Cour de cassation, Chambre criminelle, du 29 mars 1990, 87-80.188, Inédit

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Cour de cassation, Chambre criminelle, du 29 mars 1990, 87-80.188, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingtneuf mars mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MORELLI, les observations de la société civile professionnelle LE BRET et LAUGIER et de la société civile professionnelle RICHE, BLONDEL et THOMAS-RAQUIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

– Y… Emilio,

– La SOCIETE L’UBU,

contre l’arrêt de la cour d’appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, du 11 décembre 1986, qui a condamné le premier à 3 000 francs d’amende, pour contrefaçon, a déclaré la seconde civilement responsable et s’est prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande, en défense, en réplique et en duplique ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 40 de la loi du 11 mars 1957, 426 à 429 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, 30, 32, 36, 86 et 177 du Traité de Rome, défaut de motifs et manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a, sur l’action publique, rejeté la demande de Y… tendant à ce que la Cour de Justice des Communautés européennes soit saisie d’une question préjudicielle, l’a déclaré coupable de contrefaçon et l’a condamné à la peine de 3 000 francs d’amende, et, sur l’action civile, condamné Y… et la société UBU, civilement responsable, à réparer l’entier préjudice subi par la SACEM, à payer à celle-ci une provision de 48 474 francs, et ordonné une expertise pour déterminer ledit préjudice ;

 » aux motifs qu’est sans objet la comparaison faite par le prévenu entre le montant des taux de perception retenus par certains Etats et ceux de la SACEM ; qu’il n’apparaît nullement en conséquence que l’action de la SACEM soit contraire aux dispositions des articles 32 et 36 du Traité de Rome et qu’elle ait enfreint les règles de concurrence suivant les distinctions prévues par l’article 86 dudit Traité, que la demande tendant à ce que soit posée une question préjudicielle à la Cour des Communautés européennes sur la validité des contrats proposés par la SACEM doit donc être rejetée ;

 » alors d’une part, que la perception, en France, par la SACEM d’un droit de reproduction  » complémentaire  » sur l’exploitation de supports de son importés d’un autre Etat membre où ils avaient été régulièrement mis sur le marché et où la diffusion publique d’oeuvres protégées ne donne lieu qu’à une seule redevance correspondant au droit de représentation, constitue une entrave à la libre circulation des marchandises et, un abus de la SACEM de la position dominante qu’elle détient sur le territoire français, partie substantielle du marché commun ; qu’en statuant par une pure affirmation selon laquelle cette contestation serait sans objet, la Cour a entaché son arrêt d’un défaut de motifs ;

 » alors d’autre part, et subsidiairement, qu’en toute hypothèse la Cour de Cassation aura la faculté de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle en interprétation sur le fondement de l’article 177 du Traité de Rome ; que cette question pourra être ainsi libellée :  » Les dispositions du Traité de Rome doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles font obstacle à ce qu’une société de droits d’auteurs, jouissant pour la protection de son répertoire d’un monopole de fait et liée par des contrats de représentations réciproques à diverses sociétés étrangères de même nature implantées dans des pays membres de la Communauté, perçoive des utilisateurs, à l’occasion de l’exécution publique d’oeuvres appartenant au répertoire de ces sociétés faites au moyen de phonogrammes mis en libre pratique sur le territoire desdits Etats membres, une redevance dont la perception est légalement autorisée dans l’Etat d’utilisation, mais non dans les Etats d’où ils sont importés  » ;

Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué que, sans verser les redevances correspondantes, Emilio Y…, qui exploite une discothèque, a utilisé dans cet établissement des oeuvres musicales appartenant au répertoire de la  » Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique  » (SACEM) ; que sur plainte de celle-ci il a été poursuivi du chef de contrefaçon ;

Attendu que, retenant la culpabilité du prévenu et accueillant la constitution de partie civile de cet organisme, la juridiction du second degré relève, avant de se prononcer par les motifs reproduits au moyen, qu’en exécution de contrats réciproques et en accord avec les conventions internationales la SACEM représente en France les sociétés d’auteurs ou les auteurs étrangers dont elle est de la sorte chargée de protéger et d’exploiter les droits ; que ces auteurs conservent le pouvoir de contracter avec toute personne de leur choix et que lesdites conventions n’ont pas pour objet d’entraver la libre circulation des marchandises dès l’instant où l’article 2 de la Convention universelle sur le droit d’auteur précise que les oeuvres des ressortissants de tout Etat contractant jouissent dans tout autre Etat contractant de la protection que ce dernier accorde aux oeuvres de ses ressortissants ;

Attendu, d’une part, que saisie par une autre juridiction d’une demande d’interprétation du Traité de d Rome, en ce qui concerne la question formulée par les demandeurs, la Cour de justice des Communautés Européennes y a répondu par son arrêt du 13 juillet 1989 ; qu’il s’ensuit qu’en sa deuxième branche le moyen est devenu sans objet ;

Attendu d’autre part qu’en l’état des motifs précités la cour d’appel exerçant, conformément aux principes posés dans ledit arrêt, le pouvoir dévolu à la juridiction du fond, a souverainement décidé, au vu des éléments de preuve contradictoirement débattus et après avoir déclaré établi le délit poursuivi, que ne pouvait être reproché à la SACEM ni l’entrave cidessus mentionnée, ni un abus de position dominante rendant l’action de cet organisme contraire aux dispositions du Traité de Rome ;

Qu’en conséquence le moyen ne saurait être admis ;

Sur le moyen de cassation additionnel, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

 » en ce que, statuant sur l’action civile, l’arrêt confirmatif attaqué a condamné in solidum Y… et la société l’UBU à réparer l’entier préjudice subi par la SACEM du fait de la contrefaçon retenue contre Y… ; et, avant dire droit, afin de déterminer le montant de ce préjudice, désigné un expert ayant pour mission de calculer le montant des redevances qui auraient dû être versées à la SACEM par la société l’UBU si celle-ci avait conclu avec la société de gestion un contrat couvrant la période du 1er janvier au 8 octobre 1985, et condamné Y… à payer à la SACEM une provision de 48 474 francs ;

 » aux motifs que dans le dernier contrat de 1984 il est précisé que les séances dansantes de l’UBU ont lieu, tous les soirs de 20 heures à 2 heures du matin à l’exception du dimanche et que sans qu’il soit nécessaire de dresser un constat quotidien il apparaît que c’est de façon habituelle que les oeuvres du répertoire de la SACEM ont été diffusées ;

 » alors que seul est réparable le dommage directement causé par l’infraction ; que la contrefaçon retenue contre le prévenu, utilisateur de musique, n’ayant pas consisté dans le refus de celui-ci de conclure un contrat de représentation générale avec la société de gestion partie civile, le préjudice subi par cette dernière ne saurait être constitué par le manque à gagner résultant pour elle du défaut de conclusion de ce contrat  » ;

Attendu que constatant qu’en violation des droits des auteurs représentés par la SACEM le prévenu a utilisé dans son établissement des oeuvres musicales figurant au répertoire de cet organisme, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs la cour d’appel a estimé à juste titre que le préjudice dont la partie civile, en tant que cessionnaire des droits précités, était fondée à obtenir réparation découlait directement des actes de contrefaçon déclarés établis par les juges, au vu des éléments de preuve dont ils ont souverainement apprécié la valeur ;

Que dès lors le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;


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