Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 novembre 2000, 99-80.324, Publié au bulletin

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 novembre 2000, 99-80.324, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :

– X… Paul, X… Loïc, Y… Jean-Jacques, Z… Michel, prévenus,

– la société Le comptoir des entrepreneurs, la Fédération française des syndicats de banques et sociétés financières CFDT, parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 9e chambre, en date du 16 décembre 1998, qui a condamné : Paul X…, pour abus de biens sociaux, diffusion d’informations fausses ou trompeuses en matière boursière, présentation de comptes annuels infidèles, à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 1 000 000 francs d’amende, Loïc X…, pour recel d’abus de biens sociaux, présentation ou publication de comptes annuels infidèles, réalisation d’opérations boursières grâce à des informations privilégiées non rendues publiques, à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 1 000 000 francs d’amende, Jean-Jacques Y…, pour abus de biens sociaux, présentation de comptes annuels infidèles, diffusion d’informations fausses ou trompeuses en matière boursière, à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et 1 000 000 francs d’amende, et, après relaxe définitive, Michel Z… des chefs de complicité de publication de comptes infidèles et de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean-Jacques Y…, pris de la violation des articles 437. 2° de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, ensemble des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques Y… coupable d’avoir, en tant qu’administrateur de la société CIABA, présenté des comptes ne donnant pas une image fidèle de la situation de la société et prononcé des sanctions pénales ;

 » aux motifs que les premiers juges ont pertinemment rappelé que, par application de la loi comptable, notamment des dispositions des articles 12 et 14 du Code du commerce, 7 et 8 du décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983, la société CIABA, qui exerçait une activité de marchand de biens, avait pour obligation d’établir, pour l’exercice clos au 31 décembre 1991, la valeur d’inventaire de son stock immobilier à sa valeur de marché à la date de clôture de l’exercice ; que la différence entre cette valeur et celle d’entrée (coût d’acquisition) devait faire l’objet d’une provision ; qu’ils ont relevé que la société CIABA conservait en stock à cette date des ensembles immobiliers acquis entre les 4 septembre 1990 et 24 janvier 1991 pour un montant global de 1 282, 2 millions de francs, somme intégralement financée par le CDE qui avait consenti à sa filiale, dont il avait le contrôle exclusif, plusieurs prêts d’un total de 1 824 millions de francs, soit un excédent de 541, 2 millions de francs, destiné au financement de frais et travaux, au paiement d’indemnités d’éviction et même à la constitution d’une provision des intérêts mis à la charge de CIABA ; qu’ils ont retenu, par une exacte appréciation que la Cour s’approprie, des évaluations et expertises mises au débat que la valeur du stock (figurant à l’actif du bilan 1991 pour 1 283 341 976 francs lignes BT BU) aurait dû être provisionnée à hauteur de 400 millions de francs au moins et non pas pour 59, 887 millions de francs ; qu’il s’ensuit que le résultat comptable aurait dû traduire une perte de près de 380 millions de francs et non pas un déficit de 31 millions de francs ; qu’il n’est pas sans intérêt de noter que le CDE, porteur de 66, 98 % des actions de CIABA, encaissait sur celle-ci des dividendes de 24, 047 millions de francs (cote D 61) ; que les comptes annuels de CIABA ont été définitivement arrêtés par le conseil d’administration réuni le 12 mai 1992 en l’absence du commissaire aux comptes, démissionnaire, mais en présence de tous les administrateurs ; qu’ils ont été soumis à l’approbation des associés réunis en assemblée générale ordinaire le 29 juin 1992 ; que l’administrateur Jean-Jacques Y… était parfaitement informé, avant que les comptes fussent arrêtés, des effets de la crise de l’immobilier conduisant à l’obligation de provisionner ; qu’ainsi, le jugement déféré énonce judicieusement que Y… en avait la double connaissance, d’abord en qualité de président du CDE dont les commissaires aux comptes lui réclamaient la constitution de provisions significatives pour tenir compte du double risque participations et crédit encouru du fait de CIABA, ensuite d’administrateur de cette société anonyme dont le président A… avait, dans son projet de rapport de gestion soumis au conseil d’administration du 12 mai 1991, souligné la médiocrité, annoncée dès l’année précédente, de la situation économique et des résultats enregistrés en suite de la crise ; que, bien plus, Jean-Jacques Y… produit, à l’appui de ses écritures, une note établie en décembre 1991 par les Editions Francis Lefebvre, transmise au CDE le 4 février 1992 par l’un des commissaires aux comptes qui prescrit le respect des règles y contenues ;

