Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingtneuf octobre mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et POTIER de la VARDE et de Me LUC-THALER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général PERFETTI ; Statuant sur le pourvoi formé par :
X… JeanMarie
contre l’arrêt de la cour d’appel de CAEN (chambre correctionnelle) en date du 21 mai 1990 qui, pour entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise, l’a condamné à une amende de 6 000 francs et à des réparations civiles ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; d
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 432-1, alinéa 4 et L. 483-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; « en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Marie Y…, président-directeur général de la société anonyme Sonofoque coupable du délit d’entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise de cette société pour n’avoir pas consulté et informé ledit comité sur l’achat à des tiers, par la société financière Sonofoque, d’une partie du capital de la SA Sonofoque ; « aux motifs que certes il y a eu juridiquement deux cessions distinctes, mais ces deux cessions ont eu lieu concomitamment, après avoir été négociées au même moment ; qu’il s’est agi, économiquement au moins, d’une seule opération, cette opération ayant eu donc pour effet de faire, de la société Sonofoque, une filiale de la société financière Sonofoque ; que la transmission négociée (par le prévenu) d’une partie du capital de la société Sonofoque a été utilisée comme un moyen de placer cette société, exploitant l’entreprise, sous la dépendance de la société financière Sonofoque, une telle opération équivalant, dans l’ordre économique, à la cession de l’entreprise elle-même ; que le prévenu ne peut en conséquence valablement prétendre qu’il n’avait qu’à informer le comité d’entreprise, et qu’il l’avait fait le 21 octobre 1988 lors d’une réunion de ce comité ; qu’il devait consulter ce comité et non pas seulement l’informer, la consultation étant par définition préalable à la prise de décision, outre que l’information aurait été tardive donc sans intérêt ; qu’en effet il y a lieu de remarquer que les cessions intervenues n’étaient pas inscrites à l’ordre du jour de cette réunion, lequel était pourtant des plus détaillé ; que certes au titre des questions diverses on avait débattu de ces cessions, mais ce à la demande du secrétaire du comité, qui en avait entendu parler (le prévenu ne contestant pas cela), et alors pourtant que deux réunions du comité s’étaient tenues soit au moment même des cessions soit en septembre, sans que ledit prévenu en soufflât mot ; « alors qu’en application du quatrième alinéa de l’article L. 432-1 du Code du travail, le chef d’entreprise est tenu, lorsqu’il a connaissance d’une prise de participation dont son entreprise est l’objet, d’en informer le comité d’entreprise, sans avoir à d consulter ce dernier sur une telle opération, extérieure à l’entreprise ; qu’ainsi, en reprochant à Cloître, comme chef de l’entreprise exploitée par la SA Sonofoque, de n’avoir pas consulté le comité d’entreprise de cette société sur l’achat par la société financière Sonofoque, à deux tierces sociétés, d’une partie du capital de la première, ces cessions extérieures de celle-ci, auraient-elles eu
pour effet, ensemble, de conférer à l’acquéreur un pouvoir de contrôle, la cour d’appel a violé ledit article ; « et alors qu’en statuant ainsi sans constater que l’information qui, selon ses propres constatations, a effectivement été donnée au comité d’entreprise par le chef d’entreprise, aurait été incomplète ou insuffisante, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme sur la culpabilité et du procès-verbal de l’inspecteur du travail, base de la poursuite, que Jean X…, président du conseil d’administration de la société Sonofoque qui exploite une fonderie, a créé au mois de mai 1988 un holding, la « Financière Sonofoque SA » ; que celle-ci, dont il présidait également le conseil d’administration est, au mois de juillet 1988, par l’acquisition des actions de deux actionnaires, devenue propriétaire de plus de la moitié du capital de la société Sonofoque ; que le 21 octobre 1988 Jean Cloitre en a informé le comité d’entreprise ; qu’il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d’entrave au fonctionnement régulier dudit comité en application des articles L. 432-1 et L. 483-1 du Code du travail, pour avoir informé tardivement et omis de consulter cet organisme sur la cession de 58,25% des actions ; qu’il a été déclaré coupable ; Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, la juridiction du second degré observe notamment que, s’il y a eu deux cessions d’actions distinctes, elles ont eu lieu en même temps après avoir été négociées au même moment et n’ont constitué, économiquement, qu’une seule opération ayant eu pour effet de placer la société exploitant l’entreprise sous la dépendance de la société Financière Sonofoque, et équivalant à une cession de l’entreprise elle-même dont les conséquences étaient de nature à influer sur les conditions des salariés au moins à moyen et long terme ; que dès lors elle imposait la consultation du comité d’entreprise prévue par l’article L. 432-1 précité et d que l’information à laquelle avait procédé le prévenu était tardive et sans intérêt ; Attendu qu’en l’état de ces motifs la cour d’appel a justifié légalement sa décision sans encourir les griefs allégués ; que si la vente conclue entre particuliers d’actions ou de parts d’une société commerciale constitue, en règle générale, une opération patrimoniale d’ordre privé à laquelle les dispositions du Code du travail ne sont pas applicables, il en est autrement lorsque, comme en l’espèce, la transmission négociée du capital social est utilisée comme un moyen de placer la société qui exploite une entreprise sous la dépendance d’une autre société; qu’une telle opération, n’est pas une simple prise de participation soumise à la seule information du comité mais équivaut, dans l’ordre économique, à la cession de l’entreprise ellemême, pour laquelle la consultation du comité d’entreprise est exigée par l’article L. 432-1, alinéa 3 du Code du travail ; qu’il n’importe que la décision de cession appartît ou non en droit aux organes représentatifs de la société exploitante dès lors que le
chef d’entreprise ayant participé, même si ce n’était pas en cette qualité, à la réalisation de cette cession, était tenu d’informer et de consulter à son sujet le comité d’entreprise ; D’où il suit que le moyen ne peut être admis ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Dardel, Fontaine, Alphand, Guerder, Fabre conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambr