Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 novembre 2000, 00-80.494, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 29 novembre 2000, 00-80.494, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf novembre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de Me BLONDEL, et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– La SOCIETE INOXEBOIS , partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 19 octobre 1999, qui, dans la procédure suivie contre Patrick Z… pour abus de biens sociaux, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 321-1 et 441-1 du Code pénal, violation des articles 437, 460, 463 et 464 de la loi du 24 juillet 1966, violation des règles et principes qui gouvernent l’autorité de la chose jugée, violation de l’article 2 du Code de procédure pénale, des articles 1120 et 1382 du Code civil, ensemble des articles 2044 et suivants du même Code et méconnaissance des exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles portant condamnation, lequel jugement avait dit que Patrick Z… était en droit d’invoquer à son profit le bénéfice des dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil et de soulever l’exception de transaction à l’encontre des demandes formulées par la SA Inoxebois ;

« aux motifs propres que, par un jugement définitif du 19 février 1998, le tribunal de grande instance de Béthune a, entre autres dispositions, déclaré Patrick Z…, président-directeur général de la société Inoxebois, coupable d’abus de biens sociaux pour avoir, courant 1992/1993 à Henin Beaumont, fait facturer à la société qu’il dirigeait des travaux réalisés à son domicile personnel pour une valeur de 495 000 francs par la SARL Construction Roubaisienne ; que, par ce même jugement, le tribunal avait en outre condamné Patrick Z… à payer à Inoxebois, 1 franc à valoir sur le montant de son préjudice et 5 000 francs en application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale et renvoyé l’affaire à l’audience du 4 juin 1998 ; que, par jugement du 5 novembre 1998, le tribunal correctionnel de Béthune a :

– déclaré irrecevable l’intervention de Me A…, en sa qualité de liquidateur de la SARL Construction Roubaisienne, l’a débouté en conséquence de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné à payer à la SA Inoxebois une somme de 3 000 francs sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;

– dit que Patrick Z… était en droit d’invoquer à son profit le bénéfice des dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil et de soulever l’exception de transaction à l’encontre des demandes formulées par la société Inoxebois ;

– débouté en conséquence cette dernière de ses demandes et condamné Patrick Z… à payer la somme de 1 franc à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 francs sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;

« et aux motifs encore qu’en ce qui concerne la société Inoxebois par accord du 13 octobre 1990, M. Z…, père, a vendu, sous diverses conditions suspensives, au groupe Electrolux les actions Inoxebois, dont lui-même et sa famille étaient propriétaires pour le prix de 14 776 000 francs ; que le 13 mai 1993, Patrick Z… a démissionné de son poste de président-directeur général de la société Inoxebois parce qu’il avait été convaincu d’avoir abusé des biens de la société qu’il dirigeait, comportement qui sera sanctionné par le jugement précité du 19 février 1998 ; qu’il est également certain que c’est à la suite de la révélation de ces faits que M. Z… père a, par « acte transactionnel » de juillet 1993, se portant fort pour les membres de sa famille, ramené à 4,5 millions de francs le prix de la vente des actions Inoxebois en échange de ce renoncement : « toutes les autres conventions signées précédemment par les parties sont annulées, chacune des parties renonçant expressément à tout acte judiciaire ou autre contre les parties » ; que la nature transactionnelle au sens des articles 2044 et suivants du Code civil de cet accord résulte :

– des termes clairs, précis et non équivoques :

* de l’accord du 13 octobre 1990 ;

* de l’acte transactionnel de … juillet 1993 ;

* de la lettre de (décision !) (démission) du 3 mai 1993 de Patrick Z… et du refus subséquent du groupe Electrolux, exprimé par lettre du 7 mai 1993, de lui payer une quelconque indemnité de licenciement ;

– de la logique chronologique des événements ci-dessus rapportés qui aboutissaient à la réduction du prix des actions vendues ;

« et aux motifs encore que le jugement déféré doit donc être confirmé en ses dispositions relatives à Inoxebois même si par un jugement définitif du 19 février 1998, le tribunal correctionnel de Béthune a condamné Patrick Z… à payer à Inoxebois pour une cause non exprimée une somme d’1 franc à valoir ;

« et aux motifs, à les supposer adoptés du jugement du tribunal correctionnel de Béthune du 5 novembre 1998, qu’il résulte des pièces versées aux débats qu’un protocole d’accord transactionnel a été signé le 28 juillet 1993 entre André Z… (le père du condamné, agissant tant en son nom personnel que pour le compte des autres membres de sa famille pour lesquels il se portait fort), et le groupe Electrolux ainsi que ses filiales Batinox et Inoxebois ; qu’il était clairement précisé dans le contrat que (…) chacune des parties renonçant expressément à tout acte judiciaire ou autre contre l’autre partie » ; qu’il importe de bien préciser que, dès le 7 mai 1993, le directeur général d’Inoxebois (M. Y…) était au courant des abus de biens sociaux commis par Patrick Z… ; que cet élément doit être (rapporté) (en réalité rapproché) d’une attestation de M. X…, ancien expert-comptable des sociétés Batinox et Inoxebois qui témoignent que « l’intention des parties était de clore définitivement les dossiers des sociétés Batinox et Inoxebois à la date du 20 juillet 1993 pour toutes les opérations connues à cette date » ; qu’en définitive, la société demanderesse connaissait au moment de la signature du document des malversations réalisées par M. Z…, au plan de la réparation civile, cet accord est opposable au juge qui ne peut en conséquence que faire bénéficier M. Z… de l’exception de transaction, les prétentions de la société Inoxebois seront dès lors répétées ;

compte tenu toutefois du contexte et des agissements délictueux de Patrick Z…, Inoxebois ne sera condamné à verser que le franc symbolique à M. Z…, outre une somme de 3 000 francs sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ;