qu’il résulte de cette étude, premièrement, que la crise ne pouvait plus être ignorée ( » la baisse actuelle du marché immobilier est un fait nouveau qui rend plus délicate l’évaluation des actifs immobiliers sur lesquels, jusqu’à présent, les risques de dépréciation étaient très faibles… « ), deuxièmement, que la valeur actuelle nette de la totalité des frais restant à supporter, définie par la valeur du marché déterminée à dire d’expert, voire par référence à des journaux spécialisés et préconisant de constituer les provisions nécessaires ; qu’à cette date du 12 mai 1992, Jean-Jacques Y… connaissait par ailleurs l’évaluation faite par la SEEIF qui était intervenue à sa demande pour satisfaire aux exhortations des commissaires aux comptes de l’institution financière spécialisée et selon laquelle le stock de CIABA était surévalué de 404 millions de francs ; que c’est précisément cette surestimation et ses incidences dans les comptes consolidés du CDE qui ont conduit Jean-Jacques Y… à procéder à la déconsolidation fictive de la société CIABA pour en extraire les risques des comptes consolidés du CDE et, ainsi, berner les commissaires pour les conduire à certifier ; que le but de cette manoeuvre résidait essentiellement dans la volonté de donner du CDE et de sa filiale CIABA principal débiteur dont on exigeait des dividendes quelle que soit sa situation financière une image extrêmement favorable (arrêt, p. 30 et 40) ;

 » alors que, premièrement, le texte d’incrimination vise, non pas le fait d’avoir statué sur les comptes en tant que membre du conseil d’administration, mais le fait d’avoir  » publié  » ou  » présenté aux actionnaires  » les comptes de la société ; qu’en omettant de constater, au cas d’espèce, que Jean-Jacques Y… a participé à la publication des comptes ou à leur présentation, peu important qu’il ait participé au conseil d’administration ayant statué sur les comptes, les juges du fond ont privé leur décision de base légale ;

 » et alors que, deuxièmement, il n’a pas été constaté par les juges du fond qu’à supposer qu’il ait eu connaissance du caractère infidèle des comptes, Jean-Jacques Y… ait eu en vue de dissimuler la situation véritable de la société CIABA ; qu’ainsi, de ce chef encore, l’arrêt attaqué est dépourvu de base légale  » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Jean-Jacques Y…, pris de la violation de l’article 437. 2° de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, ensemble les articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs manque de base légale :

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques Y…, en qualité de président du Comptoir des entrepreneurs, coupable de présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice 1991, de la situation financière et du patrimoine à l’expiration de cette période, prononcé des sanctions pénales et a alloué des réparations aux actionnaires ;

 » aux motifs que le prévenu feint d’oublier que les manoeuvres ci-dessus analysées permettaient de leurrer les commissaires aux comptes en leur faisant croire que le double risque participations et crédit encouru sur CIABA était éliminé et de leur extorquer ainsi la certification des comptes dissimulant la véritable situation de la société en n’en donnant pas l’image fidèle des résultats, de la situation financière et du patrimoine, d’une part, sur l’évaluation de sa participation au capital de CIABA, d’autre part, sur les chances de recouvrer intégralement les créances détenues sur celle-ci ensuite des importants concours financiers sus-mentionnés ; que, sur le premier point, les titres de participation doivent être comptabilisés à leur valeur d’usage estimée en fonction de la situation de la société émettrice ; qu’or, l’actif net de la société CIABA, au 31 décembre 1991, aurait dû être déprécié du montant des provisions à constituer pour dépréciation de son stock immobilier ; qu’ainsi, et conformément aux règles et méthodes comptables que le CDE soutient avoir acceptées (cote D 60), le poste d’actif  » titre de participation et de filiales  » aurait dû être également provisionné pour dépréciation ; que la valeur des titres CIABA, inscrite au bilan pour 110 millions de francs, sans aucune provision (cote D 61) est donc surévaluée ; que, sur le second point, les prêts consentis par le CDE à CIABA, non encore remboursés au 31 décembre 1991 pour 773 836 millions de francs (cote D 61), n’ont fait l’objet d’aucune provision pour risque (créance douteuse) ; qu’or, à la date du 28 avril 1992 à laquelle le conseil d’administration approuvait et arrêtait les comptes de l’exercice, Jean-Jacques Y… ne pouvait ignorer la situation financière préoccupante de la filiale CIABA, sinon il n’aurait pas garanti le risque de sa cessation des paiements dans la contre-lettre qu’il signait le 27 avril 1992 au bénéfice de Z… Investissement ; que la syndication des encours, résultant des propositions faites par le CDE à la Depfa Bank dès le 23 avril 1992, n’était pas de nature à atténuer le risque dès lors que le CDE allait perdre, au profit de son partenaire allemand, son hypothèque de premier rang sur deux des immeubles stockés par CIABA ; que les comptes annuels du CDE au 31 décembre 1991 ont été présentés aux actionnaires à l’assemblée générale ordinaire du 26 mai 1992 ; qu’ils ont fait l’objet d’une publication au BALO le 6 juin 1992 ; que le tableau d’activité et de résultats consolidés au 30 juin 1992 comparé à celui établi au 30 juin 1991 comportait les mêmes dissimulations aggravées par la persistance et les effets exponentiels de la crise immobilière (p. 43) ;

