Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un novembre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– La SOCIETE LAMBDA, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de PARIS, en date du 13 décembre 2000, qui a partiellement déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée des chefs d’abus de biens sociaux et prise illégale d’intérêts ;
Vu l’article 575, alinéa 2, 2 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation du principe de la contradiction et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Attendu que, pour écarter les conclusions de la société Lambda, soutenant que l’ordonnance déférée avait été irrégulièrement prononcée, faute par le juge d’instruction d’avoir entendu la partie civile ou l’avoir invitée à présenter des observations sur l’irrecevabilité de la plainte qu’il envisageait de retenir, la chambre d’accusation énonce que le magistrat n’était pas soumis à une telle obligation et que la régularité de l’ordonnance ne saurait être contestée, dès lors que celle-ci peut être remise en cause par la voie de l’appel ;
Attendu qu’en cet état, la chambre d’accusation a justifié sa décision sans méconnaître les principes et texte invoqués ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, 432-13 du Code pénal, L. 242-6, 3 du Code de commerce ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, 432-13 du Code pénal, L. 225-251 et L. 225-252 du Code du commerce ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que les arrêts des chambres d’accusation sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas de motifs ou ne répondent pas aux articulations essentielles des mémoires des parties ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Lambda, actionnaire de la société Lagardère, a déposé plainte avec constitution de partie civile en exposant que cette dernière avait recruté des fonctionnaires ou d’anciens ministres qui avaient eu, dans l’exercice de leurs fonctions, des responsabilités dans le secteur d’activités du groupe ou avaient donné des avis sur les opérations du groupe ; qu’elle estimait que ces faits pouvaient constituer à la charge des personnes embauchées le délit de prise illégale d’intérêts, prévu par l’article 432-13 du Code pénal, dont les dirigeants de la société Lagardère se seraient rendus complices ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la plainte, la chambre d’accusation énonce que, même en admettant comme possible un préjudice découlant de la répercussion sur l’image internationale de la société Lagardère, de la confusion des genres entre intérêts privés et fonctionnaires publics que l’infraction visée a pour but d’éviter et de réprimer, ce préjudice ne saurait être considéré comme ayant été directement causé par l’infraction aux actionnaires ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans répondre aux articulations essentielles du mémoire faisant valoir, d’une part, que les faits reprochés constituaient également le délit d’abus du crédit de la société, lequel cause un préjudice direct aux actionnaires et, d’autre part, que la plainte avait été déposée non seulement à titre personnel mais aussi au nom de la société Lagardère, en application de l’article 245 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l’article L 225-252 du Code de commerce, la chambre d’accusation n’a pas donné de base légale à sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris, en date du 13 décembre 2000 et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;