Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 mai 2000, 99-84.562, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 mai 2000, 99-84.562, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mai deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Jean-Claude,

contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 24 juin 1999, qui, pour présentation de comptes annuels infidèles et abus de biens sociaux, l’a condamné à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 437-2 de la loi du 24 juillet 1966 et des articles 591 à 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X… coupable de présentation ou publication de comptes inexacts et l’a, en conséquence, condamné à la peine de 15 mois d’emprisonnement avec sursis simple et à une amende de 50 000 francs ;

 » aux motifs qu’il ressort des travaux réalisés par le cabinet Fiduciaire des Pays de la Loire, de l’enquête préliminaire effectuée par l’antenne de Nantes du service régional de police judiciaire de Rennes, des pièces d’exécution du supplément d’information ordonné par le premier juge et de l’expertise comptable réalisée à la demande de la Cour que les comptes annuels de la SA Soboprim établis pour l’exercice 1988/ 89, clos le 30 septembre 1989, étaient inexacts en ce qu’ils avaient omis d’enregistrer diverses factures émanant de fournisseurs, pour un montant total de 1 070 820 francs hors taxes ; que le président du conseil d’administration de cette société, en exercice au moment des faits, a précisé que son rôle se bornait à passer une à deux fois par semaine dans les locaux de l’entreprise pour apposer sa signature sur les documents, chèques et effets que le prévenu ou le comptable de l’entreprise lui présentaient, la société Soboprim étant en réalité entièrement dirigée par Jean-Claude X… ; que M. Z…, comptable salarié, imputait clairement à Jean-Claude X… la responsabilité du défaut d’enregistrement de ces factures ; qu’au regard de ces éléments, en particulier de ceux figurant dans le rapport d’expertise comptable dressé par M. B…, les arguments développés par le prévenu sont dénués de tout fondement ; que la Cour observe que pour la réalisation de ses travaux aboutissant aux conclusions qu’il a formulées, l’expert a eu connaissance de l’ensemble des documents de la procédure, y compris ceux fournis par Jean-Claude X… et son conseil au cous des débats ; que si M. B… n’a pas procédé personnellement à l’audition de MM. Y…, C… et A…, les procès-verbaux contenant leurs déclarations lui ont été transmis et qu’il a eu tout loisir de les analyser ; que ces au bilan de l’exercice clos le 30 septembre 1989 de la société Soboprim, limitant ainsi à 62 468 francs le résultat déficitaire de cette

société ; que ce document a été utilisé dans le cadre des négociations relatives à la prise de contrôle par la société Delafoy de la société Soboprim ;

 » alors, d’une part, que le délit de présentation ou de publication de comptes annuels inexacts exige, pour être constitué, la caractérisation d’un élément intentionnel en ce que le prévenu a entendu dissimuler sciemment la véritable situation de la société ;

qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui n’a aucunement constaté la connaissance qu’avait Jean-Claude X… de l’inexactitude des comptes sociaux, n’a pas caractérisé son intention de tromper les actionnaires sur ces comptes ;

 » alors, d’autre part, qu’une décision de justice doit se suffire à elle-même et qu’il ne peut être suppléé au défaut de motifs ou à leur insuffisance par le seul visa des documents n’ayant fait l’objet d’aucune analyse ; qu’en se contentant d’affirmer, pour retenir Jean-Claude X… dans les liens de la prévention, qu’au regard des éléments figurant dans le rapport d’expertise comptable dressé par M. B…, les arguments développés par le prévenu étaient dénués de tout fondement sans procéder à une analyse de ces éléments ni même en reproduire la teneur, la cour d’appel a privé sa décision de motifs ;

 » alors, encore, que Jean-Claude X…, pour justifier de la comptabilisation des factures pour le montant de 1 070 819, 51 francs, faisait valoir que les opérations afférentes aux factures litigieuses avaient été régulièrement enregistrées en temps utile, c’est à dire au jour et avec toutes les mentions habituelles et que dès lors, la situation réelle de la société Soboprim était celle résultant du journal des achats, mais aussi des autres documents comptables, dont la balance générale des tiers, le grand livre des comptes et la balance générale des comptes, et il expliquait que les factures étant enregistrées en fonction de la date d’arrivage des marchandises, c’était la raison pour laquelle certaines d’entre elles relevaient de l’exercice suivant, ce dont il résultait que l’expert aurait dû examiner les documents comptables arrêtés au titre de l’exercice suivant pour être en mesure de dire s’il y avait eu ou non défaut de comptabilisation ; qu’en ne répondant pas à ce moyen dirimant, la cour d’appel a privé sa décision de motifs  » ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a reconnu établie l’existence d’un abus de biens sociaux à l’encontre de Jean-Claude X… ;

