Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 juin 2004, 03-82.753, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 30 juin 2004, 03-82.753, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente juin deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Jean-Claude,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 28 mars 2003, qui, pour infraction à la législation sur les sociétés, l’a condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 121-3 du Code pénal, L. 123-5, L. 223-9 et L. 242-2 du Code de commerce, 65 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X… coupable d’avoir frauduleusement fait attribuer à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle ;

« aux motifs qu’ « il résulte du rapport du commissaire aux apports, conforté par les constatations des services fiscaux, que lors de la constitution de la société Constructions Métalliques X…, en mai 1993, l’apport constitué par le fonds de commerce du prévenu a été surévalué ; qu’il s’agit d’une surévaluation manifestement excessive puisque les éléments incorporels du fonds ont été évalués à 851 582 francs, alors qu’ils ne représentaient que 94 000 francs, plus la valeur du droit au bail, non chiffrée par le commissaire aux apports, mais pratiquement nulle selon les services fiscaux ; que la responsabilité de cette surévaluation incombe à Jean-Claude X… qui est à l’origine de la création de la société et qui ne pouvait ignorer que la situation de son fonds, que jusqu’alors il exploitait en son nom personnel, était particulièrement obérée ;

que notamment, il savait nécessairement qu’au cours des six derniers mois de l’année 1992, l’exploitation avait généré un résultat négatif de 650 000 francs ; qu’il y a donc bien eu de sa part surévaluation frauduleuse de son apport en nature ; que cette surévaluation a été reprise dans le bilan provisoire au 31 décembre 1993 qui a été fourni aux époux Y…, lorsque ceux-ci ont décidé de souscrire à l’augmentation de capital de la société, en avril 1994 ; qu’or, lors de cette opération, le prévenu était dirigeant de fait de la société, ainsi qu’il résulte des motifs du jugement que la Cour fait siens ; qu’il est donc établi que Jean-Claude X… s’est rendu coupable de l’infraction prévue et réprimée par l’article L. 242-2 du Code de commerce » (arrêt, pages 5 et 6) ;

« et aux motifs, adoptés des premiers juges, que « l’enquête du SRPJ de Dijon a confirmé que le rapport du commissaire aux apports, M. Z…, daté du 15 avril 1993, lequel avait conclu à une surévaluation des éléments incorporels, avait bien, conformément à la loi, été déposé au siège social de l’entreprise ; en revanche, il n’a jamais été enregistré au greffe du tribunal de commerce, contrairement aux exigences de l’article 80 de la loi du 24 juillet 1966 et 65 du décret du 23 mars 1967 ; ces diligences incombent aux fondateurs, et le rapport est déposé au greffe pour être tenu à la disposition des souscripteurs, huit jours au moins avant la date de l’assemblée générale constitutive ; ce rapport aurait donc dû être déposé au greffe avant le 28 mars 1994 ; à cette époque, c’était la femme de Jean-Claude X…, Colette X…, qui était présidente du conseil d’administration de la SA X…, depuis le 22 novembre 1993 ; celle-ci était au courant des investigations du commissaire aux apports, et de sa visite à l’entreprise ; dans le cadre de cette société à caractère exclusivement familial, elle agissait de concert avec son époux Jean-Claude X…, qui en a toujours été le véritable animateur; C’est Jean-Claude X… qui souhaitait cette opération d’augmentation de capital pour « assurer la pérennité de l’entreprise » ; la fille des époux X…, qui fut présidente du conseil d’administration du 2 juin 1993 au 22 novembre 1993, n’avait pas de compétence suffisante en matière de gestion, et était conseillée par ses parents ; enfin, on notera que le rapport du commissaire aux apports a été établi, le 15 avril 1993, alors même que Jean-Claude X… était encore dirigeant en nom propre de l’entreprise Constructions Métalliques X…, ce qu’il fut jusqu’au 2 juin 1993 ; si la SA X… fut ensuite dirigée de droit par sa fille depuis sa création jusqu’au 22 novembre 1993, puis par sa femme jusqu’à la création de la SA Nouvelle X… le 6 avril 1994, Jean-Claude X… en était pendant toute cette période le dirigeant de fait ; cette qualité de dirigeant de fait est d’ailleurs confirmée par la teneur des déclarations de Jean-Claude X… devant le juge d’instruction, notamment lorsqu’il déclare « je savais qu’avec un apport de 500 000 francs, je pourrais redémarrer » ;

