Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 septembre 1998, 97-84.615, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 septembre 1998, 97-84.615, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me PARMENTIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… B… Nicole, épouse A…, partie civile,

contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de BORDEAUX, en date du 10 juin 1997, qui, dans la procédure suivie contre Francis X… B…, sur sa plainte, des chefs d’abus de confiance, recel et vol, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 379 et 408 anciens du Code pénal, 311-1 et 314-1 nouveaux du Code pénal, 2, 3, 177, 201, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse aux conclusions ;

« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre contre Francis Z… des chefs de vol et d’abus de confiance ;

« aux motifs propres qu’à la suite du décès de son père, Léon Z…, intervenu le 29 juin 1982, Nicole A… a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre Francis Y… B…, son demi-frère ; qu’elle lui reprochait :

– la disparition d’un poste de télévision et de deux fusils de chasse appartenant à son père ;

– l’ouverture, le 1er juillet 1982, du coffre que son père détenait à la BNP de Gradignan et la disparition de pesos mexicains déposés dans deux boites en bois au cachet de cire BNP qui avaient été trouvées vides par la suite ;

– la vente au mois de février 1993 d’un terrain situé au Verdon-Sur- Mer, qui ne figurait pas à l’actif du bilan de la SARL Caravan Park, alors qu’il était la propriété de cette SARL ;

– le prélèvement, le 30 septembre 1982, à l’insu des autres héritiers, de la somme de 48 316,40 francs sur le compte-courant d’associé du de Cujus (SARL Caravan Park) ;

– la libération, suspecte, selon elle, d’actions de la SA Surf-Hôtel, souscrites par son demi-frère ;

qu’elle lui faisait en outre grief d’avoir refusé de lui fournir des informations sur la vie sociale des sociétés dont son père était actionnaire ou associé et sur les anomalies qu’elle avait constatées, et évaluait le montant des sommes détournées par son demi-frère au préjudice de la succession à plus de 500 000 francs ; que les diligences accomplies au cours de l’information et du supplément d’information ordonné par la chambre d’accusation ne permettent pas toutefois d’établir des charges suffisantes contre Francis Y… B… de s’être rendu coupable des faits reprochés ; qu’en ce qui concerne la disparition d’un téléviseur et de deux fusils, Francis Z… conteste les faits reprochés ; qu’il a expliqué que ces objets se trouvaient dans la demeure occupée par son père à Soulac-sur-Mer ; qu’il ignorait toutefois s’ils étaient encore en la possession de ce dernier à son décès ; qu’au surplus, courant 1983, des personnes non identifiées s’étaient introduites par effraction dans la maison inhabitée ; qu’en l’état de ces éléments, et en raison de l’ancienneté des faits et de l’impossibilité de poursuivre au-delà des investigations, aucun élément ne permet d’établir la réalité du délit dénoncé ; qu’en ce qui concerne le vol de valeurs dans le coffre que Léon Z… détenait à la BNP, que Francis Z… reconnaît s’être rendu seul à la banque et avoir ouvert le coffre de son père après le décès de ce dernier ; qu’il prétend néanmoins n’y avoir été cherché que des papiers personnels à l’exception de toute autre valeur ; que l’information n’a pas permis d’établir ce que contenait exactement le coffre au moment du décès de son titulaire, et les diligences effectuées pour entendre la concubine de Léon Z…, qui aurait pu apporter des informations utiles, se sont avérées vaines ; qu’en ce qui concerne le prélèvement, le 30 septembre 1982, d’une somme de 48 316,40 francs sur le compte-courant d’associé de Léon Z…, les diligences accomplies au cours de l’information, en raison de l’ancienneté des faits et des explications recueillies auprès de l’expert comptable de la société, ont permis de conclure que le débit de cette somme pouvait correspondre à une régularisation de dépenses personnelles faites par Léon Z…, indûment supportées par la SARL Caravan Park ; qu’en ce qui concerne les loyers versés par la société SARL Caravan Park, la partie civile soutient :

– que Francis Z… a loué un terrain qu’il avait acquis à la société et que cette société a ainsi financé partie de ce terrain ;

– que Francis Z… a tenté de faire croire qu’un terrain appartenant à l’indivision avait été loué à la société pour un montant annuel de 24 000 francs, alors qu’à son sens, la valeur locative du terrain devait être de 64 000 francs ;

– que, dans son mémoire, la partie civile conclut à un supplément d’information ; que, dans son mémoire, Francis Z… conclut à la confirmation de l’ordonnance de non-lieu ; que les éléments recueillis au cours de l’information ne permettent pas de caractériser une quelconque infraction pénale, ni de retenir l’existence de charges contre Francis Z…, l’ancienneté des faits (15 ans) et l’impossibilité de poursuivre les investigations, rendant vain un nouveau supplément d’information ;

« et aux motifs du premier juge qu’à la suite du décès de son père, Léon Z…, Nicole A… a déposé une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre de Francis Z…, son demi-frère, estimant qu’un certain nombre d’anomalies avaient eu lieu avant et après le décès de son père ; qu’elle dénonçait la disparition de divers objets au domicile de son père, de pesos-or contenus dans le coffre fort du de cujus à la BNP ; qu’elle évoquait également les difficultés qu’elle rencontrait auprès de son demi-frère pour obtenir des informations sur le fonctionnement de la vie sociale des entreprises que dirigeait son père de son vivant ; qu’elle estimait que le montant des sommes détournées au préjudice de la succession était de 500 000 francs ; que les investigations menées n’ont pas permis de donner une qualification pénale aux faits dénoncés, même si le préjudice subi par la succession semblait réel ; que l’enquête a établi que le débit du compte-courant d’associé du défunt apparaissant au bilan au 30 septembre 1982 correspondait à une régularisation relative à des dépenses effectuées par celui-ci, qui avaient été indûment supportées par la SARL Caravan Park ; que, si les faits devaient recevoir une qualification pénale, celle d’abus de biens sociaux en l’occurrence, l’auteur ne pourrait en être que le de cujus lui-même ; que l’accès au coffre que dénonce Nicole A… appelle les observations suivantes :