« alors que, d’une part, la cour d’appel méconnaît le sens et la portée du dispositif du jugement intermédiaire du 19 février 1998 d’où il ressort que Patrick Z…, reconnu coupable notamment du délit d’abus de biens sociaux, a été condamné à payer à la partie civile une somme de 1 franc à valoir sur le montant de son préjudice, lequel ne pouvait être que celui résultant de l’infraction commise, étant de plus observé que ce jugement bénéficiait de l’autorité définitive de la chose jugée puisqu’il n’avait pas été déféré à la Cour ; qu’en affirmant cependant que la condamnation au paiement d’une somme de 1 franc l’aurait été pour une cause non exprimée et que le prévenu pouvait utilement faire état ultérieurement d’un accord transactionnel signé le 28 juillet 1993, la Cour méconnaît le sens et la portée clairs du dispositif du jugement du 19 février 1998 et partant viole les règles et principes qui gouvernent l’autorité de la chose jugée ;

« alors que, d’autre part, et en toute hypothèse, la partie civile insistait sur le fait que, pour qu’il y ait transaction valable, il faut réunir trois éléments : l’existence d’une situation litigieuse ou d’un différend entre les parties, l’intention de celles-ci de mettre fin au litige qui les oppose et l’existence de concessions réciproques consenties par chacune des parties en vue de réaliser la transaction ; que, dans le cas d’espèce, aucune de ces conditions n’étaient réunies puisqu’aux termes de l’exposé des motifs de l’accord opposé, il n’est nullement fait mention d’un quelconque différend, les parties n’ayant pas décidé de mettre fin à un litige, ni même à un litige à naître, mais uniquement d’organiser globalement le départ d’André Z…, en sa qualité d’ancien actionnaire et de salarié des sociétés concernées ; que, de surcroît, on cherche en vain les concessions qu’a pu faire André Z… en sa qualité de porte fort de son fils Patrick et le caractère réciproque des concessions indispensables pour pouvoir caractériser une transaction (cf. p. 7 et 8, des écritures d’appel) ; que la Cour se contente d’affirmer qu’il ressort de la logique chronologique des événements rapportés par elle, qui ont abouti à la réduction du prix des actions vendues, la nature transactionnelle au sens des articles 2044 et suivants du Code civil de l’acte transactionnel de juillet 1993 ; que, cependant, les affirmations de la Cour quant à ce, ne permettent pas de caractériser de façon suffisante une transaction ayant porté sur les conséquences dommageables du délit qui sera ultérieurement retenu à la charge de Patrick Z… ; qu’ainsi, l’arrêt n’est pas légalement justifié au regard des textes et principes cités au moyen ;

« alors que, de troisième part, la partie civile insistait sur le fait que ce n’est que le 1er juillet 1994 que le commissaire aux comptes a averti le procureur de la République, lui précisant qu’il avait découvert fin juin 1994 un compte fournisseur-débiteur anormal et que ce n’est donc qu’à partir de cette date que les événements ont pris une qualification délictuelle certaine et concrète ; que c’est d’ailleurs en ce sens qu’Inoxebois est intervenue à deux reprises auprès d’André Z…, le 28 juillet et le 4 septembre 1994 ; qu’Inoxebois ne pouvait donc avoir connaissance, lors de la signature de l’acte litigieux un an avant, de l’existence de l’infraction et ne pouvait, en juillet 1993, transiger sur les conséquences financières de l’abus de biens sociaux qui ne se sont révélées que bien plus tard (cf. p. 8 des conclusions d’appel) ; qu’en ne répondant pas à cet aspect de la démonstration de la partie civile faisant état de données précises en fait et en se contentant d’affirmations, la Cour méconnaît les exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

« et alors, enfin que, la partie civile s’est attachée à démontrer que Patrick Z… ne pouvait utilement se prévaloir de l’acte qualifié d’acte transactionnel puisque cet acte avait été signé par le père du prévenu, tant en son nom personnel que pour le compte des autres membres de la famille pour lesquels il se portait fort mais, se porter fort pour un tiers, c’est promettre soi-même qu’un tiers s’engagera si bien qu’André Z… s’est donc obligé personnellement à l’égard du groupe Electrolux à ce que son fils assume tel ou tel engagement et l’engagement en cause était que les membres de la famille Z… devaient céder toutes les actions qu’ils possédaient pour une valeur globale de 4 500 000 francs ;

cependant, qu’antérieurement à la signature de cet acte, André Z… et sa famille détenaient encore des actions dans le capital des sociétés Batinox et Inoxebois ; qu’ainsi, par cette promesse de porte fort, André Z… ne pouvait juridiquement prendre l’engagement que le groupe Electrolux n’engagerait plus aucune action judiciaire à l’encontre d’un des membres de la famille Z… et spécialement de Patrick Z… qui n’était pas signataire de l’acte ; qu’en jugeant différemment sans s’exprimer davantage sur un moyen de droit extrêmement solide, la Cour méconnaît de plus fort les exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale, ensemble viole les règles et principes qui gouvernent la promesse de porte fort » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, par des motifs exempts d’insuffisance et procédant de son appréciation souveraine, relevé que la convention litigieuse, conclue le 28 juillet 1993 entre André Z… et la société Electrolux, constituait une transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil, faisant échec aux demandes de la partie civile ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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