dirigeant de l’entreprise depuis l’origine, Jean-Claude X… était au courant de sa situation financière ; évaluer à 851 582 francs des éléments incorporels de l’actif, alors que l’entreprise venait de perdre 650 000 francs au dernier exercice, était manifestement mensonger ; Jean-Claude X… n’ignorait pas non plus les obligations légales attachées à cette procédure, et ce d’autant plus qu’il bénéficiait des services d’un conseil juridique ; enfin et surtout, il est évident que si le rapport du commissaire aux apports avait été régulièrement déposé au greffe, les époux Y… auraient pu en prendre connaissance et découvrir la surévaluation des éléments incorporels de l’entreprise X… ; l’attribution de la valeur de 250 000 francs à cet apport doit donc être qualifiée de frauduleuse » (jugement, pages 4 à 6) ;

« 1 ) alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que l’évaluation des apports en nature relevant de la compétence exclusive du commissaire aux apports, qui accomplit cette mission sous sa seule responsabilité, le délit de l’article L. 242-2, 4 , du Code de commerce, qui implique le fait de « faire attribuer » à un apport une évaluation supérieure à sa valeur réelle, ne peut être imputé à un associé qu’à la condition que ce dernier ait exercé des manoeuvres frauduleuses de nature à affecter l’appréciation, par le commissaire aux apports, de la valeur des apports en nature, et ne saurait résulter du seul fait que le rapport du commissaire aux apports n’a pas fait l’objet des mesures de publicité légales ;

qu’en l’espèce, pour déclarer le demandeur coupable du délit de l’article L. 242-2 du Code de commerce, la cour d’appel s’est déterminée par la circonstance que le rapport du commissaire aux apports, dont les conclusions proposaient une évaluation divergente de celle retenue par les fondateurs de la société, n’a pas fait l’objet d’un dépôt au Greffe du tribunal de commerce, comme l’exige la loi ; qu’en l’état de ces seules énonciations, d’où il ne résulte pas que le demandeur ait « fait attribuer » à l’apport en nature litigieux une évaluation supérieure à sa valeur réelle, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

« 2 ) alors que dans ses conclusions d’appel, le demandeur a expressément fait valoir que si les parties civiles ont pu ignorer les divergences existant entre les fondateurs de la société et le commissaire aux apports quant à l’évaluation des apports en nature, cette situation n’est due qu’à un manquement imputable à Me A…, conseil juridique de Jean-Claude X…, ayant, à l’insu de ce dernier, omis de déposer le rapport du commissaire aux apports au Greffe du tribunal de commerce ; qu’il a encore fait valoir qu’un tel manquement ne pouvait, le cas échéant, que justifier des poursuites contre le seul mandataire, sur le fondement de l’article L. 123-5 du Code de commerce, pour avoir donné des indications incomplètes en vue de l’immatriculation de la société, mais ne pouvait en aucun cas caractériser, à la charge du dirigeant, l’infraction prévue à l’article L. 242-2 du même code, faute d’intention frauduleuse, dès lors, d’une part, que les associés ne sont pas tenus d’homologuer l’évaluation résultant du rapport du commissaire aux apports, d’autre part, que les statuts – qui évaluent les apports en nature – font état de ce rapport, de sorte que le prévenu, ignorant que le rapport litigieux n’avait pas été déposé, était bien fondé à considérer que les futurs actionnaires en avaient pris connaissance ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que lors de la constitution de la société Constructions Métalliques X…, l’apport constitué par le fonds de commerce du prévenu a été surévalué, pour en déduire que cette surévaluation est frauduleuse et que la responsabilité pénale en incombe au demandeur, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d’appel du prévenu, la cour d’appel a violé l’article 593 du Code de procédure pénale » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question, l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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