Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 mai 1996, 95-85.200, Inédit

·

·

Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 mai 1996, 95-85.200, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CULIE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de Me de NERVO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL;

Statuant sur le pourvoi formé par : – ROBERT C…,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 18 mai 1995, qui, pour abus de biens sociaux, banqueroute et infractions à la législation sur la construction, l’a condamné à 2 ans d’emprisonnement dont 1 ans avec sursis et mise à l’épreuve, 5 ans d’interdiction de diriger, administrer ou contrôler toute entreprise et prononcé sur les intérêts civils;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 197-1 de la loi du 25 janvier 1985, 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Roger B… coupable de banqueroute par tenue de comptabilité fictive;

« aux motifs que certaines factures établies par les entreprises travaillant pour le compte de la société « Résidences Sarth’Aises » faisaient état de travaux supplémentaires pour un chiffre généralement rond, qui s’avérait en fait totalement fictif; que Roger B… ne contestait pas cette pratique mais expliquait que ces sommes étaient destinées à compenser les pertes subies par les sous-traitants des chantiers Audubert-Faure lors de la liquidation de cette société et à s’assurer de leur fidélité lors de la reprise par la société « Résidences Sarth’Aises » des chantiers interrompus; que pour alléger la charge financière que représentait cette reprise des dettes de la société Audubert-Faure envers les sous-traitants, estimée à 168 511 francs par les enquêteurs, Roger B… avait établi dans le temps, y compris sur les nouveaux chantiers, la pratique de la facturation des travaux supplémentaires fictifs… que dès lors, la Cour, par adoption de motifs, confirmera le jugement entrepris en relevant la particulière mauvaise foi du prévenu en ce qui concerne la gestion de fait de l’entreprise, gestion de fait largement établie par les éléments de l’information et absolument indépendante de la nomination formelle comme président directeur général, qui n’est intervenue que le 29 septembre 1989;

« alors que, d’une part, la comptabilité d’une entreprise ne peut être considérée comme fictive et constitutive, le cas échéant, du délit de banqueroute par application de l’article 197-4 de la loi du 25 janvier 1985 qu’à partir du moment où la fausseté des écritures, par le caractère significatif de leur fréquence et de leur importance en nombre et en valeur, enlève toute fiabilité au résultat présenté, ce qui ne se trouve nullement caractérisé en l’état des énonciations de la Cour comme des premiers juges, qui se bornent à relever l’enregistrement d’écritures fictives, pour un moment global de 168 511 francs, étalées sur près de 4 ans sans nullement s’expliquer sur l’importance de l’incidence de l’enregistrement de ces opérations au regard des résultats annoncés de l’entreprise, de sorte qu’en l’état de cette insuffisance de motifs, la Cour n’a pas caractérisé l’élément matériel du délit de banqueroute par tenue de comptabilité fictive;

« alors que, d’autre part, cette infraction supposant la mauvaise foi de son auteur, c’est-à-dire la conscience par lui de causer un dommage aux tiers et aux créanciers sociaux, la Cour, qui a ainsi constaté que Roger B… n’avait accepté de comptabiliser les écritures fictives que pour s’assurer de la fidélité des sous-traitants des chantiers Audubert-Faure, lors de leur reprise par la société « Résidences Sarth’Aises », procédé qualifié par les premiers juges, dans des motifs expressément adoptés par la Cour, de « difficilement surmontables », n’a pas, dès lors, en l’état de ces seules énonciations, caractérisé l’élément intentionnel du délit de banqueroute;

« alors qu’enfin, Roger B… ayant soutenu dans ses écritures qu’il n’avait effectivement exercé le contrôle de la société « Résidences Sarth’Aises » qu’à compter de sa nomination en qualité de président directeur général le 29 septembre 1989, la Cour, qui a néanmoins considéré qu’il devait être tenu pour gérant de fait de cette société depuis sa création et, par conséquent, responsable de l’enregistrement des écritures fictives qui ont eu lieu, selon la prévention, depuis 1986 sans aucunement répondre aux arguments péremptoires des conclusions de Roger B… contestant l’existence de cette gestion de fait et faisant état d’un certain nombre d’éléments démontrant le rôle prédominant du président directeur général en titre Le Houx, n’a pas, en l’état de ce défaut de réponse à conclusions, légalement justifié sa décision »;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 241-1 du Code de la construction et de l’habitation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Roger B… coupable d’infraction à la législation sur la construction relative à l’exigence ou à l’acceptation de versements illicites;

« aux motifs que si Roger B… a fait observer que les appels de fonds étaient lancés, par la comptable, sur les ordres du conducteur de travaux, qui était la seule personne à pouvoir constater l’état réel d’avancement des chantiers, les conducteurs de travaux Dominique Y… et Patrick Z… ont déclaré que le système d’appel de fonds mis en place par Roger B… permettait à l’entreprise de se faire de la trésorerie de manière anticipée au stade « de l’élévation en cours » et des « cloisons en cours »; qu’en outre, Dominique Y… et Nelly X… ont confirmé que Roger B…, qui reprochait à sa secrétaire de ne pas faire rentrer l’argent assez vite, avait pris l’habitude de faire signer en blanc aux clients, dès la conclusion du contrat, des ordres de virement de fonds;

« alors qu’en vertu du principe rappelé par l’article 121-1 du Code pénal selon lequel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait », d’une part, en l’état de ces seules énonciations établissant tout au plus la volonté de Roger B… d’assurer la trésorerie de son entreprise, notamment au moyen d’une facturation rapide, la Cour, qui a prétendu ainsi retenir sa culpabilité pour infraction aux dispositions de l’article L. 241-1 du Code de la construction et de l’habitation à raison de la perception anticipée d’une somme globale d’environ 800 000 francs aucunement distinguer entre les différents contrats, ni préciser quel avait été le rôle exact de Roger B… dans l’exigence de versements illicites à propos de ces contrats et sans davantage s’expliquer sur les modalités d’appels de fonds, nonobstant les conclusions déposées, en ce sens, par Roger B…, a, par cette insuffisance de motifs, violé le principe susvisé, les dispositions des articles L. 241-1 du Code de la construction et de l’habitation n’édictant aucune présomption de responsabilité à l’encontre du chef d’entreprise;

« que, d’autre part, la Cour ne pouvait davantage retenir la responsabilité pénale de Roger B… sans répondre à l’argument péremptoire des conclusions de ce dernier faisant valoir que M. A…, dirigeant légal de cette société jusqu’au 1er octobre 1989 et actionnaire majoritaire avec sa famille, exerçait un contrôle mensuel avec l’un des chefs de chantier quant au suivi de ceux-ci et que c’est précisément sur les indications données par les conducteurs de chantier qu’était faite la facturation »;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi justifié l’allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice découlant de ces infractions;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gunehec président, M. Culié conseiller rapporteur, MM. Roman, Schumacher, Martin conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance, M. Desportes conseillers référendaires;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Arnoult ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x