Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Z… David, – Z… Jean, – LA SOCIETE ANAHOLD, – LA SOCIETE URSUS MAJOR,
parties civiles, contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de PARIS, en date du 2 novembre 1994, qui, dans l’information suivie sur leur plainte contre personne non dénommée des chefs de faux, usage de faux, abus de biens sociaux et dissimulation aux actionnaires d’informations légales préalables aux assemblées générales, a constaté l’extinction de l’action publique du chef de faux et a, pour le surplus, confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Vu l’article 575, alinéa 2, 3 du Code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6, 7, 8, 575, alinéa 2, 3 et 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à mémoire régulièrement déposé ;
« en ce que la chambre d’accusation a déclaré le délit de faux visé dans la plainte des parties civiles prescrit ;
« aux motifs qu’il ressort de l’information que le procès-verbal litigieux, rédigé en décembre 1988, a été porté dans le registre du conseil d’administration au plus tard fin janvier 1989, et que Jean et David Z…, ainsi que la société Anahold et la société Ursus Major, ont déposé plainte et se sont constituées partie civile le 20 juillet 1992 ;
« alors que, dans le mémoire régulièrement déposé, les parties civiles faisaient valoir qu’en tout cas à la date du 8 novembre 1989, le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration daté du 10 octobre 1988 ne figurait pas dans les registres sociaux que David Z… a consultés sur place au cabinet Clavier qui s’occupait de la tenue des registres sociaux, ainsi qu’en fait foi la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par lui le 10 novembre 1989 au cabinet Clavier, et qu’en ne répondant pas à cet argument précis et par conséquent péremptoire, l’arrêt attaqué ne répond pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale » ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l’action publique du chef de faux, la chambre d’accusation énonce qu’il ressort de l’information que le procès-verbal de réunion du conseil d’administration litigieux, rédigé en décembre 1988, a été porté dans le registre dudit conseil au plus tard fin janvier 1989, et que la plainte avec constitution de partie civile n’a été déposée que le 20 juillet 1992 ;
Attendu qu’en cet état, la chambre d’accusation, qui n’était pas tenue de suivre les parties civiles dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 147, 150 et 151 de l’ancien Code pénal, de l’article 101 de la loi du 24 juillet 1966, des articles 85, 86 alinéa 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du magistrat instructeur disant n’y avoir lieu à suivre sur la plainte de constitution de partie civile de David et Jean Z… et des sociétés Anahold BV et Ursus Major des chefs de faux et usage de faux contre quiconque ;
« aux motifs que, dans leur plainte, les parties civiles faisaient état de ce que la rémunération annuelle de M. E…, qui était président-directeur général de la société Paravision, avait été établie et versée en vertu d’un faux procès-verbal de délibération du conseil d’administration du 10 octobre 1988, alors qu’aucune réunion du conseil d’administration n’avait eu lieu à cette date ;
que, selon ce procès-verbal, rédigé en décembre 1988 et porté dans les registres du conseil d’administration au plus tard fin janvier 1989, le conseil d’administration a, d’une part, donné mandat à David Z… pour mener les négociations avec la société Four Star International aux fins d’acquérir la propriété de la série télévisée « Au nom de la loi », et, d’autre part, fixé à 2 500 000 francs par an la rémunération de M. E…, mandataire social, en sa qualité de président-directeur général ;
qu’il est certain, bien que l’ensemble des administrateurs ait signé la feuille de présence, que la réunion du conseil d’administration ne s’est pas formellement tenue, les administrateurs ayant été consultés, comme à l’accoutumée, par écrit ;
que les parties civiles soutiennent qu’elles n’auraient été consultées que sur le mandat à donner à David Z…, mais en aucun cas sur le salaire de M. E… ; qu’elles en veulent pour preuve un projet non signé ne mentionnant que la première résolution ;
que toutefois MM. Y… et B… affirment avoir approuvé la rémunération de M. E… en même temps que le mandat à donner à David Z… ;
que, quant aux autres administrateurs, ils confirment avoir approuvé la rémunération de M. E… mais ne savent plus quand ; qu’ils ont expliqué que le salaire de M. E… avait été fixé lors de son embauche, faite sur proposition de Jean Z… ;
que c’est ce dernier et M. Y… qui auraient mené les négociations avec M. E…, qui présidait jusque là le groupe Chanel et percevait des sociétés Bourgeois et Chanel un salaire légèrement supérieur à celui offert par la société Paravision ;
que le conseil d’administration de la société Paravision, dont le capital était détenu par le groupe l’Oréal (75 % du capital) et le groupe Z… (25 % du capital), n’a donc fait qu’entériner la décision prise par Jean Z… et M. Y… ;
qu’il résulte de l’information que le plus souvent le conseil d’administration ne se réunissait pas d’une manière formelle, mais que cependant ses membres étaient toujours consultés sur les délibérations à approuver, ce qui a été le cas le 10 octobre 1988, et que l’absence formelle de réunion du conseil d’administration ne saurait constituer une altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice, dès lors que le procès-verbal retrace les délibérations effectivement soumises aux administrateurs et approuvées par eux ;
« alors que les juridictions d’instruction ont le devoir d’informer sur une plainte avec constitution de partie civile, que le refus d’informer ne peut intervenir que si les faits sont manifestement insusceptibles de qualification pénale, et que les motifs de l’arrêt, d’où il ressort tantôt que la convention portant sur la rémunération du président-directeur général de la société Paravision a été soumise, sinon à l’autorisation préalable du conseil d’administration, à tout le moins à celle de l’ensemble des administrateurs de ladite société au plus tard le 10 octobre 1988, date du procès-verbal du conseil d’administration argué de faux, tantôt que certains administrateurs de la société Paravision auraient en réalité approuvé cette rémunération à une date indéterminée, caractérise une décision de refus d’informer » ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué permettent à la Cour de Cassation de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d’accusation, après avoir exposé les faits objet de l’information et répondu sans insuffisance aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a exposé les motifs pour lesquels elle estimait qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les infractions reprochées ;
Qu’aux termes de l’article 575 du Code de procédure pénale, la partie civile n’est pas admise à remettre en discussion la valeur de tels motifs de fait ou de droit retenus par les juges à l’appui de son seul pourvoi contre un arrêt de non-lieu ;
Attendu qu’il n’est ainsi justifié d’aucun des griefs énumérés audit article comme autorisant la partie civile à se pourvoir contre un arrêt de la chambre d’accusation en l’absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Gondre conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM.
Culié, Schumacher, Martin, Mme X…, M. Farge conseillers de la chambre, M. de C… de Massiac, Mme D…, M. de A… de Champfeu conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;