Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 juin 2001, 00-86.037, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 juin 2001, 00-86.037, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– La SOCIETE CIRCUIT DU VAL DE VIENNE,

-L’ASSOCIATION SPORTIVE AUTOMOBILE DU VIGEANT, parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 7 septembre 2000, qui, après relaxe partielle de Jean-Claude Y… et Béatrice X… épouse Y…, des chefs d’abus de biens sociaux et escroquerie, les a déboutées de leurs demandes ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 110, 425-4 , 431 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a relaxé Jean-Claude Y… du chef d’abus de biens sociaux fondé sur les faits d’augmentation unilatérale de son salaire de 1 000 francs par mois sans délibération des organes statutaires et en conséquence d’avoir débouté la société CIRCUIT VAL DE VIENNE de sa demande en indemnisation du préjudice découlant de ce chef d’infraction ;

« aux motifs que lors de son audition, Jean-Claude Y… a admis « je ne sais plus pour quelle raison, je me suis octroyé cette augmentation de 1 000 francs. Honnêtement, je ne sais plus quand cette augmentation a eu lieu. Il n’y a pas eu de délibérations du Conseil d’Administration pour cela ;

j’ai perçu cette augmentation jusqu’à ma cessation de fonctions de président en avril 1997 » ; que certes en application des dispositions de la loi de 1966, c’est le conseil d’Administration qui détermine la rémunération du Président ; qu’en l’espèce, il est constant que ladite augmentation n’a pas été décidée par le Conseil ; que toutefois, celui-ci n’a pu l’ignorer pas plus que les actionnaires puisque en annexe des bilans figurent les montants des rémunérations dont celles des mandataires ; que dans la société, seules quatre personnes étaient rémunérées ce qui rendait facilement le contrôle de leur variation ; que les bilans ont d’ailleurs été approuvés par l’assemblée et quitus donné à la directrice et le commissaire aux comptes n’a fait aucune observation ; que lorsque Jean-Claude Y… a démissionné de ses fonctions de président et a été nommé directeur salarié, le conseil d’Administration a fixé sa rémunération en ne la réduisant que de 1 000 francs ; il est à noter qu’au vu des déclarations antérieures, la rémunération avait régulièrement augmenté. Ainsi il apparaît que l’élément moral, à savoir la mauvaise foi de Jean-Claude Y… n’est pas suffisamment établie, il y a donc lieu comme l’ont fait les premiers juges d’entrer en voie de relaxe ;

« alors, d’une part, que, en vertu de l’article 110 de la loi du 24 juillet 1966, le conseil d’Administration d’une société anonyme a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du président, mais n’a pas le pouvoir de ratifier la décision de celui-ci qui, sans obtenir préalablement une décision du Conseil s’est alloué une rémunération supplémentaire ; que l’approbation des comptes d’une société anonyme et le quitus donné aux administrateurs ne fait pas obstacle à ce que soit recherchée la responsabilité des administrateurs pour leur gestion ; qu’en estimant que le délit d’abus de biens sociaux n’était pas caractérisé à l’encontre de Jean-Claude Y…, la Cour a violé les textes visés au moyen ;

« alors, d’autre part, que la décision sur l’action publique, fondée sur l’absence de mauvaise foi de Jean-Claude Y… en ce qui concernait les éléments constitutifs du délit d’abus de biens et du crédit de la société, ne faisait pas obstacle à ce que les juges du fond retiennent que la somme litigieuse avait été indûment perçue au regard des dispositions de la loi du 24 juillet 1966 et était de ce fait sujette à répétition ; qu’en déboutant la partie civile de ses demandes, la Cour n’a pas donné de base légale à sa décision » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 110, 425-4 , 431 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a relaxé Jean-Claude Y… du chef d’abus de biens sociaux fondé sur le fait d’avoir acquis, sans l’autorisation du Conseil d’Administration une barquette ALFA ROMEO pour la somme totale de 192 320 francs toutes taxes comprises et d’avoir, en conséquence, débouté la partie civile de ses demandes fondées sur ce chef de préjudice ;

« aux motifs qu’il semblerait qu’en réalité cette voiture ALFA ait été destinée à servir de base à une école de pilotage d’un niveau élevé, mais que pilotée par Jean-Claude Y… et son fils qui reconnaissent qu’il était dangereux de la laisser entre des mains non expertes, elle avait connu des difficultés mécaniques d’ailleurs réparées en partie aux frais de Jean-Claude Y… en ce qui concerne le moteur. Si probablement, Jean-Claude Y… s’est « fait plaisir » en dotant le CIRCUIT DU VAL DE VIENNE d’un véhicule typé, il est insuffisamment établi qu’il ait usé de ce bien dans un but personnel et de mauvaise foi, n’ayant pas soustrait à la vue des autres responsables ledit véhicule qui a toujours été présent dans l’enceinte du circuit, mais qui paraît avoir connu des dysfonctionnements graves à l’origine de sa non utilisation et de sa perte de valeur ;

