriques sous des noms parfaitement fictifs de René Z… et Robert A… ; qu’à l’audience, le prévenu reconnaît ses éléments mais expose qu’il ne s’agissait pas pour lui de dissimulation mais d’un souci d’efficacité ;

qu’il résulte de ces éléments que Aimé X… de Y… a volontairement dissimulé une partie de ses revenus ;

« et aux motifs propres que sans rejeter l’argument de la réactualisation du montant des revenus d’origine indéterminée (ramené pour 1993 à 128 000 francs et pour 1994 de 114 000 francs à 0 franc) il est manifeste que Aimé X… de Y… n’a pas fourni toutes les explications satisfaisantes pour justifier de l’origine des mouvements d’espèces relevés sur ses comptes bancaires, a dissimulé les avantages en nature (mise à profit d’un immeuble) procurés par les SARL Corps et Biens, la SARL Doris, la SARL Le A…, a profité par sa qualité d’associé de la distribution de revenus anormaux (consécutifs à des droits de TVA et d’impôts sur les sociétés éludés) et a bénéficié des revenus fonciers provenant de la SCI Z… par le biais de la SCI 8 rue du Maccarani dont il contrôlait 90% du capital ; que, par ailleurs, l’intention frauduleuse est parfaitement caractérisée par le comportement de Aimé X… de Y… qui, pour ne pas apparaître comme associé majoritaire des différentes sociétés concernées a eu recours à des prête-noms (sa soeur Mme C… pour la SCI rue Maccarani à Nice, Mme B… pour la SCI Z… à Cannes) de fausses identités (Jean Martin) et à des adresses permettant de dissimuler la réalité de son domicile ou des possibilités d’hébergement pour éluder les avantages en nature) ; que la mauvaise foi est donc difficilement contestable par de simples dénégations au regard de ces éléments objectifs et probants ; que le juge pénal n’étant pas le juge de l’impôt le comportement fraudeur sera donc sanctionné nonobstant la révision partielle par l’administration Fiscale de la taxation d’office, chaque contribuable devant au plan pénal, respecter le système français déclaratif et faire en conséquence preuve de bonne foi ;

« alors, d’une part, que s’agissant des avantages en nature tirés de la mise à disposition de deux villas, la cour d’appel n’a pas indiqué quelles preuves permettaient de considérer que Aimé X… de Y… avait bénéficié d’un tel avantag en nature bien que celui-ci ait contesté une telle mise à disposition et soutenu qu’aucune preuve n’en avait été rapportée ;

« alors, de deuxième part, que les revenus considérés comme indus parce que provenant du fait d’avoir éludé le paiement de certaines taxes et des impôts sur les sociétés ne pouvaient être retenus par la cour d’appel comme constitutifs de l’infraction de fraude fiscale ; qu’en effet, Aimé X… de Y… était poursuivi en qualité de particulier soumis à l’impôt sur le revenu et non en qualité de dirigeant social de sociétés ayant éludé les déclarations portant sur la TVA et les impôts sur les sociétés ; que la cour d’appel a donc condamné Aimé X… de Y… pour avoir tiré profit du fait d’avoir éludé le paiement de certaines taxes et des impôts sur les sociétés alors qu’il était poursuivi pour avoir dissimulé certaines sommes soumises à l’impôt sur le revenu, dépassant ainsi les limites de sa saisine en violation de l’article 388 du Code de procédure pénale ;

« alors, de troisième part, que, s’agissant des sommes déposées sur le compte de la SCI Z…, la cour d’appel constate que Aimé X… de Y… n’a pas déclaré ces sommes considérées comme des revenus fonciers, sans répondre aux conclusions de Aimé X… de Y… qui soutenait que ces sommes constituaient seulement des dépôts ; qu’il n’appartenait pas à Aimé X… de Y… d’apporter la preuve du fait que les fonds se trouvant sur le compte de la SCI n’étaient pas des revenus fonciers, mais à l’administration Fiscale d’apporter la preuve contraire, dès lors que ces fonds ne se trouvant pas sur des comptes personnels de Aimé X… de Y… ne pouvaient être présumés constituer des revenus sujets à l’impôt sur les revenus ;

que la cour d’appel n’a donc pas justifié la décision par laquelle elle a considéré que les fonds déposés sur le compte de la SCI auraient dû faire l’objet d’une déclaration au titre de l’impôt sur le revenu ;

« alors, de quatrième part, que, s’agissant des fonds d’origine indéterminée se trouvant sur le compte de Aimé X… de Y…, la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions de ce dernier qui soutenaient que le vérificateur n’avait pas tenu compte dans sa balance, des intérêts des bons de caisse justifiés à hauteur de 53 000 francs par le contribuable, ni des crédits apparaissant sur les comptes bancaires de la SCI Gora et qu’il semblait par ailleurs que le vérificateur avait reconnu, au cours du contrôle de cette dernière société, l’utilisation, à titre personnel, du compte bancaire de la société par Aimé X… de Y…, le montant des crédits s’élevan pour 1993 à la somme de 93000 francs ; que la cour d’appel qui n’a pas répondu à ce moyen de défense a donc privé sa décision de base légale ;

« alors, enfin, que la fraude fiscale n’est constituée que lorsqu’il est établi que le contribuable a volontairement omis de faire sa déclaration ou dissimulé une part des revenus sujets à l’impôt ;

que la cour d’appel a retenu comme preuve de l’intention frauduleuse le fait que Aimé X… de Y… avait dissimulé son véritable domicile alors que deux immeubles étaient à sa disposition et qu’il avait eu recours à des prête-noms ; que Aimé X… de Y… avait pourtant soutenu dans ses conclusions qu’aucun immeuble n’avait été mis à sa disposition par les sociétés qu’il aurait gérées et contestait le fait d’avoir été actionnaire majoritaire de ses différentes sociétés en apportant la preuve que Jean Martin qui aurait été un prête-nom existait et en remarquant que si Mme B…, autre prête-noms selon la cour d’appel, avait affirmé de pas être associée des SCI, cette déclaration avait été faite en 1996 alors qu’effectivement elle n’était plus associée ; que la cour d’appel qui n’a pas répondu à ces moyens de défense péremptoire a privé sa décision de base légale » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme, mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 751 et 591 du Code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a condamné Aimé X… de Y… à une peine d’emprisonnement ave sursis et à une amende civile et a dit que la contrainte par corps s’exercera selon les modalités prévues par les articles 749 à 751 du Code de procédure pénale ;

« alors que l’article 751 du Code de procédure pénale prévoit que la contrainte par corps ne peut être prononcée contre les personnes âgées d’au moins soixante-cinq ans au moment de la condamnation ; que Aimé X… de Y… étant né le 8 octobre 1930, la condamnation ne pouvait être assortie de la contrainte par corps ; qu’en décidant par arrêt confirmatif que la contrainte par corps s’exercerait à l’égard de Aimé X… de Y…, la cour d’appel a donc violé l’article précité » ;

Vu l’article 751 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’en application de ce texte, la contrainte par corps ne peut être prononcée contre les personnes âgées d’au moins 65 ans au moment de la condamnation ;

Attendu que la décision attaquée a prononcé la contrainte par corps à l’encontre de Aimé X… de Y… ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’au moment de cette condamnation, l’intéressé, né en 1930, était âgé de plus de 65 ans, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE par voie de retranchement, l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence, en date du 31 mai 2001, en ses seules dispositions prononçant la contrainte par corps, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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