 » alors que, premièrement, pour apprécier la situation de la société à la date de la clôture des comptes, il est permis de prendre en considération des éléments révélés entre cette date et la date d’approbation des comptes ; qu’en l’espèce, les actions détenues par le CDE dans le capital de la société CIABA ont été cédées avant que les comptes fussent approuvés, et pour un prix comparable à la valeur comptable des titres ; que, dès lors, il était exclu que l’on puisse retenir à l’encontre de Jean-Jacques Y… la présentation de comptes infidèles à raison de la valeur pour laquelle les actions ont été prises en considération ; qu’à cet égard déjà, l’arrêt attaqué a été rendu en violation des textes sus-visés ;

 » et alors que, deuxièmement, en faisant état de ce que les prêts consentis à la société CIABA n’avaient fait l’objet d’aucune provision pour risques, à la date du 31 décembre 1991, bien que, s’agissant de ces prêts, la prévention n’ait visé qu’un amoindrissement des garanties survenu au cours de l’exercice 1992, les juges du fond se sont affranchis des limites de leur saisine  » ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Michel Z…, pris de la violation des articles 121-3 et 121-7 du Code pénal, 437. 2° de la loi du 24 juillet 1966, 10-1 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, 1101, 1102 et 1108 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

 » en ce que l’arrêt attaqué a, sur l’action civile, déclaré le prévenu coupable de complicité de présentation de comptes sociaux inexacts et de diffusion d’informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé et l’a condamné à indemniser solidairement les actionnaires des conséquences dommageables de ces délits ;

 » aux motifs, d’une part, qu’il appartient au juge pénal de donner aux actes et faits qui lui sont soumis leur véritable qualification sans s’en tenir à celles qu’en proposeraient les parties, encore moins à l’apparence née d’actes simulés, de contre-lettres et d’interposition de personnes ; que la Cour analyse les termes non équivoques de la contre-lettre secrète du 27 avril 1992, la simultanéité des décisions puis des paiements, l’identité des contreparties synallagmatiques, comme les juges du tribunal, en une double opération de portage, celui des actions de CIABA par Z… Investissement pour déconsolider fictivement la filiale, celui des actions émises par Z… Investissement et fictivement souscrites par le CDE dans le cadre de l’augmentation de capital ; que l’argumentation des prévenus selon laquelle la contre-lettre serait dépourvue d’effets juridiques est singulière et à rejeter dans la mesure où Jean-Jacques Y… tenait de la loi et du pacte social le pouvoir d’engager la société à l’égard des tiers sans que la nullité des actes excédant les pouvoirs de l’administrateur puisse nuire aux droits de ces derniers, s’ils ont agi de bonne foi, que l’acte unilatéral de Jean-Jacques Y…, accepté par Michel Z… qui en a exigé les termes et le dépôt chez son notaire, comporte des obligations de faire qui engagent le CDE et, qu’enfin, cette convention expressément qualifiée de portage en contient les clauses essentielles, à savoir promesses de rachat et de revente, sont de bénéfices et pertes, absence de charges financières pour le porteur ;