« alors que, d’une part, l’infraction d’abus de biens et du crédit d’une société vise notamment un acte portant atteinte au patrimoine social, réalisé dans l’intérêt moral du prévenu ; qu’en conséquence, la Cour qui a relevé que le prévenu s’était « fait plaisir » en achetant, sans l’accord du Conseil d’Administration, le véhicule litigieux, ne pouvait prononcer à profit une relaxe ; qu’en statuant ainsi, la Cour a violé les textes visés au moyen ;

« alors que, d’autre part, la Cour ne pouvait relaxer le prévenu, sans rechercher si l’acquisition litigieuse avait été réalisée dans l’intérêt de la société au regard de ses capacités financières et de l’utilité de cette acquisition ; qu’en omettant de procéder à cette recherche, la Cour n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« alors que, enfin, en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher si le moyen de financer le solde du véhicule, par le biais de crédits sur la location de pistes du CIRCUIT VIGEANT, sans l’accord du Conseil d’Administration, ne constituait pas une opération réalisée au détriment de l’intérêt social de la société, la Cour n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles visés au moyen » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n’était pas rapportée à la charge du prévenu, en l’état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 110, 425-4 , 431 de la loi du 24 juillet 1966, 2, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a relaxé Jean-Claude Y… du chef d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la société CIRCUIT DU VAL DE VIENNE visant les faits de produits de consommation, location du circuit à l’ASA et d’escroquerie (pneus) (paragraphe (e) de l’arrêt) ;

« aux motifs que tout comme le tribunal, la Cour ne peut que constater que la citation a visé l’ASA alors que la victime de cette infraction, si elle avait été constituée, ne pouvait être que la SA CIRCUIT DU VAL DE VIENNE, la relaxe sera donc confirmée ;

« alors que la constitution de partie civile peut intervenir à tous les stades de la procédure ; qu’il résultait en l’espèce des conclusions de la société CIRCUIT DU VAL DE VIENNE que celle-ci s’était constituée partie civile des chefs d’abus de biens sociaux et escroquerie visés par l’arrêt en son paragraphe (e) et visant « les produits de consommation et l’escroquerie (pneus) » et avait sollicité sur l’action civile, la réparation du préjudice qui trouvait sa source dans les infractions visées ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour a violé les textes visés au moyen » ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 110, 425-4 , 431 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif a relaxé Béatrice X… épouse Y… du chef d’abus de biens sociaux visant des faits de « produits de consommation et la somme de 1 650 francs » et a débouté la société de CIRCUIT DU VAL DE VIENNE en ses demandes d’indemnisation de son préjudice ;

« aux motifs que ici encore la citation a visé l’association ASA en sa qualité de victime alors que si l’infraction était constituée, seule la SA CIRCUIT DU VAL DE VIENNE serait concernée ;

« alors que dans ses conclusions d’appel, la société du CIRCUIT DU VAL DE VIENNE s’était expressément constituée partie civile de ces chefs d’infraction ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour a violé les textes visés au moyen » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que la société Circuit du Val de Vienne ne saurait se faire un grief de ce que l’arrêt l’a déboutée de ses demandes du chef d’abus de biens sociaux et escroquerie visés aux moyens, dès lors que la constitution de partie civile de ces chefs, faite pour la première fois en cause d’appel, était irrecevable en application de l’article 515 du Code de procédure pénale ;

D’où il suit que les moyens sont irrecevables ;

Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, omission de statuer ;

« en ce que l’arrêt a relaxé Béatrice Y… du chef des infractions qui lui étaient reprochées au préjudice de l’ASA et a débouté cette partie civile de sa demande en réparation de son préjudice ;

« alors que l’association ASA avait relevé appel du chef de la relaxe prononcée par les premiers juges au bénéfice de Béatrice Y… du chef d’escroquerie pour une somme de 32 000 francs, pour des faits de falsification de factures établies à l’en-tête de STANHOME (conclusions pages 52 et 53) ; que la Cour ne s’est pas prononcée de ce chef d’infraction et n’a pas motivé la relaxe de la prévenue de ce chef ; qu’ainsi, sa décision est entachée d’une omission de statuer » ;

Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ;

Attendu que l’Association sportive automobile du Vigeant, qui a relevé appel du jugement ayant relaxé Béatrice X… épouse Y… du chef d’escroquerie a régulièrement déposé des conclusions devant la cour d’appel tendant à la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 32 000 francs à titre de réparation civile ;

Attendu qu’en omettant de statuer sur cette demande, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Poitiers, en date du 7 septembre 2000, mais seulement en ce qu’il a omis de statuer sur la demande de l’association sportive automobile du Vigeant à l’égard de Béatrice X… épouse Y…, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Poitiers, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé.

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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