– l’agence bancaire abritant le coffre n’a pas conservé le carnet de visite couvrant la période du décès de Léon Z… ;

– Francis Z… disposait, pour accéder librement à ce coffre, d’un mandat en date du 2 mars 1974 ;

– lorsqu’il y a simplement mandat (comme c’est ici le cas), le décès du titulaire met fin au mandat ;

– que les investigations menées auprès de la BNP ne permettent pas d’établir formellement que Francis Z… a sciemment accédé au coffre de son père après le décès et, en faisant un usage abusif, délictuel, du mandat qui était le sien ; que sa responsabilité civile face à un éventuel manquement à ses obligations, à l’égard des autres héritiers du défunt, n’a pas à être appréciée pénalement ; qu’enfin, les dysfonctionnements supposés de la SARL Caravan Park dénoncés par la partie civile dans sa dernière audition sont, soit artificiels, soit le résultat d’un manque d’information : elle se plaint de n’avoir rien perçu sur le prix de la parcelle de terrain sise au Verdon et appartenant à la SARL, alors que la destination normale de cette somme est l’actif de la SARL et non pas une délivrance en propre de tout ou partie de ce produit aux associés eux-mêmes ;

1 ) alors que la chambre d’accusation est tenue de répondre aux moyens développés par la partie civile dans son mémoire d’appel ; que, s’agissant du vol d’un téléviseur et de deux fusils par Francis Z…, Nicole A… soutenait que ce dernier s’était opposé, au moment du décès, à l’établissement d’un inventaire des objets se trouvant au domicile du défunt de sorte de pouvoir faire disparaître, en toute impunité, ceux qu’il voulait voir échapper à la succession ; qu’en laissant sans réponse ce moyen, la chambre d’accusation a violé les textes visés au moyen ;

2 ) alors que la chambre d’accusation est tenue de répondre aux moyens développés par la partie civile dans son mémoire d’appel ; que, s’agissant de la disparition du contenu de boîtes scellées se touvant dans le coffre du défunt, Nicole A… faisait valoir que Francis Z… aurait pu recourir aux formes légalement prescrites pour avoir accès à ce coffre, et qu’en utilisant abusivement un mandat révoqué pour avoir accès audit coffre, seul, dès le décès de Léon Z…, Francis Z… avait mis en évidence sa mauvaise foi et ainsi son intention de s’approprier certains biens à l’insu des autres successibles ; qu’en ne répondant pas plus à ce moyen, la chambre d’accusation a violé les textes visés au moyen ;

3 ) alors que la chambre d’accusation est tenue de répondre aux moyens développés par la partie civile dans son mémoire d’appel ; que, de même, au titre, du prélèvement effectué par Francis Z… sur un compte du défunt, Nicole A… exposait qu’il était totalement fantaisiste de prétendre que ce prélèvement avait été réalisé pour régulariser des dépenses personnelles qui aurait été faites par le défunt aux dépens de la SARL Caravan dès lors que ces « dépenses personnelles » comprenaient, notamment, des frais de carburant quand Léon Baras- B… ne disposait d’aucun véhicule personnel ; qu’en ignorant aussi ce moyen, la chambre d’accusation a violé les textes visés au moyen ;

4 ) alors que la chambre d’accusation ne saurait omettre de statuer sur un chef d’inculpation ; qu’en ne s’expliquant nullement sur le chef invoqué par la plainte de Nicole A…, tiré des irrégularités dans le versement de loyers à la SARL Caravan Park, la chambre d’accusation a violé les textes visés au moyen ;

5 ) alors que la chambre d’accusation ne saurait omettre de statuer sur un chef d’inculpation ; qu’en ne s’expliquant pas plus sur le chef invoqué par la plainte de Nicole A…, tiré cette fois des irrégularités dans la transmission d’informations sur la vie sociale des sociétés gérées par le défunt, la chambre d’accusation a violé les textes visés au moyen ;

6 ) alors que (subisidiairement) la chambre d’accusation est tenue de donner les motifs pour lesquels elle estime n’y avoir lieu à suivre des chefs visés par une plainte ; qu’en toute hypothèse, à admettre que ces deux chefs aient été écartés par le motif général qu’il n’existait pas de charges suffisantes ou de qualification pénale pour renvoyer Francis Z… devant une juridiction de jugement, la chambre d’accusation a violé les textes visés au moyen » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d’accusation, après avoir analysé les faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a exposé les motifs par lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les délits reprochés ou toute autre infraction et qu’il n’y avait pas lieu de procéder à des investigations complémentaires ;

Attendu que le moyen proposé, qui revient à discuter la valeur des motifs de fait et de droit retenus par les juges, ne contient aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler contre un arrêt de la chambre d’accusation en l’absence de pourvoi du ministère public ;

D’où il suit que le moyen est irrecevable et qu’en application du texte susvisé, le pourvoi l’est également ;

Par ces motifs,

DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM.Schumacher, Martin, Pibouleau, Le Gall, Farge, Roger conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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