 » aux motifs, d’autre part, que, si la déconsolidation frauduleusement opérée de la CIABA n’a eu aucune conséquence sur l’établissement des comptes annuels du CDE pour l’exercice clos du 31 décembre 1991, seul visé par la prévention, il n’en demeure pas moins que les manoeuvres ci-dessus analysées permettaient de leurrer les commissaires aux comptes en leur faisant croire quel double risque participation et crédit encouru sur CIABA était éliminé et de leur extorquer ainsi la certification des comptes dissimulant la véritable situation de la société et n’en donnant pas l’image fidèle des résultats, de la situation financière et du patrimoine, sur l’évaluation effective de sa participation au capital CIABA d’une part, et sur les chances de recouvrer intégralement les créances détenues sur celle-ci suite aux importants concours financiers susmentionnés d’autre part ; que l’actif net de la société CIABA au 31 décembre 1991 aurait dû être déprécié du montant des provisions à constituer pour dépréciation de son stock immobilier, et qu’en conséquence la valeur des titres CIABA inscrite au bilan pour 110 millions de francs sans aucune provision est donc surévaluée ; que les prêts consentis par le CDE à CIABA, non encore remboursés au 31 décembre 1991 pour 773 836 millions de francs n’ont fait l’objet d’aucune provision pour risque au titre des créances douteuses ; qu’à la date du 28 avril 1992 à laquelle le conseil d’administration approuvait et arrêtait les comptes de l’exercice, Jean-Jacques Y… ne pouvait ignorer la situation financière préoccupante de la filiale CIABA, sinon il n’aurait pas garanti le risque de sa cessation des paiements dans la contre-lettre qu’il signait le 27 avril 1992 au bénéfice de Z… Investissement ; qu’ainsi les délits de présentation de comptes annuels inexacts et de diffusion de fausses informations ayant effet sur le cours des titres cotés sont caractérisés à l’égard de Jean-Jacques Y… en sa qualité d’administrateur de la CIABA et de président du CDE ;

 » aux motifs, enfin, que Michel Z… connaissait et la fausseté des comptes résultant du défaut de provisionnement des doubles risques crédit et participation liés à CIABA et la nécessité d’obtenir la certification sans laquelle les comptes du CDE ne pouvaient ni être présentés, ni être publiés ; qu’à la date du 27 avril 1992, il avait pu analyser tant les comptes annuels de la CIABA que ceux annuels et consolidés du CDE ; que professionnel avisé de la promotion et des transactions immobilières, il n’avait pas pu ne pas s’interroger sur la valeur du stock immobilier détenu par CIABA ; qu’il admettait avoir été informé de ce que  » le CDE avait un problème de provision avec ses commissaires aux comptes  » et que Jean-Jacques Y… ne souhaitait conserver que 19 % chez CIABA pour pouvoir déconsolider la société ; que c’est sciemment que Michel Z… fournissait à Jean-Jacques Y… l’aide et l’assistance dans les actes qui permettaient d’obtenir la certification des comptes, ensuite leur présentation et publication ; qu’il devra répondre solidairement avec l’auteur principal, des conséquences dommageables des délits ;

 » alors que, d’une part, le partage qui comporte l’obligation pour le porteur, sur demande du donneur d’ordre, de se rendre actionnaire par acceptation ou souscription d’actions, en contrepartie d’un transfert ultérieur de ces actions à une personne désignée et à un prix fixé dès l’origine est une convention synallagmatique qui exige, pour sa validité, l’accord réciproque des deux contractants présentant la double qualité de débiteur et de créancier ; qu’en l’espèce, la contre-lettre datée du 27 avril 1992 et signée du seul dirigeant du CDE, constitue une manifestation unilatérale de volonté insusceptible de caractériser une telle convention ; qu’en décidant le contraire, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision ;

