Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq avril mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Le GALL, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur les pourvois formés par :
– X… Colette, 1 ) contre l’arrêt de la cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle, du 20 mai 1992, qui a dit n’y avoir lieu à annulation des actes de la procédure et ayant évoqué l’affaire au fond, l’a renvoyée à une audience ultérieure ;
2 ) contre l’arrêt de ladite cour d’appel, du 1er décembre 1993, qui l’a condamnée, pour présentation de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la situation financière de la société, à 10 mois d’emprisonnement avec sursis et 6 000 francs d’amende ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I- Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 20 mai 1992 :
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 15 septembre 1992 disant n’y avoir lieu à examen immédiat du pourvoi ;
Attendu qu’en l’absence de moyen produit ou pouvant être relevé d’office, ce pourvoi ne peut qu’être rejeté ;
II- Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 1er décembre 1993 :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 437-2 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 avril 1983, 9 du Code de commerce, 14 de la loi du 13 juillet 1967 en vigueur au moment des faits, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré la prévenue coupable du délit de présentation d’un bilan inexact ;
« aux motifs qu’il résulte des déclarations du syndic, du comptable et du commissaire aux comptes de la société que la prévenue a fait établir et présenté à l’assemblée générale des actionnaires du 30 juin 1982 un bilan daté du 30 septembre 1981 indiquant un bénéfice de 985 959 francs ;
que ce bilan a été refusé par l’assemblée générale des actionnaires, que refait sur les instructions du commissaire aux comptes, le nouveau document comptable laissait en réalité apparaître une perte de 15 000 870 francs ;
« que contrairement à ce qu’affirme la prévenue celle-ci était, à la date du 30 juin 1982, encore la présidente de la SA établissements X…, la procédure collective de règlement judiciaire ouverte le 3 mai 1982 n’ayant pas eu pour effet de lui retirer cette attribution mais uniquement de la faire assister par un syndic ;
« que le bilan incriminé ne constitue pas un simple document constatant une situation provisoire mais se présente comme un document comptable, que même intitulé « bilan provisoire » un tel document est censé donner une image fidèle des opérations de l’exercice ;
« que d’ailleurs c’est bien dans ce but qu’il a été présenté à l’assemblée des actionnaires du 30 juin 1982 ;
« que ce document est bien l’un des documents comptables visés à l’alinéa 2 de l’article 437 de la loi du 24 juillet 1966 ;
« que le comptable de la société a indiqué qu’il avait établi le bilan pour se conformer aux ordres de la prévenue ;
« que la circonstance que les actionnaires auraient eu connaissance de la situation véritable de la société n’est pas de nature à retirer aux agissements du dirigeant social leur caractère délictuel dès lors qu’un bilan est destiné à donner une image fidèle des résultats des opérations de l’exercice non seulement aux actionnaires, mais également aux tiers, qu’en l’espèce le faux bilan a été adressé à une banque aux fins d’obtention de facilités supplémentaires ;
« alors que, d’une part, si le dirigeant légal d’une société en état de règlement judiciaire ne perd pas sa qualité de ce seul fait, il résulte des dispositions de l’article 14 de la loi du 13 juillet 1967 en vigueur au moment des faits, que le jugement qui prononce le règlement judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, l’assistance obligatoire du débiteur par le syndic pour tous les actes concernant l’administration de ses biens, que dès lors l’établissement d’un bilan ne peut valablement être effectué par le seul dirigeant d’une société en règlement judiciaire, qu’il en résulte qu’en l’espèce où la prévenue a soumis seule et sans l’assistance du syndic, un document comptable intitulé « bilan provisoire » aux associés qui étaient parfaitement au courant de la situation réelle de l’entreprise, le délit de présentation d’un bilan inexact ne pouvait être constitué du seul fait des inexactitudes figurant dans un tel document qui n’avait pas été établi conformément aux dispositions de l’article 243 du décret du 23 mars 1967 et ne constituait donc pas un bilan au sens de l’article 437 de la loi du 24 juillet 1967 dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 avril 1983 ;
« alors que, d’autre part, puisque la Cour a admis que, comme la prévenue le soutenait, les associés connaissaient la véritable situation de la société, l’élément intentionnel de l’infraction prévue par l’article 437 de la loi du 24 juillet 1967 et qui est constitué par la volonté de dissimuler la véritable situation de la société était nécessairement inexistant au moment de la présentation du document litigieux aux actionnaires, que si par ailleurs, ce document qualifié de « provisoire » a été adressé à une banque, il ne pouvait avoir aucune valeur probante dès lors que, comme la Cour l’a constaté, il n’avait pas été approuvé par les actionnaires ni par conséquent publié, que cet envoi qui n’a d’ailleurs pas été poursuivi sous la qualification d’escroquerie, ne pouvait donc pas tromper son destinataire sur la situation de la société, que dès lors les juges du fond n’ont pas caractérisé l’élément intentionnel de l’infraction en l’espèce » ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Le Gall conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Jorda conseillers de la chambre, Mme Fayet conseiller référendaire appelé à compléter la chambre, M. de Larosière de Champfeu conseiller référendaire, M. le Foyer de Costil avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;