Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un mars mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CARLIOZ, les observations de la société civile professionnelle ROUVIERE, LEPITRE et BOUTET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LECOCQ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
Y… Jean-Jacques,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, du 22 février 1990, qui, pour vol, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans et a prononcé sur les réparations civiles ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 379, 381 du Code pénal, 2, 388, d 485, 512, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de vol d’outillage et l’a en répression condamné à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans outre des condamnations civiles envers Me A… es-qualité de la société EFICA et M. X… ;
« aux motifs qu’il existe une concordance parfaite entre la date de l’enlèvement de ce matériel et la constatation par la gérante de la disparition des objets apportés par Y… lors de la constitution de la société et correspondant à 50 % du capital social ; que l’examen comparatif de la liste du matériel annexé aux statuts de la SARL EFICA en date du 31 mai 1986 et celle du matériel revendiqué par le prévenu lors de l’inventaire et la prise du matériel dépendant de la liquidation des biens de la FFIM (société à laquelle appartenait Y… et qui avait été constituée après la démission de ce dernier d’EFICA) révèle qu’il s’agit bien du même matériel (deux outillages pour fabriquer les broches à compression, marque à frapper INOX, marque à frapper FRANCE…) ; que la matérialité des faits est établie, à savoir que le prévenu a bien frauduleusement soustrait le matériel qu’il avait apporté en nature lors de la constitution de la société EFICA ; que l’intention coupable ne fait aucun doute ; qu’il y a bien eu détournement du capital de la société et donc vol puisque la SARL EFICA était devenue propriétaire du bien apporté, les associés n’en étant pas copropriétaires car la propriété de la chose est transférée avec les droits qui accompagnent cette chose ; qu’il est bien évident que même si un litige pouvait exister entre lui-même et la société EFICA, le prévenu ne pouvait se faire justice à lui-même ;
« alors, d’une part, que M. Z… n’étant pas gérant mais simple associé de la SARL, il n’avait pas qualité pour déposer plainte contre Y… ; que dès lors l’action publique ayant été irrégulièrement mise en mouvement, les condamnations prononcées contre le prévenu ne reposent sur aucun fondement légal ;
« alors, d’autre part, et à supposer que l’action publique puisse être tenue pour régulière, la cour d’appel ne pouvait estimer que le délit reproché au prévenu était établi dès lors qu’il n’était pas contesté que Y… détenait dans les locaux de la société, lieu de
son travail, du matériel personnel qu’il avait d emporté la veille de sa démission et qu’il n’existait aucune concordance entre la liste du matériel prétendument dérobé et celle du matériel que le témoin Perache avait déclaré avoir aidé Y… à emporter de la société ; qu’ainsi, l’élément matériel du délit n’étant pas caractérisé, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
« alors enfin qu’en toute hypothèse il existait un doute sur l’intention frauduleuse du prévenu qui, étant créancier de salaires sur la société pouvait légitimement croire qu’il pouvait, en contrepartie des sommes impayées par la société, reprendre le matériel, apport en nature, dont il était à l’origine propriétaire » ;
Attendu, d’une part, que l’irrecevabilité de l’action civile portée devant le juge d’instruction, à la supposer établie, ne saurait atteindre l’action publique qui, sauf le cas où sa mise en mouvement est subordonnée au dépôt d’une plainte de la victime, prend exclusivement sa source dans les réquisitions du ministère public tendant à ce qu’il soit informé par le juge d’instruction ; qu’en l’espèce, sur la plainte avec constitution de partie civile de Guy Z… pour vol contre Jean-Jacques Y…, associé de ce dernier au sein de la SARL EFICA, le ministère public, visant cette plainte et l’article 86 du Code de procédure pénale, a pris des réquisitions pour qu’il soit informé contre ledit Y… du chef précité ; que l’action publique a donc été régulièrement engagée ;
Attendu, d’autre part, que les énonciations de l’arrêt attaqué, reprises pour partie seulement au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que pour déclarer le prévenu coupable de vol, la cour d’appel, par motifs propres et adoptés, a caractérisé en tous ses éléments, y compris l’intention frauduleuse, l’infraction reprochée ;
Que le moyen qui, sous le couvert de prétendus défaut ou contradiction de motifs et manque de base légale, se borne à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait dès lors être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ; d
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Carlioz conseiller rapporteur, MM. de Bouillane de Lacoste, Jean Simon, Blin conseillers de la chambre, MM. Louise, Maron conseillers référendaires, M. Lecocq avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;