Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq janvier deux mille, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle BOULLOCHE et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LUCAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– C… Jacques,
– Y… Etienne,
– D… Yves,
– X… Albert,
– E… Patrick,
– Z… Hervé,
– B… Bernard,
contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 7 octobre 1999, qui, dans l’information suivie contre eux pour extorsion d’engagements de signatures ou de fonds, abus de position dominante, complicité, a déclaré irrecevables leurs requêtes formées en application de l’article 175-1 et les demandes en annulation de pièces de la procédure ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 6 décembre 1999, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jacques C…, Etienne Y…, Z…, Bernard B… et Yves D…, pris de la violation des articles 173, 174, 206, 175, 175-1, 179, 183, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable une requête de deux des mis en examen tendant à voir la chambre d’accusation se prononcer sur le règlement de la procédure, et a déclaré irrecevables, par voie de conséquence, les demandes d’annulation présentées par le procureur général et par les parties ;
» aux motifs que le recours à l’article 175-1 du Code de procédure pénale suppose que l’information soit toujours en cours ; que, tel n’était plus le cas à la date des requêtes (30 juin 1999), dès lors que le juge d’instruction avait délivré ses avis de fin d’information (le 10 juin précédent) ; que la chambre d’accusation n’étant pas saisie du dossier, elle ne saurait, sans commettre un excès de pouvoir, se prononcer sur la régularité de la procédure et faire application de l’article 206 du Code de procédure pénale ;
» alors, d’une part, que la procédure d’information est toujours en cours, aussi longtemps que l’ordonnance de règlement n’est pas rendue ; que la faculté offerte au mis en examen par l’article 175-1, alinéa 3, du Code de procédure pénale de demander à la chambre d’accusation de se prononcer directement sur le règlement de l’affaire, à l’expiration d’un délai d’un an après sa mise en examen, lui est donnée aussi longtemps que l’ordonnance de règlement n’est pas intervenue, peu important que le juge d’instruction ait effectué ou non les formalités de l’article 175 du Code de procédure pénale ; que la chambre d’accusation a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas ;
» alors, d’autre part, que, même après la notification de la fin de l’instruction prévue par l’article 175 du code de procédure pénale, les parties, et notamment le procureur de la République, conservent le pouvoir d’invoquer la nullité des pièces de la procédure postérieures à cet avis ; qu’en refusant de faire droit à la demande du parquet, en nullité d’une ordonnance postérieure à l’avis de fin d’information, la chambre d’accusation a méconnu ses propres pouvoirs » ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Patrick E… et Albert A…, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 175, 175-1, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
» en ce que la chambre d’accusation a déclaré irrecevable une requête tendant à obtenir une ordonnance de non-lieu, présentée au juge d’instruction après délivrance de l’avis de fin d’information, puis à elle-même ;
» aux motifs qu’il résulte des termes de l’article 175-1 du Code de procédure pénale que le juge d’instruction peut être saisi d’une requête aux fins de règlement de la procédure dès lors que l’information dure, en ce qui concerne le demandeur, depuis plus d’un an ; que ce texte implique nécessairement que l’information soit toujours en cours ; que la faculté ouverte au requérant par l’alinéa 3 de l’article 175-1 du Code de procédure pénale de saisir directement la chambre d’accusation d’une requête identique faute par le juge d’avoir statué dans le délai d’un mois est soumise à la même condition de recevabilité ; qu’en l’espèce, à la date du dépôt de la requête initiale devant le magistrat instructeur, soit le 30 juin 1999, ce dernier avait déjà délivré son avis de fin d’information le 10 juin précédent ; que, dès lors, à partir du 11 juin 1999, les parties ou leurs avocats n’étaient plus recevables à déposer des requêtes aux fins de règlement de la procédure ; qu’en conséquence, les requêtes déposées devant la chambre d’accusation seront déclarées irrecevables (arrêt p. 12 et 13) ;
» alors que l’information est toujours en cours tant que le juge d’instruction n’a pas rendu une ordonnance clôturant l’instruction, soit par un non-lieu, soit par un renvoi devant la juridiction de jugement, soit encore par une transmission du dossier pour saisine de la chambre d’accusation en cas de crime ; qu’en l’espèce, il est constant qu’à la date à laquelle Patrick E… a présenté sa requête au juge d’instruction sur le fondement de l’article 175-1 du Code de procédure pénale, ce juge avait seulement délivré un avis de fin d’information mais n’avait pas rendu d’ordonnance clôturant celle-ci ; que, dès lors, en déclarant cette requête irrecevable, et donc la requête la saisissant, la chambre d’accusation a violé les textes visés au moyen » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 10 juin 1999, le juge d’instruction, saisi d’une information contre notamment Albert X… et Patrick E…, a délivré l’avis de fin d’information ; que, par requêtes du 30 juin suivant, ces derniers ont demandé au magistrat de prononcer un non-lieu, sur le fondement de l’article 175-1 du Code de procédure pénale ; que le juge n’ayant pas statué dans le mois suivant la réception de la demande, les intéressés ont saisi directement la chambre d’accusation aux fins de règlement de la procédure ;
Attendu qu’en déclarant irrecevables ces requêtes ainsi que, par voie de conséquence, les demandes aux fins d’annulation présentées, en application de l’article 206 du Code de procédure pénale, par d’autres parties, l’arrêt attaqué n’encourt pas la censure ;
Qu’en effet, lorsqu’elle est déposée au cours du délai de vingt jours suivant l’avis prévu à l’article 175 du Code de procédure pénale, toute demande aux fins de non-lieu ou de renvoi devant la juridiction de jugement est sans objet ;
Que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pinsseau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani, M. Dulin conseillers de la chambre, M. Desportes conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;