 » aux motifs que les investigations diligentées ont déterminé que le prévenu s’était attribué, sous couvert de frais de déplacement, une somme globale de 455 504, 53 francs prélevée sur la trésorerie de la société Soboprim au cours des exercices 1989/ 90 et 1990/ 91, sans être en mesure de produire la moindre pièce justificative ; que l’expert comptable a précisé être dans l’incapacité d’établir une quelconque correspondance entre ces prétendus frais et les factures établies par Soboprim à destination d’UNAPA, censées représenter le montant des frais engagés par Jean-Claude X… pour le compte de la société Fruits Expansion ;

qu’aucune convention écrite entre Soboprim, UNAPA et Fruits Expansion n’a été régularisée à l’effet de préciser les modalités de rémunération et de remboursement des frais qui auraient été exposés par Jean-Claude X… dans le cadre de son activité alléguée pour le compte de Fruits Expansion ; qu’il résulte clairement des pièces de la procédure que la somme de 406 294, 25 francs facturée par Soboprim à Fruits Expansion concernait la prise en charge par cette société d’une partie de la rémunération versée à Jean-Claude X… ; qu’elle était donc totalement étrangère à un problème de prise en charge de frais de déplacements ; que les deux prêts de 250 000 francs chacun consentis par la société Delafoy l’ont été à Soboprim et non à Jean-Claude Y… ; que celui-ci déclarait ignorer comment ces deux sommes avaient pu aboutir sur son compte courant d’associé ni à quoi elles avaient pu servir ; que M. C…, président du conseil d’administration de la société Delafoy, précisait qu’elles étaient destinées à régler des fournisseurs de Soboprim ; qu’aucune des personnes entendues n’a confirmé qu’elles avaient pour finalité de payer les frais de déplacement engagés par Jean-Claude X… dans le cadre de ses interventions pour Fruits Expansion ; ainsi qu’il n’y a pas lieu à ordonner le complément d’expertise comptable sollicité par le prévenu ;

 » alors, d’une part, que le délit d’abus de biens sociaux n’est caractérisé que si le prévenu a, intentionnellement, fait des biens de la société un usage contraire à l’intérêt de celle-ci et qu’il a agi dans un intérêt personnel ou pour favoriser une autre société dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ; qu’en ne caractérisant pas l’élément intentionnel du délit reproché à Jean-Claude X…, la cour d’appel a privé sa décision de motifs ;

 » alors, d’autre part, que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leurs sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que Jean-Claude X… faisait valoir qu’il s’était toujours fait rembourser ses frais de déplacement en présence de justificatifs car la pratique suivie par la société Soboprim était qu’aucun frais de déplacement ne devait être remboursé sans les pièces justificatives correspondantes et à l’appui de ses prétentions il versait une attestation du président-directeur général de la société Soboprim qui établissait que jusqu’à la fin du mois de mars 1990, ni l’expert comptable ni le commissaire aux comptes n’avaient jamais fait la moindre remarque sur d’éventuels dysfonctionnements ou anomalies ; que, dès lors, en tenant pour acquise l’existence d’anomalie pour retenir Jean-Claude X… dans les liens de la prévention, sur la seule assertion du cabinet Fiduciaire des Pays de la Loire, sans se prononcer sur le moyen tiré de ces éléments de preuve de nature à écarter l’existence d’un abus de biens, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

 » alors, enfin, que le juge ne peut refuser une offre de preuve d’un fait décisif ; qu’en l’espèce, pour justifier de l’existence d’une correspondance entre les frais prétendument injustifiés et les  » refacturations « , Jean-Claude X… demandait à ce qu’une expertise complémentaire soit ordonnée afin, d’une part, que l’expert examine le grand livre de la société Soboprim et qu’il entende comme sachants le commissaire aux comptes de la société Soboprim au cours de l’exercice 1988/ 89, Jean-Claude Y…, président-directeur général de la société Soboprim de 1987 à 1990, M. C…, président-directeur général de la société Delafoy et de Soboprim à compter d’avril 1990 et de M. A…, directeur général de la société Fruits Expansion, lesquels pouvaient fournir toutes informations sur l’existence des liens entre Fruits Expansion, Soboprim et UNAPA, sur l’existence des règles que ces sociétés avaient établis dans leurs relations et produire les justificatifs détenus par chacune d’elles ; qu’en refusant d’ordonner le complément d’expertise qui devait établir de façon certaine l’existence d’une correspondance entre les frais prétendument injustifiés et les  » refacturations « , la cour d’appel a privé sa décision de base légale  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, les délits de présentation de comptes annuels infidèles et d’abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

Qu’il s’ensuit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve, contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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