Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 septembre 2001, 99-30.151, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 septembre 2001, 99-30.151, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept septembre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FEUILLARD ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– LA SOCIETE EURESA LIFE,

– LA SOCIETE EURESA HOLDING SA,

– LE GROUPEMENT EUROPEEN D’INTERET ECONOMIQUE

EURESA,

– Y… Thierry,

contre l’ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS, en date du 6 avril 1999, qui a autorisé l’administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents en vue de rechercher la preuve d’une fraude fiscale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur la recevabilité des pourvois formés par les sociétés Euresa Life et Euresa Holding SA et par le Groupement européen d’intérêt économique (GEIE) Euresa, contestée par la défense ;

Attendu que chacune de ces trois entités a effectué une déclaration de pourvoi en son nom propre ; que, dès lors, le moyen contestant leur recevabilité sera rejeté ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par les sociétés Euresa Life, Euresa Holding SA et le GEIE Euresa, pris de la violation de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« en ce que l’ordonnance attaquée a autorisé les agents de l’administration fiscale à procéder aux visites et saisies prévus par l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales dans les divers locaux professionnels désignés comme occupés à Paris par les sociétés Euresa Life, Euresa Holding SA, GEIE Euresa, SA Adi Alternative et Derivative Investments, SA Ofigest, SA Omnium Financier de Valeurs Mobilières, Gageot SA, SA Fractales, SICAV Palmarès Actions Europe, SA Ofima Patrimoine, SA Vernier Entreprendre, SA Aurel Holding, SA Lexis, SA Palmarès Gestion, SICAV Ofima Europe, SA Business et Computers Consultants, SA Ofima Futur, SA Compagnie du Tandem, SA Ofime Gestion, SA Ofipart, SNC Ofivalmo Services, SICAVOfimabond, SICAVOfima Trésor, SICAVOfima France, SA Fractales, SICAVConvertibles, SICAVOfima Oblig, SCI Hôtelière de Sainte-Maxime, SA Ofivalor, SA Sopilor, SA Ofima Réalisation, SICAVOfima Midcap, SICAVOfima Court Terme, SA Gestepargne, SARL Elide Conseil, SA Ofi Info et SA Ofima Gestion, dans deux agences de la Banque Française Crédit Coopératif sises à Paris 8ème et au domicile de M. et Mme Y… ;

« aux motifs que des versements en espèces, égaux ou inférieurs à 50 000 francs, ont été faits en grand nombre et de façon anonyme depuis divers bureaux de poste en Isère, en novembre 1997 sur le compte postal de la BFCC par un sieur X…, co-gérant de la SARL Act’Performance et associé de la SARL Act’Investissement ; qu’au cours des mois de juillet et août 1998, il a été appelé depuis la ligne téléphonique commune à ces sociétés deux numéros au Luxembourg, 431382 et 254259 dont le premier est en liste rouge et le second correspond à Euresa Life ; que d’autres versements en espèce sur le même compte postal ont été effectués en novembre 1997 et juillet 1998 accompagnés d’un message du type Euresa Life ou Euresa L et parfois suivi d’un numéro de référence ; que le véritable destinataire n’est donc pas la Banque Française de Crédit Coopératif qui a émis le 7 janvier 1998 et le 2 février 1998 deux chèques sur son compte postal au profit du compte ouvert dans ses livres à son propre nom pour un montant total de 2 100 000 francs, mais une entité juridique dont la dénomination sociale est Euresa Life qui a son siège social au Luxembourg ; que, si seul le GEIE Euresa est connu en France, son activité peut se confondre avec celle de la société d’assurance-vie Euresa Life ; que le GEIE Euresa est un bureau de liaison n’ayant aucune activité commerciale pour le compte des membres du GEIE ;

qu’il a ses comptes bancaires à la Banque Française du Crédit Coopératif ; qu’au travers les comptes postaux et bancaires de la Banque Française du Crédit Coopératif, Euresa Life organise en France un système de collecte de fonds et effectue de la sorte en France des opérations professionnelles occultes ; que la société de droit luxembourgeois Euresa Holding est actionnaire de la société Euresa Life et également présumée exercer ses activités en France où elle est inconnue des services fiscaux ; que Thierry Y…, demeurant à Paris, est à la fois directeur général et représentant de la société Euresa Holding, directeur du GEIE Euresa et administrateur de la société Euresa Life ;

« alors, d’une part, que le juge qui ne relève à l’appui de sa décision aucune circonstance déduite du comportement de la société Euresa Life ou de la destination finale des sommes collectées par le biais de la Banque Française de Crédit Coopératif susceptible de caractériser le fait que ces sommes étaient destinées à la société Euresa Life qui collectait de la sorte des fonds sur le territoire français et de corroborer ainsi la mise en cause indirecte de cette société résultant des mentions informatives figurant sur les mandats postaux adressé à la banque, n’a pas satisfait aux prescriptions de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« alors, d’autre part, que le juge qui ne relève de présomptions qu’à l’encontre de la société Euresa Life ne pouvait étendre au GEIE Euresa et à l’ensemble des sociétés domiciliées à la même adresse que celui-ci, les visites et saisies autorisées, sans caractériser les éléments dont elle prétend déduire que le GEIE serait le représentant de la société Euresa Life ou que son activité pourrait se confondre avec celle de la société Euresa Life dont il ne constate pas qu’elle en serait membre, ni plus généralement constater qu’il trouve dans les informations fournies par l’Administration les renseignements nécessaires pour en déduire que des pièces et documents se rapportant à cette fraude pourraient se trouver dans lesdits locaux ; qu’en cet état, le juge a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« et alors, enfin, qu’en toute hypothèse que le juge ne pouvait, alors qu’il constate que le GEIE Euresa n’avait aucune activité commerciale, affirmer que son activité pourrait se confondre avec celle, commerciale, de la société Euresa Life ; que cette contradiction prive sa décision de motifs en violation de l’article 455 nouveau du Code de procédure civile » ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Thierry Y…, pris de la violation de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« en ce que l’ordonnance attaquée a autorisé les agents de l’administration des Impôts à procéder à la visite du domicile privé de Thierry Y… situé … ;