 » alors que, d’autre part, le délit de complicité de publication de comptes annuels inexacts prévu à l’article 437-2 de la loi du 24 juillet 1966 suppose que le prévenu ait sciemment participé à l’élaboration des comptes erronés pour permettre au dirigeant de communiquer des comptes annuels infidèles dans le but de dissimuler la véritable situation de la société ; qu’en l’espèce, dans les comptes consolidés du CDE, arrêtés au 31 décembre 1991, incluant les comptes de la filiale CIABA, la valeur des titres CIABA était d’ores et déjà surévaluée eu égard à la dépréciation de l’ensemble immobilier et l’absence de provision destinée à compenser le risque afférent aux crédits consentis par le CDE à CIABA et non encore remboursés, était déjà acquise, en raison d’un accord de principe de syndication de ces crédits, avec effet immédiat consenti par la Banque allemande DEPFA le 23 avril 1992 et communiqué le 24 avril 1992 à la Commission bancaire et aux commissaires aux comptes ; qu’ultérieurement, au vu de ces éléments, les comptes consolidés du CDE ont été certifiés par les commissaires aux comptes le 28 avril 1992, puis présentés à l’assemblée générale le 26 mai 1992 et enfin publiés au BALO le 6 juin 1992 ; qu’en conséquence si la déconsolidation des comptes de la filiale CIABA réalisée le 27 avril 1992 par l’acquisition de 80 % des titres par la société Z… Investissement, à supposer fictive, eu égard à la convention de portage croisée retenue par les juges du fond, a pu convaincre les commissaires aux comptes que les futurs comptes annuels de 1992 du CDE ne seraient plus affectés par la situation financière obérée de la filiale CIABA, elle est en revanche demeurée étrangère aux dissimulations d’ores et déjà consommées portant sur l’évaluation des titres de participation CIABA et sur le recouvrement des créances consenties à celle-ci figurant sur les comptes de l’exercice 1991 ; que les comptes infidèles certifiés par les commissaires aux comptes ont été présentés à partir de données inexactes, préalablement établies par le seul dirigeant du CDE, de sorte que le délit de présentation de comptes infidèles destinés à dissimuler la véritable situation de la société a été consommé indépendamment de l’opération de portage inopérante reproché au prévenu ; qu’ainsi le fait de complicité n’a pas été caractérisé ;

 » alors, enfin, que, la complicité par aide et assistance n’est punissable que si cette aide ou assistance a été prêtée sciemment ; que la déconsolidation des comptes, à supposer essentielle pour la certification des comptes annuels infidèles, ne peut être retenue comme acte constitutif de complicité que s’il est établi de manière certaine que la cession des titres de la société CIABA a été réalisée avec la connaissance, par le prévenu, que l’évaluation des actifs immobiliers devant entrer dans les comptes du CDE était fallacieuse ; qu’en se bornant à énoncer que le prévenu, du fait de sa qualité de professionnel avisé de l’immobilier, n’avait pas pu ne pas s’interroger sur la valeur du stock immobilier détenu par CIABA, la cour d’appel a seulement présumé l’intention du prévenu et n’a pas caractérisé les éléments constitutifs de la complicité  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société anonyme, Le Comptoir des entrepreneurs (CDE), institution financière spécialisée et investie d’une mission de service public, société anonyme, présidée par Jean-Jacques Y…, a pris, en décembre 1988 et janvier 1989, par l’intermédiaire de deux filiales, la Société d’investissement et de participation (SIPARI) et la société Sipari Volney, le contrôle de la Compagnie immobilière pour l’amélioration des bâtiments anciens (CIABA), qui exerçait une activité de marchands de biens et dont Jean-Jacques Y… était administrateur ;

Que la CIABA devant être intégrée dans la consolidation des comptes du Comptoir des entrepreneurs, ce dernier était soumis aux obligations résultant notamment des articles 357 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 ;

Que la CIABA ayant comptabilisé dans ses stocks le prix d’acquisition des immeubles achetés avant et après sa prise de contrôle par le CDE, des provisions justifiées par la décote de la valeur d’inventaire auraient dû être constituées ;

Qu’en dépit des recommandations pressantes des commissaires aux comptes, confortées par celles de la Commission bancaire, aucune provision n’a été inscrite dans les comptes du CDE clôturés les 31 décembre 1991 et 30 juin 1992 ;

Attendu que, par la suite, le CDE et sa filiale SIPARI ont cédé 80, 93 % des actions de la CIABA à la société Z… Investissement, société holding du groupe Promoréal, dirigée par Michel Z… ;

Qu’il est apparu que cette cession s’était inscrite dans le cadre d’une opération simulée destinée à reprendre le contrôle de la société CIABA par une participation à l’augmentation du capital de la société Z… Investissement ; que, par un engagement unilatéral du 27 avril 1992, souscrit par Jean-Jacques Y…, la cession avait été subordonnée à l’engagement pris par le CDE d’acquérir 1 969 actions de la CIABA, au prix global de 132 907 500 francs, montant exact de la valeur de cession des actions de cette société ;

