Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six janvier mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me THOMAS-RAQUIN et de Me RYZIGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– TOURNIER Jean-Louis, contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE du 17 décembre 1992, qui, sur appel de la partie civile d’une ordonnance de non-lieu, l’a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de participation frauduleuse à des pratiques anticoncurrentielles ;
Vu l’article 574 du Code de procédure pénale en vertu duquel le pourvoi est recevable ;
Vu les mémoires produits, en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 8 et 17 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, des articles 202 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
« en ce que, sur plainte avec constitution de partie civile déposée le 12 mars 1984 par M. Jean X… en qualité de président-directeur général de la société Pagoda Juan et accusant notamment la SACEM d’entente illicite et d’abus de position dominante en infraction aux ordonnances du 30 juin 1945, l’arrêt attaqué, infirmant une ordonnance de non-lieu, a renvoyé Jean-Loup Tournier, président du directoire de ladite SACEM, devant le tribunal correctionnel de Grasse sous la prévention d’infractions aux dispositions précitées de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
« aux motifs que si ce dernier texte « a expressément abrogé à compter du 1er janvier 1987 plusieurs infractions qui figuraient aux ordonnances du 30 juin 1945 et à l’article 419 du Code pénal, cette ordonnance a maintenu le principe de la prohibition, au sens pénal, des abus de position dominante et de dépendance économique dans ses articles 7, 8 et 17 de ce texte. Les nouvelles incriminations des articles 7 et 8 de l’ordonnance de 1986 sont plus douces quant à la définition de l’infraction que celles que l’article 419 du Code pénal, abrogé, prévoyait. Si par contre les pénalités nouvelles sont plus sévères, l’effet ne pourrait concerner qu’une éventuelle condamnation qui ne pourrait dépasser la peine antérieurement prévue, sans faire obstacle à des poursuites fondées sur la loi nouvelle. En outre, les faits dénoncés par la partie civile à l’encontre de la SACEM sous l’empire des textes anciens, ont un caractère continu, et correspondent aux nouvelles incriminations de l’ordonnance de 1986. La SACEM a maintenu les mêmes exigences vis-à-vis des discothèques, tant sous l’empire des anciens textes que sous les nouveaux et l’ordonnance du 1er décembre 1986 est applicable dans le temps. » ;
« alors, d’une part, que l’ordonnance du 30 juin 1945 abrogée par l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne pouvait plus servir de base aux poursuites, et que l’ordonnance du 1er décembre 1986 était elle-même inapplicable aux faits de la cause antérieurs à son entrée en vigueur, dès lors que, par ses éléments constitutifs nouveaux, l’infraction par elle sanctionnée au titre de son article 17 ne pouvait concerner que la répression de faits commis postérieurement à la création du Conseil de la concurrence ; que le renvoi de Jean-Loup Tournier pour des faits commis antérieurement à cette création manque ainsi de fondement légal ;
« alors, d’autre part, que sur le fondement de la plainte en date du 12 mars 1984 qui est à l’origine de la poursuite, le renvoi de Jean-Loup Tournier devant le tribunal correctionnel ne pouvait se concevoir, s’agissant de faits postérieurs à cette plainte et au 1er janvier 1987, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986, qu’en présence d’un réquisitoire supplétif visant expressément lesdits faits ; que la seule qualification de délit continu appliquée par le ministère public aux faits de la cause pour soutenir en termes généraux l’application à ces faits de l’ordonnance de 1986 ne peut équivaloir à cette saisine « in rem » de la chambre d’accusation ; que la notion de délit continu, juridiquement inefficace, ne peut y suppléer ; qu’en cet état, le renvoi quant auxdits faits manque lui aussi de support légal » ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation par fausse application des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986, de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que, pour renvoyer Jean-Loup Tournier devant le tribunal correctionnel de Grasse, l’arrêt attaqué déclare ladite ordonnance du 1er décembre 1986 applicable à la SACEM ;
« aux motifs qu’il résulte des dispositions de l’article 53 de cette ordonnance « que les règles définies à ladite ordonnance s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution ou de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques », que « si, d’après ses statuts, la SACEM exerce par délégation des auteurs le droit discrétionnaire dont ceux-ci disposent sur leurs oeuvres, elle n’en est pas moins une entreprise qui effectue de nombreuses activités de service pour la gestion du patrimoine d’autrui et qui agit de façon autonome et parfois exclusive. Elle possède des pouvoirs propres de négociation, d’application de conventions et de fixation du taux de la redevance et relève ainsi, en tant que prestataire de services, des dispositions » de cette ordonnance ;
« alors que le fait d’autoriser, moyennant une redevance, la représentation ou la reproduction d’une oeuvre de l’esprit ne saurait être considéré comme une « activité de services » ; et que la Cour ne pouvait en conséquence décider qu’était susceptible de relever pénalement de l’ordonnance du 1er décembre 1986 l’activité de la SACEM consistant à délivrer à des discothèques cette autorisation » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte des termes de l’article 574 du Code de procédure pénale que le prévenu ne peut attaquer devant la Cour de Cassation l’arrêt de la chambre d’accusation qui le renvoie devant le tribunal correctionnel ; que cette règle ne souffre d’exception que dans la mesure où l’arrêt a statué sur la compétence ou présente des dispositions que le tribunal n’a pas le pouvoir de modifier ;
qu’il n’en est pas ainsi des dispositions de l’arrêt attaqué que critique le demandeur, à l’égard desquelles les juges du fond conservent leur liberté d’appréciation et les droits de la défense demeurent entiers ;
D’où il suit que les moyens sont irrecevables ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Souppe conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Jean Simon, Blin, Carlioz, Jorda conseillers de la chambre, Mme Verdun conseiller référendaire, M. Galand avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;