« aux motifs qu’il existe des présomptions selon lesquelles la société Euresa Life exerce une activité professionnelle en France sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes, que la SARL Act’Perfomance et Act’Investissement dissimulent tout ou partie de leurs recettes commerciales et qu’ainsi, ces trois entités se soustraient à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou en omettant sciemment de passer ou faire passer des écritures, ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts ;

« alors, d’une part, que le juge qui autorise une visite domiciliaire doit relever les éléments de fait de nature à caractériser la présomption d’existence de l’un des agissements spécifiquement visés par la loi pour se soustraire à l’impôt ; qu’en statuant de la sorte par des motifs d’ordre général, sans relever le moindre fait de nature à laisser présumer que la société Euresa Life se serait livrée, pour se soustraire à l’impôt, à l’un des agissements visés par la loi, le seul fait pour une société étrangère de ne pas faire de déclaration fiscale en France n’étant pas contraire à la loi fiscale, l’ordonnance attaquée a violé l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« alors, d’autre part, qu’en statuant de la sorte, sans même avoir relevé le moindre fait ou le moindre agissement suspect directement commis par la société Euresa Life de nature à faire présumer l’exercice par elle d’une activité professionnelle occulte en France, l’ordonnance attaquée a violé l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« alors, en troisième lieu, que le fait pour une société de droit luxembourgeois qui travaille selon les propres constatations du juge en libre prestation de service à partir du Luxembourg, de collecter soi-disant des fonds auprès d’une clientèle française sans souscrire de déclaration en France, n’est pas à lui seul de nature à caractériser une activité professionnelle « occulte », et à faire présumer l’existence d’une infraction fiscale, dès lors que cette activité donne bien lieu, ce qui n’est pas contesté, à une déclaration fiscale au Luxembourg ; qu’ainsi, l’ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« alors, enfin, qu’en ne précisant pas, de manière concrète, en quoi le domicile personnel de Thierry Y…, simple administrateur de la société Euresa Life et totalement tiers aux sociétés Act’Performance ou Act’Investissement soupçonnées de fraude fiscale, était susceptible de contenir des documents illustrant cette prétendue fraude, l’ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales » ;

Les moyens étant réunis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par les sociétés Euresa Life, Euresa Holding SA et le GEIE Euresa, pris en sa première branche et sur le premier moyen de cassation proposé par Thierry Y…, pris en ses trois premières branches ;

Attendu qu’il résulte de l’ordonnance attaquée que la société Euresa Life, ayant son siège au Luxembourg et une activité de vente de produits d’assurance-vie et d’épargne-retraite, a organisé en France où elle dispose de comptes bancaires, un système de collecte de fonds par l’intermédiaire de personnes qui effectuent, dans des bureaux de poste, des versements anonymes en espèces ; que l’ordonnance en conclut qu’il existe des présomptions que cette société exerce une activité commerciale en France sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la décision n’encourt pas les griefs allégués, dès lors que le juge a souverainement apprécié les éléments de preuve présentés par l’Administration ;

Sur les autres branches des moyens ;

Attendu que l’ordonnance attaquée relève qu’au vu des pièces produites, l’activité du GEIE Euresa peut « se confondre avec celle de la société d’assurance-vie Euresa Life » et que Thierry Y… exerce les fonctions d’administrateur de cette société et de directeur du GEIE Euresa ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, l’ordonnance attaquée n’encourt pas les griefs allégués, dès lors qu’il en ressort que des documents se rapportant à la fraude présumée étaient susceptibles de se trouver dans les locaux du GEIE Euresa et au domicile de Thierry Y… ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par Thierry Y…, pris de la violation de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« en ce que l’ordonnance attaquée a autorisé les agents de l’administration des Impôts à procéder à la visite du domicile privé de Thierry Y…, situé … ;

« alors qu’en ne précisant pas les exercices pour lesquels la preuve de la fraude devait être recherchée par les agents de l’administration des Impôts, l’ordonnance attaquée a violé l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales » ;

Attendu qu’aucune disposition légale n’impose au juge de préciser les exercices sur lesquels porte l’autorisation ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé par Thierry Y…, pris de la violation de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

« en ce que l’ordonnance attaquée a autorisé des agents de l’administration des Impôts ayant le grade de contrôleur à procéder à la visite du domicile privé de Thierry Y…, situé … ;

« alors que seuls les agents de l’administration des Impôts ayant au moins le grade d’inspecteur peuvent être autorisés à effectuer une visite domiciliaire ; qu’ainsi, l’ordonnance attaquée a violé l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales » ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 16-B du Livre des procédures fiscales, les agents de l’administration des Impôts ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des Impôts, peuvent se faire assister dans leurs opérations par d’autres agents des impôts ayant un grade inférieur dès lors qu’ils sont habilités dans les mêmes conditions ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’ordonnance est régulière en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau, Mmes Thin, Desgrange conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Feuillard ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre


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