Qu’à la suite de cette combinaison, la société CIABA était détenue pour 19, 07 % par la société SIPARI et pour 80, 93 % par la société Z… Investissement, dans laquelle la société SIPARI détenait 19, 75 % du capital ;

Que, sur la base notamment du rapport d’enquête de la COB et de l’expertise ordonnée par le juge d’instruction, d’où résultait que la valeur des immeubles en stock de la CIABA était inférieure à la valeur d’inventaire et que des provisions significatives auraient dû être constituées, Francesco A…, président de la CIABA, et Jean-Jacques Y…, administrateur de cette société, ont été poursuivis pour publication ou présentation de comptes annuels infidèles de cette société et, en outre, le second, pour la même infraction concernant le CDE ; que, par ailleurs, Jean-Jacques Y… a été poursuivi du chef de diffusion d’informations trompeuses et Michel Z… pour complicité des délits commis par ce dernier ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Jacques Y… coupable de publication ou présentation de comptes infidèles, les juges ont constaté que les comptes annuels de la CIABA, clos au 31 décembre 1991 et soumis à l’assemblée générale ordinaire des actionnaires du 29 juin 1992, avaient surestimé le poste  » stock  » des immeubles ne correspondant pas à la réalité et que le résultat comptable aurait dû traduire une perte de près de 380 MF et non de 312 MF ; qu’ils relèvent que Jean-Jacques Y… administrateur de la CIABA et président du CDE était parfaitement informé, avant de participer à l’arrêté des comptes, des effets de la crise de l’immobilier ayant conduit à l’obligation de constituer des provisions ; qu’après avoir décrit les méthodes employées par Jean-Jacques Y… pour  » procéder à la déconsolidation fictive de la société CIABA pour en extraire les risques des comptes consolidés du CDE et ainsi, berner les commissaires aux comptes pour les conduire à certifier « , ils concluent que le but de cette manoeuvre résidait essentiellement  » dans la volonté de donner du CDE et de sa filiale CIABA… une image extrêmement favorable  » ;

Que, pour déclarer Michel Z… coupable de complicité des délits commis par Jean-Jacques Y…, les juges du second degré retiennent que, professionnel avisé de la promotion et des transactions immobilières, il connaissait la fausseté des comptes du CDE et qu’il a participé en connaissance de cause à l’opération de déconsolidation fictive de la CIABA en ayant fourni sciemment à l’auteur principal l’aide et l’assistance dans les actes qui avaient permis d’obtenir la certification des comptes, ensuite leur présentation et leur publication ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a, sans excéder les limites de sa saisine, justifié sa décision ;

Que, d’une part, il résulte de ces énonciations procédant de son pouvoir souverain d’appréciation, que Jean-Jacques Y…, qui a eu connaissance du caractère infidèle des comptes de la CIABA et du CDE, a agi en vue de dissimuler la véritable situation des sociétés ;

Que, d’autre part, commet le délit prévu à l’article 437. 2°, de la loi du 24 juillet 1966, l’administrateur en fonction qui a participé à la délibération ayant décidé la présentation des comptes ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Jean-Jacques Y…, pris de la violation de l’article 1382 du Code civil, de l’article 437. 2° de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, ensemble les articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

 » en ce que l’arrêt attaqué a condamné Jean-Jacques Y… à payer diverses indemnités à des parties civiles qui auraient acquis des actions sur la base d’indications erronées ;

 » aux motifs que les actionnaires ne peuvent réclamer que la réparation du dommage résultant directement des délits de présentation ou publication de comptes annuels inexacts ou de la diffusion d’informations trompeuses pour l’exercice et le semestre concerné par la prévention ; que les actionnaires ayant souscrit les actions après le 6 juin 1992, date de publication des comptes annuels au BALO sur le fondement des informations mensongères qu’il contenaient, sont en droit de prétendre qu’ils n’auraient pas acheté s’ils avaient eu connaissance de la situation réelle du CDE et dans ces conditions, évaluent leur préjudice au montant de leur souscription et des conséquences financières de la privation des sommes engagées ; qu’en ce qui concerne les actionnaires dont les droits ont été antérieurement acquis, ils sont fondés à soutenir qu’ils ont été privés de l’exercice efficace de leur droit de vote et surtout, de la faculté de revendre aussitôt leur titre avant la chute brutale du cours ; que, si la valeur résiduelle de l’action doit être considérée, l’indisponibilité de la différence des sommes (valeur de l’action au 26 mai 1992, date de l’assemblée générale ordinaire, diminuée de la valeur résiduelle), ne peut être négligée ; qu’en tenant compte de tous ces paramètres, les premiers juges ont exactement évalué le droit à réparation des actionnaires ;

 » alors que, premièrement, en cause d’appel, Jean-Jacques Y… contestait formellement les demandes des actionnaires en énonçant les raisons pour lesquelles elles devaient être rejetées ; que, dès lors, les juges du second degré ne pouvaient se borner à renvoyer aux constatations et vérifications faites par les premiers juges ; qu’en effet, si les premiers juges ont statué comme ils l’ont fait, c’est en l’absence de contestation de la part de Jean-Jacques Y… ainsi que le relève formellement le jugement entrepris ; que, dès lors, l’arrêt attaqué est privé de base légale au regard des textes susvisés ;

 » et alors que deuxièmement, et en tout cas, faute de s’être expliqué comme le demandait formellement Jean-Jacques Y…, sur le cas de chacun des demandeurs à l’effet de déterminer si, eu égard à sa situation, il pouvait prétendre à une réparation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes sus-visés  » ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour Michel Z…, pris de la violation des articles 437-2 de la loi du 24 juillet 1966, 10-1 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale :

 » en ce que l’arrêt attaqué a condamné Michel Z…, solidairement avec l’auteur principal, à payer des dommages-intérêts aux actionnaires du CDE ;

 » aux motifs que les actionnaires ayant souscrit des actions du CDE, après le 6 juin 1992, date de publication des comptes annuels du BALO, sur le fondement des informations mensongères, qu’ils contenaient, sont en droit de prétendre qu’ils n’auraient pas acheté s’ils avaient eu connaissance de la situation réelle du CDE et dans ces conditions d’évaluer leur préjudice au montant de leurs souscriptions et des conséquences financières de la privation des sommes engagées ; qu’en tenant compte de tous ces paramètres, les premiers juges ont exactement évalué le droit à réparation des actionnaires, parties civiles ;

 » alors que, d’une part, l’action civile n’est recevable qu’autant que l’infraction reprochée est à l’origine directe du préjudice invoqué ; que le préjudice des actionnaires déjà titulaires de parts sociales de la société mère, lors de l’acquisition des parts de la société CIABA, par le prévenu, tenant à l’impossibilité d’exercer efficacement leur droit de vote et de revendre leurs titres avant la chute des cours, n’est pas directement lié à la présentation de comptes infidèles reprochée à titre principal à Jean-Jacques Y…, dirigeant du CDE et à titre de complicité, à Michel Z…, les actionnaires actuels pouvant toujours contrôler les comptes à travers les rapports de commissaires aux comptes et la tenue des assemblées générales au cours desquelles ces derniers répondent aux questions qui leur sont posées ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 2 du Code de procédure pénale ;

 » alors que, d’autre part, la cour d’appel, pour justifier du montant des dommages-intérêts accordés aux actionnaires déjà titulaires de parts lors de la présentation des comptes annuels infidèles, n’a pu, sans se contredire, estimer que le préjudice s’appréciait par rapport à la valeur de l’action à la date de l’assemblée générale ordinaire du 26 mai 1992 diminuée de la valeur résiduelle, sachant que, d’après les pièces de la procédure, la cotation du titre suspendue le 8 février 1993 sur demande de la COB, a été interrompue pendant 27 mois, suite au refus de l’actionnaire principal, les AGF, de participer à la recapitalisation, élément affectant la valeur résiduelle indépendamment des délits reprochés ; qu’en statuant ainsi, l’arrêt n’est pas légalement justifié  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’en évaluant comme elle l’a fait la réparation du préjudice résultant directement pour les actionnaires du CDE des faits de présentation ou publication de comptes infidèles et de complicité, dont elle a déclaré Jean-Jacques Y… et Michel Z… respectivement coupables, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir souverain d’appréciation, dans la limite des conclusions des parties, de l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction ;

D’où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour


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